Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2122 |
CONDITIONS DADMISSION À LAIDE SOCIALE | ||
Mots clés : Conditions de territorialité - Convention internationale |
Dossier no 980564
M. Z...
Séance du 7 juillet 1999
Décision lue en séance publique le 22 mars 2000
Vu les recours formés les 15 avril 1998 et 23 novembre 1998 par M. Artan Z... et pour lintéressé, par Me Hélène G..., avocat, tendant à lannulation de la décision du 20 février 1998 en tant que la commission départementale daide sociale de la Savoie a refusé à M. Artan Z... le bénéfice de laide médicale pour la prise en charge des frais relatifs à son hospitalisation au centre hospitalier de Chambéry au motif que les conditions de séjour en France ne sont pas remplies ;
M. Z... indique dune part, que la préfecture de la Savoie lui a délivré une carte temporaire de séjour valable un an à compter du 20 octobre 1997 ;
Me G... soutient dautre part, que laide médicale constitue une créance vis-à-vis du conseil général et par voie de conséquence, un droit patrimonial au sens de larticle 1er du protocole no 1, qui, selon larticle 14 et linterprétation donnée par la Cour européenne des Droits de lhomme, ne doit souffrir daucune discrimination ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les observations du président du conseil général de la Savoie en date du 21 septembre 1998 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de la famille et de laide sociale et les textes subséquents ;
Vu la lettre du 31 mai 1999 invitant le requérant à présenter ses observations orales devant la juridiction ;
Après avoir entendu à laudience publique du 7 juillet 1999 Mlle Rinquin, rapporteur, les observations de Me G..., avocat de M. Z..., et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que M. Artan Z..., de nationalité albanaise, est entré en France le 22 décembre 1996 avec un visa touristique dun mois ; quil a été hospitalisé au centre hospitalier de Chambéry du 26 décembre 1996 au 13 janvier 1997 pour une pathologie résultant dun accident sur la voie publique dont il a été victime en mars 1993, en Albanie ;
Considérant que la préfecture de la Savoie, à la suite de la demande daide médicale effectuée le 9 avril 1997 par lintéressé, lui a accordé, compte tenu de son état de santé très dégradé, par décision du 16 avril 1997, le bénéfice de laide médicale pour « les soins dispensés dans un établissement de santé et les prescriptions ordonnées à cette occasion ainsi que les consultations externes, pour la période du 9 avril au 8 mai 1997, cette prise en charge étant délivrée en attendant que puisse être déterminée la collectivité compétente (Etat ou département) pour instruire le dossier » ; que cette décision provisoire qui ne repose sur lapplication daucune disposition législative ou réglementaire en vigueur na pu créer de Droit au profit de lintéressé au-delà du 8 mai 1997 ;
Considérant que le conseil général de la Savoie, saisi par M. Z... dune demande daide médicale à compter du 9 mai 1997, a décidé, par arrêté du 30 septembre 1997, le rejet de celle-ci pour le motif que le requérant « ne remplit pas les conditions de résidence : la prolongation de son séjour en France est exclusivement liée à des problèmes de santé, lintéressé nayant jamais eu lintention de sinstaller dans le département » ;
Considérant quà la suite de la notification de cette dernière décision, le 16 octobre 1997, à M. Z..., celui-ci a formé le recours, le 23 octobre 1997, en précisant quil était « dans limpossibilité de retourner dans (son) pays » et quil « savère quil ne pourra jamais (y) obtenir les soins nécessaires à son état », quil est « en situation de détresse » ;
Considérant que la commission départementale daide sociale de la Savoie a, le 20 février 1998, rejeté lappel de M. Z..., « les conditions de séjour en France nétant pas remplies » ; quà la suite de la notification qui lui en a été faite le 24 mars 1998, lintéressé a introduit un recours devant la commission centrale daide sociale, le 15 avril 1998, en invoquant, notamment, le fait que la préfecture de la Savoie lui avait délivré une carte temporaire de séjour à dater du 20 octobre 1997 jusquau 19 octobre 1998 ;
Considérant que, compte tenu de la carte de séjour dun an, valable du 20 octobre 1997 au 19 octobre 1998 délivrée à M. Z..., celui-ci remplissait la condition de résidence fixée par larticle 124 du code de la famille et de laide sociale, à la date du 20 février 1998, à laquelle sest prononcée la commission départementale ; que, par suite, cest à tort que celle-ci a estimé que lintéressé ne remplissait pas la condition de résidence nécessaire pour bénéficier de laide sociale ;
Considérant quil résulte de ce qui précède que M. Z... est en droit de bénéficier, à compter du 20 octobre 1997 de laide médicale ; que les frais correspondants doivent être supportés par le département de la Savoie, lieu de résidence de lintéressé à la date du 20 octobre 1997 ;
Considérant il est vrai, que dans un mémoire ampliatif présenté devant la commission centrale daide sociale lors de laudience du 7 juillet 1999, Me G..., avocat de M. Z..., a invoqué la Convention européenne des Droits de lhomme et des libertés fondamentales dont la France est signataire, en faisant valoir que « laide médicale constitue une créance vis-à-vis du conseil général et par voie de conséquence un droit patrimonial, au sens de larticle 1er du protocole no 1 qui, selon larticle 14 et linterprétation donnée par la Cour européenne des Droits de lhomme, ne doit souffrir daucune discrimination » et estimant que « la mesure de refus opposée en raison de labsence de régularité du séjour ou dune durée de présence insuffisante sur le territoire français ne repose sur aucune justification objective, raisonnable et proportionnée » ; que ce moyen tend à faire reconnaître le droit de lintéressé à bénéficier de laide sociale dès son entrée sur le territoire français ;
Considérant quil résulte de la combinaison des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des Droits de lhomme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, qui a valeur supralégislative, et à larticle 1er du protocole no 1 de cette convention (du 20 mars 1952), tels quinterprétés par la Cour européenne des Droits de lhomme, que les Etats signataires reconnaissent et assurent à toute personne relevant de leur juridiction la jouissance des droits et libertés reconnus par la convention sans distinction aucune ;
Considérant que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de lhomme, une distinction est discriminatoire au sens de larticle 14 de la Convention si elle « manque de justification objective et raisonnable », cest-à-dire si elle ne poursuit pas un « but légitime » ou sil ny a pas de « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens et le but visé » ;
Considérant par ailleurs, quil est reconnu que les Etats ont la possibilité dapprécier les situations en fonction de considérations « justifiées de manière objective et raisonnable » ;
Considérant que par décision en date du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel a indiqué que « les étrangers jouissent des droits à la protection sociale dès lors quils résident de manière stable et régulière sur le territoire français » ;
Considérant quil ressort de tout ce qui précède que les articles 124 et 187-1 du code de la famille et de laide sociale qui réservent le bénéfice de laide médicale aux personnes « résidant en France » énoncent une condition qui nest pas incompatible avec les dispositions de la convention européenne susrappelée ; que, par suite, le surplus des conclusions de M. Z... ne saurait être accueilli,
Décide
Article 1er. - La décision de la commission départementale daide sociale de la Savoie en date du 20 février 1998 est annulée.
Article 2. - M. Artan Z... est admis, à compter du 20 octobre 1997, au bénéfice de laide médicale pour la prise en charge des frais relatifs à son hospitalisation.
Article 3. - Les dépenses médicales relatives à laide médicale accordée à M. Artan Z... sont mises à la charge du département de la Savoie.
Article 4. - Le surplus des conclusions de la requête de M. Z... est rejeté.
Article 5. - La présente décision sera transmise au ministre de lemploi et de la solidarité à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 7 juillet 1999 où siégeaient M. Rosier, président, M. Rolland, assesseur, et Mlle Rinquin, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 22 mars 2000.
La République mande et ordonne au ministre de lemploi et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | Le rapporteur |
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer