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Ariane Web: Conseil d'État 466771, lecture du 4 décembre 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:466771.20241204

Décision n° 466771
4 décembre 2024
Conseil d'État

N° 466771
ECLI:FR:CECHR:2024:466771.20241204
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur
M. Florian Roussel, rapporteur public


Lecture du mercredi 4 décembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Le ministre de l'intérieur et des outre-mer a demandé à la commission du contentieux du stationnement payant d'annuler un titre exécutoire émis à son encontre le 27 septembre 2021 par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions en vue du recouvrement d'un forfait de post-stationnement mis à sa charge par la Ville de Paris le 2 juin 2021. Par une ordonnance n° 21129257 du 13 juin 2022, la magistrate désignée par le président de la commission du contentieux du stationnement payant a rejeté sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 18 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le ministre de l'intérieur et des outre-mer a demandé à la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) le " classement sans suite " du titre exécutoire émis à son encontre par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) pour le recouvrement d'un forfait de post-stationnement majoré mis à sa charge le 2 juin 2021 par la Ville de Paris. Il demande l'annulation de l'ordonnance par laquelle la magistrate désignée par le président de la CCSP, qui a estimé qu'il devait être regardé comme demandant l'annulation du titre exécutoire en litige, a rejeté sa demande.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales : " I. - Sans préjudice de l'application des articles L. 2213-2 et L. 2512-14, le conseil municipal (...) peut instituer une redevance de stationnement, compatible avec les dispositions du plan de mobilité, s'il existe. (...) / Le barème tarifaire peut être modulé en fonction de la durée du stationnement, de la surface occupée par le véhicule ou de son impact sur la pollution atmosphérique. Il peut prévoir une tranche gratuite pour une durée déterminée ainsi qu'une tarification spécifique pour certaines catégories d'usagers, dont les résidents, et pour les véhicules bénéficiant d'un signe distinctif de covoiturage créé en application des articles L. 1231-15 ou L. 1241-1 du code des transports. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance sauf lorsque l'occupation ou l'utilisation concerne l'installation par l'Etat des équipements visant à améliorer la sécurité routière ou nécessaires à la liquidation et au constat des irrégularités de paiement de toute taxe perçue au titre de l'usage du domaine public routier. / Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être délivrée gratuitement : (...) 3° Soit lorsque l'occupation ou l'utilisation contribue directement à assurer l'exercice des missions des services de l'Etat chargés de la paix, de la sécurité et de l'ordre publics ou du contrôle aux frontières dans les aéroports, les ports et les gares ; ".

4. Il résulte des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales qu'il est loisible aux autorités compétentes d'exempter de la redevance de stationnement certaines catégories d'usagers, au nombre desquelles figurent les services de police et de gendarmerie pour le stationnement de leurs véhicules de service, lesquels bénéficient par ailleurs, eu égard aux nécessités inhérentes à l'exercice de leurs missions et nonobstant toute disposition contraire, de la gratuité du stationnement lorsqu'ils interviennent dans le cadre de l'exercice de leurs missions opérationnelles. En revanche, il ne résulte d'aucun texte, et notamment pas, en tout état de cause, de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, ni d'aucun principe que l'exemption de redevance soit de droit pour ces services, hors d'une telle intervention.

5. Par suite, la magistrate désignée par la présidente de la commission du contentieux de stationnement payant a commis une erreur de droit en rejetant la requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui soutenait que le véhicule en cause assurait une mission de police lorsqu'il avait fait l'objet d'un forfait de post-stationnement, au motif qu'à défaut d'une autorisation d'occupation du domaine public à titre gratuit délivrée sur le fondement de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, aucun texte ni aucun principe n'était susceptible de lui assurer une exemption de la redevance de stationnement.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.



D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 13 juin 2022 de la magistrate désignée par le président de la commission du contentieux du stationnement payant est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la commission du contentieux du stationnement payant.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à la Ville de Paris.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 novembre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Laurence Helmlinger, conseillères d'Etat ; M. Alain Seban, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 4 décembre 2024.


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