Conseil d'État
N° 474507
ECLI:FR:CESEC:2024:474507.20240513
Publié au recueil Lebon
Section
M. Christophe Chantepy, président
M. Julien Autret, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SCP SPINOSI, avocats
Lecture du lundi 13 mai 2024
Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération n° CP/010720/D/3 du 1er juillet 2020 de la commission permanente du conseil départemental de l'Hérault en tant qu'elle attribue une subvention de 20 000 euros à l'association SOS Méditerranée France au titre de l'action sociale générale et d'enjoindre à cette association de restituer au département de l'Hérault la somme correspondant à la subvention reçue. Par un jugement n° 2003886 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21TL04824 du 28 mars 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai et 1er août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du département de l'Hérault la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Autret, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. A... B..., à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat du département de l'Hérault, et à la SCP Spinosi, avocat de l'association SOS Méditerranée France ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une délibération du 1er juillet 2020, la commission permanente du conseil départemental de l'Hérault a attribué plusieurs subventions à des associations, parmi lesquelles une subvention de 20 000 euros à l'association SOS Méditerranée France au titre de l'action sociale générale. M. B..., en sa qualité de conseiller départemental, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler cette délibération en tant qu'elle attribue cette subvention à l'association SOS Méditerranée France et d'enjoindre à cette association de restituer au département de l'Hérault la somme correspondant à la subvention reçue. Par un jugement du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 mars 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement.
Sur le cadre juridique :
2. Aux termes de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en oeuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire. / A cette fin, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, le cas échéant, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères. Ces conventions précisent l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 2 février 2007 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements et de la loi du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, dont elles sont notamment issues, que les collectivités territoriales et leurs groupements ont compétence pour mettre en oeuvre ou soutenir toute action internationale de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire, le législateur n'ayant subordonné cette possibilité ni à la condition que cette action réponde à un intérêt public local, ni à la condition qu'elle s'inscrive dans les autres domaines de compétences attribués par la loi aux collectivités territoriales, ni à l'exigence qu'elle implique une autorité locale étrangère.
4. Il résulte en outre de ces dispositions que les actions menées ou soutenues sur ce fondement doivent respecter les engagements internationaux de la France. Elles ne doivent pas interférer avec la conduite par l'Etat des relations internationales de la France.
5. Par ailleurs, les actions menées ou soutenues sur le fondement de ces dispositions ne sauraient conduire une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales à prendre parti dans un conflit de nature politique ou un conflit collectif du travail. Si la seule circonstance qu'une organisation prenne des positions dans le débat public ne fait pas obstacle à ce qu'une collectivité territoriale ou un groupement lui accorde un soutien pour des actions mentionnées à l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, ces collectivités et groupements ne sauraient légalement apporter leur soutien à une organisation dont les actions de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire doivent être regardées en réalité, eu égard à son objet social, ses activités et ses prises de position, comme des actions à caractère politique.
6. En outre, si une collectivité ou un groupement accorde un soutien à une organisation qui prend des positions dans le débat public, ils doivent s'assurer, par les conditions qu'ils posent et par des engagements appropriés qu'ils demandent à l'organisation de prendre, que leur aide sera exclusivement destinée au financement des actions de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire qu'ils entendent soutenir, et ne sera pas utilisée pour financer les autres activités de cette organisation.
7. Enfin, si les dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales prévoient que les collectivités territoriales ou leurs groupements décidant de mener ou de soutenir des actions internationales de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire peuvent conclure à cette fin une convention avec des autorités locales étrangères, elles ne subordonnent pas la conduite ou le soutien à une telle action à la conclusion d'une convention avec les personnes ou autorités concernées par cette action. Il résulte néanmoins des dispositions de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations que la conclusion d'une telle convention est obligatoire lorsqu'est attribuée à un organisme de droit privé une subvention d'un montant supérieur à un certain seuil, fixé à 23 000 euros par le décret du 6 juin 2001 pris pour l'application de ces dispositions. En outre, pour pouvoir bénéficier d'une subvention publique, les associations ou fondations soumises aux dispositions de l'article 10-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations doivent respecter, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République qui ont créé ces dispositions, les engagements qui y sont mentionnés.
Sur le pourvoi :
8. En premier lieu, en jugeant que le conseil départemental de l'Hérault avait entendu fonder l'attribution de la subvention litigieuse sur les dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, quand bien même la délibération contestée, qui ne visait aucun texte, l'a fait figurer parmi des subventions attribuées au titre de l'action sociale générale, la cour administrative d'appel n'a ni méconnu la portée des écritures des parties, ni dénaturé les pièces du dossier, ni commis d'erreur de droit.
9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel a jugé que l'attribution d'une subvention sur le fondement de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales n'était pas subordonnée à la condition qu'elle soit destinée à une autorité locale étrangère.
10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association SOS Méditerranée France mène une activité de sauvetage en mer, dans les eaux internationales en mer Méditerranée, qui a permis de porter assistance à plusieurs dizaines de milliers de personnes en situation de détresse. Il en ressort également que l'activité de sauvetage en mer de l'association est menée systématiquement en coordination avec l'ensemble des autorités nationales compétentes en matière de sauvetage en mer et en conformité avec les principes du droit maritime international. Si l'association a privilégié le débarquement dans les ports européens des personnes secourues dans les eaux internationales au large de la Libye, elle l'a justifié par le motif que le droit maritime international prévoit l'obligation de secourir les personnes se trouvant en détresse en mer et de les débarquer dans un lieu sûr dans un délai raisonnable quel que soit leur nationalité ou leur statut et qu'un débarquement en Libye, exposant ces personnes à un risque de traitements inhumains et dégradants documenté notamment par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, contreviendrait au principe d'un débarquement en lieu sûr et aux dispositions du règlement (UE) n° 656/2014 du 15 mai 2014 prohibant la remise des personnes secourues aux autorités d'un pays où il existe un risque sérieux qu'elles soient soumises à de tels traitements. Il ressort encore des pièces du dossier soumis aux juges du fond que s'il est soutenu que cette action de sauvetage en mer aurait provoqué des différends entre la France et les autorités d'autres pays, les navires de l'association ont toujours déféré aux refus de débarquement qui leur ont été opposés par les autorités de certains Etats membres, refus dont les autorités françaises ont d'ailleurs contesté elles-mêmes la conformité aux principes du droit maritime international. Dans ces conditions, c'est sans erreur de qualification juridique ni erreur de droit que la cour administrative d'appel a jugé que les actions de sauvetage en mer de l'association SOS Méditerranée France étaient menées dans le respect des engagements internationaux de la France et qu'elles n'interféraient pas avec la conduite par l'Etat des relations internationales de la France.
11. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les responsables de l'association SOS Méditerranée France ont pris publiquement des positions critiquant tant le refus opposé par certains Etats membres au débarquement des personnes secourues que les orientations de l'Union européenne incitant à privilégier le débarquement de ces personnes en Libye, pays de départ des embarcations, et, plus généralement, plaidé pour une politique de sauvetage en mer plus volontariste et mieux coordonnée de la part de l'Union européenne et de ses Etats membres. La cour administrative d'appel a jugé, d'une part, sans erreur de droit, que dès lors que l'association SOS Méditerranée France inscrivait son activité dans le cadre d'une action internationale à caractère humanitaire, la seule circonstance qu'elle ait pris des positions dans des débats publics ne faisait pas obstacle à ce que le département lui accorde une subvention sur le fondement de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales et, d'autre part, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la commission permanente aurait, en prenant la délibération litigieuse, entendu s'associer aux prises de position publiques de l'association bénéficiaire. C'est sans erreur de qualification juridique qu'elle en a déduit que les moyens tirés de ce que cette subvention avait été attribuée en méconnaissance des exigences rappelées aux points 5 et 6 ci-dessus n'étaient pas fondés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. En conséquence, son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de M. B... au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département de l'Hérault et par l'association SOS Méditerranée France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au département de l'Hérault et à l'association SOS Méditerranée France.
Copie en sera adressée au ministre de l'Europe et des affaires étrangères et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 avril 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Rémy Schwartz, M. Jacques-Henri Stahl, M. Pierre Collin, présidents adjoints de la section du contentieux ; Mme Isabelle de Silva, M. Nicolas Boulouis, Mme Maud Vialettes, M. Bertrand Dacosta, Mme Gaëlle Dumortier, M. Olivier Japiot, M. Jean-Philippe Mochon, Mme Anne Egerszegi, M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre et M. Julien Autret, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 13 mai 2024.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Autret
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Vella
N° 474507
ECLI:FR:CESEC:2024:474507.20240513
Publié au recueil Lebon
Section
M. Christophe Chantepy, président
M. Julien Autret, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SCP SPINOSI, avocats
Lecture du lundi 13 mai 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération n° CP/010720/D/3 du 1er juillet 2020 de la commission permanente du conseil départemental de l'Hérault en tant qu'elle attribue une subvention de 20 000 euros à l'association SOS Méditerranée France au titre de l'action sociale générale et d'enjoindre à cette association de restituer au département de l'Hérault la somme correspondant à la subvention reçue. Par un jugement n° 2003886 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21TL04824 du 28 mars 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai et 1er août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du département de l'Hérault la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Autret, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. A... B..., à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat du département de l'Hérault, et à la SCP Spinosi, avocat de l'association SOS Méditerranée France ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une délibération du 1er juillet 2020, la commission permanente du conseil départemental de l'Hérault a attribué plusieurs subventions à des associations, parmi lesquelles une subvention de 20 000 euros à l'association SOS Méditerranée France au titre de l'action sociale générale. M. B..., en sa qualité de conseiller départemental, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler cette délibération en tant qu'elle attribue cette subvention à l'association SOS Méditerranée France et d'enjoindre à cette association de restituer au département de l'Hérault la somme correspondant à la subvention reçue. Par un jugement du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 mars 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement.
Sur le cadre juridique :
2. Aux termes de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en oeuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire. / A cette fin, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, le cas échéant, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères. Ces conventions précisent l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 2 février 2007 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements et de la loi du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, dont elles sont notamment issues, que les collectivités territoriales et leurs groupements ont compétence pour mettre en oeuvre ou soutenir toute action internationale de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire, le législateur n'ayant subordonné cette possibilité ni à la condition que cette action réponde à un intérêt public local, ni à la condition qu'elle s'inscrive dans les autres domaines de compétences attribués par la loi aux collectivités territoriales, ni à l'exigence qu'elle implique une autorité locale étrangère.
4. Il résulte en outre de ces dispositions que les actions menées ou soutenues sur ce fondement doivent respecter les engagements internationaux de la France. Elles ne doivent pas interférer avec la conduite par l'Etat des relations internationales de la France.
5. Par ailleurs, les actions menées ou soutenues sur le fondement de ces dispositions ne sauraient conduire une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales à prendre parti dans un conflit de nature politique ou un conflit collectif du travail. Si la seule circonstance qu'une organisation prenne des positions dans le débat public ne fait pas obstacle à ce qu'une collectivité territoriale ou un groupement lui accorde un soutien pour des actions mentionnées à l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, ces collectivités et groupements ne sauraient légalement apporter leur soutien à une organisation dont les actions de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire doivent être regardées en réalité, eu égard à son objet social, ses activités et ses prises de position, comme des actions à caractère politique.
6. En outre, si une collectivité ou un groupement accorde un soutien à une organisation qui prend des positions dans le débat public, ils doivent s'assurer, par les conditions qu'ils posent et par des engagements appropriés qu'ils demandent à l'organisation de prendre, que leur aide sera exclusivement destinée au financement des actions de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire qu'ils entendent soutenir, et ne sera pas utilisée pour financer les autres activités de cette organisation.
7. Enfin, si les dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales prévoient que les collectivités territoriales ou leurs groupements décidant de mener ou de soutenir des actions internationales de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire peuvent conclure à cette fin une convention avec des autorités locales étrangères, elles ne subordonnent pas la conduite ou le soutien à une telle action à la conclusion d'une convention avec les personnes ou autorités concernées par cette action. Il résulte néanmoins des dispositions de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations que la conclusion d'une telle convention est obligatoire lorsqu'est attribuée à un organisme de droit privé une subvention d'un montant supérieur à un certain seuil, fixé à 23 000 euros par le décret du 6 juin 2001 pris pour l'application de ces dispositions. En outre, pour pouvoir bénéficier d'une subvention publique, les associations ou fondations soumises aux dispositions de l'article 10-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations doivent respecter, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République qui ont créé ces dispositions, les engagements qui y sont mentionnés.
Sur le pourvoi :
8. En premier lieu, en jugeant que le conseil départemental de l'Hérault avait entendu fonder l'attribution de la subvention litigieuse sur les dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, quand bien même la délibération contestée, qui ne visait aucun texte, l'a fait figurer parmi des subventions attribuées au titre de l'action sociale générale, la cour administrative d'appel n'a ni méconnu la portée des écritures des parties, ni dénaturé les pièces du dossier, ni commis d'erreur de droit.
9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel a jugé que l'attribution d'une subvention sur le fondement de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales n'était pas subordonnée à la condition qu'elle soit destinée à une autorité locale étrangère.
10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association SOS Méditerranée France mène une activité de sauvetage en mer, dans les eaux internationales en mer Méditerranée, qui a permis de porter assistance à plusieurs dizaines de milliers de personnes en situation de détresse. Il en ressort également que l'activité de sauvetage en mer de l'association est menée systématiquement en coordination avec l'ensemble des autorités nationales compétentes en matière de sauvetage en mer et en conformité avec les principes du droit maritime international. Si l'association a privilégié le débarquement dans les ports européens des personnes secourues dans les eaux internationales au large de la Libye, elle l'a justifié par le motif que le droit maritime international prévoit l'obligation de secourir les personnes se trouvant en détresse en mer et de les débarquer dans un lieu sûr dans un délai raisonnable quel que soit leur nationalité ou leur statut et qu'un débarquement en Libye, exposant ces personnes à un risque de traitements inhumains et dégradants documenté notamment par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, contreviendrait au principe d'un débarquement en lieu sûr et aux dispositions du règlement (UE) n° 656/2014 du 15 mai 2014 prohibant la remise des personnes secourues aux autorités d'un pays où il existe un risque sérieux qu'elles soient soumises à de tels traitements. Il ressort encore des pièces du dossier soumis aux juges du fond que s'il est soutenu que cette action de sauvetage en mer aurait provoqué des différends entre la France et les autorités d'autres pays, les navires de l'association ont toujours déféré aux refus de débarquement qui leur ont été opposés par les autorités de certains Etats membres, refus dont les autorités françaises ont d'ailleurs contesté elles-mêmes la conformité aux principes du droit maritime international. Dans ces conditions, c'est sans erreur de qualification juridique ni erreur de droit que la cour administrative d'appel a jugé que les actions de sauvetage en mer de l'association SOS Méditerranée France étaient menées dans le respect des engagements internationaux de la France et qu'elles n'interféraient pas avec la conduite par l'Etat des relations internationales de la France.
11. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les responsables de l'association SOS Méditerranée France ont pris publiquement des positions critiquant tant le refus opposé par certains Etats membres au débarquement des personnes secourues que les orientations de l'Union européenne incitant à privilégier le débarquement de ces personnes en Libye, pays de départ des embarcations, et, plus généralement, plaidé pour une politique de sauvetage en mer plus volontariste et mieux coordonnée de la part de l'Union européenne et de ses Etats membres. La cour administrative d'appel a jugé, d'une part, sans erreur de droit, que dès lors que l'association SOS Méditerranée France inscrivait son activité dans le cadre d'une action internationale à caractère humanitaire, la seule circonstance qu'elle ait pris des positions dans des débats publics ne faisait pas obstacle à ce que le département lui accorde une subvention sur le fondement de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales et, d'autre part, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la commission permanente aurait, en prenant la délibération litigieuse, entendu s'associer aux prises de position publiques de l'association bénéficiaire. C'est sans erreur de qualification juridique qu'elle en a déduit que les moyens tirés de ce que cette subvention avait été attribuée en méconnaissance des exigences rappelées aux points 5 et 6 ci-dessus n'étaient pas fondés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. En conséquence, son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de M. B... au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département de l'Hérault et par l'association SOS Méditerranée France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au département de l'Hérault et à l'association SOS Méditerranée France.
Copie en sera adressée au ministre de l'Europe et des affaires étrangères et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 avril 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Rémy Schwartz, M. Jacques-Henri Stahl, M. Pierre Collin, présidents adjoints de la section du contentieux ; Mme Isabelle de Silva, M. Nicolas Boulouis, Mme Maud Vialettes, M. Bertrand Dacosta, Mme Gaëlle Dumortier, M. Olivier Japiot, M. Jean-Philippe Mochon, Mme Anne Egerszegi, M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre et M. Julien Autret, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 13 mai 2024.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Autret
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Vella