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Ariane Web: Conseil d'État 489922, lecture du 25 octobre 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:489922.20241025

Décision n° 489922
25 octobre 2024
Conseil d'État

N° 489922
ECLI:FR:CECHR:2024:489922.20241025
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Marie Prévot, rapporteure
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats


Lecture du vendredi 25 octobre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la délibération n° 2022-041 du 22 juin 2022 par laquelle le conseil municipal de Lézinnes (Yonne) a autorisé le maire de cette commune à conclure avec la société d'exploitation du parc éolien de Vireaux une convention portant autorisation d'occupation et d'utilisation de la " voie romaine " en vue de la réalisation d'un parc éolien.

Par une ordonnance n° 2201972 du 9 août 2022, ce tribunal a transmis cette requête à la cour administrative d'appel de Lyon, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-3 et du 13° de l'article R. 311-5 du code de justice administrative.

Par un arrêt n° 22LY02514 du 5 octobre 2023, la cour a rejeté la requête de M. B... et les conclusions présentées par la commune de Lézinnes et la société d'exploitation du parc éolien de Vireaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 décembre 2023, 27 février 2024 et 1er juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B... demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lézinnes une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. B..., à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la commune de Lezinnes et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société d'exploitation du parc éolien (SEPE) de Vireaux ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 20 juin 2022, le conseil municipal de Lézinnes a autorisé le maire de cette commune à conclure avec la société d'exploitation du parc éolien de Vireaux une convention portant autorisation d'occupation et d'utilisation du chemin dit " voie romaine ", en vue de la réalisation d'un parc éolien ayant fait l'objet d'une autorisation délivrée par un arrêté du préfet de l'Yonne du 10 janvier 2018, modifié le 10 mars 2023. Par une ordonnance du 9 août 2022, prise en application des dispositions de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, le tribunal administratif de Dijon a transmis à la cour administrative d'appel de Lyon la requête formée par M. B... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette délibération. Ce dernier se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 octobre 2023 par lequel cette cour a rejeté sa demande.

Sur la compétence de la cour administrative d'appel de Lyon :

2. Aux termes de l'article R. 311-5 du code de justice administrative : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître, en premier et dernier ressort, des litiges portant sur les décisions suivantes, y compris leur refus, relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2 du code de l'environnement, à leurs ouvrages connexes, ainsi qu'aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés : (...) 13° Les autorisations d'occupation du domaine public mentionnées à l'article R. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques (...) 20° Les décisions modifiant ou complétant les prescriptions contenues dans les autorisations mentionnées au présent article / La cour administrative d'appel territorialement compétente pour connaître de ces recours est celle dans le ressort de laquelle a son siège l'autorité administrative qui a pris la décision ".

3. Les dispositions de l'article R. 311-5 du code de justice administrative ont pour objectif de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation de projets d'éoliennes terrestres en confiant aux cours administratives d'appel le jugement en premier et dernier ressort de l'ensemble du contentieux des décisions qu'exige l'installation de ces éoliennes. Elles impliquent que les cours administratives d'appel connaissent de l'ensemble des décisions d'autorisation d'occupation des biens relevant du domaine public ou privé d'une personne publique, de la modification d'une de ces autorisations ou du refus de les prendre ainsi que des actes permettant la conclusion de conventions autorisant l'occupation du domaine dont l'usage est nécessaire aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2 du code de l'environnement, à leurs ouvrages connexes, ainsi qu'aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés. C'est, par suite par une exacte application des dispositions de l'article R. 311-5 du code de justice administrative que la cour administrative d'appel de Lyon, qui a relevé dans les motifs de sa décision que le chemin dit " voie romaine " dont l'utilisation avait été autorisée en vue de la réalisation du parc éolien de Vireaux constituait une dépendance du domaine privé de la commune de Lézinnes, a statué, en qualité de juge de premier ressort, sur les conclusions de la requête de M. B....

Sur les autres moyens du pourvoi :

4. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales que, lorsqu'une délibération porte sur une installation mentionnée à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

5. Pour écarter le moyen tiré de ce que les membres du conseil municipal n'avaient pas été suffisamment informés du projet de délibération qui leur était soumis, la cour administrative d'appel a relevé que ceux-ci avaient été destinataires, par un courriel du 13 juin 2022, d'une note de synthèse, des projets de convention et de délibération et du plan des voies, dont elle a jugé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu'ils permettaient de connaître la nature du projet pour lequel l'autorisation d'usage de la voie romaine, objet de cette délibération, était sollicitée. En statuant ainsi, la cour, qui n'avait pas à rechercher si les membres du conseil municipal disposaient, en outre, d'informations précises et actualisées sur l'état du contentieux en cours à l'encontre de l'arrêté autorisant la construction et l'exploitation du parc éolien, dont elle avait au demeurant relevé, par un constat qui n'est pas davantage entaché de dénaturation, qu'ils en avaient nécessairement connaissance, n'a pas commis d'erreur de droit.

6. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article D. 161-8 du code rural et de la pêche maritime : " Sauf circonstances particulières appréciées par le conseil municipal dans une délibération motivée, aucun chemin rural ne doit avoir une largeur de plate-forme supérieure à 7 mètres et une largeur de chaussée supérieure à 4 mètres ". Aux termes de l'article D.161-9 du même code : " les prescriptions des II et III de l'article D. 161-8 s'appliquent aux chemins ruraux et ouvrages d'art construits après le 3 octobre 1969 ". La cour, qui a jugé par une appréciation souveraine qu'il n'apparaissait pas que le chemin dit " voie romaine " aurait été aménagé après le 3 octobre 1969, a pu, sans commettre d'erreur de droit ni méconnaître son office, s'appuyer sur cette circonstance, au demeurant non contestée par les parties, pour écarter le moyen tiré de la violation du II de l'article D. 161-8, sans ordonner de mesure d'instruction sur ce point.

7. En se fondant, en dernier lieu, pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont la commune aurait entaché sa délibération en accordant une autorisation excédant les limites des terrains dont elle est propriétaire, sur la circonstance que la portion de la " voie romaine " en cause, dont le tracé est en quasi ligne droite, ne comportait aucun virage supposant la réalisation d'un élargissement de cette largeur, excédant l'emprise du chemin, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la commune de Lézinnes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme sollicitée par la commune de Lézinnes et par la société d'exploitation du parc éolien de Vireaux au titre des mêmes dispositions.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Lézinnes et par la société d'exploitation du parc éolien de Vireaux au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la commune de Lézinnes et à la société d'exploitation du parc éolien de Vireaux.
Délibéré à l'issue de la séance du 14 octobre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 25 octobre 2024.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Marie Prévot
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle


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