Conseil d'État
N° 465835
ECLI:FR:CECHR:2025:465835.20250128
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Olivier Pau, rapporteur
M. Bastien Lignereux, rapporteur public
DUPEYRON, avocats
Lecture du mardi 28 janvier 2025
Vu les procédures suivantes :
Par une décision du 12 juillet 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur les requêtes présentées par l'association Protéines France, par l'Union végétarienne européenne et l'association végétarienne de France et par la société Beyond Meat, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2022-947 du 29 juin 2022 relatif à l'utilisation de certaines dénominations employées pour désigner des denrées comportant des protéines végétales, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :
1° Les dispositions de l'article 7 du règlement (UE) n° 1169/2011, qui prescrivent la délivrance aux consommateurs d'informations ne les induisant pas en erreur sur l'identité, la nature et les qualités des denrées alimentaires, doivent-elles être interprétées en ce sens qu'elles harmonisent expressément, au sens et pour l'application du paragraphe 1 de l'article 38 de ce même règlement, la question de l'utilisation de dénominations de produits d'origine animale issues des secteurs de la boucherie, de la charcuterie et de la poissonnerie pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales, susceptibles d'induire le consommateur en erreur, faisant ainsi obstacle à ce qu'un Etat membre intervienne sur cette question par l'édiction de mesures nationales réglementant ou interdisant l'usage de telles dénominations '
2° Les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 1169/2011, qui prévoient que la dénomination par laquelle la denrée alimentaire est identifiée est, en l'absence de dénomination légale, son nom usuel ou un nom descriptif, combinées aux dispositions du paragraphe 4 de la partie A de son annexe VI, doivent-elles être interprétées en ce sens qu'elles harmonisent expressément, au sens et pour l'application du paragraphe 1 de l'article 38 de ce même règlement, la question du contenu et de l'utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, désignant des denrées alimentaires d'origine animale pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales, y compris dans l'hypothèse d'une substitution totale d'ingrédients d'origine végétale à la totalité des ingrédients d'origine animale composant une denrée, faisant ainsi obstacle à ce qu'un Etat membre intervienne sur cette question par l'édiction de mesures nationales réglementant ou interdisant l'usage de telles dénominations '
3° En cas de réponse positive à la première ou à la deuxième question, l'harmonisation expresse à laquelle procèdent, au sens et pour l'application du paragraphe 1 de l'article 38 du règlement (UE) n° 1169/2011, les dispositions des articles 7 et 17 de ce même règlement, combinées aux dispositions du paragraphe 4 de la partie A de son annexe VI, fait-elle obstacle :
a) à ce qu'un État membre édicte une mesure nationale prévoyant d'infliger des sanctions administratives en cas de manquement aux prescriptions et interdictions résultant des dispositions de ce règlement '
b) à ce qu'un État membre édicte une mesure nationale déterminant des taux de protéines végétales en deçà desquels l'utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, désignant des denrées alimentaires d'origine animale pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales, resterait autorisée '
4° En cas de réponse négative à la première et à la deuxième question, les dispositions des articles 9 et 17 du règlement (UE) n° 1169/2011 autorisent-elles un Etat membre :
a) à édicter une mesure nationale déterminant des taux de protéines végétales en deçà desquels l'utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, désignant des denrées alimentaires d'origine animale est permise pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales '
b) à édicter une mesure nationale interdisant l'usage de certaines dénominations usuelles ou descriptives, y compris lorsqu'elles sont accompagnées d'indications complémentaires garantissant l'information loyale du consommateur '
c) à édicter les mesures visées au 4. a) et au 4. b), uniquement à l'égard des produits fabriqués sur son territoire, sans, dans ce cas, méconnaître le principe de proportionnalité de ces mesures '
Par un arrêt n° C-438/23 du 4 octobre 2024, la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée sur ces questions.
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Vu les autres pièces des dossiers, y compris celles visées par la décision du Conseil d'Etat du 12 juillet 2023 ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 ;
- le code de la consommation ;
- la loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 4 octobre 2024
(C-438/23) ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Pau, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Hannotin Avocats, avocat de l'association Protéines France et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'Union végétarienne européenne et autre ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association Protéines France, l'Union végétarienne européenne, l'association végétarienne de France et la société Beyond Meat demandent au Conseil d'Etat, par trois requêtes qu'il y a lieu de joindre ainsi que l'a fait la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 12 juillet 2023, d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 29 juin 2022 relatif à l'utilisation de certaines dénominations employées pour désigner des denrées comportant des protéines végétales, pris pour l'application de l'article L. 412-10 du code de la consommation issu de l'article 5 de la loi du 10 juin 2020 relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires.
Sur le cadre juridique du litige :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 38 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires : " 1. Pour ce qui concerne les questions expressément harmonisées par le présent règlement, les États membres ne peuvent ni adopter ni conserver des mesures nationales, sauf si le droit de l'Union l'autorise. Ces mesures nationales ne peuvent entraver la libre circulation des marchandises, notamment donner lieu à une discrimination à l'encontre de denrées alimentaires provenant d'autres États membres (...) ".
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er (Objet et champ d'application) du même règlement : " 1. Le présent règlement contient les dispositions de base permettant d'assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en matière d'information sur les denrées alimentaires, dans le respect des différences de perception desdits consommateurs et de leurs besoins en information, tout en veillant au bon fonctionnement du marché intérieur (...) ". Pour l'application de ce règlement, le paragraphe 2 de son article 2 comporte les définitions suivantes : " n) " dénomination légale " : la dénomination d'une denrée alimentaire prescrite par les dispositions de l'Union qui lui sont applicables ou, en l'absence de telles dispositions, la dénomination prévue par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives applicables dans l'État membre dans lequel la denrée alimentaire est vendue au consommateur final ou aux collectivités ; / o) " nom usuel " : le nom reconnu comme étant la dénomination de la denrée alimentaire par les consommateurs de l'État membre dans lequel celle-ci est vendue, sans que de plus amples explications soient nécessaires ; / p) " nom descriptif " : un nom qui décrit la denrée alimentaire et, si nécessaire, son utilisation, et qui est suffisamment clair pour que les consommateurs puissent déterminer sa véritable nature et la distinguer des autres produits avec lesquels elle pourrait être confondue ; ". Aux termes de l'article 3 (Objectifs généraux) de ce règlement : " 1. L'information sur les denrées alimentaires tend à un niveau élevé de protection de la santé et des intérêts des consommateurs en fournissant au consommateur final les bases à partir desquelles il peut décider en toute connaissance de cause et utiliser les denrées alimentaires en toute sécurité, dans le respect, notamment, de considérations sanitaires, économiques, écologiques, sociales et éthiques (...) ". Aux termes de l'article 7 (Pratiques loyales en matière d'information) de ce règlement : " 1. Les informations sur les denrées alimentaires n'induisent pas en erreur, notamment : / a) sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et, notamment, sur la nature, l'identité, les qualités, la composition, la quantité, la durabilité, le pays d'origine ou le lieu de provenance, le mode de fabrication ou d'obtention de cette denrée ; / (...) / d) en suggérant au consommateur, au moyen de l'apparence, de la description ou d'une représentation graphique, la présence d'une denrée ou d'un ingrédient déterminé alors qu'il s'agit en fait d'une denrée dans laquelle un composant présent naturellement ou un ingrédient normalement utilisé dans cette denrée alimentaire a été remplacé par un composant ou un ingrédient différent. / 2. Les informations sur les denrées alimentaires sont précises, claires et aisément compréhensibles par les consommateurs. / (...) / 4. Les paragraphes 1, 2 et 3 s'appliquent également à : / a) la publicité ; / b) la présentation des denrées alimentaires et notamment à la forme ou à l'aspect donné à celles-ci ou à leur emballage, au matériau d'emballage utilisé, à la manière dont elles sont disposées ainsi qu'à l'environnement dans lequel elles sont exposées ". Selon l'article 9 de ce règlement (Liste des mentions obligatoires) : " 1. Conformément aux articles 10 à 35, et sous réserve des exceptions prévues dans le présent chapitre, les mentions suivantes sont obligatoires : / a) la dénomination de la denrée alimentaire (...) ". Aux termes de l'article 17 (Dénomination de la denrée alimentaire) de ce règlement : " 1. La dénomination de la denrée alimentaire est sa dénomination légale. En l'absence d'une telle dénomination, la dénomination de la denrée est son nom usuel. À défaut d'un tel nom ou si celui-ci n'est pas utilisé, un nom descriptif est à indiquer. / (...) / 5. Les dispositions spécifiques relatives à la dénomination de la denrée alimentaire et aux mentions dont celle-ci est assortie sont établies à l'annexe VI ". Aux termes du paragraphe 4 de la partie A (Mentions obligatoires dont la dénomination de la denrée alimentaire est assortie) de l'annexe VI (Dénominations de la denrée alimentaire et mentions particulières dont elle est assortie) à ce règlement : " Dans le cas de denrées alimentaires dans lesquelles un composant ou un ingrédient que les consommateurs s'attendent à voir normalement utilisé ou à trouver naturellement présent a été remplacé par un composant ou un ingrédient différent, l'étiquetage porte - outre la liste des ingrédients - une indication précise du composant ou de l'ingrédient utilisé pour la substitution partielle ou totale : / a) à proximité immédiate du nom du produit ; et / b) en utilisant un corps de caractère tel que la hauteur de x soit au moins égale à 75 % de celle du nom du produit et ne soit pas inférieure à la hauteur minimale du corps de caractère prévue à l'article 13, paragraphe 2, du présent règlement ".
4. En troisième lieu, d'une part, par l'arrêt du 4 octobre 2024 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux l'a saisie à titre préjudiciel dans les présents litiges, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 7 et 17 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires, ainsi que le point 4 de la partie A de l'annexe VI à ce règlement lus à la lumière des o) et p) du paragraphe 2 de l'article 2 et du a) du paragraphe 1 de l'article 9 de ce même règlement, doivent être interprétés en ce sens qu'ils harmonisent expressément, au sens du paragraphe 1 de l'article 38 de ce règlement, la protection des consommateurs du risque d'être induits en erreur par l'utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, constituées de termes issus des secteurs de la boucherie, de la charcuterie et de la poissonnerie pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales au lieu des protéines d'origine animale, y compris dans leur totalité, et, de ce fait, s'opposent à ce qu'un État membre édicte des mesures nationales qui réglementent ou interdisent l'usage de telles dénominations.
5. D'autre part, par ce même arrêt, la Cour de justice de l'Union européenne a également dit pour droit que le paragraphe 1 de l'article 38 règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires doit être interprété en ce sens que l'harmonisation expresse s'oppose à ce qu'un État membre édicte une mesure nationale déterminant des taux de protéines végétales en deçà desquels resterait autorisée l'utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, constituées de termes issus des secteurs de la boucherie et de la charcuterie pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales.
Sur la légalité du décret attaqué :
6. L'article L. 412-10 du code de la consommation, inséré par l'article 5 de la loi du 10 juin 2020 relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires a prévu que : " Les dénominations utilisées pour désigner des denrées alimentaires d'origine animale ne peuvent être utilisées pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires comportant des protéines végétales. Un décret fixe la part de protéines végétales au-delà de laquelle cette dénomination n'est pas possible. Ce décret définit également les modalités d'application du présent article et les sanctions encourues en cas de manquement ".
7. L'article 2 du décret attaqué, pris sur le fondement des dispositions législatives qui viennent d'être citées, dispose que : " Il est interdit d'utiliser, pour désigner un produit transformé contenant des protéines végétales : / 1° Une dénomination légale pour laquelle aucun ajout de protéines végétales n'est prévu par les règles définissant la composition de la denrée alimentaire concernée ; / 2° Une dénomination faisant référence aux noms des espèces et groupes d'espèces animales, à la morphologie ou à l'anatomie animale ; / 3° Une dénomination utilisant la terminologie spécifique de la boucherie, de la charcuterie ou de la poissonnerie ; / 4° Une dénomination d'une denrée alimentaire d'origine animale représentative des usages commerciaux ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " Par dérogation aux dispositions de l'article 2, la dénomination d'une denrée alimentaire d'origine animale peut être utilisée : / 1° Pour les denrées alimentaires d'origine animale contenant des protéines végétales dans une proportion déterminée lorsqu'une telle présence est prévue par la réglementation ou mentionnée dans la liste annexée au présent décret ; / 2° Pour désigner les arômes ou ingrédients alimentaires possédant des propriétés aromatisantes utilisés dans des denrées alimentaires ". Aux termes de l'article 4 de ce décret : " Les dénominations mentionnées à l'article 2 peuvent être utilisées dans les noms descriptifs des assemblages de denrées d'origine animale avec d'autres types de denrées qui ne se substituent pas aux denrées d'origine animale mais sont ajoutées en complément de ces dernières dans le cadre de ces assemblages ". Aux termes de l'article 6 de ce décret : " Il est interdit de détenir en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, de mettre en vente, de vendre ou de distribuer à titre gratuit des denrées qui ne répondent pas aux règles fixées dans le présent décret ". Aux termes de l'article 7 de ce décret : " Tout manquement aux dispositions de l'article 6 du présent décret est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 1 500 euros pour une personne physique et 7 500 euros pour une personne morale. / Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V du code de la consommation ".
8. S'il eût été loisible au législateur, d'une part, d'interdire l'utilisation de " dénominations légales ", au sens des dispositions du n) du paragraphe 2 de l'article 2 du règlement (UE) n° 1169/2011 citées au point 3, déjà réservées aux seules denrées alimentaires d'origine animale ou, d'autre part, d'instituer de telles dénominations, aux fins d'interdire l'utilisation de ces dénominations pour désigner des denrées alimentaires comportant des protéines végétales, il résulte des dispositions de l'article L. 412-10 du code de la consommation cité au point 6, éclairées par les travaux parlementaires préparatoires à l'adoption de l'article 5 de la loi du 10 juin 2020, que le législateur a exclusivement entendu encadrer l'utilisation de " noms usuels " ou de " noms descriptifs ", au sens des dispositions, respectivement, des o) et p) du paragraphe 2 de l'article 2 de ce règlement (UE) n° 1169/2011, pour désigner des denrées alimentaires à base de protéines végétales. Il s'ensuit que l'article L. 412-10 du code de la consommation a été adopté en méconnaissance de l'harmonisation expresse décrite au point 4, qui faisait obstacle à ce que le législateur adopte des dispositions régissant les dénominations qu'il a visées.
9. Il en résulte que le décret attaqué, qui a été pris pour l'application de dispositions législatives contraires au droit de l'Union européenne, est privé de base légale. Il suit de là, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leurs requêtes, que l'association Protéines France, l'Union végétarienne européenne, l'association végétarienne française ainsi que la société Beyond Meat, sont fondées à en demander l'annulation.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser, respectivement, à l'association Protéines France, à l'Union végétarienne européenne et autre et à la société Beyond Meat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le décret du 29 juin 2022 relatif à l'utilisation de certaines dénominations employées pour désigner des denrées comportant des protéines végétales est annulé.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à l'association Protéines France, une somme globale de 3 000 euros à l'Union végétarienne européenne et l'association végétarienne de France et une somme de 3 000 euros à la société Beyond Meat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Protéines Frances, à l'Union végétarienne européenne, première dénommée pour l'ensemble des requérantes sous la requête n° 467116, à la société Beyond Meat, au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, ainsi qu'à la société 77 Foods et à la société Nutrition et santé, premières dénommées, pour l'ensemble des cosignataires de leurs interventions respectives sous le n° 465835.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 janvier 2025 où siégeaient :
M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat ; M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Olivier Pau, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 28 janvier 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Pau
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, chacun en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :
N° 465835
ECLI:FR:CECHR:2025:465835.20250128
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Olivier Pau, rapporteur
M. Bastien Lignereux, rapporteur public
DUPEYRON, avocats
Lecture du mardi 28 janvier 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
Par une décision du 12 juillet 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur les requêtes présentées par l'association Protéines France, par l'Union végétarienne européenne et l'association végétarienne de France et par la société Beyond Meat, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2022-947 du 29 juin 2022 relatif à l'utilisation de certaines dénominations employées pour désigner des denrées comportant des protéines végétales, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :
1° Les dispositions de l'article 7 du règlement (UE) n° 1169/2011, qui prescrivent la délivrance aux consommateurs d'informations ne les induisant pas en erreur sur l'identité, la nature et les qualités des denrées alimentaires, doivent-elles être interprétées en ce sens qu'elles harmonisent expressément, au sens et pour l'application du paragraphe 1 de l'article 38 de ce même règlement, la question de l'utilisation de dénominations de produits d'origine animale issues des secteurs de la boucherie, de la charcuterie et de la poissonnerie pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales, susceptibles d'induire le consommateur en erreur, faisant ainsi obstacle à ce qu'un Etat membre intervienne sur cette question par l'édiction de mesures nationales réglementant ou interdisant l'usage de telles dénominations '
2° Les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 1169/2011, qui prévoient que la dénomination par laquelle la denrée alimentaire est identifiée est, en l'absence de dénomination légale, son nom usuel ou un nom descriptif, combinées aux dispositions du paragraphe 4 de la partie A de son annexe VI, doivent-elles être interprétées en ce sens qu'elles harmonisent expressément, au sens et pour l'application du paragraphe 1 de l'article 38 de ce même règlement, la question du contenu et de l'utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, désignant des denrées alimentaires d'origine animale pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales, y compris dans l'hypothèse d'une substitution totale d'ingrédients d'origine végétale à la totalité des ingrédients d'origine animale composant une denrée, faisant ainsi obstacle à ce qu'un Etat membre intervienne sur cette question par l'édiction de mesures nationales réglementant ou interdisant l'usage de telles dénominations '
3° En cas de réponse positive à la première ou à la deuxième question, l'harmonisation expresse à laquelle procèdent, au sens et pour l'application du paragraphe 1 de l'article 38 du règlement (UE) n° 1169/2011, les dispositions des articles 7 et 17 de ce même règlement, combinées aux dispositions du paragraphe 4 de la partie A de son annexe VI, fait-elle obstacle :
a) à ce qu'un État membre édicte une mesure nationale prévoyant d'infliger des sanctions administratives en cas de manquement aux prescriptions et interdictions résultant des dispositions de ce règlement '
b) à ce qu'un État membre édicte une mesure nationale déterminant des taux de protéines végétales en deçà desquels l'utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, désignant des denrées alimentaires d'origine animale pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales, resterait autorisée '
4° En cas de réponse négative à la première et à la deuxième question, les dispositions des articles 9 et 17 du règlement (UE) n° 1169/2011 autorisent-elles un Etat membre :
a) à édicter une mesure nationale déterminant des taux de protéines végétales en deçà desquels l'utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, désignant des denrées alimentaires d'origine animale est permise pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales '
b) à édicter une mesure nationale interdisant l'usage de certaines dénominations usuelles ou descriptives, y compris lorsqu'elles sont accompagnées d'indications complémentaires garantissant l'information loyale du consommateur '
c) à édicter les mesures visées au 4. a) et au 4. b), uniquement à l'égard des produits fabriqués sur son territoire, sans, dans ce cas, méconnaître le principe de proportionnalité de ces mesures '
Par un arrêt n° C-438/23 du 4 octobre 2024, la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée sur ces questions.
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Vu les autres pièces des dossiers, y compris celles visées par la décision du Conseil d'Etat du 12 juillet 2023 ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 ;
- le code de la consommation ;
- la loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 4 octobre 2024
(C-438/23) ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Pau, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Hannotin Avocats, avocat de l'association Protéines France et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'Union végétarienne européenne et autre ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association Protéines France, l'Union végétarienne européenne, l'association végétarienne de France et la société Beyond Meat demandent au Conseil d'Etat, par trois requêtes qu'il y a lieu de joindre ainsi que l'a fait la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 12 juillet 2023, d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 29 juin 2022 relatif à l'utilisation de certaines dénominations employées pour désigner des denrées comportant des protéines végétales, pris pour l'application de l'article L. 412-10 du code de la consommation issu de l'article 5 de la loi du 10 juin 2020 relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires.
Sur le cadre juridique du litige :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 38 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires : " 1. Pour ce qui concerne les questions expressément harmonisées par le présent règlement, les États membres ne peuvent ni adopter ni conserver des mesures nationales, sauf si le droit de l'Union l'autorise. Ces mesures nationales ne peuvent entraver la libre circulation des marchandises, notamment donner lieu à une discrimination à l'encontre de denrées alimentaires provenant d'autres États membres (...) ".
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er (Objet et champ d'application) du même règlement : " 1. Le présent règlement contient les dispositions de base permettant d'assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en matière d'information sur les denrées alimentaires, dans le respect des différences de perception desdits consommateurs et de leurs besoins en information, tout en veillant au bon fonctionnement du marché intérieur (...) ". Pour l'application de ce règlement, le paragraphe 2 de son article 2 comporte les définitions suivantes : " n) " dénomination légale " : la dénomination d'une denrée alimentaire prescrite par les dispositions de l'Union qui lui sont applicables ou, en l'absence de telles dispositions, la dénomination prévue par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives applicables dans l'État membre dans lequel la denrée alimentaire est vendue au consommateur final ou aux collectivités ; / o) " nom usuel " : le nom reconnu comme étant la dénomination de la denrée alimentaire par les consommateurs de l'État membre dans lequel celle-ci est vendue, sans que de plus amples explications soient nécessaires ; / p) " nom descriptif " : un nom qui décrit la denrée alimentaire et, si nécessaire, son utilisation, et qui est suffisamment clair pour que les consommateurs puissent déterminer sa véritable nature et la distinguer des autres produits avec lesquels elle pourrait être confondue ; ". Aux termes de l'article 3 (Objectifs généraux) de ce règlement : " 1. L'information sur les denrées alimentaires tend à un niveau élevé de protection de la santé et des intérêts des consommateurs en fournissant au consommateur final les bases à partir desquelles il peut décider en toute connaissance de cause et utiliser les denrées alimentaires en toute sécurité, dans le respect, notamment, de considérations sanitaires, économiques, écologiques, sociales et éthiques (...) ". Aux termes de l'article 7 (Pratiques loyales en matière d'information) de ce règlement : " 1. Les informations sur les denrées alimentaires n'induisent pas en erreur, notamment : / a) sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et, notamment, sur la nature, l'identité, les qualités, la composition, la quantité, la durabilité, le pays d'origine ou le lieu de provenance, le mode de fabrication ou d'obtention de cette denrée ; / (...) / d) en suggérant au consommateur, au moyen de l'apparence, de la description ou d'une représentation graphique, la présence d'une denrée ou d'un ingrédient déterminé alors qu'il s'agit en fait d'une denrée dans laquelle un composant présent naturellement ou un ingrédient normalement utilisé dans cette denrée alimentaire a été remplacé par un composant ou un ingrédient différent. / 2. Les informations sur les denrées alimentaires sont précises, claires et aisément compréhensibles par les consommateurs. / (...) / 4. Les paragraphes 1, 2 et 3 s'appliquent également à : / a) la publicité ; / b) la présentation des denrées alimentaires et notamment à la forme ou à l'aspect donné à celles-ci ou à leur emballage, au matériau d'emballage utilisé, à la manière dont elles sont disposées ainsi qu'à l'environnement dans lequel elles sont exposées ". Selon l'article 9 de ce règlement (Liste des mentions obligatoires) : " 1. Conformément aux articles 10 à 35, et sous réserve des exceptions prévues dans le présent chapitre, les mentions suivantes sont obligatoires : / a) la dénomination de la denrée alimentaire (...) ". Aux termes de l'article 17 (Dénomination de la denrée alimentaire) de ce règlement : " 1. La dénomination de la denrée alimentaire est sa dénomination légale. En l'absence d'une telle dénomination, la dénomination de la denrée est son nom usuel. À défaut d'un tel nom ou si celui-ci n'est pas utilisé, un nom descriptif est à indiquer. / (...) / 5. Les dispositions spécifiques relatives à la dénomination de la denrée alimentaire et aux mentions dont celle-ci est assortie sont établies à l'annexe VI ". Aux termes du paragraphe 4 de la partie A (Mentions obligatoires dont la dénomination de la denrée alimentaire est assortie) de l'annexe VI (Dénominations de la denrée alimentaire et mentions particulières dont elle est assortie) à ce règlement : " Dans le cas de denrées alimentaires dans lesquelles un composant ou un ingrédient que les consommateurs s'attendent à voir normalement utilisé ou à trouver naturellement présent a été remplacé par un composant ou un ingrédient différent, l'étiquetage porte - outre la liste des ingrédients - une indication précise du composant ou de l'ingrédient utilisé pour la substitution partielle ou totale : / a) à proximité immédiate du nom du produit ; et / b) en utilisant un corps de caractère tel que la hauteur de x soit au moins égale à 75 % de celle du nom du produit et ne soit pas inférieure à la hauteur minimale du corps de caractère prévue à l'article 13, paragraphe 2, du présent règlement ".
4. En troisième lieu, d'une part, par l'arrêt du 4 octobre 2024 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux l'a saisie à titre préjudiciel dans les présents litiges, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 7 et 17 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires, ainsi que le point 4 de la partie A de l'annexe VI à ce règlement lus à la lumière des o) et p) du paragraphe 2 de l'article 2 et du a) du paragraphe 1 de l'article 9 de ce même règlement, doivent être interprétés en ce sens qu'ils harmonisent expressément, au sens du paragraphe 1 de l'article 38 de ce règlement, la protection des consommateurs du risque d'être induits en erreur par l'utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, constituées de termes issus des secteurs de la boucherie, de la charcuterie et de la poissonnerie pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales au lieu des protéines d'origine animale, y compris dans leur totalité, et, de ce fait, s'opposent à ce qu'un État membre édicte des mesures nationales qui réglementent ou interdisent l'usage de telles dénominations.
5. D'autre part, par ce même arrêt, la Cour de justice de l'Union européenne a également dit pour droit que le paragraphe 1 de l'article 38 règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires doit être interprété en ce sens que l'harmonisation expresse s'oppose à ce qu'un État membre édicte une mesure nationale déterminant des taux de protéines végétales en deçà desquels resterait autorisée l'utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, constituées de termes issus des secteurs de la boucherie et de la charcuterie pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales.
Sur la légalité du décret attaqué :
6. L'article L. 412-10 du code de la consommation, inséré par l'article 5 de la loi du 10 juin 2020 relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires a prévu que : " Les dénominations utilisées pour désigner des denrées alimentaires d'origine animale ne peuvent être utilisées pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires comportant des protéines végétales. Un décret fixe la part de protéines végétales au-delà de laquelle cette dénomination n'est pas possible. Ce décret définit également les modalités d'application du présent article et les sanctions encourues en cas de manquement ".
7. L'article 2 du décret attaqué, pris sur le fondement des dispositions législatives qui viennent d'être citées, dispose que : " Il est interdit d'utiliser, pour désigner un produit transformé contenant des protéines végétales : / 1° Une dénomination légale pour laquelle aucun ajout de protéines végétales n'est prévu par les règles définissant la composition de la denrée alimentaire concernée ; / 2° Une dénomination faisant référence aux noms des espèces et groupes d'espèces animales, à la morphologie ou à l'anatomie animale ; / 3° Une dénomination utilisant la terminologie spécifique de la boucherie, de la charcuterie ou de la poissonnerie ; / 4° Une dénomination d'une denrée alimentaire d'origine animale représentative des usages commerciaux ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " Par dérogation aux dispositions de l'article 2, la dénomination d'une denrée alimentaire d'origine animale peut être utilisée : / 1° Pour les denrées alimentaires d'origine animale contenant des protéines végétales dans une proportion déterminée lorsqu'une telle présence est prévue par la réglementation ou mentionnée dans la liste annexée au présent décret ; / 2° Pour désigner les arômes ou ingrédients alimentaires possédant des propriétés aromatisantes utilisés dans des denrées alimentaires ". Aux termes de l'article 4 de ce décret : " Les dénominations mentionnées à l'article 2 peuvent être utilisées dans les noms descriptifs des assemblages de denrées d'origine animale avec d'autres types de denrées qui ne se substituent pas aux denrées d'origine animale mais sont ajoutées en complément de ces dernières dans le cadre de ces assemblages ". Aux termes de l'article 6 de ce décret : " Il est interdit de détenir en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, de mettre en vente, de vendre ou de distribuer à titre gratuit des denrées qui ne répondent pas aux règles fixées dans le présent décret ". Aux termes de l'article 7 de ce décret : " Tout manquement aux dispositions de l'article 6 du présent décret est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 1 500 euros pour une personne physique et 7 500 euros pour une personne morale. / Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V du code de la consommation ".
8. S'il eût été loisible au législateur, d'une part, d'interdire l'utilisation de " dénominations légales ", au sens des dispositions du n) du paragraphe 2 de l'article 2 du règlement (UE) n° 1169/2011 citées au point 3, déjà réservées aux seules denrées alimentaires d'origine animale ou, d'autre part, d'instituer de telles dénominations, aux fins d'interdire l'utilisation de ces dénominations pour désigner des denrées alimentaires comportant des protéines végétales, il résulte des dispositions de l'article L. 412-10 du code de la consommation cité au point 6, éclairées par les travaux parlementaires préparatoires à l'adoption de l'article 5 de la loi du 10 juin 2020, que le législateur a exclusivement entendu encadrer l'utilisation de " noms usuels " ou de " noms descriptifs ", au sens des dispositions, respectivement, des o) et p) du paragraphe 2 de l'article 2 de ce règlement (UE) n° 1169/2011, pour désigner des denrées alimentaires à base de protéines végétales. Il s'ensuit que l'article L. 412-10 du code de la consommation a été adopté en méconnaissance de l'harmonisation expresse décrite au point 4, qui faisait obstacle à ce que le législateur adopte des dispositions régissant les dénominations qu'il a visées.
9. Il en résulte que le décret attaqué, qui a été pris pour l'application de dispositions législatives contraires au droit de l'Union européenne, est privé de base légale. Il suit de là, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leurs requêtes, que l'association Protéines France, l'Union végétarienne européenne, l'association végétarienne française ainsi que la société Beyond Meat, sont fondées à en demander l'annulation.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser, respectivement, à l'association Protéines France, à l'Union végétarienne européenne et autre et à la société Beyond Meat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le décret du 29 juin 2022 relatif à l'utilisation de certaines dénominations employées pour désigner des denrées comportant des protéines végétales est annulé.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à l'association Protéines France, une somme globale de 3 000 euros à l'Union végétarienne européenne et l'association végétarienne de France et une somme de 3 000 euros à la société Beyond Meat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Protéines Frances, à l'Union végétarienne européenne, première dénommée pour l'ensemble des requérantes sous la requête n° 467116, à la société Beyond Meat, au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, ainsi qu'à la société 77 Foods et à la société Nutrition et santé, premières dénommées, pour l'ensemble des cosignataires de leurs interventions respectives sous le n° 465835.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 janvier 2025 où siégeaient :
M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat ; M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Olivier Pau, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 28 janvier 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Pau
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, chacun en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :