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Ariane Web: Conseil d'État 487988, lecture du 12 mars 2025, ECLI:FR:CECHR:2025:487988.20250312

Décision n° 487988
12 mars 2025
Conseil d'État

N° 487988
ECLI:FR:CECHR:2025:487988.20250312
Inédit au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. David Gaudillère, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public


Lecture du mercredi 12 mars 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 487988, par une requête, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 5 septembre et 20 octobre 2023 et les 20 janvier et 3 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération française des motards en colère demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la Première ministre a refusé de faire droit à sa demande, formée par un courrier du 23 mai 2023, tendant à la mise en place de mesures alternatives de sécurité routière pour les motards en application de la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 ;

2°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires d'adopter de telles mesures alternatives de sécurité routière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



2° Sous le n° 490311, par une requête et quatre nouveaux mémoires, enregistrés le 19 décembre 2023, les 15 juin et 27 septembre 2024 et les 16 et 28 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, le décret n° 2023-974 du 23 octobre 2023 modifiant des dispositions du code de la route et du décret n° 2021-1062 du 9 août 2021, relatives à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, et dérogeant temporairement aux articles R. 323-14 et R. 323-18 du code de la route, et, d'autre part, l'arrêté du 23 octobre 2023 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports relatif au contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.








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3° Sous le n° 490418, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 décembre 2023, 19 novembre 2024 et 3 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération française des motards en colère demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, le décret n° 2023-974 du 23 octobre 2023 modifiant des dispositions du code de la route et du décret n° 2021-1062 du 9 août 2021, relatives à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, et dérogeant temporairement aux articles R. 323-14 et R. 323-18 du code de la route, et, d'autre part, l'arrêté du 23 octobre 2023 relatif au contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.








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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de la route ;
- le code des transports ;
- le décret n° 2022-1080 du 29 juillet 2022 ;
- le décret n° 2023-664 du 26 juillet 2023 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la Fédération française des motards en colère ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une requête enregistrée sous le numéro 487988, la Fédération française des motards en colère demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle la Première ministre a refusé de faire droit à sa demande, formée par un courrier du 23 mai 2023, tendant à la mise en place de mesures alternatives de sécurité routière pour les motards en application de la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 ainsi qu'à l'abandon de la mise en place du contrôle technique des véhicules deux-roues motorisés.

2. Par deux requêtes, enregistrées sous les numéros 490311 et 490418, M. A... et la Fédération française des motards en colère demandent l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, du décret du 23 octobre 2023 modifiant des dispositions du code de la route et du décret n° 2021-1062 du 9 août 2021, relatives à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, et dérogeant temporairement aux articles R. 323-14 et R. 323-18 du code de la route, et, d'autre part, de l'arrêté du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports du 23 octobre 2023 relatif au contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur.

3. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une même décision.

Sur le cadre juridique applicable :

4. Aux termes de son article 1er, la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques " établit les exigences minimales pour un dispositif de contrôle technique périodique des véhicules utilisés sur la voie publique ", son article 4 précisant que : " Chaque État membre veille à ce que les véhicules immatriculés sur son territoire soient périodiquement contrôlés conformément à la présente directive par les centres de contrôle autorisés par l'État membre où ces véhicules sont immatriculés ". Aux termes de l'article 2 de cette directive : " 1. La présente directive s'applique aux véhicules dont la vitesse par construction est supérieure à 25 km/h et appartenant aux catégories suivantes, telles que visées par les directives 2002/24/CE, 2003/37/CE et 2007/46/CE : / (...) - à compter du 1er janvier 2022, véhicules à deux ou trois roues - véhicules des catégories et sous-catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3 ; (...) / 2. Les États membres peuvent exclure de l'application de la présente directive les véhicules suivants, immatriculés sur leur territoire : / (...) véhicules de catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3, lorsque l'État membre a mis en place des mesures alternatives de sécurité routière pour les véhicules à deux ou trois roues, en tenant notamment compte des statistiques pertinentes en matière de sécurité routière pour les cinq dernières années. Les États membres communiquent ces exemptions à la Commission. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil fait obligation aux Etats membres de soumettre les véhicules à deux roues relevant des catégories et sous-catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3, à un dispositif de contrôle technique périodique, lequel doit alors être applicable à compter du 1er janvier 2022, sauf à ce qu'un Etat membre opte pour une exclusion de ces catégories de véhicules du champ du contrôle technique obligatoire, lorsqu'il a mis en place des mesures alternatives de sécurité routière, qui doivent alors tenir notamment compte des statistiques pertinentes de sécurité routière. Si l'Etat membre opte pour une telle exclusion, il doit alors communiquer les exemptions retenues à la Commission européenne. Enfin, il résulte des dispositions de la directive citées ci-dessus, éclairées notamment par ses considérants 1, 2, 3, 7 et 8, qu'elle a pour objectif, d'une part, le renforcement de la sécurité routière dans l'Union européenne et la diminution du nombre de décès liés aux transports routiers, et d'autre part, la réduction de leur impact sur l'environnement, et que le contrôle technique doit concourir à l'atteinte de ces objectifs. Il résulte, en particulier, des considérants 7 et 8 de la directive que la mise en place par les Etats membres d'un contrôle technique périodique a pour objectif de contrôler et de limiter la circulation des véhicules dont les systèmes de régulation des émissions fonctionnent mal, ces derniers ayant un impact sur l'environnement plus important que les véhicules correctement entretenus. La directive vise également à prévenir la manipulation frauduleuse ou la falsification de pièces et de composants de ces véhicules, susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement.

5. Le décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur a soumis l'ensemble des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur en circulation à une obligation de contrôle technique périodique à compter du 1er janvier 2023, suivant un calendrier d'échelonnement des contrôles par ancienneté des véhicules, et défini les conditions de mise en oeuvre de cette mesure, notamment les modalités d'échelonnement des contrôles à compter de cette même date, les conditions d'exercice de l'activité de contrôle par des centres spécifiquement agréés à cet effet, et les obligations qui leur incombent. Les articles 6 et 9 de ce décret ont été annulés par la décision n° 457398 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en tant qu'ils reportaient au-delà du 1er janvier 2022 l'entrée en vigueur de l'obligation de contrôle technique des véhicules de catégorie L3e, L4e, L5e et L7e de cylindrée supérieure à 125 cm3, et l'article 8 du même décret a été annulé par la même décision. Par une autre décision n° 456131 du même jour, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a par ailleurs annulé la décision du ministre chargé des transports du 12 août 2021 de " suspendre " le décret du 9 août 2021. Enfin, le décret du 25 juillet 2022 abrogeant le décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur a été annulé par la décision n° 466125 du 31 octobre 2022 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, au double motif qu'il n'avait pas été précédé d'une consultation du public et que ses dispositions ne pouvaient être regardées comme des mesures alternatives de sécurité routière prises au sens et pour l'application de la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014.

6. Par un nouveau décret du 23 octobre 2023 modifiant des dispositions du code de la route et du décret n° 2021-1062 du 9 août 2021, relatives à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, et dérogeant temporairement aux articles R. 323-14 et R. 323-18 du code de la route, le pouvoir réglementaire a modifié l'échéance du premier contrôle et la périodicité du contrôle technique des véhicules à moteur à deux ou trois roues et des quadricycles à moteur, prévu l'extension temporaire de l'agrément en cours de validité des contrôleurs et des centres au contrôle des véhicules de catégorie L, et exclu les motocyclettes d'enduro et de trial utilisées dans le cadre d'une pratique sportive du champ d'application du contrôle technique, en raison de leurs spécificités techniques et de leur faible circulation sur voies publiques. Ce décret abroge également le premier alinéa de l'article R. 323-15 du code de la route interdisant à un centre de contrôle d'être rattaché à plus d'un réseau et complète le régime des sanctions administratives prévues à l'article R. 323-14 du code de la route dans l'hypothèse où les conditions initiales de l'agrément des installations du centre de contrôle technique ne sont plus remplies postérieurement à la délivrance de son agrément.

7. Par un arrêté du 23 octobre 2023 relatif au contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports ont précisé le contenu et le déroulé du contrôle technique périodique, les règles statutaires applicables aux contrôleurs, centres de contrôle et réseaux, leurs moyens matériels et les modalités de la surveillance administrative de leur activité. Cet arrêté comporte également des dispositions transitoires échelonnant la mise en oeuvre du premier contrôle technique périodique en fonction de la date de première immatriculation des véhicules.

Sur la requête n° 487988 :

8. En adoptant le décret et l'arrêté du 23 octobre 2023, qui sont venus compléter les dispositions du décret du 9 août 2021, le Gouvernement a pris les mesures nécessaires à la transposition de la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, en mettant en place un contrôle technique obligatoire périodique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, sans choisir d'en exempter les véhicules de catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3, à raison de mesures alternatives de sécurité routière.

9. Par suite, et alors même que le choix effectué par le Gouvernement pour assurer la transposition de cette directive ne correspond pas à la demande que lui avait soumise la Fédération française des motards en colère, les conclusions de cette dernière, présentées par une requête enregistrée le 5 septembre 2023, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande en vue de l'adoption d'un ensemble de mesures alternatives de sécurité routière destinées à assurer la transposition de cette même directive et à ce qu'il soit enjoint au Gouvernement de les édicter, sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur les requêtes nos 490311 et 490418 :

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l'appui de la requête n° 490311 :

10. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

11. L'article L. 323-1 du code de la route, dans sa rédaction issue de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, dispose : " I. - Lorsqu'en application du présent code, des véhicules sont astreints à un contrôle technique, celui-ci est effectué par les services de l'Etat ou par des contrôleurs agréés par l'Etat dans des installations agréées. / Ces agréments peuvent être délivrés soit à des contrôleurs et installations indépendants, soit à des contrôleurs et installations organisés en réseaux d'importance nationale, sous réserve que les contrôleurs et les personnes physiques assurant l'exploitation de l'installation n'aient fait l'objet d'aucune condamnation inscrite au bulletin n° 2 de leur casier judiciaire. / Les fonctions de contrôleur ainsi que les autres fonctions exercées dans ces réseaux et installations sont exclusives de toute autre activité exercée dans la réparation ou le commerce automobile. / (...) ".

12. A l'appui de la question prioritaire de constitutionnalité qu'il soulève à l'encontre des dispositions de l'article L. 323-11 du code de la route, M. A... se borne à alléguer qu'elles porteraient atteinte à la liberté d'entreprendre, à la liberté contractuelle, à la liberté d'association, au principe d'égalité devant la loi et à la liberté de circulation en ce qu'elles prévoiraient des restrictions excessives à l'exercice de l'activité de contrôle technique. Toutefois, d'une part, il résulte des termes mêmes de l'article L. 323-1 du code de la route que, contrairement à ce que soutient le requérant, ces dispositions ne limitent pas l'accès à l'activité de contrôle technique aux seuls opérateurs agréés en réseau national, mais prévoient que les agréments puissent être également délivrés à des contrôleurs et installations indépendants. D'autre part, ces dispositions n'interdisent pas aux usagers de choisir librement parmi les différents contrôleurs agréés. Enfin, et en tout état de cause, la procédure d'agrément par l'Etat des contrôleurs chargés de procéder au contrôle technique répond à un objectif de sécurité. La limitation ainsi apportée à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle est proportionnée à cet objectif. Par ailleurs, les griefs tirés de ce que la procédure d'agrément porterait atteinte à la liberté d'association, au principe d'égalité devant la loi ou à la liberté de circulation ne sont pas assortis des précisions nécessaires pour permettre d'en apprécier le bien-fondé.

13. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, par suite, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

En ce qui concerne la légalité externe des actes attaqués :

14. En premier lieu, aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ". S'agissant d'un acte réglementaire, les ministres chargés de l'exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement son exécution. Si la Fédération française des motards en colère soutient que le décret et l'arrêté litigieux auraient dû être contresignés ou signés par le ministre de l'intérieur dès lors qu'ils sont susceptibles d'avoir une incidence sur la sécurité routière, il ressort des pièces du dossier que les mesures nécessaires à leur exécution, qui relèvent de la réglementation technique des véhicules, ne sont pas de celles que le ministre de l'intérieur serait compétent pour signer ou contresigner. Par suite, ce ministre n'est pas chargé de l'exécution du décret attaqué, qui n'avait pas, dès lors, à être soumis à son contreseing. De même, dès lors que l'exécution du décret attaqué n'appelle aucune mesure que le ministre chargé de l'économie et des finances serait compétent pour signer ou contresigner, ce ministre n'est pas chargé de l'exécution du décret attaqué, qui n'avait pas davantage à porter son contreseing.

15. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que, préalablement à son adoption, l'arrêté attaqué a été soumis à la participation du public par voie électronique entre le 26 juin et le 22 juillet 2023, par application des dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement. D'une part, si M. A... soutient que la plate-forme électronique servant à la consultation aurait connu des dysfonctionnements, en faisant valoir qu'il n'est pas parvenu à se connecter sur le site concerné en vue de faire part de sa contribution, il ne ressort pas des pièces du dossier, dès lors notamment que 16 155 contributions et avis ont été recueillis tout au long de la période de consultation, que les dysfonctionnements allégués auraient été tels qu'ils auraient privé le public de la possibilité de participer à la consultation. D'autre part, contrairement à ce que soutient la Fédération française des motards en colère, la note de présentation accompagnant les projets de décret et d'arrêté expose leur contexte et leur objet. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement doivent, dès lors, être écartés.

En ce qui concerne la légalité interne des actes attaqués :

16. En premier lieu, il est soutenu que le décret et l'arrêté attaqués méconnaîtraient la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques, en ce qu'ils imposent une obligation de contrôle technique aux véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles alors que des mesures alternatives de sécurité routière, prévues par le paragraphe 2 de l'article 2 de cette directive, avaient par ailleurs été adoptées et permettraient d'atteindre les objectifs de la directive.

17. Toutefois, d'une part, il résulte des termes mêmes de l'article 2 de la directive, cité au point 4, que si celle-ci permet aux Etats membres, à titre dérogatoire, d'exclure les véhicules à deux roues relevant des catégories et sous-catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3 du champ du contrôle technique obligatoire, à la condition expresse que des mesures alternatives efficaces de sécurité routière aient été prises pour atteindre ses objectifs en tenant notamment compte des statistiques pertinentes en matière de sécurité routière pour les cinq dernières années, la directive n'a nullement pour effet d'imposer aux Etats membres de renoncer au contrôle technique obligatoire s'ils mettent en place des mesures de sécurité routière. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 5, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a jugé que les mesures résultant du décret du 25 juillet 2022, auxquelles l'association requérante fait référence, ne pouvaient, dès lors qu'elles étaient trop ponctuelles et manifestement insuffisantes pour atteindre les objectifs de sécurité des usagers prévus par la directive, être regardées comme des mesures alternatives de sécurité routière au sens et pour l'application de l'article 2 de la directive, et a annulé ce décret pour ce motif.

18. Au demeurant, il résulte des éléments statistiques produits dans le cadre de la présente instance par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires que les premiers contrôles techniques effectués dans le cadre de la mise en oeuvre du décret et de l'arrêté attaqués ont fait ressortir qu'une part importante des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur en circulation présentaient des défaillances techniques dont certaines, telles le mauvais état des pneumatiques ou l'usure des plaquettes de frein, par leur nature, menacent la sécurité des usagers. Enfin, la circonstance alléguée que les propriétaires des véhicules concernés pourraient contourner le dispositif ou s'y soustraire par des pratiques délictueuses est, en tout état de cause, sans incidence sur la conformité des textes attaqués à la directive. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret et l'arrêté du 23 octobre 2023 méconnaîtraient les objectifs de la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 doit être écarté.

19. En deuxième lieu, la seule circonstance qu'un nombre significatif des accidents impliquant des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur soit lié à des facteurs autres que l'état du véhicule, tels qu'une erreur humaine ou l'état de la chaussée, ne suffit pas à établir que le décret et l'arrêté litigieux, en décidant la mise en oeuvre du contrôle technique de ces véhicules, conformément à ce qu'implique en principe la directive 2014/45/UE, seraient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier relatifs à la mise en oeuvre du décret et de l'arrêté du 23 octobre 2023, et notamment des éléments statistiques produits par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires qui font état de ce que plus de 45 % des 123 043 véhicules contrôlés entre le 15 avril et le 29 mai 2024 présentaient une ou plusieurs défaillances, dont plus de 11 % étaient graves et comportaient un risque de sécurité des véhicules, que l'obligation de contrôle technique puisse être regardée, ainsi qu'il est soutenu par l'association requérante, comme dépourvue d'utilité dans la poursuite de l'objectif d'amélioration de la sécurité routière. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachés le décret et l'arrêté attaqués doit être écarté.

20. En troisième lieu, aux termes du point 3 de l'article 2 de la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 : " Les Etats membres peuvent introduire des exigences nationales concernant le contrôle technique des véhicules immatriculés sur leur territoire qui ne relèvent pas du champ d'application de la présente directive (...) ". Il en résulte que le moyen soulevé par M. A..., tiré de ce que le décret attaqué, en étendant le contrôle technique obligatoire aux catégories de véhicules classées L1, L2 et L6, méconnaîtrait la directive dont l'article 2 limite le champ de l'obligation aux seules catégories L3, L4, L5 et L7, doit, en tout état de cause, être écarté.

21. Enfin, le moyen tiré de ce que les modalités retenues pour le contrôle technique des véhicules de certaines catégories conféreraient un monopole à certains organismes privés et ne permettraient pas de garantir le caractère " souverain " de cette activité, en méconnaissance des objectifs de la directive 2014/45/UE, n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé.

22. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret et de l'arrêté qu'ils attaquent.

Sur les frais d'instance :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante pour les instances n° 490311 et 490418. Il n'y a pas lieu de faire droit, pour l'instance n° 487988, à la demande présentée au même titre.

D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête n° 487988 de la Fédération des motards en colère.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A....
Article 3 : Les requêtes nos 490311 et 490418 de M. A... et de la Fédération française des motards en colère et le surplus des conclusions de la requête n° 487988 de la Fédération des motards en colère sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à la Fédération française des motards en colère, au Premier ministre, au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.
Délibéré à l'issue de la séance du 7 février 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat ; M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire et M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 12 mars 2025.


Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. David Gaudillère
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain




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