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Ariane Web: Conseil d'État 471174, lecture du 8 juillet 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:471174.20240708

Décision n° 471174
8 juillet 2024
Conseil d'État

N° 471174
ECLI:FR:CECHR:2024:471174.20240708
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Cédric Fraisseix, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES, avocats


Lecture du lundi 8 juillet 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

L'association " Ligue pour la protection des oiseaux " a demandé à la cour administrative d'appel de Toulouse d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aveyron du 16 janvier 2020 portant prescriptions complémentaires de l'autorisation d'exploiter le parc éolien dit " la Baume " situé sur le territoire de la commune de Lapanouse-de-Cernon (Aveyron). Par un arrêt n° 20TL22215 du 8 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté sa requête.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 février et 5 mai 2023 et 28 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ligue pour la protection des oiseaux demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Centrale éolienne de production d'énergie (CEPE) de la Baume la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la Ligue pour la protection des oiseaux et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de la société Centrale éolienne de production d'énergie (CEPE) de la Baume ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préfet de l'Aveyron a délivré, le 5 décembre 2012, à la société Eoles Res un permis de construire un parc éolien au lieu-dit la Baume, sur le territoire de la commune de Lapanouse-de-Cernon (Aveyron), ayant fait l'objet, le 7 août 2012, d'un récépissé octroyant le bénéfice des droits acquis au profit de cette même société pour l'exploitation du parc et actant son classement au titre de la rubrique n° 2980-1 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Par un arrêté du 27 octobre 2016 du préfet de l'Aveyron, le bénéfice de ces droits a été transféré à la société Centrale éolienne de production d'énergie (CEPE) de la Baume. Par un arrêté complémentaire du 30 janvier 2018 relatif à l'exploitation du parc éolien, le préfet de l'Aveyron a indiqué que les actes délivrés au bénéfice de la société exploitante étaient devenus, au 1er mars 2017, un arrêté d'autorisation environnementale et a prescrit des mesures visant à préserver l'avifaune et les chiroptères, dont celle tenant à l'interdiction de fonctionnement diurne du parc éolien. Par un nouvel arrêté du 16 janvier 2020, le préfet a modifié ces prescriptions, levant cette interdiction mais l'assortissant de prescriptions complémentaires. La Ligue pour la protection des oiseaux se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Toulouse qui a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ce dernier arrêté du préfet de l'Aveyron.

Sur les motifs de l'arrêt portant sur les intérêts protégés par les articles L. 181-3, L. 181-4, L. 181-14 et L. 511-1 du code de l'environnement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ", au nombre desquels figurent les dangers ou inconvénients pour la protection de la nature et de l'environnement. Selon l'article L. 181-4 du même code : " Les projets soumis à autorisation environnementale (...) restent soumis, sous réserve des dispositions du présent titre : / (...) 2° Aux législations spécifiques aux autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments dont l'autorisation environnementale tient lieu lorsqu'ils sont exigés et qui sont énumérés par l'article L. 181-2, ainsi que, le cas échéant, aux autres dispositions législatives et réglementaires particulières qui les régissent ". En vertu de l'article L. 181-12 de ce code : " L'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. / Ces prescriptions portent (...) sur les mesures et moyens à mettre en oeuvre lors de la réalisation du projet, au cours de son exploitation, au moment de sa cessation et après celle-ci, notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation des effets négatifs notables sur l'environnement et la santé (...) ".

3. D'autre part, selon l'article L. 181-14 du code de l'environnement : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en oeuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale (...). / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées ". L'article R. 181-45 du code de l'environnement précise que : " Les prescriptions complémentaires prévues par le dernier alinéa de l'article L. 181-14 sont fixées par des arrêtés complémentaires du préfet (...). / (...) Ces arrêtés peuvent imposer les mesures additionnelles que le respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 rend nécessaire ou atténuer les prescriptions initiales dont le maintien en l'état n'est plus justifié. Ces arrêtés peuvent prescrire, en particulier, la fourniture de précisions ou la mise à jour des informations prévues à la section 2 (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative de prendre, à tout moment, à l'égard de l'exploitant, les mesures qui se révèleraient nécessaires à la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts énumérés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, notamment la protection de la nature et de l'environnement. Il lui appartient, à cette fin, de prendre les mesures de nature à préserver les espèces animales non domestiques protégées ainsi que leurs habitats.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le vautour moine (aegypius monachus), qui figure à la fois à l'arrêté du 9 juillet 1999 fixant la liste des espèces de vertébrés protégées menacées d'extinction en France et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département, à l'annexe I de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages et sur la liste rouge des oiseaux nicheurs menacés de France métropolitaine (UICN 2016), ne comprend que quarante-six couples reproducteurs en France, dont vingt-neuf sur le territoire des Grands Causses où se situe le parc éolien en litige et est exposé, compte tenu de sa pratique de vol à basse altitude, à un important risque de collision, de sorte que le plan national d'actions élaboré par le ministre chargé de l'environnement sur la période 2021-2030 recommande, lors de la création de parcs éoliens, l'évitement absolu des domaines vitaux de cette espèce caractérisée également par un faible taux de reproduction. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que pour juger que les prescriptions complémentaires contenues dans l'arrêté du 16 janvier 2020 du préfet de l'Aveyron étaient de nature à assurer la protection de neuf espèces protégées dites " cibles ", dont le vautour moine, la cour a relevé, d'une part, que le système de détection et d'effarouchement envisagé, tout comme la vitesse de réduction des pâles, avaient pour objectif de réduire un risque de collision, et non de l'exclure et, d'autre part, qu'étaient prévues, en présence d'un cas de mortalité due à l'exploitation du parc éolien, une information de l'administration et la proposition à cette dernière de mesures correctives et de suivi accompagnées d'un calendrier pour leur mise en oeuvre. En se bornant ainsi, d'une part, à constater que les mesures envisagées étaient de nature à réduire un risque de collision sans se prononcer sur son caractère résiduel après la prise en compte des mesures de réduction et, d'autre part, à retenir l'existence de mesures qui n'avaient vocation à intervenir qu'après la survenance d'un tel risque, pour juger que les intérêts protégés par les articles L. 181-14 et L. 511-1 du code de l'environnement n'étaient pas méconnus, alors qu'il ressortait de ses propres constatations que le parc éolien en litige présentait un impact sur une espèce protégée pour laquelle un cas de mortalité d'un spécimen était susceptible d'affecter son état de conservation, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

Sur les motifs de l'arrêt portant sur la dérogation " espèces protégées " :

6. Le I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement comporte un ensemble d'interdictions visant à assurer la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats. Sont ainsi interdits : " 1° la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle (...) d'animaux de ces espèces (...) ; / (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Toutefois, le 4° de l'article L. 411-2 du même code permet à l'autorité administrative de délivrer des dérogations à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant à l'absence de solution alternative satisfaisante, à la condition de ne pas nuire " au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle " et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs qu'il énumère limitativement et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. Aux termes de l'article R. 411-6 du même code : " Les dérogations (...) sont accordées par le préfet (...). / Toutefois, lorsque la dérogation est sollicitée pour un projet entrant dans le champ d'application de l'article L. 181-1, l'autorisation environnementale prévue par cet article tient lieu de la dérogation définie par le 4° de l'article L. 411-2. La demande est alors instruite et délivrée dans les conditions prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour l'autorisation environnementale (...) ".

7. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

8. D'autre part, en vertu du I de l'article L. 181-2 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : / (...) 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation (...) d'espèces animales non domestiques (...) et de leurs habitats en application du 4° du I de l'article L. 411-2 (...) ". Aux termes du II de l'article L. 181-3 du même code : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent également : / (...) 4° Le respect des conditions, fixées au 4° du I de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation (...) des espèces animales non domestiques (...) et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation (...) ". Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " (...) 1° Les autorisations délivrées (...) avant le 1er mars 2017, ainsi que les permis de construire en cours de validité à cette même date autorisant les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'un permis de construire en cours de validité à la date du 1er mars 2017 autorisant un projet d'installation d'éoliennes terrestres est considéré, à compter de cette date, comme une autorisation environnementale. Dès lors que cette autorisation environnementale tient lieu des divers actes énumérés au I de l'article L. 181-2, au nombre desquels figure la dérogation " espèces protégées ", est opérant le moyen tiré de ce que l'autorisation environnementale issue du permis de construire est illégale en tant qu'elle n'incorpore pas, à la date à laquelle le juge administratif statue, une telle dérogation dont il est soutenu qu'elle était requise pour le projet éolien en cause.

10. En outre, aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. Elle peut, par le même acte ou par un acte distinct, suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages, l'utilisation des objets et dispositifs ou la poursuite des travaux, opérations, activités ou aménagements jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification, à moins que des motifs d'intérêt général et en particulier la préservation des intérêts protégés par le présent code ne s'y opposent. L'autorité administrative peut, en toute hypothèse, édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne mise en demeure (...) ".

11. Enfin, selon l'article R. 411-10-1 du code de l'environnement : " Toute modification substantielle d'une activité, d'une installation, d'un ouvrage ou de travaux ayant bénéficié d'une des dérogations mentionnées aux articles R. 411-6 à R. 411-8, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en oeuvre ou de son exploitation, est subordonnée à la délivrance d'une nouvelle dérogation (...) ". Selon l'article R. 411-10-2 du même code : " Toute modification de même nature que celles mentionnées à l'article R. 411-10-1 ne présentant pas un caractère substantiel est portée par le bénéficiaire de la dérogation à la connaissance de l'autorité administrative compétente, avant sa réalisation, avec tous les éléments d'appréciation. Celle-ci peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions de l'article L. 411-2 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées (...) ".

12. Les dispositions des articles L. 181-2, L. 181-3, L. 181-22, L. 411-2 et R. 411-6 du code de l'environnement imposent, à tout moment, la délivrance d'une dérogation à la destruction ou à la perturbation d'espèces protégées dès lors que l'activité, l'installation, l'ouvrage ou les travaux faisant l'objet d'une autorisation environnementale ou d'une autorisation en tenant lieu comportent un risque suffisamment caractérisé pour ces espèces, peu important la circonstance que l'autorisation présente un caractère définitif ou que le risque en cause ne résulte pas d'une modification de cette autorisation. Lorsque la modification de l'autorisation conduit l'autorité administrative à imposer des prescriptions complémentaires dont l'objet est d'assurer ou de renforcer la conservation d'espèces protégées, les dispositions des articles L. 181-14, R. 181-45, R. 411-10-1 et R. 411-10-2 n'ont ni pour objet ni pour effet de faire dépendre la nécessité de l'obtention d'une dérogation " espèces protégées " de la circonstance que cette modification présenterait un caractère substantiel. Il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que les prescriptions complémentaires qu'elle impose présentent un caractère suffisant et, dans ce cadre, de rechercher si elles justifient, lorsqu'il demeure un risque caractérisé pour les espèces, d'imposer au bénéficiaire de solliciter une telle dérogation sur le fondement de l'article L. 171-1 du code de l'environnement.

13. Il suit de là qu'en relevant, pour juger inopérant le moyen tiré de ce que l'arrêté du 16 janvier 2020 ne pouvait intervenir sans la délivrance d'une dérogation " espèces protégées ", que cet arrêté fixait des prescriptions complémentaires sans apporter de modification substantielle aux caractéristiques du parc éolien et, en conséquence, que la société CEPE de la Baume bénéficiait du droit, résultant du permis de construire, d'exploiter l'installation en étant dispensée de solliciter une telle dérogation, alors que ces prescriptions complémentaires avaient pour objet d'assurer la conservation d'espèces protégées, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit.

14. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la Ligue pour la protection des oiseaux est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de la société CEPE de la Baume la somme de 1 500 euros chacun à verser à la Ligue pour la protection des oiseaux, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société CEPE de la Baume tendant à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Ligue pour la protection des oiseaux qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 8 décembre 2022 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Toulouse.
Article 3 : L'Etat et la société Centrale éolienne de production d'énergie (CEPE) de la Baume verseront chacun à la Ligue pour la protection des oiseaux une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Centrale éolienne de production d'énergie (CEPE) de la Baume au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Ligue pour la protection des oiseaux, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Centrale éolienne de production d'énergie (CEPE) de la Baume.


Délibéré à l'issue de la séance du 14 juin 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Alain Seban, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 8 juillet 2024.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Cédric Fraisseix
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain


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