Conseil d'État
N° 491491
ECLI:FR:CECHS:2024:491491.20240614
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme Isabelle de Silva, président
M. David Gaudillère, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
SCP RICHARD, avocats
Lecture du vendredi 14 juin 2024
Vu la procédure suivante :
M. A... B... et la société Dreams Group ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite du 28 avril 2023 par laquelle le directeur interrégional de la mer Méditerranée a rejeté la demande de M. B... tendant à la revalidation de son brevet de capitaine 200 n° 104 15096 et de son certificat général d'opérateur radio n° 10274900 et d'enjoindre au directeur interrégional de la mer Méditerranée de lui délivrer deux titres provisoires de revalidation de ce brevet et de ce certificat, et ce sous astreinte. Par une ordonnance n° 2400096 du 19 janvier 2024, le juge des référés a suspendu l'exécution de la décision implicite de rejet attaquée, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité, et enjoint au directeur interrégional de la mer Méditerranée de prendre deux titres provisoires de revalidation du brevet de capitaine 200 et du certificat général d'opérateur radio de M. B..., dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'ordonnance, et sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai.
1° Sous le n° 491491, par un pourvoi, enregistré le 5 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance.
2° Sous le n° 491854, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrée les 16 février et 27 mars 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance rendue le 19 janvier 2024 par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon jusqu'à ce qu'il soit statué sur son pourvoi tendant à l'annulation de cette ordonnance.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 18 mars et 24 avril 2024, M. B... et la société Dreams Group concluent au rejet de cette requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code des transports ;
- le décret n° 2015-723 du 24 juin 2015 ;
- l'arrêté du 24 juillet 2013 du ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche relatif à la revalidation des titres de formation professionnelle maritime ;
- l'arrêté du 10 août 2015 de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relatif aux conditions de prise en compte du service en mer à bord d'un navire pour la délivrance ou pour la revalidation des titres et attestations de formation professionnelle maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. B... et autre ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Toulon que le directeur interrégional de la mer Méditerranée a implicitement rejeté la demande de M. B... tendant à la revalidation de son brevet de capitaine 200 n° 104 15096 et de son certificat général d'opérateur radio n° 10274900. Par une ordonnance du 19 janvier 2024, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu l'exécution de cette décision implicite de rejet et enjoint au directeur interrégional de la mer Méditerranée de prendre deux titres provisoires de revalidation du brevet de capitaine 200 et du certificat général d'opérateur radio de M. B..., et ce dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai.
2. Le pourvoi par lequel le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande l'annulation de cette ordonnance et sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution présente à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur le pourvoi :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
4. En premier lieu, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
5. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour juger remplie la condition d'urgence et suspendre l'exécution de la décision attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, après avoir relevé que M. B... est salarié, en qualité de chef de bord, de la société Dreams Group, armateur du navire Tar'Speed et exploitant sous l'enseigne Speed Fishing une entreprise spécialisée dans diverses activités nautiques, a retenu que la décision attaquée faisait obstacle à la candidature de la société Dreams Group, devant être déposée au plus tard le 31 janvier 2024 à 16 heures, à l'appel public à la concurrence lancé par la commune de Saint-Cyr-sur-Mer et qu'il n'était pas contesté que cette impossibilité de candidater pour la société Dreams Group emportait de lourdes conséquences financières pour les requérants. En statuant ainsi, le juge des référés du tribunal administratif, qui a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, n'a pas entaché son ordonnance d'erreur de droit.
6. En second lieu, en estimant qu'en l'état de l'instruction, les moyens invoqués par M. B... et la société Dreams Group étaient de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, le juge des référés du tribunal administratif n'a pas, eu égard à son office, commis d'erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulon qu'il attaque.
Sur la demande de sursis à exécution :
8. Par la présente décision, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur le pourvoi formé par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulon du 19 janvier 2024. Par suite, ses conclusions à fin de sursis contre cette ordonnance sont devenues sans objet.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... et à la société Dreams Group au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... et à la société Dreams Group la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la société Dreams Group et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 mai 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 14 juin 2024.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
Le rapporteur :
Signé : M. David Gaudillère
La secrétaire :
Signé : Mme Laïla Kouas
N° 491491
ECLI:FR:CECHS:2024:491491.20240614
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme Isabelle de Silva, président
M. David Gaudillère, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
SCP RICHARD, avocats
Lecture du vendredi 14 juin 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A... B... et la société Dreams Group ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite du 28 avril 2023 par laquelle le directeur interrégional de la mer Méditerranée a rejeté la demande de M. B... tendant à la revalidation de son brevet de capitaine 200 n° 104 15096 et de son certificat général d'opérateur radio n° 10274900 et d'enjoindre au directeur interrégional de la mer Méditerranée de lui délivrer deux titres provisoires de revalidation de ce brevet et de ce certificat, et ce sous astreinte. Par une ordonnance n° 2400096 du 19 janvier 2024, le juge des référés a suspendu l'exécution de la décision implicite de rejet attaquée, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité, et enjoint au directeur interrégional de la mer Méditerranée de prendre deux titres provisoires de revalidation du brevet de capitaine 200 et du certificat général d'opérateur radio de M. B..., dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'ordonnance, et sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai.
1° Sous le n° 491491, par un pourvoi, enregistré le 5 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance.
2° Sous le n° 491854, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrée les 16 février et 27 mars 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance rendue le 19 janvier 2024 par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon jusqu'à ce qu'il soit statué sur son pourvoi tendant à l'annulation de cette ordonnance.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 18 mars et 24 avril 2024, M. B... et la société Dreams Group concluent au rejet de cette requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code des transports ;
- le décret n° 2015-723 du 24 juin 2015 ;
- l'arrêté du 24 juillet 2013 du ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche relatif à la revalidation des titres de formation professionnelle maritime ;
- l'arrêté du 10 août 2015 de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relatif aux conditions de prise en compte du service en mer à bord d'un navire pour la délivrance ou pour la revalidation des titres et attestations de formation professionnelle maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. B... et autre ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Toulon que le directeur interrégional de la mer Méditerranée a implicitement rejeté la demande de M. B... tendant à la revalidation de son brevet de capitaine 200 n° 104 15096 et de son certificat général d'opérateur radio n° 10274900. Par une ordonnance du 19 janvier 2024, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu l'exécution de cette décision implicite de rejet et enjoint au directeur interrégional de la mer Méditerranée de prendre deux titres provisoires de revalidation du brevet de capitaine 200 et du certificat général d'opérateur radio de M. B..., et ce dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai.
2. Le pourvoi par lequel le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande l'annulation de cette ordonnance et sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution présente à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur le pourvoi :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
4. En premier lieu, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
5. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour juger remplie la condition d'urgence et suspendre l'exécution de la décision attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, après avoir relevé que M. B... est salarié, en qualité de chef de bord, de la société Dreams Group, armateur du navire Tar'Speed et exploitant sous l'enseigne Speed Fishing une entreprise spécialisée dans diverses activités nautiques, a retenu que la décision attaquée faisait obstacle à la candidature de la société Dreams Group, devant être déposée au plus tard le 31 janvier 2024 à 16 heures, à l'appel public à la concurrence lancé par la commune de Saint-Cyr-sur-Mer et qu'il n'était pas contesté que cette impossibilité de candidater pour la société Dreams Group emportait de lourdes conséquences financières pour les requérants. En statuant ainsi, le juge des référés du tribunal administratif, qui a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, n'a pas entaché son ordonnance d'erreur de droit.
6. En second lieu, en estimant qu'en l'état de l'instruction, les moyens invoqués par M. B... et la société Dreams Group étaient de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, le juge des référés du tribunal administratif n'a pas, eu égard à son office, commis d'erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulon qu'il attaque.
Sur la demande de sursis à exécution :
8. Par la présente décision, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur le pourvoi formé par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulon du 19 janvier 2024. Par suite, ses conclusions à fin de sursis contre cette ordonnance sont devenues sans objet.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... et à la société Dreams Group au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... et à la société Dreams Group la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la société Dreams Group et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 mai 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 14 juin 2024.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
Le rapporteur :
Signé : M. David Gaudillère
La secrétaire :
Signé : Mme Laïla Kouas