Base de jurisprudence


Décision n° C4305
13 mai 2024
Tribunal des conflits

N°C4305
Publié au recueil Lebon

M. MOLLARD, président
M. Philippe Flores, rapporteur
M. Victor, commissaire du gouvernement


Lecture du lundi 13 mai 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu, enregistrée à son secrétariat le 22 décembre 2023, l'expédition de l'arrêt du 22 décembre 2023 par lequel le Conseil d'Etat (section du contentieux, 7ème et 2ème chambres réunies), saisi du pourvoi formé par le garde des sceaux, ministre de la justice, contre M. A... et la société d'économie mixte des transports en commun de l'agglomération nantaise (SEMITAN) et tendant à l'annulation de l'arrêt rendu le 24 février 2023 par la cour administrative d'appel de Nantes, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider de la question de compétence ;

Vu, enregistré le 18 mars 2024, le mémoire présenté par la SCP Waquet, Farge, Hazan pour M. A... et la société d'économie mixte des transports en commun de l'agglomération nantaise (SEMITAN), tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente ;

Vu, enregistré à son secrétariat le 2 avril 2024, le mémoire du garde des sceaux, ministre de la justice concluant à la compétence du juge judiciaire ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code de l'organisation judiciaire ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Flores, membre du Tribunal,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;


Considérant ce qui suit :

1. Le 1er février 2017, à Nantes, M. A..., conducteur de bus de la société d'économie mixte des transports en commun de l'agglomération nantaise (SEMITAN), a été témoin d'une agression et a été blessé en tentant d'interpeller l'auteur suspecté. Par jugement du 9 juin 2017, le tribunal correctionnel de Nantes a relaxé le prévenu des faits de violences à l'encontre de M. A... et a débouté ce dernier ainsi que la SEMITAN de leur action civile.

2. Recherchant la responsabilité de l'Etat au titre de l'intervention de M. A... en qualité de collaborateur occasionnel du service public, M. A... et la SEMITAN ont saisi le tribunal administratif de Nantes, qui, par jugement du 28 octobre 2021, a condamné l'Etat à réparer les préjudices résultant de l'intervention spontanée de M. A... en l'indemnisant à hauteur de 3 897,37 euros et la SEMITAN à hauteur de 1 636,31 euros. Par arrêt du 24 février 2023, la cour administrative d'appel a rejeté la requête du garde des sceaux, ministre de la justice, contre ce jugement ainsi que les conclusions présentées par M. A... et la SEMITAN par la voie de l'appel incident tendant, d'une part, à la confirmation des sommes allouées à la SEMITAN, d'autre part, à l'allocation à M. A... des sommes de 592,50 euros en réparation du déficit fonctionnel et de 3 500 euros en réparation des souffrances endurées. Le garde des sceaux, ministre de la justice a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt. Par arrêt du 22 décembre 2023, le Conseil d'Etat a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.

3. L'action fondée sur une responsabilité sans faute de l'État en raison du préjudice résultant d'une opération de police judiciaire relève de la compétence de la juridiction judiciaire. Il en va ainsi de l'action engagée par un collaborateur occasionnel du service public pour obtenir la réparation de dommages subis lors d'une opération de police judiciaire.

4. En conséquence, la demande de M. A..., qui se prévaut de la qualité de collaborateur occasionnel de la police judiciaire, en réparation des dommages subis à l'occasion de son intervention pour interpeller l'auteur présumé de faits de violences dont il avait été témoin, et celle de la SEMITAN, agissant par voie subrogatoire, relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire.


D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant M. A... et la société d'économie mixte des transports en commun de l'agglomération nantaise (SEMITAN) au garde des sceaux, ministre de la justice.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A..., à la société d'économie mixte des transports en commun de l'agglomération nantaise et au garde des sceaux, ministre de la justice.