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Ariane Web: Conseil d'État 455107, lecture du 22 mars 2024, ECLI:FR:CESEC:2024:455107.20240322

Décision n° 455107
22 mars 2024
Conseil d'État

N° 455107
ECLI:FR:CESEC:2024:455107.20240322
Publié au recueil Lebon
Section
M. Christophe Chantepy, président
Mme Flavie Le Tallec, rapporteur
M. Florian Roussel, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats


Lecture du vendredi 22 mars 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 15 987,28 euros en réparation des préjudices subis par son fils.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Clermont-Ferrand à lui rembourser la somme de 49 286,81 euros au titre de ses débours et la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 2 août 2018, eux-mêmes capitalisés.

Par un jugement n° 1701654 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif a donné acte du désistement de la demande de Mme C... et a fait droit aux conclusions de la CPAM du Puy-de-Dôme.

Par un arrêt du 1er juin 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de la commune, annulé le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a fait droit aux conclusions de la CPAM du Puy-de-Dôme et, après avoir évoqué l'affaire, rejeté les conclusions de cette dernière.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 juillet et 29 octobre 2021 et le 18 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CPAM du Puy-de-Dôme demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance et d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Clermont-Ferrand la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la commune de Clermont-Ferrand.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de l'accident subi le 24 octobre 2013 par le jeune A... C... dans le cadre d'une activité sportive organisée par le centre de loisirs du château des Vergnes, dépendant de la commune de Clermont-Ferrand, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, saisi par la mère de l'enfant mineur, a, d'une part, donné acte du désistement de la demande de cette dernière à la suite du protocole transactionnel qu'elle avait conclu avec la commune pour mettre un terme aux conséquences de cet accident et, d'autre part, fait droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme tendant au remboursement des débours exposés par cet organisme en lien avec la prise en charge médicale de l'enfant. La CPAM du Puy-de-Dôme se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 1er juin 2021 par lequel la cour administrative d'appel a, sur appel de la commune, annulé le jugement du tribunal administratif comme irrégulier puis, après avoir évoqué, rejeté ses conclusions.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre et le livre Ier, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après./ Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel (...)/ Hors le cas où la caisse est appelée en déclaration de jugement commun (...), la demande de la caisse vis-à-vis du tiers responsable s'exerce en priorité à titre amiable./ La personne victime, les établissements de santé, le tiers responsable et son assureur sont tenus d'informer la caisse de la survenue des lésions causées par un tiers dans des conditions fixées par décret ". Aux termes de l'article L. 376-3 du même code : " Le règlement amiable pouvant intervenir entre le tiers et l'assuré ne peut être opposé à la caisse de sécurité sociale qu'autant que celle-ci a été invitée à y participer par lettre recommandée et ne devient définitif que quinze jours après l'envoi de cette lettre ". Aux termes de l'article L. 376-4 du même code : " La caisse de sécurité sociale de l'assuré est informée du règlement amiable intervenu entre l'assuré et le tiers responsable ou l'assureur. / L'assureur ou le tiers responsable ayant conclu un règlement amiable sans respecter l'obligation mentionnée au premier alinéa ne peuvent opposer à la caisse la prescription de leur créance. Ils versent à la caisse, outre les sommes obtenues par celle-ci au titre du recours subrogatoire prévu à l'article L. 376-1, une pénalité qui est fonction du montant de ces sommes et de la gravité du manquement à l'obligation d'information, dans la limite de 50 % du remboursement obtenu. / Le deuxième alinéa du présent article est également applicable à l'assureur du tiers responsable ou au tiers responsable lorsqu'ils ne respectent pas l'obligation d'information de la caisse prévue au septième alinéa de l'article L. 376-1. Une seule pénalité est due à raison du même sinistre. (...) ".

3. S'il est loisible aux personnes publiques de conclure une transaction pour mettre un terme à une procédure mettant en cause leur responsabilité, les tiers à ce contrat ne peuvent se prévaloir d'un droit à indemnisation résultant de sa signature. Les dispositions précitées du code de la sécurité sociale, qui régissent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale, n'ont ni pour objet ni pour effet de déroger à cette règle et de permettre à ces caisses, dans l'exercice de ce recours à l'encontre d'une personne publique, d'invoquer un droit à indemnisation tiré des termes du règlement amiable conclu entre cette personne publique et un de leurs assurés ou ses ayants droit lorsqu'elles ne sont pas parties à ce règlement. La reconnaissance d'un tel droit, qui pourrait au demeurant contrevenir au principe suivant lequel les personnes morales de droit public ne peuvent être condamnées à payer une somme qu'elles ne doivent pas, ne résulte d'aucune autre disposition législative. Il appartient dès lors au juge, lorsqu'il est saisi d'un recours subrogatoire par une caisse de sécurité sociale, de se prononcer au vu de l'instruction, sur l'existence d'une faute de la collectivité publique ou de tout autre fait de nature à justifier la prise en charge du dommage ainsi que d'un lien de causalité direct et certain avec les débours exposés.

4. La CPAM du Puy-de-Dôme n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, aurait commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte, pour apprécier son droit à indemnisation, l'existence du protocole transactionnel conclu entre la commune et la mère de la victime.

5. En second lieu, toutefois, si, en vertu de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, le premier mémoire de chaque défendeur est communiqué aux parties, la méconnaissance de cette obligation n'est pas de nature à affecter le respect du caractère contradictoire de la procédure à l'égard de la partie qui a produit ce mémoire. C'est par suite au prix d'une erreur de droit que, pour annuler comme irrégulier le jugement qui lui était soumis avant de statuer par la voie de l'évocation, la cour s'est fondée sur le moyen, soulevé par la commune de Clermont-Ferrand, tiré de ce que son propre mémoire en défense n'avait pas été communiqué aux parties par le tribunal administratif.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens relatifs à la faute reprochée à la commune, que la CPAM du Puy-de-Dôme est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Clermont-Ferrand la somme de 3 000 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions du même article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la CPAM du Puy-de-Dôme qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 1er juin 2021 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : La commune de Clermont-Ferrand versera à la CPAM du Puy-de-Dôme une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Clermont-Ferrand au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de-Dôme et à la commune de Clermont-Ferrand.


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