Conseil d'État
N° 470721
ECLI:FR:CECHR:2024:470721.20240611
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
M. Matias de Sainte Lorette, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
Lecture du mardi 11 juin 2024
Vu la procédure suivante :
La société Agapes a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le rétablissement de son déficit reportable au titre de l'exercice clos en 2015 pour un montant de 5 605 853 euros. Par un jugement n° 1906444 du 30 juillet 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21PA05210 du 23 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Agapes contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 janvier et 21 avril 2023 et le 6 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Agapes demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Agapes ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société Flunch, l'administration fiscale a remis en cause, en application du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du code général des impôts, la déduction du résultat fiscal déclaré au titre de l'exercice clos en 2015 d'une fraction des moins-values à court terme constatées à l'occasion de l'absorption de sa filiale, la société Flunch 7 Est, et de la dissolution d'une autre filiale, la société Flunch Polska SP, qu'elle avait recapitalisées en 2013. Par un jugement du 30 juillet 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Agapes, société tête du groupe fiscalement intégré auquel appartient la société Flunch, tendant au rétablissement de son déficit reportable déclaré au titre de l'exercice clos en 2015, réduit en conséquence de la rectification du résultat de la société Flunch. La société Agapes se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 novembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
2. Aux termes du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du code général des impôts : " La moins-value résultant de la cession, moins de deux ans après leur émission, de titres de participation acquis en contrepartie d'un apport réalisé et dont la valeur réelle à la date de leur émission est inférieure à leur valeur d'inscription en comptabilité n'est pas déductible, dans la limite du montant résultant de la différence entre la valeur d'inscription en comptabilité desdits titres et leur valeur réelle à la date de leur émission ".
3. En premier lieu, en jugeant que l'annulation de titres détenus par une société à la suite d'une opération de restructuration entraînant la transmission universelle à son profit du patrimoine de la société dont les titres sont annulés devait être regardée comme présentant le caractère d'une cession au sens et pour l'application des dispositions du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du code général des impôts, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
4. En second lieu, sur le plan comptable, les titres de participation sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle. Revêtent ce caractère, comme l'a au demeurant relevé l'Autorité des normes comptables dans ses observations présentées à la demande du Conseil d'Etat, les titres qu'une société mère souscrit dans le cadre de la recapitalisation de sa filiale suivie, à court terme, de la dissolution de celle-ci avec transmission universelle de son patrimoine à sa mère, dès lors que cette opération conduit la société détentrice des titres à exercer un contrôle direct des actifs et des passifs de la société dont les titres ont été annulés.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, qu'à la date de la souscription des titres émis en 2013 par ses filiales, les sociétés Flunch 7 Est et Flunch Polska SP, en contrepartie d'augmentations de capital, la société Flunch entendait conserver le contrôle de ces deux sociétés, fût-ce au travers de leur dissolution avec transmission de leur patrimoine à son profit, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit ni inexactement qualifier les faits qui lui étaient soumis, juger que ces titres avaient le caractère de titres de participation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Agapes est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Agapes et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'Autorité des normes comptables.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 mai 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat, et M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 11 juin 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Matias de Sainte Lorette
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :
N° 470721
ECLI:FR:CECHR:2024:470721.20240611
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
M. Matias de Sainte Lorette, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
Lecture du mardi 11 juin 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Agapes a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le rétablissement de son déficit reportable au titre de l'exercice clos en 2015 pour un montant de 5 605 853 euros. Par un jugement n° 1906444 du 30 juillet 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21PA05210 du 23 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Agapes contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 janvier et 21 avril 2023 et le 6 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Agapes demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Agapes ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société Flunch, l'administration fiscale a remis en cause, en application du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du code général des impôts, la déduction du résultat fiscal déclaré au titre de l'exercice clos en 2015 d'une fraction des moins-values à court terme constatées à l'occasion de l'absorption de sa filiale, la société Flunch 7 Est, et de la dissolution d'une autre filiale, la société Flunch Polska SP, qu'elle avait recapitalisées en 2013. Par un jugement du 30 juillet 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Agapes, société tête du groupe fiscalement intégré auquel appartient la société Flunch, tendant au rétablissement de son déficit reportable déclaré au titre de l'exercice clos en 2015, réduit en conséquence de la rectification du résultat de la société Flunch. La société Agapes se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 novembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
2. Aux termes du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du code général des impôts : " La moins-value résultant de la cession, moins de deux ans après leur émission, de titres de participation acquis en contrepartie d'un apport réalisé et dont la valeur réelle à la date de leur émission est inférieure à leur valeur d'inscription en comptabilité n'est pas déductible, dans la limite du montant résultant de la différence entre la valeur d'inscription en comptabilité desdits titres et leur valeur réelle à la date de leur émission ".
3. En premier lieu, en jugeant que l'annulation de titres détenus par une société à la suite d'une opération de restructuration entraînant la transmission universelle à son profit du patrimoine de la société dont les titres sont annulés devait être regardée comme présentant le caractère d'une cession au sens et pour l'application des dispositions du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du code général des impôts, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
4. En second lieu, sur le plan comptable, les titres de participation sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle. Revêtent ce caractère, comme l'a au demeurant relevé l'Autorité des normes comptables dans ses observations présentées à la demande du Conseil d'Etat, les titres qu'une société mère souscrit dans le cadre de la recapitalisation de sa filiale suivie, à court terme, de la dissolution de celle-ci avec transmission universelle de son patrimoine à sa mère, dès lors que cette opération conduit la société détentrice des titres à exercer un contrôle direct des actifs et des passifs de la société dont les titres ont été annulés.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, qu'à la date de la souscription des titres émis en 2013 par ses filiales, les sociétés Flunch 7 Est et Flunch Polska SP, en contrepartie d'augmentations de capital, la société Flunch entendait conserver le contrôle de ces deux sociétés, fût-ce au travers de leur dissolution avec transmission de leur patrimoine à son profit, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit ni inexactement qualifier les faits qui lui étaient soumis, juger que ces titres avaient le caractère de titres de participation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Agapes est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Agapes et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'Autorité des normes comptables.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 mai 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat, et M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 11 juin 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Matias de Sainte Lorette
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :