Conseil d'État
N° 487936
ECLI:FR:CECHR:2024:487936.20241119
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Cédric Fraisseix, rapporteur
Mme Maïlys Lange, rapporteure publique
Lecture du mardi 19 novembre 2024
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire, enregistré le 20 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'association One Voice demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 3 juillet 2023 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires portant équivalence entre les certificats de capacité de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques au sein d'établissements itinérants et les certificats de capacité de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques au sein d'établissements fixes, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 413-10 et L. 413-11 du code de l'environnement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'environnement, notamment ses articles L. 413-10 et L. 413-11 ;
- la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'association One Voice ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. En vertu de l'article L. 413-10 du code de l'environnement : " I.- Il est interdit d'acquérir, de commercialiser et de faire se reproduire des animaux appartenant aux espèces non domestiques en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants. / Cette interdiction entre en vigueur à l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes. / II.- Sont interdits, dans les établissements itinérants, la détention, le transport et les spectacles incluant des espèces d'animaux non domestiques. Cette interdiction entre en vigueur à l'expiration d'un délai de sept ans à compter de la promulgation de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 précitée. / (...) V.- Les certificats de capacité et les autorisations d'ouverture prévus aux articles L. 413-2 et L. 413-3 ne peuvent être délivrés aux personnes ou aux établissements souhaitant détenir des animaux des espèces non domestiques, en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants. Les autorisations d'ouverture délivrées aux établissements réalisant une des activités interdites par le présent article sont abrogées dès le départ des animaux détenus. / (...) VII.- Les conditions d'application du présent article sont précisées par arrêté du ministre chargé de la protection de la nature ". Aux termes de l'article L. 413-11 du même code : " Les établissements de spectacles fixes présentant au public des animaux vivants d'espèces non domestiques sont soumis aux règles générales de fonctionnement et répondent aux caractéristiques générales des installations des établissements zoologiques à caractère fixe et permanent présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère. Les modalités d'application du présent article sont précisées par voie réglementaire ".
3. D'une part, les dispositions des articles L. 413-10 et L. 413-11 du code de l'environnement n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
4. D'autre part, le grief tiré de ce que ces dispositions législatives, en ce qu'elles n'étendent pas aux établissements de spectacles fixes les interdictions de détention, d'exploitation et d'exposition au public des animaux sauvages qui s'appliquent aux établissements itinérants, méconnaîtraient le principe constitutionnel prescrivant l'éducation et la formation à l'environnement énoncé à l'article 8 de la Charte de l'environnement de 2004, dont le Conseil constitutionnel n'a pas fait application à ce jour, soulève une question, non dénuée de rapport avec les termes du litige, qui présente un caractère nouveau au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. En outre, le grief tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient un principe fondamental reconnu par les lois de la République interdisant d'exercer publiquement des mauvais traitements envers les animaux, qui aurait trouvé une expression dans la loi du 2 juillet 1850 relative aux mauvais traitements exercés envers les animaux domestiques, soulève une question qui peut être regardée comme nouvelle.
5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions des articles L. 413-10 et L. 413-11 du code de l'environnement est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de l'association One voice jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association One Voice et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Copie en sera adressée au Premier ministre.
N° 487936
ECLI:FR:CECHR:2024:487936.20241119
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Cédric Fraisseix, rapporteur
Mme Maïlys Lange, rapporteure publique
Lecture du mardi 19 novembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire, enregistré le 20 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'association One Voice demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 3 juillet 2023 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires portant équivalence entre les certificats de capacité de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques au sein d'établissements itinérants et les certificats de capacité de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques au sein d'établissements fixes, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 413-10 et L. 413-11 du code de l'environnement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'environnement, notamment ses articles L. 413-10 et L. 413-11 ;
- la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'association One Voice ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. En vertu de l'article L. 413-10 du code de l'environnement : " I.- Il est interdit d'acquérir, de commercialiser et de faire se reproduire des animaux appartenant aux espèces non domestiques en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants. / Cette interdiction entre en vigueur à l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes. / II.- Sont interdits, dans les établissements itinérants, la détention, le transport et les spectacles incluant des espèces d'animaux non domestiques. Cette interdiction entre en vigueur à l'expiration d'un délai de sept ans à compter de la promulgation de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 précitée. / (...) V.- Les certificats de capacité et les autorisations d'ouverture prévus aux articles L. 413-2 et L. 413-3 ne peuvent être délivrés aux personnes ou aux établissements souhaitant détenir des animaux des espèces non domestiques, en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants. Les autorisations d'ouverture délivrées aux établissements réalisant une des activités interdites par le présent article sont abrogées dès le départ des animaux détenus. / (...) VII.- Les conditions d'application du présent article sont précisées par arrêté du ministre chargé de la protection de la nature ". Aux termes de l'article L. 413-11 du même code : " Les établissements de spectacles fixes présentant au public des animaux vivants d'espèces non domestiques sont soumis aux règles générales de fonctionnement et répondent aux caractéristiques générales des installations des établissements zoologiques à caractère fixe et permanent présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère. Les modalités d'application du présent article sont précisées par voie réglementaire ".
3. D'une part, les dispositions des articles L. 413-10 et L. 413-11 du code de l'environnement n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
4. D'autre part, le grief tiré de ce que ces dispositions législatives, en ce qu'elles n'étendent pas aux établissements de spectacles fixes les interdictions de détention, d'exploitation et d'exposition au public des animaux sauvages qui s'appliquent aux établissements itinérants, méconnaîtraient le principe constitutionnel prescrivant l'éducation et la formation à l'environnement énoncé à l'article 8 de la Charte de l'environnement de 2004, dont le Conseil constitutionnel n'a pas fait application à ce jour, soulève une question, non dénuée de rapport avec les termes du litige, qui présente un caractère nouveau au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. En outre, le grief tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient un principe fondamental reconnu par les lois de la République interdisant d'exercer publiquement des mauvais traitements envers les animaux, qui aurait trouvé une expression dans la loi du 2 juillet 1850 relative aux mauvais traitements exercés envers les animaux domestiques, soulève une question qui peut être regardée comme nouvelle.
5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions des articles L. 413-10 et L. 413-11 du code de l'environnement est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de l'association One voice jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association One Voice et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Copie en sera adressée au Premier ministre.