Tribunal des conflits
N°C4318
Publié au recueil Lebon
M. MOLLARD, président
M. Pierre Collin, rapporteur
M. Lecaroz, rapporteur public
Lecture du lundi 8 juillet 2024
Vu, enregistré à son secrétariat le 16 mai 2024, l'arrêt du 7 mai 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Toulouse, saisie d'un appel formé par la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Bruno Raulet contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 juin 2022 rejetant sa demande tendant, notamment, à la décharge de l'obligation de payer procédant de trois saisies administratives à tiers détenteur notifiées le 19 avril 2019 par l'agent comptable de l'école nationale de l'aviation civile (ENAC) aux établissements bancaires teneur de ses comptes aux fins de recouvrement d'une créance de 549,62 euros détenue sur la société civile professionnelle (SCP) Isabelle Tirmant - Bruno Raulet, a renvoyé au Tribunal des conflits, par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu le jugement du 2 juillet 2020 du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Reims déclinant la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître des conclusions de la société Bruno Raulet tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant de ces trois mêmes saisies administratives à tiers détenteur en tant que ces conclusions sont fondées sur les moyens tirés de l'absence de procédure préalable de recouvrement amiable, d'erreurs dans la date du titre exécutoire et dans l'identité du débiteur et de l'absence de créance contre le tiers saisi.
Vu, enregistré le 21 juin 2024, le mémoire présenté par la société Bruno Raulet tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente par le motif que les contestations soulevées sont relatives à l'obligation de payer la créance en litige et à ce qu'une somme de 4000 euros soit mise à la charge de l'ENAC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à l'ENAC et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Collin, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Leduc Vigand pour la société d'exercice libéral à responsabilité (SELARL) Bruno Raulet ;
- les conclusions de M. Jean Lecaroz, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. L'école nationale de l'aviation civile (ENAC) a émis le 10 juillet 2018 un titre exécutoire à l'encontre de la société civile professionnelle (SCP) Isabelle Tirmant - Bruno Raulet en vue de la récupération d'une somme de 549,62 euros, correspondant à des redevances d'atterrissage qu'elle avait versées par erreur à cette SCP, mandataire judiciaire de la société d'exploitation de Vatry Aéroport (SEVE), après qu'un plan de cession était intervenu au profit de l'EPIC de l'aéroport de Vatry, nouveau gestionnaire de cette infrastructure. L'agent comptable de l'ENAC a, le 17 avril 2019, notifié aux établissements teneur des comptes bancaires de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Bruno Raulet, issue de la transformation de la SCP Isabelle Tirmant - Bruno Raulet, trois avis de saisie administrative à tiers détenteur aux fins de recouvrement de cette somme. La SELARL Bruno Raulet a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Reims d'une demande tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant de ces actes de poursuite. Par un jugement du 2 juillet 2020, le juge de l'exécution s'est reconnu compétent pour connaître de ces conclusions en tant qu'elles étaient fondées sur l'absence de mention de la date à laquelle les saisies avaient été effectuées et les a rejetées. Il a en revanche déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de ces mêmes conclusions en tant qu'elles étaient fondées sur les moyens tirés de l'absence de procédure préalable de recouvrement amiable, d'erreurs dans la date du titre exécutoire et dans l'identité du débiteur et de l'absence de créance contre le tiers saisi. La société Bruno Raulet a alors saisi le tribunal administratif de Toulouse de conclusions tendant, notamment, à la décharge de l'obligation de payer procédant des trois avis de saisie administrative à tiers détenteur émis 17 avril 2019. Par un jugement du 9 juin 2022, ce tribunal a rejeté ces conclusions comme irrecevables. Par un arrêt du 7 mai 2024, la cour administrative d'appel, après avoir annulé dans cette mesure le jugement du tribunal administratif, a renvoyé au Tribunal des conflits, sur le fondement de l'article 32 du décret du 27 février 2015, la question de l'ordre de juridiction compétent pour connaître de ces conclusions en tant qu'elles sont fondées sur les moyens tirés de ce que les saisies administratives à tiers détenteur n'ont pas été précédées de la phase de recouvrement amiable prévue par l'article 192 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, de ce que les avis de saisie comportent une erreur dans la date du titre exécutoire ainsi que dans l'identité du débiteur et de l'absence d'indication de la date des saisies, contestations qu'il a estimé relever de la compétence de la juridiction judiciaire.
2. En premier lieu, il ressort du jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Reims qu'ainsi qu'il a été dit, celui-ci n'a pas décliné la compétence de l'ordre judiciaire pour connaître des conclusions de la société Bruno Raulet tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant des trois saisies administratives à tiers détenteur en litige, en tant que ces conclusions étaient fondées sur l'absence de mention, dans les avis de saisie, de la date à laquelle lesdites saisies ont été opérées. Par suite, les conditions prévues par l'article 32 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions de compétence ne sont pas réunies pour ce qui concerne cette contestation.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Lorsque les contestations portent sur le recouvrement de créances détenues par les établissements publics de l'Etat (...) ces contestations sont adressées à l'ordonnateur de l'établissement public (...) pour le compte duquel l'agent comptable a exercé ces poursuites. / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : (...) b) Pour les créances non fiscales (...) des établissements publics de l'Etat (...) devant le juge de droit commun selon la nature de la créance ". Aux terme de l'article 1er du décret du 5 avril 2018 relatif à l'Ecole nationale de l'aviation civile : " L'Ecole nationale de l'aviation civile (ENAC) est un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel placé sous la tutelle du ministre chargé de l'aviation civile, constitué en grand établissement au sens de l'article L. 717-1 du code de l'éducation (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que les contestations relatives au recouvrement d'une créance non fiscale d'un établissement public de l'Etat relèvent, lorsqu'elles portent sur la régularité en la forme de l'acte de poursuite, de la compétence du juge de l'exécution et, lorsqu'elles portent sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée, de la compétence du juge de droit commun compte tenu de la nature de la créance, c'est-à-dire du juge compétent pour connaître d'une contestation de la régularité ou du bien-fondé de cette créance elle-même.
5. D'une part, aux termes de l'article 192 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Tout ordre de recouvrer donne lieu à une procédure de recouvrement amiable. Pendant la procédure amiable, l'agent comptable peut notifier au redevable une mise en demeure de payer prévue à l'article L. 257 du livre des procédures fiscales. En cas d'échec du recouvrement amiable, il appartient à l'agent comptable de décider l'engagement d'une procédure de recouvrement contentieux (...) ".
6. Une contestation tirée de ce qu'une saisie administrative à tiers détenteur n'aurait pas été précédée de la tentative de recouvrement amiable prévue par ces dernières dispositions se rattache à la régularité en la forme de cet acte de poursuite et non à l'exigibilité de la créance pour le recouvrement de laquelle cet acte est émis. Il en va de même d'une contestation tirée de ce que la mention, dans l'avis de saisie notifié au tiers détenteur et au débiteur, du titre exécutoire correspondant à cette créance comporterait une erreur quant à sa date. Il appartient en conséquence au juge judiciaire d'en connaître.
7. D'autre part, en revanche, une contestation tirée de ce que la personne visée par la saisie administrative à tiers détenteur n'a pas la qualité de débiteur des sommes dont le recouvrement est poursuivi est relative à l'obligation au paiement. Il appartient en conséquence au juge de droit commun compte tenu de la nature de la créance d'en connaître. La créance dont le recouvrement est poursuivi correspondant, en l'espèce, à la récupération par l'Ecole nationale de l'aviation civile, qui doit être regardée comme un établissement public administratif, d'une somme qu'elle a versée par erreur à un tiers, ce dernier juge est le juge administratif.
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ENAC la somme que demande la société Bruno Raulet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître des conclusions formées par la société Bruno Raulet à l'encontre de l'ENAC en tant qu'elles sont fondées sur l'absence de procédure de recouvrement amiable préalable aux saisies administratives à tiers détenteur et sur ce que les avis de saisies comporteraient une erreur sur la date du titre exécutoire.
Article 2 : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître des conclusions formées par la société Bruno Raulet à l'encontre de l'ENAC en tant qu'elles sont fondées sur ce que la société saisie ne serait pas la débitrice de la créance pour le recouvrement de laquelle les saisies administratives à tiers détenteurs ont été opérées.
Article 3 : Le jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Reims du 2 juillet 2020 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il décline la compétence de l'ordre judiciaire pour connaître des conclusions de la société Bruno Raulet tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant des trois saisies administratives à tiers détenteur du 17 avril 2019, en tant que ces conclusions sont fondées sur l'absence de phase de recouvrement amiable et l'erreur dans la mention de la date du titre exécutoire. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal dans cette mesure.
Article 4 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 7 mai 2024 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il renvoie au Tribunal des conflits le soin de se prononcer sur la question de compétence posée par la demande de la société Bruno Raulet, en tant qu'elle est fondée sur l'absence de mention dans les avis de saisie administrative à tiers détenteur de la date à laquelle ces saisies ont été opérées. Cet arrêt est également déclaré nul et non avenu en tant qu'il statue sur les conclusions de la société Bruno Raulet en tant qu'elles sont fondées sur ce que cette société n'est pas le débiteur des sommes recouvrées au moyen des saisies administratives à tiers détenteur. La cause et les parties sont renvoyées devant cette cour dans cette dernière mesure.
Article 5 : Les conclusions de la société Bruno Raulet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Bruno Raulet et à l'Ecole nationale de l'aviation civile.
N°C4318
Publié au recueil Lebon
M. MOLLARD, président
M. Pierre Collin, rapporteur
M. Lecaroz, rapporteur public
Lecture du lundi 8 juillet 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistré à son secrétariat le 16 mai 2024, l'arrêt du 7 mai 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Toulouse, saisie d'un appel formé par la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Bruno Raulet contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 juin 2022 rejetant sa demande tendant, notamment, à la décharge de l'obligation de payer procédant de trois saisies administratives à tiers détenteur notifiées le 19 avril 2019 par l'agent comptable de l'école nationale de l'aviation civile (ENAC) aux établissements bancaires teneur de ses comptes aux fins de recouvrement d'une créance de 549,62 euros détenue sur la société civile professionnelle (SCP) Isabelle Tirmant - Bruno Raulet, a renvoyé au Tribunal des conflits, par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu le jugement du 2 juillet 2020 du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Reims déclinant la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître des conclusions de la société Bruno Raulet tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant de ces trois mêmes saisies administratives à tiers détenteur en tant que ces conclusions sont fondées sur les moyens tirés de l'absence de procédure préalable de recouvrement amiable, d'erreurs dans la date du titre exécutoire et dans l'identité du débiteur et de l'absence de créance contre le tiers saisi.
Vu, enregistré le 21 juin 2024, le mémoire présenté par la société Bruno Raulet tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente par le motif que les contestations soulevées sont relatives à l'obligation de payer la créance en litige et à ce qu'une somme de 4000 euros soit mise à la charge de l'ENAC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à l'ENAC et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Collin, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Leduc Vigand pour la société d'exercice libéral à responsabilité (SELARL) Bruno Raulet ;
- les conclusions de M. Jean Lecaroz, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. L'école nationale de l'aviation civile (ENAC) a émis le 10 juillet 2018 un titre exécutoire à l'encontre de la société civile professionnelle (SCP) Isabelle Tirmant - Bruno Raulet en vue de la récupération d'une somme de 549,62 euros, correspondant à des redevances d'atterrissage qu'elle avait versées par erreur à cette SCP, mandataire judiciaire de la société d'exploitation de Vatry Aéroport (SEVE), après qu'un plan de cession était intervenu au profit de l'EPIC de l'aéroport de Vatry, nouveau gestionnaire de cette infrastructure. L'agent comptable de l'ENAC a, le 17 avril 2019, notifié aux établissements teneur des comptes bancaires de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Bruno Raulet, issue de la transformation de la SCP Isabelle Tirmant - Bruno Raulet, trois avis de saisie administrative à tiers détenteur aux fins de recouvrement de cette somme. La SELARL Bruno Raulet a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Reims d'une demande tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant de ces actes de poursuite. Par un jugement du 2 juillet 2020, le juge de l'exécution s'est reconnu compétent pour connaître de ces conclusions en tant qu'elles étaient fondées sur l'absence de mention de la date à laquelle les saisies avaient été effectuées et les a rejetées. Il a en revanche déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de ces mêmes conclusions en tant qu'elles étaient fondées sur les moyens tirés de l'absence de procédure préalable de recouvrement amiable, d'erreurs dans la date du titre exécutoire et dans l'identité du débiteur et de l'absence de créance contre le tiers saisi. La société Bruno Raulet a alors saisi le tribunal administratif de Toulouse de conclusions tendant, notamment, à la décharge de l'obligation de payer procédant des trois avis de saisie administrative à tiers détenteur émis 17 avril 2019. Par un jugement du 9 juin 2022, ce tribunal a rejeté ces conclusions comme irrecevables. Par un arrêt du 7 mai 2024, la cour administrative d'appel, après avoir annulé dans cette mesure le jugement du tribunal administratif, a renvoyé au Tribunal des conflits, sur le fondement de l'article 32 du décret du 27 février 2015, la question de l'ordre de juridiction compétent pour connaître de ces conclusions en tant qu'elles sont fondées sur les moyens tirés de ce que les saisies administratives à tiers détenteur n'ont pas été précédées de la phase de recouvrement amiable prévue par l'article 192 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, de ce que les avis de saisie comportent une erreur dans la date du titre exécutoire ainsi que dans l'identité du débiteur et de l'absence d'indication de la date des saisies, contestations qu'il a estimé relever de la compétence de la juridiction judiciaire.
2. En premier lieu, il ressort du jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Reims qu'ainsi qu'il a été dit, celui-ci n'a pas décliné la compétence de l'ordre judiciaire pour connaître des conclusions de la société Bruno Raulet tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant des trois saisies administratives à tiers détenteur en litige, en tant que ces conclusions étaient fondées sur l'absence de mention, dans les avis de saisie, de la date à laquelle lesdites saisies ont été opérées. Par suite, les conditions prévues par l'article 32 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions de compétence ne sont pas réunies pour ce qui concerne cette contestation.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Lorsque les contestations portent sur le recouvrement de créances détenues par les établissements publics de l'Etat (...) ces contestations sont adressées à l'ordonnateur de l'établissement public (...) pour le compte duquel l'agent comptable a exercé ces poursuites. / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : (...) b) Pour les créances non fiscales (...) des établissements publics de l'Etat (...) devant le juge de droit commun selon la nature de la créance ". Aux terme de l'article 1er du décret du 5 avril 2018 relatif à l'Ecole nationale de l'aviation civile : " L'Ecole nationale de l'aviation civile (ENAC) est un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel placé sous la tutelle du ministre chargé de l'aviation civile, constitué en grand établissement au sens de l'article L. 717-1 du code de l'éducation (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que les contestations relatives au recouvrement d'une créance non fiscale d'un établissement public de l'Etat relèvent, lorsqu'elles portent sur la régularité en la forme de l'acte de poursuite, de la compétence du juge de l'exécution et, lorsqu'elles portent sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée, de la compétence du juge de droit commun compte tenu de la nature de la créance, c'est-à-dire du juge compétent pour connaître d'une contestation de la régularité ou du bien-fondé de cette créance elle-même.
5. D'une part, aux termes de l'article 192 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Tout ordre de recouvrer donne lieu à une procédure de recouvrement amiable. Pendant la procédure amiable, l'agent comptable peut notifier au redevable une mise en demeure de payer prévue à l'article L. 257 du livre des procédures fiscales. En cas d'échec du recouvrement amiable, il appartient à l'agent comptable de décider l'engagement d'une procédure de recouvrement contentieux (...) ".
6. Une contestation tirée de ce qu'une saisie administrative à tiers détenteur n'aurait pas été précédée de la tentative de recouvrement amiable prévue par ces dernières dispositions se rattache à la régularité en la forme de cet acte de poursuite et non à l'exigibilité de la créance pour le recouvrement de laquelle cet acte est émis. Il en va de même d'une contestation tirée de ce que la mention, dans l'avis de saisie notifié au tiers détenteur et au débiteur, du titre exécutoire correspondant à cette créance comporterait une erreur quant à sa date. Il appartient en conséquence au juge judiciaire d'en connaître.
7. D'autre part, en revanche, une contestation tirée de ce que la personne visée par la saisie administrative à tiers détenteur n'a pas la qualité de débiteur des sommes dont le recouvrement est poursuivi est relative à l'obligation au paiement. Il appartient en conséquence au juge de droit commun compte tenu de la nature de la créance d'en connaître. La créance dont le recouvrement est poursuivi correspondant, en l'espèce, à la récupération par l'Ecole nationale de l'aviation civile, qui doit être regardée comme un établissement public administratif, d'une somme qu'elle a versée par erreur à un tiers, ce dernier juge est le juge administratif.
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ENAC la somme que demande la société Bruno Raulet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître des conclusions formées par la société Bruno Raulet à l'encontre de l'ENAC en tant qu'elles sont fondées sur l'absence de procédure de recouvrement amiable préalable aux saisies administratives à tiers détenteur et sur ce que les avis de saisies comporteraient une erreur sur la date du titre exécutoire.
Article 2 : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître des conclusions formées par la société Bruno Raulet à l'encontre de l'ENAC en tant qu'elles sont fondées sur ce que la société saisie ne serait pas la débitrice de la créance pour le recouvrement de laquelle les saisies administratives à tiers détenteurs ont été opérées.
Article 3 : Le jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Reims du 2 juillet 2020 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il décline la compétence de l'ordre judiciaire pour connaître des conclusions de la société Bruno Raulet tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant des trois saisies administratives à tiers détenteur du 17 avril 2019, en tant que ces conclusions sont fondées sur l'absence de phase de recouvrement amiable et l'erreur dans la mention de la date du titre exécutoire. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal dans cette mesure.
Article 4 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 7 mai 2024 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il renvoie au Tribunal des conflits le soin de se prononcer sur la question de compétence posée par la demande de la société Bruno Raulet, en tant qu'elle est fondée sur l'absence de mention dans les avis de saisie administrative à tiers détenteur de la date à laquelle ces saisies ont été opérées. Cet arrêt est également déclaré nul et non avenu en tant qu'il statue sur les conclusions de la société Bruno Raulet en tant qu'elles sont fondées sur ce que cette société n'est pas le débiteur des sommes recouvrées au moyen des saisies administratives à tiers détenteur. La cause et les parties sont renvoyées devant cette cour dans cette dernière mesure.
Article 5 : Les conclusions de la société Bruno Raulet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Bruno Raulet et à l'Ecole nationale de l'aviation civile.