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Ariane Web: Conseil d'État 474364, lecture du 2 octobre 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:474364.20241002

Décision n° 474364
2 octobre 2024
Conseil d'État

N° 474364
ECLI:FR:CECHR:2024:474364.20241002
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Didier Ribes, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET, avocats


Lecture du mercredi 2 octobre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 474364, par une décision du 5 décembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission partielle des conclusions du pourvoi de la société Bureau Veritas construction contre l'arrêt n° 21MA00132 du 21 mars 2023 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il a statué sur ses conclusions d'appel en garantie.


2° Sous le n° 474366, par une décision du 5 décembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission partielle des conclusions du pourvoi de la société Bureau Veritas construction contre l'arrêt n° 21MA00149 du 21 mars 2023 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il a statué sur ses conclusions d'appel en garantie.


....................................................................................

3°, Sous le n° 474368, par une décision du 5 décembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission partielle des conclusions du pourvoi de la société Bureau Veritas construction contre l'arrêt n° 21MA00169 du 21 mars 2023 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il a statué sur ses conclusions d'appel en garantie.


....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code civil ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 ;
- l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la Société Bureau Veritas Construction, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Corinne vezzoni et associes, à la SCP Duhamel, avocat de la société Egis bâtiments sud venant aux droits de la société egis bâtiments méditerranée, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la société Les travaux du midi et de la société Gtm sud, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Corinne vezzoni, à la SCP Duhamel, avocat de la société Société egis bâtiments sud venant aux droits de la societe egis bâtiments mediterranee et à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la société Gtm sud ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par contrats du 22 novembre 2002, le département des Bouches-du-Rhône a confié la construction de l'immeuble des archives départementales à Marseille à la société d'architectes Corinne Vezzoni et associés, au bureau d'études OTH, aux droits duquel vient la société Egis Bâtiments Méditerranée, devenue Egis bâtiments Sud, à la société Les Travaux du Midi, à la société Campenon Bernard Méditerranée, devenue GTM Sud, et à la SNC Dumez Méditerranée, devenue Les Travaux du Midi Provence, le contrôle technique de l'opération étant assuré par la société Bureau Veritas, devenue Bureau Veritas construction. Après la réception des travaux intervenue le 29 septembre 2005, le département des Bouches-du-Rhône a constaté, courant 2006, un jaunissement des fenêtres vitrées et a déclaré un sinistre auprès de la SMABTP le 1er juillet 2008, puis courant 2011 une évolution avec un décollement de la feuille intercalaire qui assemble les deux composants verriers. Saisi par la SMABTP, agissant en qualité de subrogée du département des Bouches-du-Rhône, le tribunal administratif de Marseille, par un jugement du 10 novembre 2020, a condamné solidairement la société d'architectes Corinne Vezzoni et associés, la société Egis Bâtiment Travaux Publics, la société Travaux du Midi Provence, la société Les Travaux du Midi, la société GTM Sud et la société Bureau Veritas à verser à la SMABTP, outre les dépens, la somme de 4 123 660,13 euros. Par trois arrêts du 21 mars 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté les appels formés contre ce jugement par la société Bureau Veritas construction, la société Corinne Vezzoni et associés et la société Egis bâtiments Sud ainsi que les autres conclusions d'appel présentées par les parties, notamment les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Bureau Veritas construction à l'égard des autres participants à l'opération de construction. Par trois décisions nos 474364, 474366 et 474368 du 5 décembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission partielle des conclusions des pourvois de la société Bureau Veritas construction dirigés contre ces arrêts, en tant qu'ils ont statué sur ses conclusions d'appel en garantie. Ces pourvois présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur les pourvois de la société Bureau Veritas construction :

2. D'une part, aux termes de l'article 1792 du code civil : " Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. / Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ". L'article 1792-2 du même code précise que " la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert. (...) ".

3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors en vigueur, résultant de la codification de l'article 9 de la loi du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l'assurance dans le domaine de la construction, devenu l'article L. 125-2 du même code : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil (...) ". Le second alinéa du même article, inséré par l'article 4 de l'ordonnance du 8 juin 2005 portant modification de diverses dispositions relatives à l'obligation d'assurance dans le domaine de la construction et aux géomètres experts dispose : " Le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage ".

4. Il résulte de l'application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil et des dispositions citées au point 3 que le contrôleur technique dont la responsabilité décennale est engagée envers le maître de l'ouvrage doit, s'il entend appeler en garantie les autres participants à l'opération de construction, établir qu'ils ont commis une faute ayant contribué à la réalisation des dommages dont le maître d'ouvrage demande réparation. La société Bureau Veritas construction n'est ainsi pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation permettraient au contrôleur technique d'être entièrement garanti par les constructeurs en se bornant à établir qu'il n'a pas commis de faute. Par suite, en rejetant les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Bureau Veritas construction à l'égard des autres participants à l'opération de construction au motif qu'elle n'invoquait aucune faute de leur part, la cour administrative d'appel n'a pas entaché d'erreur de droit les trois arrêts attaqués. La société Bureau Veritas construction n'est, dès lors, pas fondée à en demander l'annulation.

Sur le pourvoi provoqué de la société Corinne Vezzoni et associés :

5. Dès lors que les conclusions du pourvoi principal, présenté sous le n° 474364, de la société Bureau Veritas construction ne sont pas accueillies, la société Corinne Vezzoni et associés n'est, en tout état de cause, pas recevable à demander, par des conclusions subsidiaires présentées après l'expiration du délai de recours, l'annulation du même arrêt en tant que la cour l'a condamnée, solidairement avec la société Egis Bâtiments Travaux Publics, la société Travaux du Midi Provence, la société Les Travaux du Midi, la société GTM Sud et la société Bureau Veritas, à verser à la SMABTP la somme totale de 4 123 660,13 euros.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SMABTP qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'une part, de mettre à la charge de la société Bureau Veritas construction la somme de 3 000 euros à verser respectivement aux sociétés Corinne Vezzoni et associés et Egis bâtiments Sud et la somme de 1 500 euros à verser respectivement aux sociétés Les travaux du Midi et GTM Sud et, d'autre part, de mettre à la charge de la société Corinne Vezzoni et associés la somme de 2 000 euros à verser à la SMABTP au titre des mêmes dispositions.


D E C I D E :
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Article 1er : Les pourvois de la société Bureau Veritas construction sont rejetés.
Article 2 : Le pourvoi provoqué de la société Corinne Vezzoni et associés est rejeté.
Article 3 : La société Bureau Veritas construction versera aux sociétés Corinne Vezzoni et associés et Egis bâtiments Sud une somme de 3 000 euros chacune et aux sociétés Les travaux du Midi et GTM Sud une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La société Corinne Vezzoni et associés versera à la SMABTP une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Bureau Veritas construction, à la société Corinne Vezzoni et associés, aux sociétés Les Travaux du Midi et GTM Sud, à la société Egis bâtiments Sud et à la SMABTP.
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Délibéré à l'issue de la séance du 16 septembre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat ; M. Didier Ribes, conseiller d'Etat-rapporteur ; M. Frédéric Gueudar Delahaye et M. Pascal Trouilly, conseillers d'Etat.

Rendu le 2 octobre 2024.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Didier Ribes
La secrétaire :
Signé : Mme Nadine Pelat


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