Conseil d'État
N° 476479
ECLI:FR:CECHR:2024:476479.20240531
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Benjamin Duca-Deneuve, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
Lecture du vendredi 31 mai 2024
Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Les Vignobles Réunis - Roullet a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 en 2014 et le rétablissement de son déficit constaté au titre de l'exercice clos en 2015 pour un montant de 474 215 euros. Par un jugement nos 1901845, 1901846 du 26 novembre 2020, ce tribunal a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 21BX00384 du 31 mai 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société Les Vignobles Réunis - Roullet.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 juillet, 27 octobre 2023 et 8 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Les Vignobles Réunis - Roullet demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Les Vignobles Réunis - Roullet ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'administration a remis en cause la déduction du résultat imposable de la société Les Vignobles Réunis-Roullet, au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, des intérêts d'emprunt qu'elle avait versés à son actionnaire unique, la société britannique Eurocom West LLP. La société Les Vignobles Réunis-Roullet se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 mai 2023 de la cour administrative d'appel de Bordeaux ayant rejeté son appel contre le jugement du 26 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge sur ce fondement au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et le rétablissement de son déficit constaté au titre de l'exercice clos en 2015.
2. Aux termes de l'article 212 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée, directement ou indirectement, au sens du 12 de l'article 39, sont déductibles : (...) / b) Et, sous réserve que l'entreprise débitrice démontre, à la demande de l'administration, que l'entreprise qui a mis les sommes à sa disposition est, au titre de l'exercice en cours, assujettie à raison de ces mêmes intérêts à un impôt sur le revenu ou sur les bénéfices dont le montant est au moins égal au quart de l'impôt sur les bénéfices déterminé dans les conditions de droit commun. / Dans l'hypothèse où l'entreprise prêteuse est domiciliée ou établie à l'étranger, l'impôt sur les bénéfices déterminé dans les conditions de droit commun s'entend de celui dont elle aurait été redevable en France sur les intérêts perçus si elle y avait été domiciliée ou établie. / Lorsque l'entreprise prêteuse est une société ou un groupement soumis au régime d'imposition prévu à l'article 8 du présent code ou un organisme de placement collectif relevant des articles L. 214-1 à L. 214-191 du code monétaire et financier ou un organisme de même nature constitué sur le fondement d'un droit étranger et situé dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et qui n'est pas un Etat non coopératif au sens de l'article 238-0 A du présent code, le présent b ne s'applique que s'il existe également des liens de dépendance, au sens du 12 de l'article 39, entre cette société, ce groupement ou cet organisme et un ou plusieurs détenteurs de parts de cette société, de ce groupement ou de cet organisme. Dans cette hypothèse, l'impôt sur ces intérêts est apprécié au niveau de ces détenteurs de parts (...) ". Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " (...) / 12. (...) Des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises : / a - lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ; / b - lorsqu'elles sont placées l'une et l'autre, dans les conditions définies au a, sous le contrôle d'une même tierce entreprise (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions, telles qu'éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, que la déductibilité des intérêts de prêts entre entreprises liées au sens du 12 de l'article 39 du code général des impôts est, dans l'hypothèse où seuls les associés du prêteur sont assujettis à l'impôt à raison des bénéfices que ce dernier réalise, subordonnée à la preuve d'un niveau minimal d'imposition de l'associé sur ces intérêts, dès lors que ce dernier entretient avec le prêteur un lien de dépendance.
4. Pour apprécier le niveau minimal d'imposition sur les intérêts versés par la société Les Vignobles Réunis - Roullet à son actionnaire unique, la société de personnes britannique Eurocom West LLP, la cour s'est placée au niveau de M. A..., détenteur à 99 % de cette société. En statuant ainsi, la cour, qui n'avait pas à rechercher si cette détention constituait pour M. A... une activité économique ou professionnelle, n'a pas commis d'erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que la société Les Vignobles Réunis - Roullet n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Les Vignobles Réunis - Roullet est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Les Vignobles Réunis - Roullet et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 22 mai 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Philippe Ranquet, conseillers d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur.
Rendu le 31 mai 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle
N° 476479
ECLI:FR:CECHR:2024:476479.20240531
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Benjamin Duca-Deneuve, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
Lecture du vendredi 31 mai 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Les Vignobles Réunis - Roullet a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 en 2014 et le rétablissement de son déficit constaté au titre de l'exercice clos en 2015 pour un montant de 474 215 euros. Par un jugement nos 1901845, 1901846 du 26 novembre 2020, ce tribunal a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 21BX00384 du 31 mai 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société Les Vignobles Réunis - Roullet.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 juillet, 27 octobre 2023 et 8 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Les Vignobles Réunis - Roullet demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Les Vignobles Réunis - Roullet ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'administration a remis en cause la déduction du résultat imposable de la société Les Vignobles Réunis-Roullet, au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, des intérêts d'emprunt qu'elle avait versés à son actionnaire unique, la société britannique Eurocom West LLP. La société Les Vignobles Réunis-Roullet se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 mai 2023 de la cour administrative d'appel de Bordeaux ayant rejeté son appel contre le jugement du 26 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge sur ce fondement au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et le rétablissement de son déficit constaté au titre de l'exercice clos en 2015.
2. Aux termes de l'article 212 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée, directement ou indirectement, au sens du 12 de l'article 39, sont déductibles : (...) / b) Et, sous réserve que l'entreprise débitrice démontre, à la demande de l'administration, que l'entreprise qui a mis les sommes à sa disposition est, au titre de l'exercice en cours, assujettie à raison de ces mêmes intérêts à un impôt sur le revenu ou sur les bénéfices dont le montant est au moins égal au quart de l'impôt sur les bénéfices déterminé dans les conditions de droit commun. / Dans l'hypothèse où l'entreprise prêteuse est domiciliée ou établie à l'étranger, l'impôt sur les bénéfices déterminé dans les conditions de droit commun s'entend de celui dont elle aurait été redevable en France sur les intérêts perçus si elle y avait été domiciliée ou établie. / Lorsque l'entreprise prêteuse est une société ou un groupement soumis au régime d'imposition prévu à l'article 8 du présent code ou un organisme de placement collectif relevant des articles L. 214-1 à L. 214-191 du code monétaire et financier ou un organisme de même nature constitué sur le fondement d'un droit étranger et situé dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et qui n'est pas un Etat non coopératif au sens de l'article 238-0 A du présent code, le présent b ne s'applique que s'il existe également des liens de dépendance, au sens du 12 de l'article 39, entre cette société, ce groupement ou cet organisme et un ou plusieurs détenteurs de parts de cette société, de ce groupement ou de cet organisme. Dans cette hypothèse, l'impôt sur ces intérêts est apprécié au niveau de ces détenteurs de parts (...) ". Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " (...) / 12. (...) Des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises : / a - lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ; / b - lorsqu'elles sont placées l'une et l'autre, dans les conditions définies au a, sous le contrôle d'une même tierce entreprise (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions, telles qu'éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, que la déductibilité des intérêts de prêts entre entreprises liées au sens du 12 de l'article 39 du code général des impôts est, dans l'hypothèse où seuls les associés du prêteur sont assujettis à l'impôt à raison des bénéfices que ce dernier réalise, subordonnée à la preuve d'un niveau minimal d'imposition de l'associé sur ces intérêts, dès lors que ce dernier entretient avec le prêteur un lien de dépendance.
4. Pour apprécier le niveau minimal d'imposition sur les intérêts versés par la société Les Vignobles Réunis - Roullet à son actionnaire unique, la société de personnes britannique Eurocom West LLP, la cour s'est placée au niveau de M. A..., détenteur à 99 % de cette société. En statuant ainsi, la cour, qui n'avait pas à rechercher si cette détention constituait pour M. A... une activité économique ou professionnelle, n'a pas commis d'erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que la société Les Vignobles Réunis - Roullet n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Les Vignobles Réunis - Roullet est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Les Vignobles Réunis - Roullet et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 22 mai 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Philippe Ranquet, conseillers d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur.
Rendu le 31 mai 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle