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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Récupération sur donation
 

Dossier no 971380

Mme M...
Séance du 29 octobre 1999

Décision lue en séance publique le 29 octobre 1999

    Vu le recours formé, le 23 juin 1997, par la SCP G..., représentée par Maître Bruno Q..., agissant pour M. Georges B... et pour M. Marcel B... au droit de M. Jean B..., décédé le 26 septembre 1996, tendant à l’annulation d’une décision du 19 mars 1997 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Seine-et-Marne a rejeté pour tardiveté leur recours du 22 décembre 1995 contre la décision du 11 juillet 1994 du président du conseil général de procéder à la récupération du capital d’un contrat d’assurance vie souscrit à leur profit par Mme Marguerite M..., bénéficiaire de l’aide sociale aux personnes âgées, au motif que la décision de la commission d’admission notifiée le 26 septembre 1994 à M. Jean B... et à M. Georges B... n’a pas été contestée dans le délai de deux mois ;
    Les requérants soutiennent que la décision du 11 juillet 1994, notifiée le 26 septembre 1994, était déjà contestée par leur lettre du 6 octobre 1994 et qu’ils ont renouvelé leur contestation à la suite de l’émission des deux titres de recette de 40 000,00 F chacun, le 25 juillet 1995 ; que le département n’est pas fondé à appliquer l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale pour récupérer, à titre de donation, le capital d’assurance-vie souscrit à leur profit par leur tante, Mme Marguerite M..., le 4 décembre 1987 ; que les contrats d’assurance-vie sont insaisissables en application des articles L. 132-12 et L. 132-14 du code des assurances ; que selon la jurisprudence civile cette insaisissabilité est opposable à l’administration ; que selon la jurisprudence de la commission centrale d’aide sociale la récupération des sommes dues à l’aide sociale ne peut être effectuée en cas de séjour hospitalier sur le capital versé aux ayants droit du malade lors du décès de ce dernier ; qu’ils ne sont tenus d’aucune obligation d’aliments envers leur tante au regard du code civil ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les observations du président du conseil général de Seine-et-Marne du 9 septembre 1999 ;
    Vu le mémoire en réponse du 20 octobre 1999 de la SCP G... ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu les conclusions de M. Dessaint, commissaire du Gouvernement ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 29 octobre 1999 M. Boyer, rapporteur, ainsi que les observations orales de Me Bruno Q..., et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que par la décision attaquée en date du 19 mars 1997 la commission départementale d’aide sociale de Seine-et-Marne a prononcé l’irrecevabilité du recours du 22 décembre 1995 de MM. Jean et Georges B... contre la décision du 11 juillet 1994 autorisant le département à récupérer le montant de l’assurance-vie souscrite en leur faveur par Mme Marguerite M..., au motif que les requérants n’avaient pas contesté dans les deux mois ladite décision notifiée le 26 septembre 1994 ;
    Considérant que les notifications en cause ne comportent pas la désignation de l’instance de recours et prévoient l’exercice d’un recours motivé « par simple lettre » ; que dès lors la commission départementale d’aide sociale de Seine-et-Marne doit être regardée comme valablement saisie du recours formulé par lettre du 6 octobre 1994 de MM. Jean et Georges B... adressée à la direction de l’action sociale de Seine-et-Marne ; que de surcroît la commission départementale d’aide sociale se trouvait également saisie de la contestation en date du 22 décembre 1995 formulée contre les titres de recette émis le 25 juillet 1995 ; que la décision susvisée du 19 mars 1997 doit donc être annulée au titre de l’irrecevabilité prononcée à tort ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;
    Considérant que, aux termes de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale, « Des recours sont exercés par l’administration... contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les cinq ans qui ont précédé cette demande » ; qu’aux termes de l’article 4 du décret no 61-495 du 15 mai 1961, « Ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale... En cas de donation, le recours est exercé jusqu’à concurrence de la valeur des biens donnés par le bénéficiaire de l’aide sociale... Le montant des sommes à récupérer est fixé par la commission d’admission saisie par (le président du conseil général) » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que depuis le 5 juin 1992 et jusqu’à son décès, le 23 avril 1994, Mme Marguerite M... a été accueillie à la maison de retraite de B... avec une participation de l’aide sociale aux personnes âgées qui s’élève au montant net de 103 183,36 F compte tenu des ressources affectées aux frais de placement ; que par décision du 11 juillet 1994 la commission d’admission a autorisé le recours en récupération de l’assurance-vie souscrite par l’intéressée auprès de l’UAP, le 4 décembre 1987, pour un montant en capital de 80 000,00 F en faveur de ses neveux, M. Jean B... et M. Georges B... ; que deux titres de recette de 40 000,00 F chacun ont été émis, le 25 juillet 1995, à l’encontre de ces derniers, réputés donataires en application de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale ;
    Considérant que les juridictions d’aide sociale ont compétence pour connaître de l’ensemble des contestations relatives au recouvrement des sommes demandées à des particuliers en raison de dépenses exposées par une collectivité publique au titre de l’aide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, de question préjudicielle à l’autorité judiciaire ;
    Considérant que, aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte » ; qu’un tel acte se distingue normalement de la souscription d’un contrat d’assurance-vie ; que toutefois la qualification donnée par les parties à un contrat ne saurait faire obstacle au droit pour l’administration de l’aide sociale de rétablir, s’il y a lieu, sa nature exacte, sous le contrôle des juridictions de l’aide sociale ; que, le cas échéant, il lui incombe de constater que des primes versées dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie conclu au bénéfice d’un tiers constituent en réalité une donation donnant lieu à application de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale ;
    Considérant qu’en l’espèce la souscription d’un contrat d’assurance-vie, moyennant une prime unique de 80 000,00 F versée à l’UAP, le 4 décembre 1987, par Mme Marguerite M..., alors âgée de 92 ans, en faveur de ses neveux, MM. Jean et Georges B..., âgés respectivement de 75 ans et 72 ans, constitue une pure libéralité dépourvue de contrepartie et de tout aléa sérieux autre que le décès des bénéficiaires empêchant la réalisation du contrat du vivant de Mme M... ; que la commission d’admission n’a dès lors pas commis d’erreur d’appréciation en autorisant, par sa décision du 11 juillet 1994, la récupération, à titre de donation de fait, des sommes perçues à parts égales par les intéressés après le décès de leur tante, le 23 avril 1994 ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. Georges B... et M. Marcel B... au droit de M. Jean B... ne sont pas fondés à contester la décision du 11 juillet 1994 de la commission d’admission, ni les titres de recette émis par le département de Seine-et-Marne, le 25 juillet 1995, pour recouvrement de la somme de 40 000,00 F sur chacun d’eux ; que dès lors leur recours ne peut qu’être rejeté,

Décide

    Art. 1er. - La décision du 19 mars 1997 de la commission départementale d’aide sociale de Seine-et-Marne est annulée.
    Art. 2. - Les recours susvisés de M. Georges B... et de M. Marcel B... sont rejetés.
    Art. 3. - La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi et de la solidarité, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 29 octobre 1999 où siégeaient M. Belorgey, président, M. Vieu, assesseur, et M. Boyer, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 29 octobre 1999.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi et de la solidarité, en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer