Conseil d'État
N° 471753
ECLI:FR:CECHR:2024:471753.20241230
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Paul Levasseur, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats
Lecture du lundi 30 décembre 2024
Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le président de l'université Toulouse III Paul Sabatier a constaté qu'elle avait abandonné son poste le 24 mars 2017, d'autre part, d'enjoindre à l'université de procéder à l'exécution de la décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 22 juin 2015. Par un jugement n° 1802045 du 24 décembre 2019, ce tribunal administratif a annulé l'arrêté du 19 octobre 2017 et rejeté le surplus de la demande de Mme A....
Par un arrêt n° 20TL20661 du 30 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par l'université Toulouse III Paul Sabatier contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 30 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'université Toulouse III Paul Sabatier demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de Mme A..., la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure civile ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Paul Levasseur, auditeur,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de l'université Toulouse III Paul Sabatier et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme B... A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme A... a été recrutée par l'université Toulouse III Paul Sabatier, à compter du 1er octobre 2001, pour effectuer des vacations en qualité de psychologue au sein du service interuniversitaire de médecine préventive et de promotion de la santé. Elle a demandé, par lettre du 4 mai 2010, la reconnaissance de sa qualité d'agent contractuel et le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée à compter du mois d'octobre 2007. Par un jugement du 26 septembre 2013, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision implicite par laquelle l'université Toulouse III Paul Sabatier a rejeté cette demande. Par un arrêt du 22 juin 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé cette annulation et enjoint à l'université de procéder à la régularisation du contrat de travail à durée indéterminée de Mme A..., avec effet rétroactif au 1er octobre 2007, et à la liquidation et au mandatement des sommes dues. Mme A..., qui n'assurait plus de vacations depuis septembre 2010, a signé le 7 février 2017 le contrat à durée indéterminée proposé par l'université Toulouse III Paul Sabatier en exécution de cet arrêt. Elle n'a cependant pas pris ses fonctions en dépit des courriers qui lui ont été adressés par l'établissement. Par un arrêté du 19 octobre 2017, le président de l'université Toulouse III Paul Sabatier a prononcé son licenciement pour abandon de poste à la date du 24 mars 2017. Par un jugement du 24 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a, sur demande de Mme A..., annulé cet arrêté. L'université Toulouse III Paul Sabatier se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 décembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
Sur le pourvoi :
2. D'une part, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé et l'informant du risque encouru d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable.
3. Si l'obligation pour l'administration d'impartir à l'agent un délai approprié pour rejoindre son poste et de l'avertir que, faute de le faire, il sera radié des cadres constitue une condition nécessaire pour que soit caractérisée une situation d'abandon de poste, et non une simple condition de procédure, il n'en va pas de même de l'indication qui doit lui être donnée, dans la mise en demeure écrite qui lui est adressée, que l'abandon de poste pourra être constaté sans procédure disciplinaire préalable.
4. D'autre part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'université Toulouse III Paul Sabatier a soutenu dans sa requête d'appel que le tribunal administratif avait insuffisamment motivé son jugement en ne répondant pas au moyen de défense invoqué devant lui, tiré de ce que Mme A... n'avait pas, dans les circonstances de l'espèce, été privée d'une garantie du fait de l'absence de mention, dans la mise en demeure qui lui avait été adressée, de ce que l'abandon de poste pourrait être constaté sans procédure disciplinaire préalable. Pour écarter ce moyen d'appel, la cour a jugé que le moyen de défense soulevé devant le tribunal administratif était inopérant et que le tribunal n'avait pas à y répondre, dès lors que l'absence de cette précision dans la mise en demeure ne pouvait être considérée comme une irrégularité de procédure mais était une condition nécessaire pour que soit constaté cet abandon de poste. En statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit. Il s'ensuit que l'université Toulouse III Paul Sabatier est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur l'appel :
7. La requête d'appel de l'université Toulouse III Paul Sabatier doit être regardée comme dirigée contre les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif.
8. Ainsi qu'il a été dit au point 5, l'université Toulouse III Paul Sabatier soutenait à l'appui de ses écritures en défense devant le tribunal administratif que le vice de procédure tiré de l'absence de précision, dans la mise en demeure adressée à Mme A..., du fait que son abandon de poste pourrait être constaté sans procédure disciplinaire préalable ne l'avait pas privée, en l'espèce, d'une garantie. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant, et a ainsi entaché son jugement d'irrégularité. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête d'appel de l'université, les articles 1er et 2 de ce jugement doivent être annulés.
9. Il y a lieu d'évoquer l'affaire, dans les limites de l'annulation ainsi prononcée, et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du président de l'université Toulouse III Paul Sabatier du 19 octobre 2017 :
En ce qui concerne la régularité de la procédure de licenciement pour abandon de poste :
10. Il ressort des pièces du dossier que la mise en demeure adressée à Mme A..., datée du 16 mars 2017, lui demandait de reprendre ses fonctions au sein du service interuniversitaire de médecine préventive le 24 mars 2017 à 8h30 dernier délai en l'informant qu'en cas d'absence à cette date elle s'exposerait à ce que l'université constate qu'elle entendait rompre son lien avec le service et " tire les conséquences de cet abandon de poste ". Cette mise en demeure, qui n'informe pas Mme A... que son licenciement pourrait être mis en oeuvre sans bénéfice des garanties de la procédure disciplinaire, était donc incomplète et, de ce fait, entachée d'un vice susceptible d'avoir privé l'intéressée d'une garantie.
11. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que cette mise en demeure a été signifiée à Mme A... à son domicile par acte d'huissier de justice le 20 mars 2017 et que l'huissier de justice, en son absence, a, conformément aux articles 656 et 658 du code de procédure civile, laissé à son domicile un avis de passage mentionnant que lui était signifié un courrier de l'université Toulouse III Paul Sabatier qui devrait être retiré dans le plus bref délai à son étude et une copie de l'acte de signification, mentionnant qu'elle était mise en demeure de rejoindre son service le 24 mars 2017 à 8h30, d'autre part que Mme A... s'est abstenue d'aller chercher cet acte à l'étude avant le 24 mars à 17 h, c'est-à-dire postérieurement à la date à laquelle elle avait été mise en demeure de rejoindre son poste, sans faire état d'aucune circonstance l'ayant empêchée de prendre connaissance plus tôt de l'intégralité des mentions de l'acte qui lui était signifié. Dans ces circonstances, Mme A... ne peut utilement soutenir que l'absence de mention, dans le courrier de mise en demeure, de ce que l'abandon de poste pourrait être constaté, à l'expiration du délai fixé, sans mise en oeuvre de la procédure disciplinaire l'aurait privée de la garantie que constitue cette mention.
En ce qui concerne le bien-fondé du licenciement pour abandon de poste :
12. Lorsqu'à la suite d'une mise en demeure de rejoindre son poste dans un délai approprié, l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention de reprendre son service avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, l'administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.
13. En premier lieu, il est constant qu'à la suite de la signature de son contrat de travail, le 7 février 2017, d'une part, Mme A... a été invitée par deux fois par l'université Toulouse III Paul Sabatier à prendre ses fonctions, en vain, et qu'elle ne s'est pas non plus présentée spontanément au service, d'autre part qu'elle n'a fait état d'aucune circonstance qui l'en aurait empêchée. Dans ces circonstances, en lui enjoignant, par un courrier signifié le lundi 20 mars 2017 à son domicile, de reprendre son service le vendredi 24 mars 2017 à 8h30 dernier délai, faute de quoi elle serait regardée comme ayant rompu de son fait le lien avec le service, l'université n'a pas fixé un délai inapproprié pour ce faire.
14. En deuxième lieu, Mme A... n'a présenté d'autre justification à son absence de reprise du service avant la date du 24 mars 2017 que le délai trop court entre la réception de la mise en demeure signifiée le 20 mars 2017 et cette date, sans faire état, y compris après avoir retiré chez l'huissier l'acte la mettant en demeure de reprendre le travail, de sa disponibilité pour reprendre son service, ni d'aucune impossibilité d'ordre matériel ou médical l'empêchant de le faire. Dans ces conditions, l'université Toulouse III Paul Sabatier a pu légalement constater, par l'arrêté contesté du 19 octobre 2017, que le lien avec le service avait été rompu du fait de Mme A... depuis le 24 mars 2017. La circonstance que, postérieurement à cette rupture, Mme A... a demandé, en juillet 2017, par l'intermédiaire d'un syndicat, que soit organisée une réunion afin de discuter des conditions d'exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux, lors de laquelle, au demeurant, elle n'a manifesté aucune volonté de reprendre effectivement son service, est, à cet égard, sans incidence.
15. En troisième lieu, il est constant que l'université Toulouse III Paul Sabatier avait conclu, le 7 février 2017, un contrat à durée indéterminée avec Mme A.... Celle-ci ne peut utilement faire valoir, au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté la licenciant pour abandon de poste à la date du 24 mars 2017, que l'université considérait qu'elle avait déjà cessé unilatéralement ses fonctions depuis le 10 septembre 2010.
16. Enfin, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'université Toulouse III Paul Sabatier qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par l'université Toulouse III Paul Sabatier.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 30 décembre 2022 et les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 décembre 2019 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2017 du président de l'université Toulouse III Paul Sabatier sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A... et l'université Toulouse III Paul Sabatier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à l'université Toulouse III Paul Sabatier.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 décembre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillers d'Etat et M. Paul Levasseur, auditeur-rapporteur.
Rendu le 30 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Paul Levasseur
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin
N° 471753
ECLI:FR:CECHR:2024:471753.20241230
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Paul Levasseur, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats
Lecture du lundi 30 décembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le président de l'université Toulouse III Paul Sabatier a constaté qu'elle avait abandonné son poste le 24 mars 2017, d'autre part, d'enjoindre à l'université de procéder à l'exécution de la décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 22 juin 2015. Par un jugement n° 1802045 du 24 décembre 2019, ce tribunal administratif a annulé l'arrêté du 19 octobre 2017 et rejeté le surplus de la demande de Mme A....
Par un arrêt n° 20TL20661 du 30 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par l'université Toulouse III Paul Sabatier contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 30 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'université Toulouse III Paul Sabatier demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de Mme A..., la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure civile ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Paul Levasseur, auditeur,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de l'université Toulouse III Paul Sabatier et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme B... A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme A... a été recrutée par l'université Toulouse III Paul Sabatier, à compter du 1er octobre 2001, pour effectuer des vacations en qualité de psychologue au sein du service interuniversitaire de médecine préventive et de promotion de la santé. Elle a demandé, par lettre du 4 mai 2010, la reconnaissance de sa qualité d'agent contractuel et le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée à compter du mois d'octobre 2007. Par un jugement du 26 septembre 2013, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision implicite par laquelle l'université Toulouse III Paul Sabatier a rejeté cette demande. Par un arrêt du 22 juin 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé cette annulation et enjoint à l'université de procéder à la régularisation du contrat de travail à durée indéterminée de Mme A..., avec effet rétroactif au 1er octobre 2007, et à la liquidation et au mandatement des sommes dues. Mme A..., qui n'assurait plus de vacations depuis septembre 2010, a signé le 7 février 2017 le contrat à durée indéterminée proposé par l'université Toulouse III Paul Sabatier en exécution de cet arrêt. Elle n'a cependant pas pris ses fonctions en dépit des courriers qui lui ont été adressés par l'établissement. Par un arrêté du 19 octobre 2017, le président de l'université Toulouse III Paul Sabatier a prononcé son licenciement pour abandon de poste à la date du 24 mars 2017. Par un jugement du 24 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a, sur demande de Mme A..., annulé cet arrêté. L'université Toulouse III Paul Sabatier se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 décembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
Sur le pourvoi :
2. D'une part, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé et l'informant du risque encouru d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable.
3. Si l'obligation pour l'administration d'impartir à l'agent un délai approprié pour rejoindre son poste et de l'avertir que, faute de le faire, il sera radié des cadres constitue une condition nécessaire pour que soit caractérisée une situation d'abandon de poste, et non une simple condition de procédure, il n'en va pas de même de l'indication qui doit lui être donnée, dans la mise en demeure écrite qui lui est adressée, que l'abandon de poste pourra être constaté sans procédure disciplinaire préalable.
4. D'autre part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'université Toulouse III Paul Sabatier a soutenu dans sa requête d'appel que le tribunal administratif avait insuffisamment motivé son jugement en ne répondant pas au moyen de défense invoqué devant lui, tiré de ce que Mme A... n'avait pas, dans les circonstances de l'espèce, été privée d'une garantie du fait de l'absence de mention, dans la mise en demeure qui lui avait été adressée, de ce que l'abandon de poste pourrait être constaté sans procédure disciplinaire préalable. Pour écarter ce moyen d'appel, la cour a jugé que le moyen de défense soulevé devant le tribunal administratif était inopérant et que le tribunal n'avait pas à y répondre, dès lors que l'absence de cette précision dans la mise en demeure ne pouvait être considérée comme une irrégularité de procédure mais était une condition nécessaire pour que soit constaté cet abandon de poste. En statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit. Il s'ensuit que l'université Toulouse III Paul Sabatier est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur l'appel :
7. La requête d'appel de l'université Toulouse III Paul Sabatier doit être regardée comme dirigée contre les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif.
8. Ainsi qu'il a été dit au point 5, l'université Toulouse III Paul Sabatier soutenait à l'appui de ses écritures en défense devant le tribunal administratif que le vice de procédure tiré de l'absence de précision, dans la mise en demeure adressée à Mme A..., du fait que son abandon de poste pourrait être constaté sans procédure disciplinaire préalable ne l'avait pas privée, en l'espèce, d'une garantie. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant, et a ainsi entaché son jugement d'irrégularité. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête d'appel de l'université, les articles 1er et 2 de ce jugement doivent être annulés.
9. Il y a lieu d'évoquer l'affaire, dans les limites de l'annulation ainsi prononcée, et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du président de l'université Toulouse III Paul Sabatier du 19 octobre 2017 :
En ce qui concerne la régularité de la procédure de licenciement pour abandon de poste :
10. Il ressort des pièces du dossier que la mise en demeure adressée à Mme A..., datée du 16 mars 2017, lui demandait de reprendre ses fonctions au sein du service interuniversitaire de médecine préventive le 24 mars 2017 à 8h30 dernier délai en l'informant qu'en cas d'absence à cette date elle s'exposerait à ce que l'université constate qu'elle entendait rompre son lien avec le service et " tire les conséquences de cet abandon de poste ". Cette mise en demeure, qui n'informe pas Mme A... que son licenciement pourrait être mis en oeuvre sans bénéfice des garanties de la procédure disciplinaire, était donc incomplète et, de ce fait, entachée d'un vice susceptible d'avoir privé l'intéressée d'une garantie.
11. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que cette mise en demeure a été signifiée à Mme A... à son domicile par acte d'huissier de justice le 20 mars 2017 et que l'huissier de justice, en son absence, a, conformément aux articles 656 et 658 du code de procédure civile, laissé à son domicile un avis de passage mentionnant que lui était signifié un courrier de l'université Toulouse III Paul Sabatier qui devrait être retiré dans le plus bref délai à son étude et une copie de l'acte de signification, mentionnant qu'elle était mise en demeure de rejoindre son service le 24 mars 2017 à 8h30, d'autre part que Mme A... s'est abstenue d'aller chercher cet acte à l'étude avant le 24 mars à 17 h, c'est-à-dire postérieurement à la date à laquelle elle avait été mise en demeure de rejoindre son poste, sans faire état d'aucune circonstance l'ayant empêchée de prendre connaissance plus tôt de l'intégralité des mentions de l'acte qui lui était signifié. Dans ces circonstances, Mme A... ne peut utilement soutenir que l'absence de mention, dans le courrier de mise en demeure, de ce que l'abandon de poste pourrait être constaté, à l'expiration du délai fixé, sans mise en oeuvre de la procédure disciplinaire l'aurait privée de la garantie que constitue cette mention.
En ce qui concerne le bien-fondé du licenciement pour abandon de poste :
12. Lorsqu'à la suite d'une mise en demeure de rejoindre son poste dans un délai approprié, l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention de reprendre son service avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, l'administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.
13. En premier lieu, il est constant qu'à la suite de la signature de son contrat de travail, le 7 février 2017, d'une part, Mme A... a été invitée par deux fois par l'université Toulouse III Paul Sabatier à prendre ses fonctions, en vain, et qu'elle ne s'est pas non plus présentée spontanément au service, d'autre part qu'elle n'a fait état d'aucune circonstance qui l'en aurait empêchée. Dans ces circonstances, en lui enjoignant, par un courrier signifié le lundi 20 mars 2017 à son domicile, de reprendre son service le vendredi 24 mars 2017 à 8h30 dernier délai, faute de quoi elle serait regardée comme ayant rompu de son fait le lien avec le service, l'université n'a pas fixé un délai inapproprié pour ce faire.
14. En deuxième lieu, Mme A... n'a présenté d'autre justification à son absence de reprise du service avant la date du 24 mars 2017 que le délai trop court entre la réception de la mise en demeure signifiée le 20 mars 2017 et cette date, sans faire état, y compris après avoir retiré chez l'huissier l'acte la mettant en demeure de reprendre le travail, de sa disponibilité pour reprendre son service, ni d'aucune impossibilité d'ordre matériel ou médical l'empêchant de le faire. Dans ces conditions, l'université Toulouse III Paul Sabatier a pu légalement constater, par l'arrêté contesté du 19 octobre 2017, que le lien avec le service avait été rompu du fait de Mme A... depuis le 24 mars 2017. La circonstance que, postérieurement à cette rupture, Mme A... a demandé, en juillet 2017, par l'intermédiaire d'un syndicat, que soit organisée une réunion afin de discuter des conditions d'exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux, lors de laquelle, au demeurant, elle n'a manifesté aucune volonté de reprendre effectivement son service, est, à cet égard, sans incidence.
15. En troisième lieu, il est constant que l'université Toulouse III Paul Sabatier avait conclu, le 7 février 2017, un contrat à durée indéterminée avec Mme A.... Celle-ci ne peut utilement faire valoir, au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté la licenciant pour abandon de poste à la date du 24 mars 2017, que l'université considérait qu'elle avait déjà cessé unilatéralement ses fonctions depuis le 10 septembre 2010.
16. Enfin, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'université Toulouse III Paul Sabatier qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par l'université Toulouse III Paul Sabatier.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 30 décembre 2022 et les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 décembre 2019 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2017 du président de l'université Toulouse III Paul Sabatier sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A... et l'université Toulouse III Paul Sabatier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à l'université Toulouse III Paul Sabatier.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 décembre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillers d'Etat et M. Paul Levasseur, auditeur-rapporteur.
Rendu le 30 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Paul Levasseur
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin