Conseil d'État
N° 473776
ECLI:FR:CECHR:2024:473776.20241016
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Anne Lazar Sury, rapporteure
M. Mathieu Le Coq, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats
Lecture du mercredi 16 octobre 2024
Vu les procédures suivantes :
Mme D... F... et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 janvier 2020 par lequel le maire de Châtillon (Hauts-de-Seine) a délivré à M. A... B... un permis de construire pour l'extension et la surélévation d'une maison individuelle, après démolition de constructions existantes, l'arrêté du 25 novembre 2020 de la même autorité ayant délivré à M. B... un permis de construire modificatif pour le même projet, ainsi que les décisions implicites de rejet de leurs recours gracieux contre ces arrêtés. Par un jugement n° 2009356 du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a sursis à statuer sur cette demande jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois imparti à M. B... et à la commune de Châtillon pour notifier au tribunal un permis de construire régularisant les trois vices qu'il a retenus.
1° Sous le n° 473776, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mai et 28 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Châtillon demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme F... et M. C... ;
3°) de mettre à la charge de Mme F... et de M. C... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 473953, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai et 8 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le même jugement du 7 mars 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
2°) de mettre à la charge de Mme F... et de M. C... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la commune de Châtillon, à la SCP Foussard, Froger, avocat de Mme F... et de M. C... et à Me Occhipinti, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 7 janvier 2020, le maire de Châtillon a délivré à M. B... un permis de construire une extension et une surélévation d'une maison d'habitation, après démolition de constructions existantes, puis, par arrêté du 25 novembre 2020, un permis de construire modificatif pour le même projet. Par un jugement du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur la demande d'annulation pour excès de pouvoir de ces deux arrêtés, présentée par Mme F... et M. C..., jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois pour notifier au tribunal un permis de construire régularisant les trois vices qu'il a retenus. Il y a lieu de joindre, pour y statuer par une même décision, les deux pourvois formés contre ce jugement par la commune de Châtillon d'une part et par M. B... d'autre part.
2. En premier lieu, lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge administratif doit, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu'il fasse le choix de recourir à l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, si les conditions posées par cet article sont réunies, ou que le bénéficiaire de l'autorisation lui ait indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Lorsqu'il décide de recourir à l'article L. 600-5-1, il doit, avant de surseoir à statuer sur le fondement de ces dispositions, non seulement constater préalablement qu'aucun des autres moyens n'est fondé et n'est susceptible d'être régularisé et indiquer dans sa décision de sursis pour quels motifs ces moyens doivent être écartés, mais aussi statuer sur les fins de non-recevoir le cas échéant soulevées devant lui.
3. En l'espèce, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué qu'il ne se prononce pas, dans ses motifs, sur la fin de non-recevoir, qui n'est pas davantage mentionnée dans ses visas, qui avait été opposée à la demande de Mme F... et M. C... par la commune de Châtillon, tirée de ce que les demandeurs de première instance ne justifiaient pas de leur intérêt à agir. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement qu'ils attaquent est entaché d'irrégularité.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article UD 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Châtillon, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives : " 7-1. (...) les constructions peuvent s'implanter : / 7-1-1 Sur les limites séparatives, si la façade sur la limite ne comporte pas de baies ; / 7-1-2. En retrait de ces limites. Dans ce cas, elles doivent s'en écarter conformément aux règles suivantes : - de 8 mètres minimum si la façade comporte des baies principales. - de 3 mètres minimum en l'absence de baie principale. (...) / 7-3-3. L'extension ou la surélévation d'une construction existante à la date d'approbation du présent règlement ne respectant pas les dispositions figurant au 7-1 et au 7-2, peut être autorisée dans le prolongement de la façade ou du pignon existant, sans pour autant se rapprocher des limites séparatives et à condition que les façades créées dans ce prolongement ne comportent pas de baies autres que des jours de souffrance. (...) Nota 3 : Dans le cas d'une implantation autorisée sur les limites séparatives, seules les façades aveugles de la construction sont permises sur ces limites. Dans ce cas, uniquement les pavés de verre sont autorisés ".
5. La circonstance que ces dispositions fixent au 7-3-3 les règles spécialement applicables à l'extension ou à la modification d'une construction existante ne respectant pas les dispositions figurant au 7-1 et au 7-2 ne saurait faire obstacle à ce qu'une telle extension ou modification puisse s'implanter de façon conforme aux dispositions du 7-1 et du 7-2, lesquelles s'appliquent en principe à toute construction nouvelle et dont le 7-3-3 se borne à fixer les conditions auxquelles il peut y être dérogé. Par suite, en jugeant que le projet d'extension en litige était entaché d'un vice faute d'être implanté de façon conforme aux dispositions de l'article UD 7-3-3 du règlement du plan local d'urbanisme, sans rechercher si l'application de ces dispositions n'étaient pas dépourvue d'objet en raison d'une implantation du projet litigieux conforme aux dispositions figurant au 7-1 ou au 7-2, le tribunal a commis une erreur de droit.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article UD 9-1-1 du règlement du plan local d'urbanisme : " (...) l'emprise au sol des constructions est définie ainsi : / L'emprise au sol maximale " E " des constructions sur la parcelle est fixée par rapport à la surface " S " des terrains. / Si " S " est inférieur à 160 mètres carrés, E = 80 mètres carrés maximum (...) " et aux termes de l'article UD 13-2-1 du même règlement: " (...) au moins 40 % de la superficie du terrain devant rester non bâtie, résultant de l'application de l'emprise au sol à l'article UD 9, doivent être traités en espace vert ; / au moins 50 % de la superficie du terrain devant rester non bâtie, résultant de l'application de l'emprise au sol à l'article UD 9, doivent être traités en espace vert de pleine terre (...) ". Dans sa rédaction applicable au litige, le titre 2 : " Définitions " de ce règlement précise en outre que : " Espace vert / Les espaces verts sont constitués par des terrains aménagés sur terre végétale ou substrat. / La surface de ces terrains doit recevoir des plantations herbacées, arbustives ou arborées " et " Espace vert de pleine terre / Un espace de pleine terre permet d'éviter une trop forte imperméabilisation du sol, donc de limiter les ruissellements des eaux de pluie et de reconstituer les nappes phréatiques. / Ainsi, à titre d'exemple, un parking réalisé en sous-sol et dépassant l'emprise de la construction, fait perdre la qualité de pleine terre au sol resté libre en surface. / Les parties de terrain en pleine terre ne peuvent supporter des constructions en sous-sol. / Les éventuels réseaux existants ou projetés dans son sous-sol sont autorisés afin qu'ils ne portent pas atteinte à l'équilibre pédologique du sol ".
7. Pour juger que le projet était entaché d'un vice tenant à la méconnaissance de ces dispositions, le tribunal, après avoir retenu que la surface du terrain d'assiette du projet était de 139 mètres carrés, ce dont il a déduit que l'emprise au sol maximale des constructions était de 80 mètres carrés, laissant au minimum 59 mètres carrés non bâtis, de sorte que quatre-vingt-dix pour cent de cette surface, soit 53,1 mètres carrés devaient être traités en espaces verts, dont cinquante pour cent au moins en espaces de pleine terre, a jugé que les surfaces traitées en espaces verts ne pouvaient inclure la surface végétalisée prévue en toiture. En statuant ainsi, alors que la modification n° 3 au lexique du plan local d'urbanisme prévoyant que la surface de ces terrains " doit être située au rez-de-chaussée des constructions ", adoptée le 24 février 2020, postérieurement à la délivrance du permis en litige, ne lui était pas applicable, le tribunal a commis une erreur de droit.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 151-33 du code de l'urbanisme : " Lorsque le règlement impose la réalisation d'aires de stationnement pour les véhicules motorisés, celles-ci peuvent être réalisées sur le terrain d'assiette ou dans son environnement immédiat. / Lorsque le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable ne peut pas satisfaire aux obligations résultant du premier alinéa, il peut être tenu quitte de ces obligations en justifiant, pour les places qu'il ne peut réaliser lui-même, soit de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation et situé à proximité de l'opération, soit de l'acquisition ou de la concession de places dans un parc privé de stationnement répondant aux mêmes conditions ".
9. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires qui ont précédé leur adoption, qu'un constructeur ne peut être admis à se soustraire aux obligations imposées par le plan local d'urbanisme en matière de réalisation d'aires de stationnement en obtenant une concession à long terme dans un parc de stationnement ou en versant la participation fixée par le conseil municipal que lorsqu'existe une impossibilité technique de réaliser les aires de stationnement correspondant aux prescriptions du plan local d'urbanisme.
10. Pour juger que le projet était entaché d'un vice tenant à la méconnaissance de l'article UD 12 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'article L. 151-33 du code de l'urbanisme, le tribunal a jugé qu'en vertu des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme, M. B... était tenu, eu égard à la surface totale de plancher de 175 mètres carrés du projet et à la démolition de la construction de plain-pied qualifiée de garage dans l'acte de vente de 2010, de réaliser quatre places de stationnement. Après avoir relevé que l'intéressé avait fait l'acquisition de trois places dans un parc privé de stationnement, en sus de la place en surface réalisée sur le terrain d'assiette du projet, le tribunal a toutefois estimé que M. B... ne pouvait être regardé comme s'étant ce faisant acquitté de ses obligations en matière de stationnement dès lors qu'il n'établissait pas avoir été dans l'impossibilité technique, tenant à la configuration ou la localisation du terrain d'assiette du projet, ni ne démontrait que les dispositions du plan local d'urbanisme faisaient obstacle à ce que pût être conçu sur le terrain d'assiette un projet d'extension conciliant à la fois les exigences réglementaires en matière d'emprise au sol des constructions, d'espaces verts et de stationnement. En statuant ainsi, alors qu'en application des dispositions des articles UD 9-1-1 et UD 13-2-1 citées au point 6, compte tenu de la surface constructible du terrain d'assiette, la surface de celui-ci pouvant n'être ni bâtie ni en espace vert n'était que de 13,9 mètres carrés et qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que, compte tenu de la maison existante, la réalisation de trois places de stationnement en sous-sol était techniquement impossible, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, que la commune de Châtillon et M. B... sont fondés à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme F... et M. C..., d'une part, une somme globale de 1 500 euros à verser à la commune de Châtillon et, d'autre part, une somme globale de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par Mme F... et M. C... à ce même titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 7 mars 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Article 3 : Mme F... et M. C... verseront une somme globale de 1 500 euros à la commune de Châtillon et une somme globale de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme F... et M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Châtillon, à M. A... B... et à Mme D... F... et M. E... C....
Délibéré à l'issue de la séance du 2 octobre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Pierre Boussaroque, M. Vincent Mazauric, M. Edouard Geffray, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 16 octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Anne Lazar Sury
La secrétaire :
Signé : Mme Paule Troly
N° 473776
ECLI:FR:CECHR:2024:473776.20241016
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Anne Lazar Sury, rapporteure
M. Mathieu Le Coq, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats
Lecture du mercredi 16 octobre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
Mme D... F... et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 janvier 2020 par lequel le maire de Châtillon (Hauts-de-Seine) a délivré à M. A... B... un permis de construire pour l'extension et la surélévation d'une maison individuelle, après démolition de constructions existantes, l'arrêté du 25 novembre 2020 de la même autorité ayant délivré à M. B... un permis de construire modificatif pour le même projet, ainsi que les décisions implicites de rejet de leurs recours gracieux contre ces arrêtés. Par un jugement n° 2009356 du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a sursis à statuer sur cette demande jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois imparti à M. B... et à la commune de Châtillon pour notifier au tribunal un permis de construire régularisant les trois vices qu'il a retenus.
1° Sous le n° 473776, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mai et 28 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Châtillon demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme F... et M. C... ;
3°) de mettre à la charge de Mme F... et de M. C... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 473953, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai et 8 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le même jugement du 7 mars 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
2°) de mettre à la charge de Mme F... et de M. C... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la commune de Châtillon, à la SCP Foussard, Froger, avocat de Mme F... et de M. C... et à Me Occhipinti, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 7 janvier 2020, le maire de Châtillon a délivré à M. B... un permis de construire une extension et une surélévation d'une maison d'habitation, après démolition de constructions existantes, puis, par arrêté du 25 novembre 2020, un permis de construire modificatif pour le même projet. Par un jugement du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur la demande d'annulation pour excès de pouvoir de ces deux arrêtés, présentée par Mme F... et M. C..., jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois pour notifier au tribunal un permis de construire régularisant les trois vices qu'il a retenus. Il y a lieu de joindre, pour y statuer par une même décision, les deux pourvois formés contre ce jugement par la commune de Châtillon d'une part et par M. B... d'autre part.
2. En premier lieu, lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge administratif doit, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu'il fasse le choix de recourir à l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, si les conditions posées par cet article sont réunies, ou que le bénéficiaire de l'autorisation lui ait indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Lorsqu'il décide de recourir à l'article L. 600-5-1, il doit, avant de surseoir à statuer sur le fondement de ces dispositions, non seulement constater préalablement qu'aucun des autres moyens n'est fondé et n'est susceptible d'être régularisé et indiquer dans sa décision de sursis pour quels motifs ces moyens doivent être écartés, mais aussi statuer sur les fins de non-recevoir le cas échéant soulevées devant lui.
3. En l'espèce, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué qu'il ne se prononce pas, dans ses motifs, sur la fin de non-recevoir, qui n'est pas davantage mentionnée dans ses visas, qui avait été opposée à la demande de Mme F... et M. C... par la commune de Châtillon, tirée de ce que les demandeurs de première instance ne justifiaient pas de leur intérêt à agir. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement qu'ils attaquent est entaché d'irrégularité.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article UD 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Châtillon, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives : " 7-1. (...) les constructions peuvent s'implanter : / 7-1-1 Sur les limites séparatives, si la façade sur la limite ne comporte pas de baies ; / 7-1-2. En retrait de ces limites. Dans ce cas, elles doivent s'en écarter conformément aux règles suivantes : - de 8 mètres minimum si la façade comporte des baies principales. - de 3 mètres minimum en l'absence de baie principale. (...) / 7-3-3. L'extension ou la surélévation d'une construction existante à la date d'approbation du présent règlement ne respectant pas les dispositions figurant au 7-1 et au 7-2, peut être autorisée dans le prolongement de la façade ou du pignon existant, sans pour autant se rapprocher des limites séparatives et à condition que les façades créées dans ce prolongement ne comportent pas de baies autres que des jours de souffrance. (...) Nota 3 : Dans le cas d'une implantation autorisée sur les limites séparatives, seules les façades aveugles de la construction sont permises sur ces limites. Dans ce cas, uniquement les pavés de verre sont autorisés ".
5. La circonstance que ces dispositions fixent au 7-3-3 les règles spécialement applicables à l'extension ou à la modification d'une construction existante ne respectant pas les dispositions figurant au 7-1 et au 7-2 ne saurait faire obstacle à ce qu'une telle extension ou modification puisse s'implanter de façon conforme aux dispositions du 7-1 et du 7-2, lesquelles s'appliquent en principe à toute construction nouvelle et dont le 7-3-3 se borne à fixer les conditions auxquelles il peut y être dérogé. Par suite, en jugeant que le projet d'extension en litige était entaché d'un vice faute d'être implanté de façon conforme aux dispositions de l'article UD 7-3-3 du règlement du plan local d'urbanisme, sans rechercher si l'application de ces dispositions n'étaient pas dépourvue d'objet en raison d'une implantation du projet litigieux conforme aux dispositions figurant au 7-1 ou au 7-2, le tribunal a commis une erreur de droit.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article UD 9-1-1 du règlement du plan local d'urbanisme : " (...) l'emprise au sol des constructions est définie ainsi : / L'emprise au sol maximale " E " des constructions sur la parcelle est fixée par rapport à la surface " S " des terrains. / Si " S " est inférieur à 160 mètres carrés, E = 80 mètres carrés maximum (...) " et aux termes de l'article UD 13-2-1 du même règlement: " (...) au moins 40 % de la superficie du terrain devant rester non bâtie, résultant de l'application de l'emprise au sol à l'article UD 9, doivent être traités en espace vert ; / au moins 50 % de la superficie du terrain devant rester non bâtie, résultant de l'application de l'emprise au sol à l'article UD 9, doivent être traités en espace vert de pleine terre (...) ". Dans sa rédaction applicable au litige, le titre 2 : " Définitions " de ce règlement précise en outre que : " Espace vert / Les espaces verts sont constitués par des terrains aménagés sur terre végétale ou substrat. / La surface de ces terrains doit recevoir des plantations herbacées, arbustives ou arborées " et " Espace vert de pleine terre / Un espace de pleine terre permet d'éviter une trop forte imperméabilisation du sol, donc de limiter les ruissellements des eaux de pluie et de reconstituer les nappes phréatiques. / Ainsi, à titre d'exemple, un parking réalisé en sous-sol et dépassant l'emprise de la construction, fait perdre la qualité de pleine terre au sol resté libre en surface. / Les parties de terrain en pleine terre ne peuvent supporter des constructions en sous-sol. / Les éventuels réseaux existants ou projetés dans son sous-sol sont autorisés afin qu'ils ne portent pas atteinte à l'équilibre pédologique du sol ".
7. Pour juger que le projet était entaché d'un vice tenant à la méconnaissance de ces dispositions, le tribunal, après avoir retenu que la surface du terrain d'assiette du projet était de 139 mètres carrés, ce dont il a déduit que l'emprise au sol maximale des constructions était de 80 mètres carrés, laissant au minimum 59 mètres carrés non bâtis, de sorte que quatre-vingt-dix pour cent de cette surface, soit 53,1 mètres carrés devaient être traités en espaces verts, dont cinquante pour cent au moins en espaces de pleine terre, a jugé que les surfaces traitées en espaces verts ne pouvaient inclure la surface végétalisée prévue en toiture. En statuant ainsi, alors que la modification n° 3 au lexique du plan local d'urbanisme prévoyant que la surface de ces terrains " doit être située au rez-de-chaussée des constructions ", adoptée le 24 février 2020, postérieurement à la délivrance du permis en litige, ne lui était pas applicable, le tribunal a commis une erreur de droit.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 151-33 du code de l'urbanisme : " Lorsque le règlement impose la réalisation d'aires de stationnement pour les véhicules motorisés, celles-ci peuvent être réalisées sur le terrain d'assiette ou dans son environnement immédiat. / Lorsque le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable ne peut pas satisfaire aux obligations résultant du premier alinéa, il peut être tenu quitte de ces obligations en justifiant, pour les places qu'il ne peut réaliser lui-même, soit de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation et situé à proximité de l'opération, soit de l'acquisition ou de la concession de places dans un parc privé de stationnement répondant aux mêmes conditions ".
9. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires qui ont précédé leur adoption, qu'un constructeur ne peut être admis à se soustraire aux obligations imposées par le plan local d'urbanisme en matière de réalisation d'aires de stationnement en obtenant une concession à long terme dans un parc de stationnement ou en versant la participation fixée par le conseil municipal que lorsqu'existe une impossibilité technique de réaliser les aires de stationnement correspondant aux prescriptions du plan local d'urbanisme.
10. Pour juger que le projet était entaché d'un vice tenant à la méconnaissance de l'article UD 12 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'article L. 151-33 du code de l'urbanisme, le tribunal a jugé qu'en vertu des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme, M. B... était tenu, eu égard à la surface totale de plancher de 175 mètres carrés du projet et à la démolition de la construction de plain-pied qualifiée de garage dans l'acte de vente de 2010, de réaliser quatre places de stationnement. Après avoir relevé que l'intéressé avait fait l'acquisition de trois places dans un parc privé de stationnement, en sus de la place en surface réalisée sur le terrain d'assiette du projet, le tribunal a toutefois estimé que M. B... ne pouvait être regardé comme s'étant ce faisant acquitté de ses obligations en matière de stationnement dès lors qu'il n'établissait pas avoir été dans l'impossibilité technique, tenant à la configuration ou la localisation du terrain d'assiette du projet, ni ne démontrait que les dispositions du plan local d'urbanisme faisaient obstacle à ce que pût être conçu sur le terrain d'assiette un projet d'extension conciliant à la fois les exigences réglementaires en matière d'emprise au sol des constructions, d'espaces verts et de stationnement. En statuant ainsi, alors qu'en application des dispositions des articles UD 9-1-1 et UD 13-2-1 citées au point 6, compte tenu de la surface constructible du terrain d'assiette, la surface de celui-ci pouvant n'être ni bâtie ni en espace vert n'était que de 13,9 mètres carrés et qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que, compte tenu de la maison existante, la réalisation de trois places de stationnement en sous-sol était techniquement impossible, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, que la commune de Châtillon et M. B... sont fondés à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme F... et M. C..., d'une part, une somme globale de 1 500 euros à verser à la commune de Châtillon et, d'autre part, une somme globale de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par Mme F... et M. C... à ce même titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 7 mars 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Article 3 : Mme F... et M. C... verseront une somme globale de 1 500 euros à la commune de Châtillon et une somme globale de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme F... et M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Châtillon, à M. A... B... et à Mme D... F... et M. E... C....
Délibéré à l'issue de la séance du 2 octobre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Pierre Boussaroque, M. Vincent Mazauric, M. Edouard Geffray, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 16 octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Anne Lazar Sury
La secrétaire :
Signé : Mme Paule Troly