Conseil d'État
N° 475254
ECLI:FR:CECHR:2024:475254.20240617
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Alianore Descours, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
SCP BOULLEZ;SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET, avocats
Lecture du lundi 17 juin 2024
Vu les procédures suivantes :
1° La commune de Roquebrune-sur-Argens (Var) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à la société à responsabilité limitée (SARL) Nautic Loisirs Méditerranée de libérer les parcelles cadastrées section AS n° 840, 756, 757, 759, 760 et 880 du domaine qu'elle occupe sur le lac Perrin dans un délai de 48 heures sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, à défaut pour la société de libérer les lieux dans ce délai, de l'autoriser à y procéder d'office, au besoin avec le concours de la force publique.
Par une ordonnance n° 2301599 du 3 juin 2023, le juge des référés de ce tribunal a fait droit à cette demande en ordonnant la libération des lieux dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, au besoin avec le concours de la force publique.
Sous le n° 475254, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 20 juin, 5 juillet et 17 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Nautic Loisirs Méditerranée demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 475670, par une requête, enregistrée le 5 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Nautic Loisirs Méditerranée demande au Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, le sursis à exécution de cette même ordonnance du 3 juin 2023.
....................................................................................
3° La commune de Roquebrune-sur-Argens ayant à nouveau demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à la société Nautic Loisirs Méditerranée de libérer les parcelles cadastrées section AS n° 840, 756, 757, 759, 760 et 880 qu'elle occupe sans droit ni titre sur le lac Perrin dans un délai de 48 heures sous astreinte de 500 euros par jour de retard et au besoin avec le concours de la force publique, le juge des référés du tribunal administratif, par une nouvelle ordonnance n° 2301968 du 13 juillet 2023, a ordonné la libération des lieux dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, au besoin avec le concours de la force publique.
Sous le n° 476422, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 juillet 2023, 16 août 2023 et 30 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Nautic Loisirs Méditerranée demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette seconde ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la commune de Roquebrune-sur-Argens ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Roquebrune-sur-Argens la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
4° Sous le n° 476424, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 juillet 2023 et 30 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Nautic Loisirs Méditerranée demande au Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, le sursis à exécution de cette seconde ordonnance du 13 juillet 2023.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Alianore Descours, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de la société Nautic Loisirs Méditerranée et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la commune de Roquebrune-sur-Argens ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois et requêtes de la société Nautic Loisirs Méditerranée tendent à l'annulation et au sursis à exécution de deux ordonnances par lesquelles le juge des référés du tribunal administratif de Toulon lui a enjoint, sur des demandes de la commune de Roquebrune-sur-Argens présentées sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, de libérer les parcelles qu'elle occupe sur le lac Perrin sur le territoire de la commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces des dossiers soumis au juge des référés qu'en vertu d'une convention d'occupation du domaine public du 9 octobre 2015, la commune de Roquebrune-sur-Argens (Var) avait autorisé la société Nautic Loisirs Méditerranée à occuper les parcelles cadastrées section AS nos 840, 756, 757, 759, 760 et 880, appartenant à son domaine sur le lac Perrin, pour qu'elle y exploite une installation de ski nautique. Par courrier du 13 avril 2021, le maire de la commune a informé les co-gérants de la société de l'expiration de la convention à la date du 8 octobre 2021 et de la décision de la commune de ne pas la renouveler. A la suite de trois constats d'occupation sans titre du domaine public dressés les 7 avril, 10 avril et 6 mai 2022, la commune a mis la société en demeure d'interrompre son activité et de retirer les installations.
3. Par une première demande formée le 24 mai 2023, la commune de Roquebrune-sur-Argens a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à la société Nautic Loisirs Méditerranée de libérer les parcelles du domaine public qu'elle occupe sur le Lac Perrin. Le juge des référés a fait droit à cette demande par une ordonnance du 3 juin 2023. Par un pourvoi enregistré le 20 juin 2023, la société Nautic Loisirs Méditerranée se pourvoit en cassation contre cette ordonnance en faisant notamment valoir qu'elle a été rendue au terme d'une procédure irrégulière, faute pour la société d'avoir été régulièrement convoquée à l'audience.
4. Ultérieurement, par une seconde demande adressée le 23 juin 2023 au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, la commune de Roquebrune-sur-Argens a présenté une nouvelle demande fondée sur l'article L. 521-3 du code de justice administrative, tendant aux mêmes fins que sa précédente demande et relevant que la première ordonnance rendue par le juge des référés l'avait été en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure. Le juge des référés a fait droit, à nouveau, à la demande de la commune par une seconde ordonnance du 13 juillet 2023, contre laquelle la société Nautic Loisirs Méditerranée se pourvoit également en cassation.
Sur le pourvoi dirigé contre la première ordonnance du juge des référés en date du 3 juin 2023 et sur la requête tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution :
5. Les effets s'attachant à l'ordonnance rendue le 3 juin 2023 par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, ont pris fin avec l'intervention de l'ordonnance du 13 juillet 2023 rendue par le même juge des référés, statuant sur la nouvelle demande en référé, à la substance identique, présentée par la commune de Roquebrune-sur-Argens. L'intervention de cette seconde ordonnance, postérieurement à l'introduction du pourvoi en cassation dirigé contre la première ordonnance et de la requête tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution, rend sans objet les conclusions tendant à l'annulation et au sursis à exécution de la première ordonnance du 3 juin 2023. Il n'y a, par suite, lieu de statuer ni sur le pourvoi tendant à l'annulation de l'ordonnance du 3 juin 2023, ni sur la requête tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.
Sur le pourvoi dirigé contre la seconde ordonnance du juge des référés en date du 13 juillet 2023 :
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la commune a inauguré le 7 juillet 2023 un aménagement permettant aux promeneurs d'effectuer le tour du lac, lequel a notamment nécessité l'installation de passerelles permettant de franchir les cours d'eau. Dans ces conditions, le juge des référés du tribunal administratif a pu juger, sans dénaturer les pièces du dossier ni entacher son ordonnance d'insuffisance de motivation, que les parcelles objet du litige étaient affectées à l'usage direct du public et a pu en déduire, sans inexactement qualifier les faits de l'espèce, que l'aménagement traduisant l'intention de la commune d'affecter les parcelles à l'usage direct du public, celles-ci constituaient des dépendances du domaine public communal. Il n'a pas entaché son ordonnance d'insuffisance de motivation en en déduisant que le litige relevait, sans difficulté sérieuse, de la compétence du juge administratif.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces des dossiers du juge des référés du tribunal administratif de Toulon que la première ordonnance rendue par ce juge l'a été sans que ni la demande en référé de la commune, ni la convocation à l'audience n'aient été communiquées à la société, qui n'a pas produit de mémoire en défense et n'a pas participé à l'audience de référé. Eu égard à la nature de l'office du juge des référés saisi d'une demande fondée sur l'article L. 521-3 du code de justice administrative, la circonstance que ce juge soit saisi d'une demande réitérant une précédente demande, en substance identique, à laquelle il avait déjà fait droit ne rend pas la seconde demande par principe irrecevable. Par suite, alors que la commune faisait valoir, à l'appui de la nouvelle demande qu'elle soumettait au juge des référés, les conditions irrégulières dans lesquelles était intervenue la première ordonnance, le juge des référés a pu, sans erreur de droit, statuer par l'ordonnance attaquée sur la seconde demande de la commune de Roquebrune-sur-Argens et y faire droit.
8. En troisième lieu, aucune règle générale de procédure ni aucun principe, notamment pas le principe d'impartialité, ne faisait obstacle à ce que le même juge des référés statue sur les demandes successivement présentées, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, par la commune de Roquebrune-sur-Argens.
9. En quatrième lieu, il ressort des énonciations non contestées de l'ordonnance attaquée que, par une convention d'occupation du domaine public datée du 9 octobre 2015, la commune de Roquebrune-sur-Argens a autorisé la société Nautic Loisirs Méditerranée à occuper les parcelles en cause du lac Perrin afin d'y exploiter une activité de ski nautique. Cette convention, consentie pour une durée de trois ans, en contrepartie d'une redevance annuelle de 6 000 euros, a été renouvelée à l'issue de la première échéance. Par un courrier du 13 avril 2021, le maire de la commune a toutefois fait part aux gérants de la société de l'expiration de la convention à la date du 8 octobre 2021 et de la décision de la commune de ne pas la renouveler. Devant le juge des référés, la société s'est bornée à soutenir que la commune n'avait pas valablement dénoncé la convention, dès lors qu'elle avait adressé le courrier, non à elle, mais à ses deux co-gérants. Le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a pu juger, sans dénaturer les pièces du dossier ni inexactement qualifier les faits de l'espèce et par une ordonnance suffisamment motivée, que la société requérante occupait sans droit ni titre les parcelles litigieuses, la circonstance qu'elle ait continué à s'acquitter de la redevance prévue par la convention étant sans incidence à cet égard.
10. En dernier lieu, en se fondant notamment, pour juger que la condition d'urgence était satisfaite, sur la circonstance que l'activité de ski nautique proposée par la société requérante compromettait le libre usage du lac par tous et présentait des risques pour la sécurité des pratiquants et des autres usagers du plan d'eau, le juge des référés n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et a suffisamment motivé son ordonnance.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Nautic Loisirs Méditerranée n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du 13 juillet 2023 qu'elle attaque.
Sur la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance du 13 juillet 2023 :
12. La présente décision statuant sur le pourvoi tendant à l'annulation de l'ordonnance du 13 juillet 2023, la requête de la société Nautic Loisirs Méditerranée tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance est devenue sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Nautic Loisirs Méditerranée une somme à verser à la commune de Roquebrune-sur-Argens au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Roquebrune-sur-Argens, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi enregistré sous le n° 475254 et de la requête enregistrée sous le n° 475670, formés par la société Nautic Loisirs Méditerranée, tendant à l'annulation et à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance du 3 juin 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon.
Article 2 : Le pourvoi enregistré sous le n° 476422 de la société Nautic Loisirs Méditerranée est rejeté.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête enregistrée sous le no 476424 de la société Nautic Loisirs Méditerranée tendant à ce que soit prononcé le sursis à exécution de l'ordonnance du 13 juillet 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon.
Article 4 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Nautic Loisirs Méditerranée et à la commune de Roquebrune-sur-Argens.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, M. Hervé Cassagnabère, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, conseillers d'Etat et Mme Alianore Descours, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 17 juin 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Alianore Descours
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle
N° 475254
ECLI:FR:CECHR:2024:475254.20240617
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Alianore Descours, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
SCP BOULLEZ;SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET, avocats
Lecture du lundi 17 juin 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
1° La commune de Roquebrune-sur-Argens (Var) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à la société à responsabilité limitée (SARL) Nautic Loisirs Méditerranée de libérer les parcelles cadastrées section AS n° 840, 756, 757, 759, 760 et 880 du domaine qu'elle occupe sur le lac Perrin dans un délai de 48 heures sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, à défaut pour la société de libérer les lieux dans ce délai, de l'autoriser à y procéder d'office, au besoin avec le concours de la force publique.
Par une ordonnance n° 2301599 du 3 juin 2023, le juge des référés de ce tribunal a fait droit à cette demande en ordonnant la libération des lieux dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, au besoin avec le concours de la force publique.
Sous le n° 475254, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 20 juin, 5 juillet et 17 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Nautic Loisirs Méditerranée demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 475670, par une requête, enregistrée le 5 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Nautic Loisirs Méditerranée demande au Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, le sursis à exécution de cette même ordonnance du 3 juin 2023.
....................................................................................
3° La commune de Roquebrune-sur-Argens ayant à nouveau demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à la société Nautic Loisirs Méditerranée de libérer les parcelles cadastrées section AS n° 840, 756, 757, 759, 760 et 880 qu'elle occupe sans droit ni titre sur le lac Perrin dans un délai de 48 heures sous astreinte de 500 euros par jour de retard et au besoin avec le concours de la force publique, le juge des référés du tribunal administratif, par une nouvelle ordonnance n° 2301968 du 13 juillet 2023, a ordonné la libération des lieux dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, au besoin avec le concours de la force publique.
Sous le n° 476422, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 juillet 2023, 16 août 2023 et 30 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Nautic Loisirs Méditerranée demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette seconde ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la commune de Roquebrune-sur-Argens ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Roquebrune-sur-Argens la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
4° Sous le n° 476424, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 juillet 2023 et 30 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Nautic Loisirs Méditerranée demande au Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, le sursis à exécution de cette seconde ordonnance du 13 juillet 2023.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Alianore Descours, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de la société Nautic Loisirs Méditerranée et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la commune de Roquebrune-sur-Argens ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois et requêtes de la société Nautic Loisirs Méditerranée tendent à l'annulation et au sursis à exécution de deux ordonnances par lesquelles le juge des référés du tribunal administratif de Toulon lui a enjoint, sur des demandes de la commune de Roquebrune-sur-Argens présentées sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, de libérer les parcelles qu'elle occupe sur le lac Perrin sur le territoire de la commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces des dossiers soumis au juge des référés qu'en vertu d'une convention d'occupation du domaine public du 9 octobre 2015, la commune de Roquebrune-sur-Argens (Var) avait autorisé la société Nautic Loisirs Méditerranée à occuper les parcelles cadastrées section AS nos 840, 756, 757, 759, 760 et 880, appartenant à son domaine sur le lac Perrin, pour qu'elle y exploite une installation de ski nautique. Par courrier du 13 avril 2021, le maire de la commune a informé les co-gérants de la société de l'expiration de la convention à la date du 8 octobre 2021 et de la décision de la commune de ne pas la renouveler. A la suite de trois constats d'occupation sans titre du domaine public dressés les 7 avril, 10 avril et 6 mai 2022, la commune a mis la société en demeure d'interrompre son activité et de retirer les installations.
3. Par une première demande formée le 24 mai 2023, la commune de Roquebrune-sur-Argens a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à la société Nautic Loisirs Méditerranée de libérer les parcelles du domaine public qu'elle occupe sur le Lac Perrin. Le juge des référés a fait droit à cette demande par une ordonnance du 3 juin 2023. Par un pourvoi enregistré le 20 juin 2023, la société Nautic Loisirs Méditerranée se pourvoit en cassation contre cette ordonnance en faisant notamment valoir qu'elle a été rendue au terme d'une procédure irrégulière, faute pour la société d'avoir été régulièrement convoquée à l'audience.
4. Ultérieurement, par une seconde demande adressée le 23 juin 2023 au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, la commune de Roquebrune-sur-Argens a présenté une nouvelle demande fondée sur l'article L. 521-3 du code de justice administrative, tendant aux mêmes fins que sa précédente demande et relevant que la première ordonnance rendue par le juge des référés l'avait été en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure. Le juge des référés a fait droit, à nouveau, à la demande de la commune par une seconde ordonnance du 13 juillet 2023, contre laquelle la société Nautic Loisirs Méditerranée se pourvoit également en cassation.
Sur le pourvoi dirigé contre la première ordonnance du juge des référés en date du 3 juin 2023 et sur la requête tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution :
5. Les effets s'attachant à l'ordonnance rendue le 3 juin 2023 par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, ont pris fin avec l'intervention de l'ordonnance du 13 juillet 2023 rendue par le même juge des référés, statuant sur la nouvelle demande en référé, à la substance identique, présentée par la commune de Roquebrune-sur-Argens. L'intervention de cette seconde ordonnance, postérieurement à l'introduction du pourvoi en cassation dirigé contre la première ordonnance et de la requête tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution, rend sans objet les conclusions tendant à l'annulation et au sursis à exécution de la première ordonnance du 3 juin 2023. Il n'y a, par suite, lieu de statuer ni sur le pourvoi tendant à l'annulation de l'ordonnance du 3 juin 2023, ni sur la requête tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.
Sur le pourvoi dirigé contre la seconde ordonnance du juge des référés en date du 13 juillet 2023 :
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la commune a inauguré le 7 juillet 2023 un aménagement permettant aux promeneurs d'effectuer le tour du lac, lequel a notamment nécessité l'installation de passerelles permettant de franchir les cours d'eau. Dans ces conditions, le juge des référés du tribunal administratif a pu juger, sans dénaturer les pièces du dossier ni entacher son ordonnance d'insuffisance de motivation, que les parcelles objet du litige étaient affectées à l'usage direct du public et a pu en déduire, sans inexactement qualifier les faits de l'espèce, que l'aménagement traduisant l'intention de la commune d'affecter les parcelles à l'usage direct du public, celles-ci constituaient des dépendances du domaine public communal. Il n'a pas entaché son ordonnance d'insuffisance de motivation en en déduisant que le litige relevait, sans difficulté sérieuse, de la compétence du juge administratif.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces des dossiers du juge des référés du tribunal administratif de Toulon que la première ordonnance rendue par ce juge l'a été sans que ni la demande en référé de la commune, ni la convocation à l'audience n'aient été communiquées à la société, qui n'a pas produit de mémoire en défense et n'a pas participé à l'audience de référé. Eu égard à la nature de l'office du juge des référés saisi d'une demande fondée sur l'article L. 521-3 du code de justice administrative, la circonstance que ce juge soit saisi d'une demande réitérant une précédente demande, en substance identique, à laquelle il avait déjà fait droit ne rend pas la seconde demande par principe irrecevable. Par suite, alors que la commune faisait valoir, à l'appui de la nouvelle demande qu'elle soumettait au juge des référés, les conditions irrégulières dans lesquelles était intervenue la première ordonnance, le juge des référés a pu, sans erreur de droit, statuer par l'ordonnance attaquée sur la seconde demande de la commune de Roquebrune-sur-Argens et y faire droit.
8. En troisième lieu, aucune règle générale de procédure ni aucun principe, notamment pas le principe d'impartialité, ne faisait obstacle à ce que le même juge des référés statue sur les demandes successivement présentées, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, par la commune de Roquebrune-sur-Argens.
9. En quatrième lieu, il ressort des énonciations non contestées de l'ordonnance attaquée que, par une convention d'occupation du domaine public datée du 9 octobre 2015, la commune de Roquebrune-sur-Argens a autorisé la société Nautic Loisirs Méditerranée à occuper les parcelles en cause du lac Perrin afin d'y exploiter une activité de ski nautique. Cette convention, consentie pour une durée de trois ans, en contrepartie d'une redevance annuelle de 6 000 euros, a été renouvelée à l'issue de la première échéance. Par un courrier du 13 avril 2021, le maire de la commune a toutefois fait part aux gérants de la société de l'expiration de la convention à la date du 8 octobre 2021 et de la décision de la commune de ne pas la renouveler. Devant le juge des référés, la société s'est bornée à soutenir que la commune n'avait pas valablement dénoncé la convention, dès lors qu'elle avait adressé le courrier, non à elle, mais à ses deux co-gérants. Le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a pu juger, sans dénaturer les pièces du dossier ni inexactement qualifier les faits de l'espèce et par une ordonnance suffisamment motivée, que la société requérante occupait sans droit ni titre les parcelles litigieuses, la circonstance qu'elle ait continué à s'acquitter de la redevance prévue par la convention étant sans incidence à cet égard.
10. En dernier lieu, en se fondant notamment, pour juger que la condition d'urgence était satisfaite, sur la circonstance que l'activité de ski nautique proposée par la société requérante compromettait le libre usage du lac par tous et présentait des risques pour la sécurité des pratiquants et des autres usagers du plan d'eau, le juge des référés n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et a suffisamment motivé son ordonnance.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Nautic Loisirs Méditerranée n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du 13 juillet 2023 qu'elle attaque.
Sur la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance du 13 juillet 2023 :
12. La présente décision statuant sur le pourvoi tendant à l'annulation de l'ordonnance du 13 juillet 2023, la requête de la société Nautic Loisirs Méditerranée tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance est devenue sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Nautic Loisirs Méditerranée une somme à verser à la commune de Roquebrune-sur-Argens au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Roquebrune-sur-Argens, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi enregistré sous le n° 475254 et de la requête enregistrée sous le n° 475670, formés par la société Nautic Loisirs Méditerranée, tendant à l'annulation et à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance du 3 juin 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon.
Article 2 : Le pourvoi enregistré sous le n° 476422 de la société Nautic Loisirs Méditerranée est rejeté.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête enregistrée sous le no 476424 de la société Nautic Loisirs Méditerranée tendant à ce que soit prononcé le sursis à exécution de l'ordonnance du 13 juillet 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon.
Article 4 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Nautic Loisirs Méditerranée et à la commune de Roquebrune-sur-Argens.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, M. Hervé Cassagnabère, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, conseillers d'Etat et Mme Alianore Descours, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 17 juin 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Alianore Descours
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle