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Ariane Web: Conseil d'État 471930, lecture du 22 mars 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:471930.20240322

Décision n° 471930
22 mars 2024
Conseil d'État

N° 471930
ECLI:FR:CECHR:2024:471930.20240322
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Anne Redondo, rapporteur
M. Mathieu Le Coq, rapporteur public
SCP PIWNICA & MOLINIE, avocats


Lecture du vendredi 22 mars 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en premier lieu, d'une part, d'annuler la décision du 24 juillet 2019 par laquelle la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine a mis à sa charge un indu d'aide personnalisée au logement, d'aide exceptionnelle de fin d'année et de revenu de solidarité active au titre de la période ayant couru depuis le 1er août 2016 et a mis fin à ses droits à ces allocations et les décisions implicites confirmant, sur son recours administratif préalable, les indus d'allocation personnalisée au logement et de revenu de solidarité active, d'autre part, d'annuler les décisions du 12 août 2019 lui réclamant un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année au titre des années 2017 et 2018, de troisième part, d'annuler la décision du 29 janvier 2020 par laquelle la caisse d'allocations familiales des Hauts de-Seine a prononcé à son encontre une pénalité sur le fondement de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale, enfin, d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours amiable a rejeté le recours administratif préalable qu'il a formé contre la décision du 24 juillet 2019, en deuxième lieu, de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 25 017,58 euros et de réduire le montant de la pénalité administrative.

Par un jugement n° 2006590 du 4 janvier 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision implicite par laquelle la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine a confirmé, sur son recours administratif préalable, la décision du 24 juillet 2019 en tant qu'elle met à la charge de M. B... un indu d'aide personnalisée au logement de 8 048,03 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mars et 6 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) de mettre à la charge de la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Redondo, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. B... et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département des Hauts-de-Seine ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle de la situation de M. B..., la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine, par une décision du 24 juillet 2019, a mis à sa charge un indu d'aide personnalisée au logement, d'aide exceptionnelle de fin d'année et de revenu de solidarité active au titre de la période ayant couru depuis le 1er août 2016 et a mis fin à ses droits à ces allocations. M. B... a également été destinataire de deux décisions du 12 août 2019 mettant à sa charge un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année au titre des années 2017 et 2018. M. B... a formé des recours administratifs contre les décisions de récupération de ces indus, implicitement rejetés. Par une décision du 29 janvier 2020, la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine a prononcé à l'encontre de M. B... une pénalité sur le fondement de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale et a rejeté son recours gracieux dirigé contre cette décision. Par un jugement du 4 janvier 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la contestation de la pénalité administrative comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, annulé la décision implicite confirmant, sur recours administratif préalable de M. B..., la décision du 24 juillet 2019 en tant qu'elle met à sa charge un indu d'aide personnalisée au logement de 8 048,03 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Eu égard aux moyens qu'il invoque, M. B... doit être regardé comme demandant l'annulation de ce jugement en tant seulement qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande relevant de la compétence du juge administratif.

2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". L'article R. 611-1 du même code prévoit que : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 772-5 du code de justice administrative : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi (...) ". Aux termes de l'article R. 772-9 du même code : " La procédure contradictoire peut être poursuivie à l'audience sur les éléments de fait qui conditionnent l'attribution de la prestation ou de l'allocation ou la reconnaissance du droit, objet de la requête. / L'instruction est close soit après que les parties ou leurs mandataires ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience. Toutefois, afin de permettre aux parties de verser des pièces complémentaires, le juge peut décider de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure dont il les avise par tous moyens. / L'instruction fait l'objet d'une réouverture en cas de renvoi à une autre audience ".

4. L'article R. 772-9 du code de justice administrative déroge à certaines règles de droit commun de la procédure administrative contentieuse, eu égard aux spécificités de l'office du juge en matière de contentieux sociaux régis par les articles R. 772-5 et suivants de ce code, en fixant des règles dérogeant à celles de l'article R. 613-2 pour la clôture de l'instruction et en assouplissant les contraintes de la procédure écrite par la possibilité pour le juge de laisser se poursuivre à l'audience un débat contradictoire sur des éléments de fait qui conditionnent l'attribution de la prestation ou de l'allocation ou la reconnaissance du droit. Il reste que le respect du caractère contradictoire de la procédure et des dispositions citées au point 2 impose que la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur, ainsi que les autres productions si elles contiennent des éléments nouveaux, soient communiqués aux parties en leur laissant un délai suffisant, au besoin en reportant à cette fin la date de l'audience, pour qu'elles puissent en prendre connaissance et éventuellement y répondre, que ce soit par la production d'un nouveau mémoire avant la clôture de l'instruction ou, le cas échéant, en cette matière, par la présentation à l'audience d'observations orales sur les éléments de fait qui conditionnent l'attribution de la prestation ou de l'allocation ou la reconnaissance du droit, objet de la requête.

5. Il ressort des pièces du dossier du tribunal administratif de Cergy-Pontoise que, après que l'affaire de M. B... avait été inscrite au rôle de l'audience publique de ce tribunal convoquée le matin du mercredi 7 décembre 2022, le premier mémoire en défense présenté par le département des Hauts-de-Seine et le premier mémoire en défense présenté par la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine ont été produits le 5 décembre 2022, alors que l'instruction, par application des dispositions de l'article R. 772-9 du code de justice administrative, n'était pas close, et ont été communiqués à M. B... par des envois reçus, respectivement, le 5 décembre dans la soirée et le 6 décembre 2022 dans la matinée, soit l'avant-veille et la veille de l'audience. Un tel délai, respectivement de moins de quarante-huit heures et de moins de vingt-quatre heures, était, alors que ces mémoires en défense, en particulier celui du département, répondaient de manière détaillée aux moyens invoqués dans la requête, insuffisant pour permettre à M. B... d'en prendre connaissance et, le cas échéant, d'y répondre. Il suit de là que M. B... est fondé à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu et à demander pour ce motif l'annulation, dans la mesure qu'il sollicite, du jugement attaqué, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 4 janvier 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de la demande de M. B... relevant de la compétence du juge administratif.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au département des Hauts-de-Seine.
Copie en sera adressée à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et à la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, Mme Célia Verot, M. Vincent Mazauric, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordianaire et Mme Anne Redondo, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 22 mars 2024.


Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Anne Redondo
La secrétaire :
Signé : Mme Paule Troly


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