Procédure dans le contentieux de l’aide sociale générale  

1330
 
  INSTANCE  
 

Mots clés : Personnes handicapées (aide sociale aux...). -  Allocation compensatrice pour tierce personne. -  Placement
 

Dossier no 971559

M. P...
Séance du 2 novembre 1999

Décision lue en séance publique le 28 décembre 1999

    Vu la requête formée le 5 mai 1997, par laquelle M. Armand P... demande l’annulation de la décision du 13 mars 1997 de la commission départementale d’aide sociale de l’Ain rejetant son recours contre les décisions du président du conseil général de l’Ain des 15 octobre 1996 et 29 décembre 1992 réduisant à concurrence de 90 % l’allocation compensatrice versée à M. Attilio P... et Mme Dominique P... ;
    Le requérant soutient que la commission départementale n’a pas statué de manière impartiale, étant composée de trois membres du conseil général ; qu’elle a fait une inexacte application des dispositions du décret no 77-1547 du 31 décembre 1977 ;
    Vu le mémoire en défense, en date du 27 novembre 1998, par lequel le président du conseil général de l’Ain conclut au rejet de la requête ; il soutient que sa décision du 29 décembre 1992 réduisant à concurrence de 90 % l’allocation compensatrice versée à Mme Dominique P..., n’ayant pas fait l’objet d’un recours devant la commission départementale d’aide sociale, ne peut être contestée en appel ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu la lettre du 7 juillet 1999 avertissant les parties de la date de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 2 novembre 1999 Mlle Verot, rapporteur, les observations orales de M. Armand P..., tuteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la régularité du jugement attaqué ;
    Considérant que si les requérants contestent la présence de trois conseillers généraux à la séance publique et au délibéré de la commission qui a statué sur leur demande, la composition de la commission départementale était sur ce point conforme aux dispositions de l’article 128 du code de la famille et de l’aide sociale issu de l’article 53 de la loi no 86-17 du 6 janvier 1986 dont la conventionnalité n’est en tout état de cause pas contestée ;
    Mais considérant que dans le dernier état des conclusions formulées devant elle le 13 mars 1997 avant la clôture de l’instruction par mémoire de même date, la commission départementale était saisie de conclusions concernant Mme P... et M. P... ; qu’elle n’a statué que sur les conclusions de Mme P... dont le nom est d’ailleurs exclusivement mentionné dans ses motifs ; qu’à supposer, comme le soutient le président du conseil général, qu’elle n’ait au contraire entendu statuer que sur les conclusions de M. P..., sa décision n’en demeurerait pas moins pareillement entachée d’omission à statuer en ce qui concerne les conclusions des demandes dont elle était saisie ; qu’il y a lieu par suite de l’annuler et d’évoquer lesdites demandes ;
    Sur les conclusions de M. et Mme P... ;
    Considérant que c’est par erreur matérielle que la lettre du 5 mai 1997 indique que la contestation des époux P... porte « sur la période du 1er décembre 1995 au 31 décembre 1996 » ; qu’il résulte de manière très claire de l’ensemble des productions des requérants qu’ils entendent bien, en réalité, contester les décisions intervenues en ce qui concerne les allocations qui leur sont respectivement dues, à tout le moins en tout état de cause, à compter du 1er novembre 1991 jusqu’à la date du décès de Mme P... et à compter de la réception de la demande d’allocation compensatrice ayant donné lieu aux décisions de la COTOREP des 26 août 1996 et 28 janvier 1997 en ce qui concerne M. P... ;
    Sur la recevabilité des demandes concernant Mme P... ;
    Considérant que la preuve de la notification à Mme P... de l’arrêté du 29 décembre 1992 du président du conseil général de l’Ain, dont il ne ressort au surplus d’aucune pièce du dossier qu’il comportât l’indication du délai de recours, n’est pas apportée ; que le 4 septembre 1996 Mme P... a formé un recours gracieux adressé au président du conseil général « par l’entremise de la COTOREP » et qu’eu égard à l’étroite intrication des compétences en la matière, le président de la COTOREP devait, ce qu’il paraît d’ailleurs avoir fait, transmettre le recours au président du conseil général ; que ce recours gracieux était dès lors recevable ; que ledit recours étant demeuré sans réponse, le recours de plein contentieux présenté à la commission départementale était recevable ;
    Considérant que si le président du conseil général de l’Ain n’a réduit, par décision expresse l’allocation de Mme P... pour la période ultérieure, que le 21 juillet 1997, il avait antérieurement implicitement rejeté la demande de Mme P... du 4 septembre 1996, qui portait tant sur l’allocation due pour la période d’effet de la première décision de la COTOREP du 11 février 1992 que sur la poursuite de la prise en charge durant la période d’effet de la décision de la COTOREP à intervenir à l’issue de cette période, décision qui est effectivement intervenue le 21 novembre 1996 et a été réformée par le tribunal du contentieux de l’incapacité de Lyon par décision du 29 avril 1997 en ce qui concerne ladite période courant du 1er octobre 1996 ; que dans ces conditions M. Armand P... venant aux droits de Mme Dominique P... décédée le 9 août 1999 est fondé à demander qu’il soit statué sur les droits de Mme P... à compter du 10 janvier 1992 jusqu’au 8 août 1999, alors, en tout état de cause, que la prescription biennale de l’article 39-III second alinéa de la loi du 30 juin 1975, qui n’est pas d’ordre public, n’est pas opposée ;
    Considérant par contre, en ce qui concerne la période du 1er novembre 1991 au 9 janvier 1992 que M. Armand P... ne fait valoir aucun moyen à l’encontre du motif distinct énoncé à l’article 2 de l’arrêté du 20 décembre 1992 ; qu’en ce qui concerne cette période ses conclusions ne peuvent être, dès lors, que rejetées ;
    Sur la recevabilité des conclusions de M. Attilio P... ;
    Considérant que M. Attilio P... a déposé une demande d’allocation compensatrice le 21 avril 1996, qui a donné lieu à des décisions de la COTOREP des 26 août 1996 et 28 janvier 1997 statuant sur la demande pour la période du 1er avril 1996 au 31 mars 2001 et fixant les taux prévus aux articles 3 et 4 du décret 77-1549 du 31 décembre 1977 respectivement à 60 % jusqu’au 1er septembre 1996 et à 80 % à compter de cette date ; que si M. P... se prévaut d’une décision en date du 15 décembre 1994 de la COTOREP reconnaissant « un taux de 80 % avec effet du 5 décembre 1994 », il ressort du dossier que cette décision rejette la demande d’allocation compensatrice et qu’il n’est pas contesté que ladite décision est devenu définitive ; que dans ces conditions les conclusions de M. Attilio P... ne sont recevables que pour compter du 1er avril 1996 ;
    Considérant, en définitive, que le juge se trouve valablement saisi de l’ensemble des demandes au titre de Mme Dominique P... contestant la suppression puis la réduction de 90 % de l’allocation compensatrice pour tierce personne du 10 janvier 1992 au 8 août 1999 et de celles au titre de M. Attilio P... du 1er avril 1996 pour la période d’effet des décisions de la COTOREP des 26 août 1996 et 31 janvier 1997, du 1er avril 1996 au 31 mars 2001 ;
    Sur les droits de M. et Mme P... ;
    Sur la compétence du président du conseil général ;
    Considérant que le président du conseil général était bien compétent en vertu de l’article 39 de la loi 30 juin 1975 et des textes pris pour son application pour prendre l’ensemble des décisions litigieuses intervenues en matière d’allocation compensatrice et qui ne relevaient pas de la compétence de la commission d’admission à l’aide sociale ;
    Sur les droits de Mme P... pour la période du 10 janvier 1992 au 23 octobre 1992 ;
    Considérant que M. Armand P... fait valoir que c’est à tort que le motif « hébergement en établissement non agréé au titre de l’aide sociale » lui a été opposé ;
    Considérant qu’il ne résulte d’aucune disposition de la loi du 30 juin 1975 et des textes pris pour son application que l’allocation compensatrice ne puisse être attribuée à une personne résidant dans un établissement non habilité au titre de l’aide sociale à l’hébergement des personnes handicapées ou des personnes âgées ; qu’ainsi c’est à tort que le président du conseil général de l’Ain s’est fondé sur ce motif pour refuser l’allocation pour la période du 10 janvier 1992 au 23 octobre 1992 ;
    Sur les droits de Mme P... pour les périodes du 28 octobre 1992 au 30 septembre 1996 et du 1er octobre 1996 au 8 août 1999 et sur les droits de M. Attilio P... pour les périodes du 1er avril 1996 au 31 mars 2001 ;
    Sur la légalité du principe de la réduction litigieuse ;
    Considérant que si l’article 4 du décret no 77-1547 du 31 décembre 1977 prévoit que le paiement de l’allocation compensatrice pour tierce personne est suspendu lorsque l’allocataire est accueilli dans un établissement d’hébergement en proportion de l’aide qui lui est assurée par le personnel de cet établissement, il résulte de l’article 1er dudit décret que ces dispositions ne s’appliquent qu’aux personnes accueillies à la charge de l’aide sociale ;
    Considérant qu’il n’est pas contesté que M. Attilio P... et Mme Dominique P... ont chacun en ce qui les concerne assumé les frais de leur hébergement en maison de retraite ; que dès lors le président du conseil général de l’Ain n’était pas fondé à suspendre comme il l’a fait à hauteur de 90 % le versement de l’allocation compensatrice au motif que les intéressés étaient admis à leurs frais en établissement d’hébergement pour personnes âgées ; que c’est par suite à tort que le président du conseil général de l’Ain a pour l’ensemble des périodes ci-dessus précisées procédé à une suspension ou à une réduction des prestations d’allocation compensatrice qui étaient dues à Mme et M. P... sur la base des taux fixés par les différentes décisions de la COTOREP ci-dessus rappelées et, en ce qui concerne Mme P... sur celle résultant quant au taux à prendre en compte du 1er octobre 1996 au 8 août 1999 de la décision susrappelée du tribunal du contentieux de l’incapacité de Lyon en date du 29 avril 1997, M. P... n’ayant en tout état de cause pas entendu dans son mémoire enregistré le 2 novembre 1999 renoncer à se prévaloir du bénéfice de cette décision juridictionnelle ;
    Sur les montants d’allocations revendiqués par M. et Mme P... ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 9 du décret no 77-1549 du 31 décembre 1977 : « les dispositions de l’article 2 du décret susvisés no 75-1197 du 16 décembre 1975 sont applicables à l’allocation compensatrice le plafond de ressources étant toutefois, conformément à l’article 39-II de la loi susvisée du 30 juin 1975 augmenté du montant de l’allocation accordée » ; qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 2 du décret du 16 décembre 1975 codifié à l’article D 821-2 du code de la sécurité sociale « lorsque le demandeur est marié et non séparé ... (le) plafond est augmenté d’une somme égale au chiffre limite de ressources mentionné à l’alinéa précédent » ; qu’il ne résulte pas des différents tableaux de calcul des allocations dues à M. Attilio P... et Mme Dominique P... établis dans les documents joints à la requête et produits en cours d’instance que les montants calculés ont été dans leur ensemble déterminés conformément aux dispositions réglementaires précitées ; que, notamment, contrairement à ce qui est soutenu, M. et Mme P... ne pouvaient être regardés comme « séparés » (de fait) au sens de l’article D 821-2 du code de la sécurité sociale, dès lors que la séparation qu’envisage cet article ne peut s’entendre du seul fait du placement même prolongé dans un centre de soins de longue durée de l’un ou de chacun des époux, laquelle ne met pas fin au devoir de secours entre eux en fonction de leurs ressources respectives ;
    Considérant que l’état du dossier ne permet pas à la commission de calculer elle-même les montants des allocations dues pour chacun des requérants pour l’ensemble des périodes ci-dessus précisées faisant, avant comme après le décès de Mme Dominique P..., l’objet de la présente décision ; que M. Attilio P... et M. Armand P... venant aux droits de Mme Dominique P... ne peuvent, dès lors, qu’être renvoyés devant le président du conseil général de l’Ain afin que les allocations qui sont dues à chacun des assistés soient respectivement liquidées conformément à l’ensemble des motifs de la présente décision ;

Décide

    Art. 1er. - La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Ain du 13 mars 1997 est annulée.
    Art. 2. - Les articles 3 et 4 de l’arrêté du président du conseil général de l’Ain en date du 29 décembre 1992, la décision implicite de rejet opposée par le président du conseil général de l’Ain à la demande en date du 4 septembre 1996, ainsi que la décision du président du conseil général de l’Ain du 21 juillet 1997 sont annulées.
    Art. 3. - L’allocation compensatrice pour tierce personne est due à Mme Dominique P... du 10 janvier 1992 au 8 août 1999 sur les bases déterminées dans les motifs de la présente décision.
    Art. 4. - L’allocation compensatrice pour tierce personne est due à M. Attilio P... à compter du 1er avril 1996 pour les périodes d’effet (1er avril 1996 au 31 août 1996 et 1er septembre 1996 au 31 mars 2001) fixées par les décisions de la COTOREP de l’Ain du 26 août 1996 et du 28 janvier 1997 en fonction des taux de 60 et 80 % respectivement fixés par lesdites périodes par lesdites décisions.
    Art. 5. - M. Armand P... en qualité de tuteur de M. Attilio P... et comme venant aux droits de Mme Dominique P... est renvoyé devant le président du conseil général de l’Ain aux fins de liquidation des allocations dues en vertu des articles 3 et 4 ci-dessus conformément à l’ensemble des motifs de la présente décision.
    Art. 6. - Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 7. - La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi et de la solidarité à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 2 novembre 1999 où siégeaient M. Levy, président, Mme Jegu, assesseur et Mlle Verot, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 28 décembre 1999.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer