Conseil d'État
N° 474652
ECLI:FR:CESEC:2024:474652.20240513
Publié au recueil Lebon
Section
M. Christophe Chantepy, président
M. Julien Autret, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SCP SPINOSI, avocats
Lecture du lundi 13 mai 2024
Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération n° V2020-040 du 30 juillet 2020 par laquelle le conseil municipal de Montpellier a décidé d'attribuer une subvention de 15 000 euros à l'association SOS Méditerranée France et d'enjoindre à cette association de restituer à la commune la somme correspondant à la subvention reçue. Par un jugement n° 2004323 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21TL04860 du 28 mars 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai et 10 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Montpellier la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Autret, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. A... B..., à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Montpellier et à la SCP Spinosi, avocat de l'association SOS Méditerranée France ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une délibération du 30 juillet 2020, le conseil municipal de Montpellier a attribué une subvention de 15 000 euros à l'association SOS Méditerranée France. M. B..., en sa qualité de contribuable communal, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler cette délibération et d'enjoindre à cette association de restituer à la commune de Montpellier la somme correspondant à la subvention reçue. Par un jugement du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande comme irrecevable pour défaut d'intérêt pour agir. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 mars 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement.
Sur le pourvoi :
2. Pour rejeter l'appel formé par M. B... contre le jugement du tribunal administratif, la cour administrative d'appel, après avoir relevé que le montant de la subvention accordée par la délibération en litige représentait respectivement 0,34 % du montant total des subventions que la commune de Montpellier a accordées à des associations en 2020, 0,014 % de ses dépenses d'investissement ou encore 0,0032 % de son budget de l'année 2020, a jugé qu'il n'établissait pas que les conséquences directes de la délibération en litige sur les finances communales seraient d'une importance suffisante pour lui conférer un intérêt pour agir en sa qualité de contribuable communal. En statuant ainsi, alors que la délibération attaquée, qui a pour objet d'accorder une subvention, a par elle-même une incidence directe sur le budget communal, qui suffit à conférer à un requérant établissant sa qualité de contribuable communal un intérêt pour agir, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse doit être annulé.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur le règlement au fond du litige :
4. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que M. B..., qui justifie en appel de sa qualité de contribuable communal à la date de la délibération en litige, est fondé à soutenir qu'en rejetant comme irrecevable sa demande pour défaut d'intérêt pour agir, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité et à en demander, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, l'annulation.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier.
Sur le cadre juridique :
6. Aux termes de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en oeuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire. / A cette fin, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, le cas échéant, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères. Ces conventions précisent l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 2 février 2007 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements et de la loi du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, dont elles sont notamment issues, que les collectivités territoriales et leurs groupements ont compétence pour mettre en oeuvre ou soutenir toute action internationale de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire, le législateur n'ayant subordonné cette possibilité ni à la condition que cette action réponde à un intérêt public local, ni à la condition qu'elle s'inscrive dans les autres domaines de compétences attribués par la loi aux collectivités territoriales, ni à l'exigence qu'elle implique une autorité locale étrangère.
8. Il résulte en outre de ces dispositions que les actions menées ou soutenues sur ce fondement doivent respecter les engagements internationaux de la France. Elles ne doivent pas interférer avec la conduite par l'Etat des relations internationales de la France.
9. Par ailleurs, les actions menées ou soutenues sur le fondement de ces dispositions ne sauraient conduire une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales à prendre parti dans un conflit de nature politique ou un conflit collectif du travail. Si la seule circonstance qu'une organisation prenne des positions dans le débat public ne fait pas obstacle à ce qu'une collectivité territoriale ou un groupement lui accorde un soutien pour des actions mentionnées à l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, ces collectivités et groupements ne sauraient légalement apporter leur soutien à une organisation dont les actions de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire doivent être regardées en réalité, eu égard à son objet social, ses activités et ses prises de position, comme des actions à caractère politique.
10. En outre, si une collectivité ou un groupement accorde un soutien à une organisation qui prend des positions dans le débat public, ils doivent s'assurer, par les conditions qu'ils posent et par des engagements appropriés qu'ils demandent à l'organisation de prendre, que leur aide sera exclusivement destinée au financement des actions de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire qu'ils entendent soutenir, et ne sera pas utilisée pour financer les autres activités de cette organisation.
11. Enfin, si les dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales prévoient que les collectivités territoriales ou leurs groupements décidant de mener ou de soutenir des actions internationales de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire peuvent conclure à cette fin une convention avec des autorités locales étrangères, elles ne subordonnent pas la conduite ou le soutien à une telle action à la conclusion d'une convention avec les personnes ou autorités concernées par cette action. Il résulte néanmoins des dispositions de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations que la conclusion d'une telle convention est obligatoire lorsqu'est attribuée à un organisme de droit privé une subvention d'un montant supérieur à un certain seuil, fixé à 23 000 euros par le décret du 6 juin 2001 pris pour l'application de ces dispositions. En outre, pour pouvoir bénéficier d'une subvention publique, les associations ou fondations soumises aux dispositions de l'article 10-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations doivent respecter, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République qui ont créé ces dispositions, les engagements qui y sont mentionnés.
Sur la demande de M. B... :
12. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'association SOS Méditerranée France a pour objet, aux termes de l'article 1er de ses statuts, " dans le respect du droit maritime et des droits humains fondamentaux ", de " sauver la vie des personnes en détresse en mer et d'assurer leur accompagnement et leur protection ", son activité à ce titre consistant à affréter des navires afin de secourir en mer Méditerranée des embarcations en détresse empruntées par des ressortissants de pays tiers cherchant à rejoindre le territoire des pays de l'Union européenne, et ayant permis de porter assistance à plusieurs dizaines de milliers de naufragés depuis 2016. Une telle activité est susceptible de relever d'une action internationale à caractère humanitaire au sens de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales. Il ressort toutefois du même article des statuts de l'association que celle-ci a également pour objet, " de témoigner de la réalité de ces sauvetages et de leur contexte ; de promouvoir et soutenir la création de structures similaires à SOS Méditerranée en Europe et ailleurs ; de développer des activités de recherche, de sensibilisation et d'éducation autour des missions de SOS Méditerranée ; de transmettre les connaissances acquises en matière de sauvetage en mer dans le cadre de formations professionnelles spécifiques ". Enfin, il ressort des pièces du dossier que les responsables de l'association SOS Méditerranée France ont pris publiquement des positions critiquant tant le refus opposé par certains Etats membres au débarquement des personnes qu'elle a secourues que les orientations de l'Union européenne incitant à privilégier le débarquement des personnes secourues en Libye, pays de départ des embarcations, et, plus généralement, plaidé pour une politique de sauvetage en mer plus volontariste et mieux coordonnée de la part de l'Union européenne et de ses Etats membres.
13. Or, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que la délibération en litige ne précise pas la destination de la subvention de 15 000 euros qu'elle accorde à l'association, et que si la convention signée par la commune de Montpellier et l'association pour encadrer l'utilisation de cette subvention stipule à son article 5 que l'association s'engage à utiliser la subvention conformément à l'objet défini à l'article 1er, ce dernier se borne à stipuler que la subvention a été sollicitée pour le fonctionnement de l'association, et à rappeler, sans autre précision, l'ensemble des buts énumérés par l'article 1er de ces statuts, tels que rappelés au point 12 ci-dessus. Ni cette convention, en l'absence de stipulations réservant exclusivement l'utilisation de la subvention allouée à l'action de sauvetage en mer de l'association, à l'exclusion du financement des autres activités, à caractère politique, conduites par cette association, ni aucun autre élément du dossier ne suffisent à établir que la commune se serait assurée, par les conditions qu'elle aurait posées et des engagements appropriés qu'elle aurait demandé à l'association de prendre, que son aide serait exclusivement destinée au financement de l'action internationale à caractère humanitaire qu'elle entendait soutenir. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'il soulève, M. B... est fondé à demander l'annulation de la délibération attaquée.
14. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ". L'association SOS Méditerranée France n'étant pas l'une des personnes visées par ces dispositions, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il lui soit enjoint de rembourser à la commune de Montpellier les sommes perçues en exécution de la délibération attaquée doivent être rejetées.
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de la commune de Montpellier au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 28 mars 2023, le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 octobre 2021 et la délibération du 30 juillet 2020 du conseil municipal de Montpellier attribuant une subvention de 15 000 euros à l'association SOS Méditerranée France sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B..., la commune de Montpellier et l'association SOS Méditerranée France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la commune de Montpellier et à l'association SOS Méditerranée France.
Copie en sera adressée au ministre de l'Europe et des affaires étrangères et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 avril 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Rémy Schwartz, M. Jacques-Henri Stahl, M. Pierre Collin, présidents adjoints de la section du contentieux ; Mme Isabelle de Silva, M. Nicolas Boulouis, Mme Maud Vialettes, M. Bertrand Dacosta, Mme Gaëlle Dumortier, M. Olivier Japiot, M. Jean-Philippe Mochon, Mme Anne Egerszegi, M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre et M. Julien Autret, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 13 mai 2024.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Autret
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Vella
N° 474652
ECLI:FR:CESEC:2024:474652.20240513
Publié au recueil Lebon
Section
M. Christophe Chantepy, président
M. Julien Autret, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SCP SPINOSI, avocats
Lecture du lundi 13 mai 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération n° V2020-040 du 30 juillet 2020 par laquelle le conseil municipal de Montpellier a décidé d'attribuer une subvention de 15 000 euros à l'association SOS Méditerranée France et d'enjoindre à cette association de restituer à la commune la somme correspondant à la subvention reçue. Par un jugement n° 2004323 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21TL04860 du 28 mars 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai et 10 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Montpellier la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Autret, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. A... B..., à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Montpellier et à la SCP Spinosi, avocat de l'association SOS Méditerranée France ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une délibération du 30 juillet 2020, le conseil municipal de Montpellier a attribué une subvention de 15 000 euros à l'association SOS Méditerranée France. M. B..., en sa qualité de contribuable communal, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler cette délibération et d'enjoindre à cette association de restituer à la commune de Montpellier la somme correspondant à la subvention reçue. Par un jugement du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande comme irrecevable pour défaut d'intérêt pour agir. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 mars 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement.
Sur le pourvoi :
2. Pour rejeter l'appel formé par M. B... contre le jugement du tribunal administratif, la cour administrative d'appel, après avoir relevé que le montant de la subvention accordée par la délibération en litige représentait respectivement 0,34 % du montant total des subventions que la commune de Montpellier a accordées à des associations en 2020, 0,014 % de ses dépenses d'investissement ou encore 0,0032 % de son budget de l'année 2020, a jugé qu'il n'établissait pas que les conséquences directes de la délibération en litige sur les finances communales seraient d'une importance suffisante pour lui conférer un intérêt pour agir en sa qualité de contribuable communal. En statuant ainsi, alors que la délibération attaquée, qui a pour objet d'accorder une subvention, a par elle-même une incidence directe sur le budget communal, qui suffit à conférer à un requérant établissant sa qualité de contribuable communal un intérêt pour agir, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse doit être annulé.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur le règlement au fond du litige :
4. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que M. B..., qui justifie en appel de sa qualité de contribuable communal à la date de la délibération en litige, est fondé à soutenir qu'en rejetant comme irrecevable sa demande pour défaut d'intérêt pour agir, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité et à en demander, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, l'annulation.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier.
Sur le cadre juridique :
6. Aux termes de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en oeuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire. / A cette fin, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, le cas échéant, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères. Ces conventions précisent l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 2 février 2007 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements et de la loi du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, dont elles sont notamment issues, que les collectivités territoriales et leurs groupements ont compétence pour mettre en oeuvre ou soutenir toute action internationale de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire, le législateur n'ayant subordonné cette possibilité ni à la condition que cette action réponde à un intérêt public local, ni à la condition qu'elle s'inscrive dans les autres domaines de compétences attribués par la loi aux collectivités territoriales, ni à l'exigence qu'elle implique une autorité locale étrangère.
8. Il résulte en outre de ces dispositions que les actions menées ou soutenues sur ce fondement doivent respecter les engagements internationaux de la France. Elles ne doivent pas interférer avec la conduite par l'Etat des relations internationales de la France.
9. Par ailleurs, les actions menées ou soutenues sur le fondement de ces dispositions ne sauraient conduire une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales à prendre parti dans un conflit de nature politique ou un conflit collectif du travail. Si la seule circonstance qu'une organisation prenne des positions dans le débat public ne fait pas obstacle à ce qu'une collectivité territoriale ou un groupement lui accorde un soutien pour des actions mentionnées à l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, ces collectivités et groupements ne sauraient légalement apporter leur soutien à une organisation dont les actions de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire doivent être regardées en réalité, eu égard à son objet social, ses activités et ses prises de position, comme des actions à caractère politique.
10. En outre, si une collectivité ou un groupement accorde un soutien à une organisation qui prend des positions dans le débat public, ils doivent s'assurer, par les conditions qu'ils posent et par des engagements appropriés qu'ils demandent à l'organisation de prendre, que leur aide sera exclusivement destinée au financement des actions de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire qu'ils entendent soutenir, et ne sera pas utilisée pour financer les autres activités de cette organisation.
11. Enfin, si les dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales prévoient que les collectivités territoriales ou leurs groupements décidant de mener ou de soutenir des actions internationales de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire peuvent conclure à cette fin une convention avec des autorités locales étrangères, elles ne subordonnent pas la conduite ou le soutien à une telle action à la conclusion d'une convention avec les personnes ou autorités concernées par cette action. Il résulte néanmoins des dispositions de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations que la conclusion d'une telle convention est obligatoire lorsqu'est attribuée à un organisme de droit privé une subvention d'un montant supérieur à un certain seuil, fixé à 23 000 euros par le décret du 6 juin 2001 pris pour l'application de ces dispositions. En outre, pour pouvoir bénéficier d'une subvention publique, les associations ou fondations soumises aux dispositions de l'article 10-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations doivent respecter, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République qui ont créé ces dispositions, les engagements qui y sont mentionnés.
Sur la demande de M. B... :
12. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'association SOS Méditerranée France a pour objet, aux termes de l'article 1er de ses statuts, " dans le respect du droit maritime et des droits humains fondamentaux ", de " sauver la vie des personnes en détresse en mer et d'assurer leur accompagnement et leur protection ", son activité à ce titre consistant à affréter des navires afin de secourir en mer Méditerranée des embarcations en détresse empruntées par des ressortissants de pays tiers cherchant à rejoindre le territoire des pays de l'Union européenne, et ayant permis de porter assistance à plusieurs dizaines de milliers de naufragés depuis 2016. Une telle activité est susceptible de relever d'une action internationale à caractère humanitaire au sens de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales. Il ressort toutefois du même article des statuts de l'association que celle-ci a également pour objet, " de témoigner de la réalité de ces sauvetages et de leur contexte ; de promouvoir et soutenir la création de structures similaires à SOS Méditerranée en Europe et ailleurs ; de développer des activités de recherche, de sensibilisation et d'éducation autour des missions de SOS Méditerranée ; de transmettre les connaissances acquises en matière de sauvetage en mer dans le cadre de formations professionnelles spécifiques ". Enfin, il ressort des pièces du dossier que les responsables de l'association SOS Méditerranée France ont pris publiquement des positions critiquant tant le refus opposé par certains Etats membres au débarquement des personnes qu'elle a secourues que les orientations de l'Union européenne incitant à privilégier le débarquement des personnes secourues en Libye, pays de départ des embarcations, et, plus généralement, plaidé pour une politique de sauvetage en mer plus volontariste et mieux coordonnée de la part de l'Union européenne et de ses Etats membres.
13. Or, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que la délibération en litige ne précise pas la destination de la subvention de 15 000 euros qu'elle accorde à l'association, et que si la convention signée par la commune de Montpellier et l'association pour encadrer l'utilisation de cette subvention stipule à son article 5 que l'association s'engage à utiliser la subvention conformément à l'objet défini à l'article 1er, ce dernier se borne à stipuler que la subvention a été sollicitée pour le fonctionnement de l'association, et à rappeler, sans autre précision, l'ensemble des buts énumérés par l'article 1er de ces statuts, tels que rappelés au point 12 ci-dessus. Ni cette convention, en l'absence de stipulations réservant exclusivement l'utilisation de la subvention allouée à l'action de sauvetage en mer de l'association, à l'exclusion du financement des autres activités, à caractère politique, conduites par cette association, ni aucun autre élément du dossier ne suffisent à établir que la commune se serait assurée, par les conditions qu'elle aurait posées et des engagements appropriés qu'elle aurait demandé à l'association de prendre, que son aide serait exclusivement destinée au financement de l'action internationale à caractère humanitaire qu'elle entendait soutenir. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'il soulève, M. B... est fondé à demander l'annulation de la délibération attaquée.
14. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ". L'association SOS Méditerranée France n'étant pas l'une des personnes visées par ces dispositions, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il lui soit enjoint de rembourser à la commune de Montpellier les sommes perçues en exécution de la délibération attaquée doivent être rejetées.
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de la commune de Montpellier au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 28 mars 2023, le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 octobre 2021 et la délibération du 30 juillet 2020 du conseil municipal de Montpellier attribuant une subvention de 15 000 euros à l'association SOS Méditerranée France sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B..., la commune de Montpellier et l'association SOS Méditerranée France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la commune de Montpellier et à l'association SOS Méditerranée France.
Copie en sera adressée au ministre de l'Europe et des affaires étrangères et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 avril 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Rémy Schwartz, M. Jacques-Henri Stahl, M. Pierre Collin, présidents adjoints de la section du contentieux ; Mme Isabelle de Silva, M. Nicolas Boulouis, Mme Maud Vialettes, M. Bertrand Dacosta, Mme Gaëlle Dumortier, M. Olivier Japiot, M. Jean-Philippe Mochon, Mme Anne Egerszegi, M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre et M. Julien Autret, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 13 mai 2024.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Autret
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Vella