Dispositions communes à tous les types daide sociale |
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RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Récupération de laide sociale - Récupération sur donation - Contrat dassurance-vie |
Dossier no 980873
M. L...
Séance du 29 novembre 2000
Décision lue en séance publique le 5 décembre 2000
Vu la requête en date du 13 mars 1998 de M. Michel L... tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler les décisions des 14 janvier 1998 et 23 janvier 1997 de la commission départementale daide sociale du Nord et de la commission dadmission à laide sociale de Lille nord-est en tant quelles décident à son encontre dune récupération sur donation au titre dun contrat dassurance-vie souscrit par sa mère, bénéficiaire avant son décès de prestations dallocation compensatrice, par les moyens que les textes de loi régissant lallocation compensatrice pour tierce personne et la prestation spécifique dépendance ne font à aucun moment état du contrat dassurance-vie et encore moins de son assimilation à une donation ; que la loi de finances pour 1998 le définit comme « livret de versement facultatif » ; quil ny a pas eu de cotisations avec un capital nayant jamais fait partie du patrimoine du souscripteur mais simple placement financier, au même titre que les autres ; que seuls les revenus du capital sont pris en compte pour la détermination du plafond de ressources ; quil ny a pas dépouillement irrévocable exigé par larticle 894 du code civil ; quil sagit dune valeur mobilière fiscalement exonérée des droits de succession dans certains cas ;
Vu le mémoire en date du 3 août 1998 du président du conseil général du Nord tendant au rejet de la requête par les motifs que le requérant na pas souhaité communiquer déléments supplémentaires concernant le contrat dassurance-vie ou la succession de sa mère, mais déclare être disposé à fournir des preuves à la commission centrale daide sociale ; quen tout état de cause lintention libérale est établie même si le capital versé na jamais fait partie du patrimoine du donateur stipulant ;
Vu enregistré le 27 septembre 2000 au secrétariat de la commission départementale daide sociale le mémoire en réplique de M. Michel L... persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et par les moyens que larrêt de la Cour de cassation dont se prévaut le président du conseil général ne sapplique pas à sa situation dès lors quil sagit dun capital effectivement versé ; que larticle L. 132-12 du code des assurances précise que le recours de laide sociale ne peut sexercer sur le capital dassurance-vie ; que la succession nayant été liquidée quen février 2000, il ne pouvait au 3 août 1998 communiquer des informations à son sujet ;
Vu le code civil ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de la famille et de laide sociale et les textes subséquents ;
Vu le décret no 90-1124 du 17 décembre 1990 ;
Après avoir entendu à laudience publique du 29 novembre 2000 M. Jourdin, rapporteur et les observations de M. Michel L..., et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Sans quil soit besoin de statuer sur lautre moyen ;
Considérant que sil appartient le cas échéant à ladministration et aux juridictions de laide sociale, sous réserve pour ces dernières dun renvoi préjudiciel à lautorité judiciaire en cas de difficultés sérieuses, de constater quun contrat dassurance-vie constitue en réalité une donation indirecte susceptible de donner lieu sur le capital perçu par le bénéficiaire après le décès du stipulant à récupération au titre du b de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale, la disqualification et la requalification du contrat ne sauraient être opérées que sil est établi par ladministration, qui a la charge de la preuve, que, comme lexpose larticle 894 du code civil, lintention du stipulant était au moment de la conclusion du contrat de consentir irrévocablement à une libéralité au profit des bénéficiaires et quil nexistait aucun doute quant à lissue de lopération par le versement par le promettant du capital promis au bénéficiaire, moyennant un versement des primes par le stipulant ;
Considérant en lespèce que ladministration se borne à faire état de ce que le bénéficiaire requérant na pas souhaité communiquer déléments supplémentaires à ceux quil a versés au dossier mais serait disposé à le faire devant la commission centrale et à faire valoir que lintention libérale du stipulant peut être établie, même si le capital versé après son décès au bénéficiaire na jamais fait partie de son patrimoine ;
Mais considérant, dune part, quil nest matériellement pas possible à la commission centrale daide sociale, quels que puissent être les pouvoirs inquisitoriaux du juge administratif, de pourvoir à supplément dinstruction compte tenu des moyens de fonctionnement qui lui sont alloués pour traiter le nombre de dossiers quelle traite et quil eut appartenu à ladministration de mettre en demeure M. Michel L... de fournir les pièces manquantes quelle estimait nécessaires ; que, dautre part, si cest à bon droit que ladministration fait valoir que labsence dinclusion antérieure dans le patrimoine du stipulant du capital versé après son décès au bénéficiaire ne suffit pas à écarter lintention libérale du stipulant, cette seule circonstance ne suffit pas non plus à létablir ;
Considérant dailleurs quil résulte des pièces du dossier soumis à la commission centrale daide sociale que si Mme Léontine L..., qui a perçu à compter du 1er août 1996 jusquà son décès des prestations dallocation compensatrice, a souscrit le 17 janvier 1994 à lâge de quatre-vingt-neuf ans auprès de La Poste un contrat dassurance-vie dit « Poste Avenir » en désignant par parts égales comme bénéficiaires ses enfants nés entre 1925 et 1937 et que ce contrat ne comportait pas de limitation du versement de primes dont le montant était librement déterminé par la stipulante en fonction desquelles, après le décès de celle-ci le 24 juin 1998, les bénéficiaires ont perçu du promettant un capital dun montant non précisé par le dossier, il ressort des pièces de celui-ci quen 1995 les primes étaient, par prélèvements automatiques sur le compte de Mme Léontine L..., de 433,00 F par mois et il nen ressort pas quaprès modification avec effet du 3 juillet 1996 de loption de versements réguliers, les primes en forme de versements libres payées par Mme Léontine L... aient été dune importance telle quelles aient équivalu en fait à un dessaisissement du patrimoine de celle-ci ; quau contraire il ressort de lensemble des pièces du dossier que Mme Léontine L... avait un patrimoine mobilier diversifié dont le contrat litigieux était un des éléments de la gestion par voie de placements divers et quainsi ce contrat pouvait être regardé comme lun des éléments de la gestion de son patrimoine par lassistée, malgré son âge comparé à celui de ses enfants et la dispense de rapport à succession que le contrat comportait ; que dailleurs lâge du souscripteur ne suffit pas à lui seul en matière dassurances à établir labsence daléa ; quenfin il nest pas contesté que le contrat comportait une faculté de résolution unilatérale de la part du stipulant, en récupérant non seulement les primes mais lépargne, également dénommée « rachat », alors quil nest par ailleurs pas allégué et ne ressort pas du dossier que soit intervenue une acceptation faisant obstacle à la faculté de rachat non contestée dont il sagit ;
Considérant quil résulte de lensemble des éléments de fait ci-dessus énoncés tels quils ressortent du dossier soumis à la commission centrale daide sociale, alors même que le contrat dassurance vie avait pour effet de permettre au bénéficiaire de percevoir au décès du stipulant le capital garanti sans rapport à la succession, quil nest pas établi que Mme Léontine L... eut entendu au moment de la souscription du contrat irrémédiablement consentir à la libéralité stipulée au bénéfice de ses enfants et quil nexistât aucun aléa quant à lissue de lopération, alors que le montant des primes versées na été, par ailleurs, disproportionné, ni en lui-même ni en comparaison des autres placements réalisés durant la même période pour la gestion du patrimoine mobilier de lintéressée ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que sans quil soit besoin en lespèce de renvoyer les parties à titre préjudiciel à se pourvoir devant lautorité judiciaire, il y a lieu de faire droit à la requête de M. Michel L... ;
Décide
Art. 1er. - Les décisions de la commission départementale daide sociale du Nord du 14 janvier 1998 et de la commission dadmission à laide sociale de Lille nord-est du 23 janvier 1997 sont annulées.
Art. 2. - Il ny a lieu à récupération dans le chef de M. Michel L... de tout ou partie de la somme de 19 312,00 F.
Art. 3. - La présente décision sera transmise au ministre de lemploi et de la solidarité à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 29 novembre 2000 où siégeaient M. Lévy, président, Mme Jegu assesseur, et M. Jourdin rapporteur.
Décision lue en séance publique le
La République mande et ordonne au ministre de lemploi et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | Le rapporteur |
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer