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Ariane Web: Conseil d'État 488823, lecture du 18 juin 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:488823.20240618

Décision n° 488823
18 juin 2024
Conseil d'État

N° 488823
ECLI:FR:CECHR:2024:488823.20240618
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
M. Matias de Sainte Lorette, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SELARL JTBB AVOCATS, avocats


Lecture du mardi 18 juin 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2003477 du 12 octobre 2023, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée au greffe de ce tribunal le 20 mars 2020, présentée par la société SEC Grand Paris.

Par cette requête, un mémoire en réplique enregistré au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 2021 et un nouveau mémoire enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 avril 2024, la société SEC Grand Paris demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler la décision du 27 janvier 2020 par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a mis à sa charge la pénalité prévue par les dispositions de l'article L. 221-4 du code de l'énergie pour un montant de 633 927 euros ;

2°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de cette pénalité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la société SEC Grand Paris ;



Considérant ce qui suit :

1. En premier lieu, aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'énergie, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont soumises à des obligations d'économies d'énergie :1° Les personnes morales qui mettent à la consommation des carburants automobiles et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d'Etat./ 2° Les personnes qui vendent de l'électricité, du gaz, du fioul domestique, de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d'Etat./ (...) / Les personnes mentionnées aux 1° et 2° peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant, directement ou indirectement, des économies d'énergie, soit en acquérant des certificats d'économies d'énergie ". Aux termes de l'article L. 221-1-1 du même code : " Les personnes mentionnées à l'article L. 221-1 sont également soumises à des obligations d'économies d'énergie spécifiques à réaliser au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique. / Elles peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant, directement ou indirectement, des économies d'énergie au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique, soit en acquérant des certificats d'économies d'énergie provenant d'opérations réalisées au bénéfice de ces ménages, soit en les déléguant pour tout ou partie à un tiers, soit en contribuant à des programmes de réduction de la consommation énergétique des ménages les plus défavorisés mentionnés à l'article L. 221-7 (...) ". Aux termes de l'article L. 221-2 de ce code : " A l'issue de la période considérée, les personnes mentionnées à l'article L. 221-1 justifient de l'accomplissement de leurs obligations en produisant des certificats d'économies d'énergie obtenus ou acquis dans les conditions prévues aux articles L. 221-7 et L. 221-8 (...) ". Aux termes de l'article L. 221-3 du même code : " Les personnes qui n'ont pas produit les certificats d'économies d'énergie nécessaires sont mises en demeure d'en acquérir ". Aux termes de l'article L. 221-4 du même code : " Les personnes qui ne respectent pas les prescriptions de la mise en demeure dans le délai imparti sont tenues de se libérer par un versement au Trésor public. Ce versement est calculé sur la base d'une pénalité maximale de 0,02 euro par kilowattheure. / Les titres de recettes sont émis par l'autorité administrative et sont recouvrés comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. Une pénalité de 10 % du montant dû est infligée pour chaque semestre de retard ". Aux termes de l'article R. 222-2 de ce code : " La pénalité prévue à l'article L. 221-4 est fixée à 0,015 ? par kilowattheure d'énergie finale cumulée actualisée (kWh cumac) pour les obligations définies aux articles R. 221-4 et R. 221-4-1 ".

2. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 222-1 du code de l'énergie : " Dans les conditions définies aux articles suivants, le ministre chargé de l'énergie peut sanctionner les manquements aux dispositions du chapitre Ier du présent titre ou aux dispositions réglementaires prises pour leur application ". Aux termes de l'article L. 222-2 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le ministre met l'intéressé en demeure de se conformer à ses obligations dans un délai déterminé. Il peut rendre publique cette mise en demeure. / Lorsque l'intéressé ne se conforme pas dans les délais fixés à cette mise en demeure, le ministre chargé de l'énergie peut : / 1° Prononcer à son encontre une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et à la situation de l'intéressé, sans pouvoir excéder le double de la pénalité prévue au premier alinéa de l'article L. 221-4 par kilowattheure d'énergie finale concerné par le manquement et sans pouvoir excéder 2 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, porté à 4 % en cas de nouveau manquement à la même obligation ; / (...) ".

3. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 222-12 du code de l'énergie : " Les décisions du ministre chargé de l'énergie prononçant les sanctions prévues à l'article L. 222-2 peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction et d'une demande de référé tendant à la suspension de leur exécution devant le Conseil d'Etat. Cette demande a un caractère suspensif ". Aux termes de l'article R. 312-10 du code de justice administrative : " Les litiges relatifs aux législations régissant les activités professionnelles, notamment les professions libérales, les activités agricoles, commerciales et industrielles, la réglementation des prix, la réglementation du travail, ainsi que la protection ou la représentation des salariés, ceux concernant les sanctions administratives intervenues en application de ces législations relèvent, lorsque la décision attaquée n'a pas un caractère réglementaire, de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve soit l'établissement ou l'exploitation dont l'activité est à l'origine du litige, soit le lieu d'exercice de la profession ".

4. La requête de la société SEC Grand Paris tend à l'annulation de la décision du 27 janvier 2020 par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a mis à sa charge la somme prévue à l'article L. 221-4 du code de l'énergie pour un montant de 633 927 euros.

5. Or la décision par laquelle le ministre chargé de l'énergie met à la charge d'une personne n'ayant pas produit un volume suffisant de certificats d'économies d'énergie pour satisfaire à ses obligations de réalisation d'économies d'énergie, après avoir été mise en demeure d'en acquérir, le versement de la somme prévue à l'article L. 221-4 du code de l'énergie, n'est pas au nombre de celles mentionnées à l'article R. 222-12 du même code pouvant faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat. Par suite, il y a lieu d'attribuer le jugement de la requête de la société SEC Grand Paris au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, compétent pour en connaître en vertu de l'article R. 312-10 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement de la requête de la société SEC Grand Paris est attribué au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société SEC Grand Paris, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 mai 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, conseillers d'Etat, M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire, et M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 18 juin 2024.


Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Matias de Sainte Lorette
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chacun en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


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