Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Récupération sur succession - Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP)
 

Dossier no 992230

M. C...
Séance du 11 juin 2001

Décision lue en séance publique le 17 août 2001

    Vu enregistré au conseil général de la Côte-d’Or le 1er février 1999 la requête présentée par M. Bernard C... et Mme Jacqueline C..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler les décisions du 26 novembre 1998 et du 20 février 1998 de la commission départementale d’aide sociale de la Côte-d’Or et de la commission d’admission à l’aide sociale de Dijon 7 décidant d’une récupération de 339 906,47 F de prestations d’aide sociale d’allocation compensatrice versées du vivant de leur frère, Jean-Louis C... sur le fondement de l’article 146 a du code de la famille et de l’aide sociale par le moyen qu’ils ont complètement assumé la charge effective et constante de leur frère, profondément handicapé ; que la commission départementale méconnaît la jurisprudence du Conseil d’Etat ; qu’ils sont dans la même situation que le requérant qui a bénéficié de cette jurisprudence ;
    Vu enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 5 juillet 1999 le mémoire en défense du président du conseil général de la Côte-d’Or tendant au rejet de la requête par les motifs qu’il n’y a pas de récupération lorsque les héritiers sont la tierce personne ; que le Conseil d’Etat a souligné que l’intéressé s’était effectivement occupé constamment de son fils depuis sa naissance et pendant son placement ; que, certes, il ne s’agit pas seulement d’une charge financière mais d’un soutien moral et affectif, ce que d’ailleurs les parents de M. Jean-Louis C... ont accompli eux-mêmes depuis la naissance de ce dernier et durant son placement jusqu’à leur décès, survenu en 1992 ; qu’en revanche, les consorts C... n’ont pris le relais de leurs parents qu’à partir de fin 1992 et ne peuvent être regardés comme ayant assumé de façon effective et constante la charge de M. Jean-Louis C..., décédé en 1995 ;
    Vu le mémoire en date du 27 décembre 2000 de M. Bernard C... et de Mme Jacqueline C... persistant dans leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que du vivant de leurs parents, leur frère était à leur charge effective et constante et que s’étant substitués à eux, ils sont dans la situation même sur laquelle a statué le Conseil d’Etat ;
    Vu les décisions attaquées ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale, et notamment son article 168 ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le décret no 90-1124 du 17 décembre 1990 ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 11 juin 2001 M. Goussot, rapporteur, M. Bernard C... en ses observations et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que pour contester que les consorts C... ont assumé de façon effective et constante la charge de la personne handicapée, le président du conseil général de la Côte-d’Or fait valoir, d’une part, qu’ils n’assumaient pas le rôle de tierce personne, d’autre part, qu’ils n’ont assumé la charge matérielle et morale dont ils se prévalent qu’après le décès de leurs parents en 1992 et jusqu’au décès de leur frère, non en 1995 mais en mars 1996 ;
    Considérant, d’une part, que la charge effective et constante du handicapé au sens de l’article 168 du code de la famille et de l’aide sociale n’est pas celle de la tierce personne qui ne peut être assurée, au cas comme en l’espèce de placement, que par le personnel du foyer, mais celle qui révèle de la part de ceux qui l’assument un engagement matériel et affectif apportant au handicapé, même placé, le soutien de type familial dont il conserve le besoin ;
    Considérant, d’autre part, que pour être « constante », la charge du handicapé ne doit pas nécessairement avoir été assumée tout au long de l’existence de celui-ci mais l’avoir été de manière constante, durant une période de temps suffisante, dans les circonstances particulières de chaque espèce, appréciées par l’administration sous le contrôle du juge de l’aide sociale ; qu’il résulte de l’instruction que M. Jean-Louis C..., handicapé mental profond est décédé le 4 mars 1996 à 45 ans ; que sa mère était décédée début 1992 et son père le 14 août 1992 ; qu’il n’est pas contesté qu’à compter de cette date, le frère et la sœur de M. Jean-Louis C... lui ont apporté sur tous les plans, affectif et matériel, le soutien qu’a entendu prendre en compte le législateur ; qu’il n’est pas non plus allégué, ce qui ne saurait d’ailleurs résulter de l’emploi du terme « la » (personne assumant la charge) par l’article 168 du code de la famille et de l’aide sociale, que, en toute hypothèse, un seul des héritiers est susceptible d’assumer seul ladite charge et non, notamment, un frère et une sœur conjointement ; que dans les circonstances particulières de l’espèce, compte tenu en outre de ce que les consorts C... ne se sont jamais désintéressés de leur frère et qu’il ressort du dossier que dès avant le décès de leurs parents, Mme Jacqueline C..., en tout cas, pourvoyait déjà aux besoins de son frère et lui apportait un soutien affectif, en lui rendant notamment de fréquentes visites et en le recevant chez elle, les consorts C... peuvent être regardés comme ayant apporté à leur frère, avant que celui-ci ne décède, un soutien tel qu’ils en avaient assumé la charge effective et constante ; que d’ailleurs, il ressort clairement du dossier que si M. Jean-Louis C... n’était pas décédé accidentellement en 1996, son frère et sa sœur auraient continué, comme ils l’ont fait après le décès de leurs parents, à lui apporter pendant le reste de sa vie le soutien qu’ils lui ont apporté jusqu’à son décès ; que, en toute hypothèse, le président du conseil général de la Côte-d’Or, qui se borne à soulever les deux moyens susanalysés ne soulève aucun moyen tendant à ce que la récupération soit exercée à l’encontre du seul M. Bernard C..., dans la limite de sa part de l’actif net successoral ; que, dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la requête ;

Décide

    Art. 1.  -  Les décisions de la commission départementale d’aide sociale de la Côte-d’Or du 26 novembre 1998 et de la commission d’admission à l’aide sociale de Dijon 7 du 20 février 1998 sont annulées.
    Art. 2.  -  Il n’y a lieu à récupération de 339 906,47 F à l’encontre de M. Bernard C... et de Mme Jacqueline C...
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi et de la solidarité à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 11 juin 2001 où siégeaient M. Levy, président, M. Pages, assesseur, et M. Goussot, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 17 août 2001.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer