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Ariane Web: Conseil d'État 490864, lecture du 25 juin 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:490864.20240625

Décision n° 490864
25 juin 2024
Conseil d'État

N° 490864
ECLI:FR:CECHR:2024:490864.20240625
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Cyrille Beaufils, rapporteur
M. Maxime Boutron, rapporteur public
SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON, avocats


Lecture du mardi 25 juin 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... Z..., Mme Q... Z..., M. I... L..., Mme R... B..., M. P... T..., Mme O... T..., M. F... U..., Mme K... U..., M. S... J..., Mme V... J..., M. Y... N..., M. C... D..., M. H... E..., M. W... E... et Mme X... E... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 décembre 2019 par lequel le maire de Jausiers (Alpes-de-Haute-Provence) a délivré un permis d'aménager un lotissement de dix lots au lieu-dit Le Forest Haut, Hameau Les Sanières, la décision du 19 mars 2020 rejetant leur recours gracieux et l'arrêté du 11 août 2020 accordant un permis modificatif. Par un jugement n° 2003559 du 5 décembre 2022, le tribunal administratif a sursis à statuer sur leur demande jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois pour la délivrance d'un permis d'aménager régularisant les vices mentionnés aux points 19 et 26 de ce jugement. Par un jugement n° 2003559 du 30 octobre 2023, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 5 mai 2023 en tant que la voie interne située entre les lots 5 et 6 ne comporte pas de trottoir et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par une ordonnance n° 23MA03003 du 10 janvier 2024, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 janvier 2024, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 16 décembre 2023 au greffe de cette cour, présentée par M. et Mme Z... et autres.

Par cette requête et un mémoire complémentaire, enregistré le 25 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... Z..., Mme Q... Z..., M. I... L..., Mme R... B..., M. P... T..., Mme O... T..., M. F... U..., Mme K... U..., M. Y... N..., M. C... D..., M. H... E..., M. W... E... et Mme X... E... demandent au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, de renvoyer le jugement de leur requête à la cour administrative d'appel de Marseille ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler les jugements du tribunal administratif de Marseille des 5 décembre 2022 et 30 octobre 2023 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Jausiers et de M. M... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 ;
- le décret n° 2023-822 du 25 août 2023 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de M. et Mme Z... et autres.



Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable aux recours introduits entre le 1er décembre 2013 et le 31 août 2022 : " Les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation ou contre les permis d'aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d'une des communes mentionnées à l'article 232 du code général des impôts et son décret d'application. (...) " D'autre part, aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. "

2. Le droit de former un recours contre un jugement est définitivement fixé au jour où ce jugement est rendu. Les voies selon lesquelles ce droit peut être exercé en sont des éléments constitutifs et continuent, à moins qu'une disposition expresse y fasse obstacle, à être régies par les textes en vigueur à la date à laquelle le jugement susceptible d'être attaqué est intervenu. Par suite, les dispositions de l'article R. 811-1-1 s'appliquent aux recours, introduits entre le 1er décembre 2013 et le 31 août 2022, contre les décisions relatives à l'occupation des sols qu'elles mentionnent portant en tout ou partie sur le territoire d'une commune lorsque celle-ci figure, à la date du jugement statuant sur le recours, sur la liste annexée au décret du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts.

3. Toutefois, il résulte des particularités de la procédure organisée par les dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme citées ci-dessus, qui font intervenir dans la même instance un jugement avant-dire droit de sursis à statuer fixant un délai de régularisation et un jugement statuant au terme de ce délai, que, pour des motifs de bonne administration de la justice et par exception aux principes rappelés au point précédent, les voies de recours contre le jugement qui met un terme au litige suivent celles qui sont ouvertes contre le jugement avant-dire-droit.

4. Il ressort des pièces de la procédure que M. et Mme Z... et autres ont poursuivi devant le tribunal administratif de Marseille l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 30 décembre 2019 par lequel le maire de Jausiers (Alpes-de-Haute-Provence) a délivré un permis d'aménager un lotissement de dix lots au lieu-dit Le Forest Haut, Hameau Les Sanières, de la décision du 19 mars 2020 rejetant leur recours gracieux et de l'arrêté du 11 août 2020 accordant un permis d'aménager modificatif. Par un premier jugement avant-dire-droit du 5 décembre 2022, le tribunal administratif, faisant application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme citées au point 1, a sursis à statuer sur leur demande jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois pour la délivrance d'un permis d'aménager régularisant les vices mentionnés aux points 19 et 26 de ce jugement. Puis, par un jugement définitif du 30 octobre 2023, le tribunal administratif a annulé le permis d'aménager régularisé par un arrêté du 5 mai 2023 en tant que la voie interne située entre les lots 5 et 6 ne comporte pas de trottoir et rejeté le surplus des conclusions de la demande de première instance. M. et Mme Z... et autres demandent l'annulation de ces deux jugements.

5. D'une part, conformément aux principes rappelés au point 2, si la commune de Jausiers a été ajoutée, par le décret du 25 août 2023 visé ci-dessus, à la liste des communes relevant du champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts, le jugement avant-dire droit du 5 décembre 2022, intervenu sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme citées au point 1 avant l'entrée en vigueur de ce décret, a été rendu à charge d'appel. Dès lors, la requête de M. et Mme Z... et autres dirigée contre ce jugement présente le caractère d'un appel. Il y a lieu d'en attribuer le jugement à la cour administrative d'appel de Marseille.

6. D'autre part, si le jugement du 30 octobre 2023 contre lequel est également dirigée la requête de M. et Mme Z... et autres a été rendu postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 25 août 2023 mentionné ci-dessus, il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'il a également été rendu à charge d'appel et qu'il y a lieu, par conséquent, d'attribuer le jugement des conclusions dirigées contre celui-ci à la cour administrative d'appel de Marseille.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement de la requête de M. et Mme Z... et autres est attribué à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... Z..., premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, et à la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille.
Copie en sera adressée à la commune de Jausiers et à M. G... M....
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat ; M. Alain Seban, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 25 juin 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Cyrille Beaufils
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


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