Conseil d'État
N° 465368
ECLI:FR:CECHR:2024:465368.20241213
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Juliette Mongin, rapporteure
Mme Maïlys Lange, rapporteure publique
SCP GURY & MAITRE, avocats
Lecture du vendredi 13 décembre 2024
Vu la procédure suivante :
La société Parc éolien du Chemin Perdu a demandé à la cour administrative d'appel de Douai, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 mars 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire des communes de Febvin-Palfart et de Laires (Pas-de-Calais) et, d'autre part, de lui délivrer l'autorisation environnementale sollicitée. Par un arrêt n° 21DA00990 du 3 mai 2022, la cour administrative d'appel a rejeté sa requête.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 juin et 15 septembre 2022 et le 28 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Parc éolien du Chemin Perdu demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat de la société Parc éolien du Chemin Perdu ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 5 mars 2021, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de délivrer à la société Parc éolien du Chemin Perdu une autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs et deux postes de livraison, sur le territoire des communes de Febvin-Palfart et de Laires. Par un arrêt du 3 mai 2022, contre lequel la société Parc éolien du Chemin Perdu se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce que lui soit délivrée l'autorisation environnementale sollicitée.
2. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ".
3. La circonstance que les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement incluent la protection des paysages ne fait pas obstacle à ce que l'impact visuel d'un projet, en particulier le phénomène de saturation visuelle qu'un projet de parc éolien est susceptible de produire, puisse être pris en compte pour apprécier ses inconvénients pour la commodité du voisinage au sens de cet article.
4. Il appartient à l'autorité administrative, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à l'effet de saturation visuelle causé par un projet de parc éolien, de tenir compte de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents. Si elle peut, le cas échéant, également tenir compte, pour porter cette appréciation, d'autres projets de parcs éoliens, faisant l'objet d'une instruction concomitante, qu'elle s'apprête à autoriser, elle ne saurait prendre en compte des projets qu'elle a refusés, quand bien même les décisions de refus ne seraient pas devenues définitives.
5. En l'espèce, pour juger que le préfet n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en retenant que le projet de parc éolien en litige était de nature à causer un effet de saturation visuelle, la cour administrative d'appel a notamment retenu que le préfet avait à bon droit tenu compte de cinq autres projets de parcs éoliens dans le même secteur, dont l'instruction avait été menée concomitamment. En statuant ainsi alors qu'elle relevait que trois de ces cinq projets avaient déjà été refusés par le préfet à la date à laquelle il a refusé d'autoriser le projet en litige, quand bien même ces décisions de refus ne seraient pas devenues définitives, la cour a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Parc éolien du Chemin Perdu est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Parc éolien du Chemin Perdu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 3 mai 2022 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : L'Etat versera à la société Parc éolien du Chemin Perdu une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Parc éolien du Chemin Perdu et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 novembre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Laurence Helmlinger, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 13 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Juliette Mongin
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain
N° 465368
ECLI:FR:CECHR:2024:465368.20241213
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Juliette Mongin, rapporteure
Mme Maïlys Lange, rapporteure publique
SCP GURY & MAITRE, avocats
Lecture du vendredi 13 décembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Parc éolien du Chemin Perdu a demandé à la cour administrative d'appel de Douai, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 mars 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire des communes de Febvin-Palfart et de Laires (Pas-de-Calais) et, d'autre part, de lui délivrer l'autorisation environnementale sollicitée. Par un arrêt n° 21DA00990 du 3 mai 2022, la cour administrative d'appel a rejeté sa requête.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 juin et 15 septembre 2022 et le 28 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Parc éolien du Chemin Perdu demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat de la société Parc éolien du Chemin Perdu ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 5 mars 2021, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de délivrer à la société Parc éolien du Chemin Perdu une autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs et deux postes de livraison, sur le territoire des communes de Febvin-Palfart et de Laires. Par un arrêt du 3 mai 2022, contre lequel la société Parc éolien du Chemin Perdu se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce que lui soit délivrée l'autorisation environnementale sollicitée.
2. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ".
3. La circonstance que les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement incluent la protection des paysages ne fait pas obstacle à ce que l'impact visuel d'un projet, en particulier le phénomène de saturation visuelle qu'un projet de parc éolien est susceptible de produire, puisse être pris en compte pour apprécier ses inconvénients pour la commodité du voisinage au sens de cet article.
4. Il appartient à l'autorité administrative, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à l'effet de saturation visuelle causé par un projet de parc éolien, de tenir compte de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents. Si elle peut, le cas échéant, également tenir compte, pour porter cette appréciation, d'autres projets de parcs éoliens, faisant l'objet d'une instruction concomitante, qu'elle s'apprête à autoriser, elle ne saurait prendre en compte des projets qu'elle a refusés, quand bien même les décisions de refus ne seraient pas devenues définitives.
5. En l'espèce, pour juger que le préfet n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en retenant que le projet de parc éolien en litige était de nature à causer un effet de saturation visuelle, la cour administrative d'appel a notamment retenu que le préfet avait à bon droit tenu compte de cinq autres projets de parcs éoliens dans le même secteur, dont l'instruction avait été menée concomitamment. En statuant ainsi alors qu'elle relevait que trois de ces cinq projets avaient déjà été refusés par le préfet à la date à laquelle il a refusé d'autoriser le projet en litige, quand bien même ces décisions de refus ne seraient pas devenues définitives, la cour a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Parc éolien du Chemin Perdu est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Parc éolien du Chemin Perdu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 3 mai 2022 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : L'Etat versera à la société Parc éolien du Chemin Perdu une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Parc éolien du Chemin Perdu et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 novembre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Laurence Helmlinger, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 13 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Juliette Mongin
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain