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Ariane Web: Conseil d'État 491751, lecture du 14 novembre 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:491751.20241114

Décision n° 491751
14 novembre 2024
Conseil d'État

N° 491751
ECLI:FR:CECHR:2024:491751.20241114
Inédit au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Jérôme Goldenberg, rapporteur
M. Clément Malverti, rapporteur public
SCP PIWNICA & MOLINIE;SAS HANNOTIN AVOCATS;AARPI MCDERMOTT WILL & EMERY;ORRICK HERRINGTON & SUTCLIFFE (Europe) LLP, avocats


Lecture du jeudi 14 novembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 491751, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 février, 14 mai et 10 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Celeste demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir :
- la décisions n° 2023-2318 du 24 octobre 2023 de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) fixant le taux de rémunération du capital employé pour la comptabilisation des coûts et le contrôle tarifaire des activités fixes régulées à compter de l'année 2024,
- la décision n° 2023-2801 du 14 décembre 2023 de l'ARCEP portant sur la définition du marché de fourniture en gros d'accès aux infrastructures physiques de génie civil pour le déploiement de réseaux de communications électroniques, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur à ce titre,
- la décision n° 2023-2820 du 14 décembre 2023 de l'ARCEP modifiant la décision n° 2017-1488 du 14 décembre 2017 définissant les conditions économiques de l'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale d'Orange ;

2°) de mettre à la charge de l'ARCEP une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



2° Sous le n° 491874, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés le 16 février 2024 et le 24 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SAS Ielo-Liazo-Services demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2023-2820 du 14 décembre 2023 de l'ARCEP modifiant la décision n° 2017-1488 du 14 décembre 2017 définissant les conditions économiques de l'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale d'Orange ;

2°) de mettre à la charge de l'ARCEP une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................


3° Sous le n° 491903, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire enregistrés les 19 février, 26 septembre et 10 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SAS Colt Technology Services et la SAS Lumen Technologies France demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2023-2820 du 14 décembre 2023 de l'ARCEP modifiant la décision n° 2017-1488 du 14 décembre 2017 définissant les conditions économiques de l'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale d'Orange ;

2°) d'enjoindre à l'ARCEP d'adopter, dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision à intervenir, une décision permettant de lisser dans le temps les hausses tarifaires résultant de la décision attaquée et prévoyant leur entrée en vigueur dans un délai adapté aux spécificités du marché des entreprises ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................



4° Sous le n° 491909, par une requête et deux nouveaux mémoires enregistrés les 19 février, 8 octobre et 10 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SAS Eurofiber France et la SAS Fullsave demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2023-2820 du 14 décembre 2023 de l'ARCEP modifiant la décision n° 2017-1488 du 14 décembre 2017 définissant les conditions économiques de l'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale d'Orange ;

2°) d'enjoindre à l'ARCEP d'adopter, dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision à intervenir, une décision permettant de lisser dans le temps les hausses tarifaires résultant de la décision attaquée et prévoyant leur entrée en vigueur dans un délai adapté aux spécificités du marché des entreprises ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................


5° Sous le n° 495168, par une requête, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire enregistrés les 14 juin, 16 août et 10 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Altitude, Altitude Infrastructure SAS, Manche Fibre, Octogone Fibre, Fibre 31, Altitude Fibre 40, Altitude Fibre 21, Altitude Fibre 39, Rosace, Losange, Vannes Agglo Numérique, Resoptic, Niederbronn THD, Altitude Infra Cavados, Altitude Infra Coeur Côte Fleurie, Altitude Infra Haute Savoie, Altitude Infra Grand Nancy, Tutor Europ 'Essonne, Seine Essonne Très Haut Débit, Yconik, THD 83, Covage Infra, Grand Lyon THD, Coteuax et Vallée de l'Hers Networks-Coval Networks, Grand Poitiers Networks, Nantes Networks, Solstice Grand Angoulême, Sem@for 77, Sequantic Telecom, Clermont Communauté Networks, 3 C NET, Arras Networks, Caen.com, Herault Telecom et Sud Bourgogne Networks demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2023-2820 du 14 décembre 2023 de l'ARCEP modifiant la décision n° 2017-1488 du 14 décembre 2017 définissant les conditions économiques de l'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale d'Orange, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux contre cette décision ;

2°) d'enjoindre à l'ARCEP d'adopter, dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision à intervenir, une décision permettant de lisser dans le temps les hausses tarifaires résultant de la décision attaquée et prévoyant leur entrée en vigueur dans un délai adapté aux spécificités du marché des entreprises ;

3°) en tout état de cause, d'enjoindre à l'ARCEP d'adopter, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, une décision encadrant les modalités de répercussion, par les opérateurs d'infrastructures, dans leurs propres tarifs, de la hausse du tarif d'accès au génie civil d'Orange résultant de la décision attaquée ;

4°) de mettre à la charge de l'ARCEP une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 ;
- le code des postes et des communications électroniques,
- le code des relations du public avec l'administration ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Céleste et à la SCP Hannotin avocats, avocat de la société Colt Technology services et autre et de la société Eurofiber France et autre ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 octobre 2024 présentée par la SAS Colt Technology Services et la SAS Lumen Technologies France.



Considérant ce qui suit :

Sur le cadre juridique :

En ce qui concerne le cadre général de la régulation des communications électroniques :

1. Il résulte de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques que l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) doit prendre, dans son domaine de compétence et dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées en vue d'atteindre les différents objectifs qu'il mentionne dont, au titre du 3° du II de cet article, le développement de l'investissement dans le secteur des communications électroniques, au titre du 4° du même II, l'aménagement et l'intérêt des territoires et la diversité de la concurrence dans les territoires, et au titre du 1° du III du même article, l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques.

2. Le paragraphe 4 de l'article 3 de la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen dispose qu'afin de poursuivre les objectifs politiques énoncés dans cet article, " les autorités de régulation nationales et les autres autorités compétentes s'attachent, entre autres, à : / a) promouvoir la prévisibilité de la régulation en assurant une approche de la régulation cohérente sur des périodes de révision appropriées (...) ". En vertu du IV de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, il appartient à l'ARCEP " d'assurer l'adaptation du cadre réglementaire à des échéances appropriées et de manière prévisible pour les différents acteurs du secteur ".

En ce qui concerne les mesures susceptibles d'être imposées aux opérateurs exerçant une influence significative sur un marché du secteur des télécommunications :

3. Les deux premiers alinéas de l'article L. 37-1 du code des postes et communications électroniques disposent que l'ARCEP " détermine, au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective, et après avis de l'Autorité de la concurrence, les marchés du secteur des communications électroniques pertinents, en vue de l'application des articles L. 38, L. 38-1 et L. 38-2. / Après avoir analysé l'état et l'évolution prévisible de la concurrence sur ces marchés, l'autorité établit, après avis de l'Autorité de la concurrence, la liste des opérateurs réputés exercer une influence significative sur chacun de ces marchés (...) ". En application du I de l'article L. 37-2 du même code, l'ARCEP " fixe en les motivant (...) 2° Les obligations des opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques, prévues aux articles L. 38 et L. 38-1 (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 38 du code des postes et des communications électroniques : " I. - Les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d'interconnexion et d'accès, une ou plusieurs des obligations suivantes, proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 : / 1° Rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non-discrimination (...) ; / 4° Respecter des obligations tarifaires, notamment ne pas pratiquer des tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants (...) ".

5. En vertu du II de l'article D. 311 du code des postes et des communications électroniques : " II.- Pour la mise en oeuvre des obligations prévues au 4° de l'article L. 38, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse précise, en tant que de besoin, les mécanismes de recouvrement des coûts, les méthodes de tarification et les méthodes de comptabilisation des coûts, qui peuvent être distinctes de celles appliquées par l'opérateur. Elle peut également demander à cet opérateur de respecter un encadrement pluriannuel des tarifs. / Elle peut également prendre en compte les prix en vigueur sur les marchés comparables en France ou à l'étranger. / L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse veille à ce que les méthodes retenues promeuvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable et optimisent les avantages pour le consommateur (...) ".

En ce qui concerne les procédures de consultation publique et de consultation de la Commission européenne :

6. Aux termes du V de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques : " V. - Toutes mesures qu'il est envisagé d'adopter dans le cadre des dispositions du présent code ayant une incidence importante sur un marché ou affectant les intérêts des utilisateurs finals doivent être rendues publiques avant leur adoption dans un délai permettant une consultation des parties intéressées d'au moins trente jours, sauf dans des circonstances exceptionnelles, afin de permettre le recueil d'observations dont elle pourrait faire l'objet. Le résultat des consultations est rendu public sous réserve des secrets protégés par la loi ".

7. Aux termes de l'article L. 36-15 du code des postes et des communications électroniques : " A moins qu'une recommandation ou des lignes directrices de la Commission européenne n'en disposent autrement, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse communique à la Commission européenne, à l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques ainsi qu'aux autorités de régulation nationales des autres Etats membres de l'Union européenne les décisions qu'elle envisage de prendre, en application du 1° du I de l'article L. 34-8 ainsi que des articles (...) L. 37-1 et L. 37-2, et qui sont susceptibles d'avoir des incidences sur les échanges entre les Etats membres (...) ". Il résulte de l'article D. 296 du même code que la transmission du projet à la Commission européenne " indique, s'il y a lieu, le caractère confidentiel des informations transmises et comporte tous les documents nécessaires à la justification et la motivation et facilitant l'examen des décisions dont l'adoption est envisagée, notamment le résultat de la consultation organisée au titre du V de l'article L. 32-1 et, le cas échéant, l'avis de l'Autorité de la concurrence ".

8. En vertu de l'article D. 303 du code des postes et communications électroniques, les projets de décision de l'ARCEP imposant des obligations à un opérateur exerçant une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques font l'objet, d'une part, d'une consultation publique dans les conditions prévues à l'article L. 32-1 du même code et, d'autre part, d'une consultation de la Commission européenne, de l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques et des autorités compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne dans les conditions prévues aux articles L. 36-15 et D. 296 du même code.

Sur le litige :

9. Il ressort des pièces du dossier que, sur le fondement des dispositions du code des postes et communications électroniques citées aux points 3 à 5 relatives aux opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché, l'ARCEP a depuis 2008 imposé à la société France Telecom, devenue Orange, des obligations en matière d'accès à ses infrastructures de génie civil déterminées en dernier lieu par sa décision n° 2023-2801 du 14 décembre 2023 portant sur la définition du marché de fourniture en gros d'accès aux infrastructures physiques de génie civil pour le déploiement de réseaux de communications électroniques, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur à ce titre. Cette décision lui impose notamment de publier une offre de référence technique et tarifaire d'accès à ces infrastructures et d'offrir les prestations relatives à cette offre ainsi qu'aux ressources et services associés à des tarifs reflétant les coûts correspondants, en respectant en particulier les principes et objectifs d'efficacité, de non-discrimination et de concurrence effective et loyale.

10. La décision de l'ARCEP n°2017-1488 du 14 décembre 2017 définissant les conditions économiques de l'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale d'Orange précise notamment la méthode d'élaboration de ces tarifs d'accès. Elle prévoit que pour déterminer les tarifs de l'année n d'accès à ces infrastructures, qui sont utilisées à la fois par la bouche locale cuivre et par les boucles locales optiques, le coût des infrastructures de génie civil supporté par Orange est réparti entre, d'une part, la boucle locale cuivre et, d'autre part, les boucles locales optiques en proportion du nombre d'accès actifs recourant d'une part, au cuivre et, d'autre part, à la fibre optique.

11. Par la décision n° 2023-2820 du 14 décembre 2023, l'ARCEP a notamment modifié les dispositions de la décision n° 2017-1488 relatives à cette répartition, en prévoyant qu'elle sera effectuée en proportion du nombre prévisionnel d'accès actifs recourant à chacune des deux technologies au 30 juin de l'année n et non plus au prorata du nombre d'accès constaté au 31 décembre de l'année n-2. La décision n° 2023-2820 comporte en outre des dispositions transitoires, selon lesquelles les tarifs pour les boucles locales optiques pour l'année 2024 ne prendront en compte qu'au plus trois quarts de l'augmentation tarifaire résultant de cette modification, le reste de l'augmentation étant reportée sur les tarifs 2025.

12. La décision de l'ARCEP n° 2023-2318 du 24 octobre 2023 fixant le taux de rémunération du capital employé pour la comptabilisation des coûts et le contrôle tarifaire des activités fixes régulées à compter de l'année 2024 modifie les modalités permettant de fixer ce taux, qui intervient notamment dans le calcul du coût des infrastructures de génie civil de la boucle locale d'Orange.

13. Les requérantes demandent l'annulation de la décision n° 2023-2820 du 14 décembre 2023 ainsi que, pour la société Altitude et autres, de la décision rejetant leur recours gracieux contre cette décision. La société Celeste demande également l'annulation de la décision n° 2023-2318 du 24 octobre 2023 et de la décision n° 2023-2801 du 14 décembre 2023. Les cinq requêtes présentent à juger des questions semblables. Il y lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur le désistement de la société Altitude et autres :

14. Le désistement de la société Altitude et autres est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur les conclusions de la requête n° 491751 tendant à l'annulation de la décision n° 2023-2318 du 24 octobre 2023 :

15. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " En l'absence de dispositions législatives ou réglementaires prévoyant un autre mode de publication, la mise en ligne d'un acte de la nature de celui que conteste la société Celeste sur le site internet de l'autorité de régulation qui l'édicte, dans l'espace consacré à la publication des actes de l'autorité, fait courir, à l'égard des professionnels du secteur dont elle assure la régulation, le délai de recours prévu par ces dispositions.

16. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que la décision de l'ARCEP n° 2023-2318 du 24 octobre 2023 fixant le taux de rémunération du capital employé pour la comptabilisation des coûts et le contrôle tarifaire des activités fixes régulées à compter de l'année 2024 a été publiée le jour même sur le site de celle-ci dans l'espace consacré à la publication des délibérations de l'autorité, faisant ainsi courir le délai de recours à l'égard d'un professionnel du secteur tel que la société Celeste. La société Celeste ne l'ayant pas contesté dans un délai de deux mois à compter de cette date, les conclusions de sa requête dirigées contre cette décision sont, alors même que celle-ci prévoyait également sa publication au Journal officiel, tardives et, par suite, irrecevables.

Sur les conclusions de la requête n° 491751 tendant à l'annulation de la décision n° 2023-2801 du 14 décembre 2023 :

17. La société Celeste ne saurait utilement soutenir que la décision de l'ARCEP n° 2023-2801 du 14 décembre 2023 citée au point 9, qui définit le marché de fourniture en gros d'accès aux infrastructures physiques de génie civil, désigne Orange comme étant un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et lui impose des obligations à ce titre, est entachée d'illégalité en raison de l'augmentation des tarifs d'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale d'Orange qu'elle permet, dès lors qu'il est constant que cette augmentation ne résulte pas de cette décision. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense, les conclusions dirigées contre cette décision ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la légalité de la décision n° 2023-2820 du 14 décembre 2023 :

Sur la légalité externe :

18. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point 1 que les mesures que prend l'ARCEP pour imposer des obligations aux opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché doivent l'être en respectant une exigence de transparence, laquelle implique notamment que les participants aux consultations prévues par les dispositions citées au point 6 disposent d'une information claire et suffisante pour les mettre en mesure d'exprimer un avis éclairé.

19. Il ressort des pièces du dossier que si le projet de décision que l'ARCEP a soumis à consultation du 21 juin 2023 au 21 juillet 2023 n'était pas assorti d'une projection de son impact sur les tarifs d'accès aux infrastructures d'Orange, l'outil de projection des coûts de génie civil d'Orange et les données de l'Observatoire du haut et du très haut débit mis à disposition par l'ARCEP, auxquels renvoyait le communiqué de presse de l'ARCEP annonçant la consultation, permettaient aux personnes intéressées, ainsi que cela ressort notamment des observations formulées lors de la consultation par certaines d'entre elles, de réaliser une telle projection. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la décision attaquée a été adoptée au terme d'une consultation irrégulière méconnaissant l'exigence de transparence.

20. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'ARCEP a communiqué le 24 août 2023 à la Commission européenne le projet de décision qu'elle envisageait de prendre, assorti de ses motifs et du résultat de la consultation organisée du 21 juin 2023 au 21 juillet 2023. La Commission européenne a émis des observations le 21 septembre 2023. La seule circonstance que ces observations aient fait l'objet d'un rectificatif en date du 4 octobre 2023 précisant que le taux d'augmentation de 16 % relevé par la Commission n'était pas celui des tarifs, mais des seuls coûts de génie civil, n'est pas de nature à établir que la consultation de la Commission européenne aurait été menée en méconnaissance des dispositions citées aux points 7 et 8 alors qu'au demeurant celle-ci a demandé et obtenu de l'ARCEP des éléments d'explication sur la nature de l'augmentation en cause, accompagnés de précisions sur le mode de calcul des tarifs, et disposait des observations formulées par les participants à la consultation comportant des estimations du taux d'augmentation global des tarifs.

21. En dernier lieu, conformément aux dispositions de l'article L. 37-2 du code des postes et communications électroniques citées au point 3, la décision attaquée énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée. Elle n'était pas tenue de répondre aux observations formulées lors de la consultation. Par suite le moyen tiré de ce qu'elle est insuffisamment motivée doit être écarté.

Sur la légalité interne :

22. En premier lieu, la décision attaquée modifie la méthode selon laquelle les coûts de génie civil d'Orange sont répartis entre les accès en cuivre et les accès en fibre optique pour déterminer les tarifs de l'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale d'Orange. Cette méthode ne détermine ni n'affecte par elle-même le calcul des coûts à répartir. Par suite, les moyens tirés du niveau ou de l'inexistence alléguée de ces coûts, de leur évolution ou de la manière dont ils sont calculés sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.

23. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que chaque année, le nombre d'accès en cuivre diminue tandis que le nombre d'accès en fibre optique augmente, l'un et l'autre dans des proportions significatives. En retenant le principe d'une allocation des coûts de génie civil au prorata du nombre d'accès prévisionnel au 30 juin de l'année n plutôt qu'au prorata des accès constatés au 31 décembre de l'année n-2 la décision attaquée permet que les tarifs d'accès reflètent de manière plus fidèle la répartition des coûts des infrastructures de génie civil qu'ils sont destinés à couvrir. Les requérantes ne sont dès lors pas fondées à soutenir qu'elle placerait la société Orange dans l'impossibilité de respecter l'obligation qui lui est faite par l'ARCEP en application du 4° du I de l'article L. 38 du code des postes et communications électroniques de pratiquer des tarifs reflétant ses coûts.

24. En troisième lieu, il résulte de l'article L 38 et du II de l'article D. 311 du code des postes et des communications électroniques que l'ARCEP, lorsqu'elle définit les méthodes de tarification en vue de la mise en oeuvre de l'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts figurant au 4° du I de l'article L. 38, doit veiller, en prenant des mesures raisonnables et proportionnées en vue d'atteindre les différents objectifs mentionnés par l'article L. 32-1 de ce code, à ce que les méthodes retenues notamment promeuvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable, optimisent les avantages pour le consommateur et tiennent compte de l'aménagement et l'intérêt des territoires et la diversité de la concurrence dans les territoires.

25. D'une part, les sociétés requérantes font valoir que l'augmentation des tarifs d'accès aux infrastructures de génie civil d'Orange pour les boucles optiques en 2024, qui sera, suivant la nature des accès déployés, de l'ordre de 68 % ou de 73 % est très élevée, notamment par rapport à l'évolution de ces tarifs dans des pays européens voisins. Il ressort toutefois des pièces du dossier, d'une part, que cette augmentation est imputable pour partie à celle, qui ne résulte pas de la décision attaquée, d'environ 16 % du coût du génie civil d'Orange et, d'autre part, qu'en raison de l'évolution de la répartition des accès entre le cuivre et la fibre optique en année n-2, ces tarifs auraient en tout état de cause subi une augmentation conséquente en 2024. Il n'est pas établi que l'augmentation des tarifs en 2024 imputable à la décision attaquée, qui est de l'ordre de 19 % après application des dispositions prévoyant qu'ils ne prennent en compte qu'au plus les trois quarts de l'augmentation tarifaire résultant du changement de l'année de référence, ne serait pas proportionnée à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques.

26. D'autre part, les sociétés requérantes soutiennent que l'augmentation des tarifs d'accès aux infrastructures de génie civil pour les boucles optiques qui résulte de la décision attaquée est susceptible de pénaliser les consommateurs, de décourager l'investissement, d'affecter la concurrence et de nuire au développement des réseaux d'initiative publique et à l'aménagement du territoire en matière de communications électroniques, en contradiction avec les dispositions du II de l'article D. 311 du code des postes et communications électroniques et les objectifs mentionnés par l'article L. 32-1 du même code. Elles n'établissent toutefois pas, en tout état de cause, que de tels effets allégués seraient la conséquence nécessaire de la décision attaquée.

27. Il résulte de ce qui précède qu'en retenant le principe d'une allocation des coûts de génie civil au prorata du nombre d'accès prévisionnel au 30 juin de l'année n, l'ARCEP n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles L. 32-1, L. 38 et D. 311 du code des postes et communications électroniques.

28. En quatrième lieu, le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, peut être invoqué par tout opérateur économique auprès duquel une autorité nationale a fait naître à l'occasion de la mise en oeuvre du droit de l'Union, des espérances fondées. Toutefois, lorsqu'un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l'adoption d'une mesure de nature à affecter ses intérêts, il ne peut invoquer le bénéfice d'un tel principe lorsque cette mesure est finalement adoptée.

29. Il ressort des pièces du dossier que l'ARCEP a invité les acteurs du secteur des communications électroniques à se prononcer sur l'opportunité de la modification opérée par la décision attaquée lors d'une consultation publique menée du 9 février 2017 au 22 mars 2017 relative à la révision de la décision n° 2010-1211 du 9 novembre 2010 définissant les conditions économiques de l'accès aux infrastructures de génie civil de boucle locale en conduite de France Telecom, puis a évoqué l'éventualité d'une telle modification lors de la consultation menée du 13 juillet 2022 au 28 septembre 2022 relative au bilan du sixième cycle d'analyse des marchés et aux perspectives pour le septième cycle, puis de nouveau lors de la consultation menée du 20 février 2023 au 3 avril 2023 sur la révision de l'analyse de marché relative au génie civil avant de procéder, du 21 juin 2023 au 21 juillet 2023, à leur consultation sur le projet de décision opérant cette modification. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un opérateur prudent et avisé n'aurait pas été mis en mesure de prévoir cette modification. Par suite, la décision attaquée n'a pas méconnu le principe de confiance légitime, ni le dernier alinéa du IV de l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques, qui transpose le paragraphe 4 de l'article 3 de la directive du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen, en vertu duquel l'ARCEP doit assurer l'adaptation du cadre de régulation de manière prévisible.

30. En dernier lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été publiée sur le site de l'ARCEP le 18 décembre 2023, soit plus de deux mois avant le 1er mars 2024, date à laquelle conformément à sa décision n° 2017-1488 du 14 décembre 2017 doivent s'appliquer les nouveaux tarifs de la société Orange, et que celle-ci, ainsi que l'y avait invité l'ARCEP, a rendu ses nouveaux tarifs publics dès le 8 janvier 2024. D'autre part, la décision attaquée, tenant compte des observations de la Commission européenne, prévoit que les tarifs pour l'année 2024 ne prendront en compte qu'au plus trois quarts de l'augmentation tarifaire résultant du changement de référence pour le nombre d'accès cuivre et fibre optique pris en compte pour le calcul des tarifs, le reste de l'augmentation étant reportée sur les tarifs 2025, la société Orange ne recouvrant ainsi qu'avec un décalage d'un an une partie de ses coûts prévisionnels afférents à l'année 2024. Dans ces conditions, et compte tenu des différents impératifs en présence qu'il lui appartenait de concilier, l'ARCEP, qui n'était en outre pas tenue de traiter différemment les opérateurs n'intervenant que sur le marché des accès en fibre optique pour les entreprises au motif que ces derniers ne seraient pas en mesure, contrairement aux autres opérateurs, de répercuter la hausse des tarifs avant la fin de l'année 2024, a adopté des mesures transitoires qui ne méconnaissent ni le principe de sécurité juridique, ni, en tout état de cause, le principe d'égalité.

31. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter les conclusions des sociétés requérantes tendant à l'annulation de la décision attaquée, ainsi que, par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction présentées par les sociétés SAS Colt Technology Services et SAS Lumen Technologies France, et les sociétés SAS Eurofiber France et SAS Fullsave.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

32. Il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Celeste, de la société SAS Ielo-Liazo-Services, de la SAS Colt Technology Services et autres et de la société Eurofiber France et autres une somme de 1 000 euros chacune à verser à la société Orange au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par les sociétés requérantes.


D E C I D E :
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Article 1er : Il est donné acte du désistement de la société Altitude et autres.
Article 2 : Les requêtes de la société Celeste, de la SAS Ielo-Liazo-Services, des SAS Colt Technology Services et Lumen Technologies France et des SAS Eurofiber France et Fullsave sont rejetées.
Article 3 : La société Celeste, la société SAS Ielo-Liazo-Services, la SAS Colt Technology Services et autres et la société Eurofiber France et autres verseront une somme de 1 000 euros chacune à la société Orange au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Celeste, SAS Ielo-Liazo-Services, SAS Colt Technology Services, SAS Eurofiber France et Altitude, à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et à la société Orange.


Délibéré à l'issue de la séance du 21 octobre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 14 novembre 2024.


Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Jérôme Goldenberg
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard


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