Conseil d'État
N° 488227
ECLI:FR:CECHR:2024:488227.20240311
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
M. Bruno Delsol, rapporteur
M. Laurent Domingo, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET, avocats
Lecture du lundi 11 mars 2024
Vu les procédures suivantes :
La société CCM Benchmark Group a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a refusé de lui communiquer les résultats, agrégés par établissement, des évaluations des acquis des élèves de cours préparatoire, cours élémentaire première année, sixième et seconde, pour les années 2016 à 2019, et d'enjoindre au ministre, sous astreinte, de lui communiquer ces mêmes documents. Par un jugement n° 2125753 du 13 juillet 2023, ce tribunal a annulé la décision contestée, enjoint au ministre de communiquer, dans le délai de deux mois, les documents demandés et rejeté les conclusions aux fins d'astreinte.
1° Sous le n° 488227, par un pourvoi, enregistré le 12 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter la demande présentée par la société CCM Benchmark Group devant le tribunal administratif de Paris.
2° Sous le n° 488228, par une requête, enregistrée le 12 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution des mêmes articles 1er, 2 et 3 de ce jugement.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société CCM Benchmark Group ;
Considérant ce qui suit :
1. Le pourvoi en cassation du ministre et sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. L'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ".
3. Aux termes de l'article L. 241-12 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance : " Le conseil d'évaluation de l'école, placé auprès du ministre chargé de l'éducation nationale, est chargé d'évaluer en toute indépendance l'organisation et les résultats de l'enseignement scolaire. A ce titre : / (...) 2° Il définit le cadre méthodologique et les outils des autoévaluations et des évaluations des établissements conduites par le ministère chargé de l'éducation nationale et analyse les résultats de ces évaluations ; pour ce faire, il s'appuie sur toutes les expertises scientifiques, françaises et internationales, qu'il estime nécessaires. Il s'assure de la fréquence régulière de ces évaluations d'établissements et définit les modalités de leur publicité. / L'accès aux données utilisées pour ces évaluations à des fins de statistiques et de recherche est garanti, sous réserve du respect de la réglementation applicable en matière de protection des données à caractère personnel et du livre III du code des relations entre le public et l'administration (...) ". La même loi du 26 juillet 2019 a en outre modifié l'article L. 241-14 de ce code, qui prévoyait précédemment que " Le rapport, les évaluations, les avis et les recommandations du conseil d'évaluation de l'école sont rendus publics ", pour y supprimer la mention des " évaluations ".
4. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris en tant que celui-ci a annulé son refus de communiquer les résultats, agrégés par établissement, des évaluations des acquis des élèves de cours préparatoire, cours élémentaire première année, sixième et seconde, pour les années 2016 à 2019, et lui a enjoint de les communiquer à la société CCM Benchmark.
5. Les résultats de l'évaluation d'un établissement d'enseignement conduite en application des dispositions mentionnées au point 3 constituent des documents administratifs dont la communication est régie par les dispositions du livre III du code des relations entre le public et l'administration, indépendamment de la publicité qui en est donnée par l'administration selon les modalités définies par le conseil d'évaluation de l'école sur le fondement du 2° de l'article L. 241-12 du code de l'éducation. Il en va de même des documents qui retracent les résultats des évaluations des acquis des élèves et qui ont, le cas échéant, été utilisés pour conduire l'évaluation des établissements dans lesquels ceux-ci sont scolarisés.
6. En vertu des dispositions des articles R. 311-12 et R. 311-13 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé par l'administration dans le délai d'un mois à compter de la réception d'une demande de communication de documents administratifs vaut décision de refus. L'article L. 342-1 de ce code subordonne la recevabilité du recours contentieux à la saisine pour avis de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA). Selon les dispositions des articles R. 343-4 et R. 343-5 du même code, le silence gardé par l'administration pendant un délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la saisine de la CADA fait naître une décision implicite de confirmation de refus. Il en résulte que lorsque l'administration, saisie d'une demande de communication de documents administratifs, oppose un refus au demandeur postérieurement à la saisine de la CADA, cette décision doit être regardée comme la confirmation du refus de communication, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, qui fait obstacle à la naissance d'une décision implicite à l'expiration du délai de deux mois mentionné à l'article R. 343-5.
7. Il résulte des dispositions des articles L. 112-3, L. 112-6, L. 412-3, R*. 311-12, R. 311-13, R. 311-15, et R. 343-3 à R. 343-5 du code des relations entre le public et l'administration, et de celles des articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative que le demandeur dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification de la confirmation du refus de communication de documents administratifs qu'il a sollicités pour en demander l'annulation au tribunal administratif compétent, sous réserve qu'il ait été informé tant de l'existence du recours administratif préalable obligatoire devant la CADA et des délais dans lesquels ce recours peut être exercé que des voies et délais de recours contentieux contre cette confirmation. En l'absence de cette information, le demandeur peut demander l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance. Sauf circonstance particulière, que ne constitue pas la notification de l'avis de la CADA, ce délai ne saurait excéder un an.
8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société CCM Benchmark Group a demandé au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, les 15 et 16 septembre 2020, de lui communiquer les documents mentionnés au point 4. En l'absence de réponse du ministre dans le délai d'un mois, la société a saisi la CADA d'une demande enregistrée le 27 octobre suivant. Par un message électronique du 9 novembre 2020, le ministère a répondu à la société que les indicateurs correspondants ne seraient disponibles qu'au niveau du département et qu'ils seraient prochainement publiés en ligne. La commission a rendu son avis le 10 décembre 2020. La société a introduit un recours contentieux devant le tribunal administratif de Paris le 1er décembre 2021.
9. En premier lieu, pour juger que le recours contentieux de la société CCM Benchmark n'était pas tardif, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que la décision du ministre du 9 novembre 2020 ne pouvait être regardée comme la confirmation du refus de communication opposé implicitement par l'administration à l'expiration du délai d'un mois à compter de la réception de la demande initiale de cette société dès lors qu'elle avait été prise antérieurement à l'avis de la CADA, qui doit permettre d'éclairer la décision de l'administration, de sorte qu'une décision implicite de confirmation de refus était née à l'expiration du délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la saisine de la commission et que les conclusions d'excès de pouvoir de la société devaient être regardées comme dirigées contre cette dernière. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le tribunal a, ce faisant, entaché son jugement d'erreur de droit.
10. En second lieu, le tribunal administratif a jugé qu'en tout état de cause, la notification de l'avis de la CADA le 10 décembre 2020 constituait une circonstance particulière justifiant de prolonger le délai raisonnable d'un an dans lequel le recours contentieux contre la confirmation du refus de communication devait être introduit en l'absence de mention des voies et délais de recours. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 qu'en statuant ainsi, le tribunal administratif a commis une autre erreur de droit.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que les articles 1er à 3 du jugement du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris doivent être annulés.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative dans la mesure de la cassation prononcée.
13. Le courrier électronique du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 9 novembre 2020, notifié postérieurement à l'enregistrement de la saisine de la CADA par la société CCM Benchmark, constitue une confirmation du refus de communication implicite né du silence gardé par l'administration, saisie de la demande initiale de communication, dans le délai d'un mois. Si le délai de recours contentieux de deux mois n'a pas commencé à courir faute d'information du demandeur sur les voies et délais de recours, la société a introduit son recours contentieux au-delà du délai raisonnable d'un an qui était en l'espèce applicable en l'absence de circonstances particulières. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse est donc fondé à soutenir que les conclusions de la société CCM Benchmark sont tardives et, par suite, irrecevables.
Sur la requête aux fins de sursis à exécution :
14. Par la présente décision, le Conseil d'Etat statue sur le pourvoi formé par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse contre le jugement du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande à ce titre la société CCM Benchmark Group.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société CCM Benchmark Group devant le tribunal administratif et le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 488228 du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à la société CCM Benchmark Group.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 février 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Isabelle Lemesle, conseillers d'Etat ; M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 11 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Bruno Delsol
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana
N° 488227
ECLI:FR:CECHR:2024:488227.20240311
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
M. Bruno Delsol, rapporteur
M. Laurent Domingo, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET, avocats
Lecture du lundi 11 mars 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
La société CCM Benchmark Group a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a refusé de lui communiquer les résultats, agrégés par établissement, des évaluations des acquis des élèves de cours préparatoire, cours élémentaire première année, sixième et seconde, pour les années 2016 à 2019, et d'enjoindre au ministre, sous astreinte, de lui communiquer ces mêmes documents. Par un jugement n° 2125753 du 13 juillet 2023, ce tribunal a annulé la décision contestée, enjoint au ministre de communiquer, dans le délai de deux mois, les documents demandés et rejeté les conclusions aux fins d'astreinte.
1° Sous le n° 488227, par un pourvoi, enregistré le 12 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter la demande présentée par la société CCM Benchmark Group devant le tribunal administratif de Paris.
2° Sous le n° 488228, par une requête, enregistrée le 12 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution des mêmes articles 1er, 2 et 3 de ce jugement.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société CCM Benchmark Group ;
Considérant ce qui suit :
1. Le pourvoi en cassation du ministre et sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. L'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ".
3. Aux termes de l'article L. 241-12 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance : " Le conseil d'évaluation de l'école, placé auprès du ministre chargé de l'éducation nationale, est chargé d'évaluer en toute indépendance l'organisation et les résultats de l'enseignement scolaire. A ce titre : / (...) 2° Il définit le cadre méthodologique et les outils des autoévaluations et des évaluations des établissements conduites par le ministère chargé de l'éducation nationale et analyse les résultats de ces évaluations ; pour ce faire, il s'appuie sur toutes les expertises scientifiques, françaises et internationales, qu'il estime nécessaires. Il s'assure de la fréquence régulière de ces évaluations d'établissements et définit les modalités de leur publicité. / L'accès aux données utilisées pour ces évaluations à des fins de statistiques et de recherche est garanti, sous réserve du respect de la réglementation applicable en matière de protection des données à caractère personnel et du livre III du code des relations entre le public et l'administration (...) ". La même loi du 26 juillet 2019 a en outre modifié l'article L. 241-14 de ce code, qui prévoyait précédemment que " Le rapport, les évaluations, les avis et les recommandations du conseil d'évaluation de l'école sont rendus publics ", pour y supprimer la mention des " évaluations ".
4. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris en tant que celui-ci a annulé son refus de communiquer les résultats, agrégés par établissement, des évaluations des acquis des élèves de cours préparatoire, cours élémentaire première année, sixième et seconde, pour les années 2016 à 2019, et lui a enjoint de les communiquer à la société CCM Benchmark.
5. Les résultats de l'évaluation d'un établissement d'enseignement conduite en application des dispositions mentionnées au point 3 constituent des documents administratifs dont la communication est régie par les dispositions du livre III du code des relations entre le public et l'administration, indépendamment de la publicité qui en est donnée par l'administration selon les modalités définies par le conseil d'évaluation de l'école sur le fondement du 2° de l'article L. 241-12 du code de l'éducation. Il en va de même des documents qui retracent les résultats des évaluations des acquis des élèves et qui ont, le cas échéant, été utilisés pour conduire l'évaluation des établissements dans lesquels ceux-ci sont scolarisés.
6. En vertu des dispositions des articles R. 311-12 et R. 311-13 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé par l'administration dans le délai d'un mois à compter de la réception d'une demande de communication de documents administratifs vaut décision de refus. L'article L. 342-1 de ce code subordonne la recevabilité du recours contentieux à la saisine pour avis de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA). Selon les dispositions des articles R. 343-4 et R. 343-5 du même code, le silence gardé par l'administration pendant un délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la saisine de la CADA fait naître une décision implicite de confirmation de refus. Il en résulte que lorsque l'administration, saisie d'une demande de communication de documents administratifs, oppose un refus au demandeur postérieurement à la saisine de la CADA, cette décision doit être regardée comme la confirmation du refus de communication, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, qui fait obstacle à la naissance d'une décision implicite à l'expiration du délai de deux mois mentionné à l'article R. 343-5.
7. Il résulte des dispositions des articles L. 112-3, L. 112-6, L. 412-3, R*. 311-12, R. 311-13, R. 311-15, et R. 343-3 à R. 343-5 du code des relations entre le public et l'administration, et de celles des articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative que le demandeur dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification de la confirmation du refus de communication de documents administratifs qu'il a sollicités pour en demander l'annulation au tribunal administratif compétent, sous réserve qu'il ait été informé tant de l'existence du recours administratif préalable obligatoire devant la CADA et des délais dans lesquels ce recours peut être exercé que des voies et délais de recours contentieux contre cette confirmation. En l'absence de cette information, le demandeur peut demander l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance. Sauf circonstance particulière, que ne constitue pas la notification de l'avis de la CADA, ce délai ne saurait excéder un an.
8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société CCM Benchmark Group a demandé au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, les 15 et 16 septembre 2020, de lui communiquer les documents mentionnés au point 4. En l'absence de réponse du ministre dans le délai d'un mois, la société a saisi la CADA d'une demande enregistrée le 27 octobre suivant. Par un message électronique du 9 novembre 2020, le ministère a répondu à la société que les indicateurs correspondants ne seraient disponibles qu'au niveau du département et qu'ils seraient prochainement publiés en ligne. La commission a rendu son avis le 10 décembre 2020. La société a introduit un recours contentieux devant le tribunal administratif de Paris le 1er décembre 2021.
9. En premier lieu, pour juger que le recours contentieux de la société CCM Benchmark n'était pas tardif, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que la décision du ministre du 9 novembre 2020 ne pouvait être regardée comme la confirmation du refus de communication opposé implicitement par l'administration à l'expiration du délai d'un mois à compter de la réception de la demande initiale de cette société dès lors qu'elle avait été prise antérieurement à l'avis de la CADA, qui doit permettre d'éclairer la décision de l'administration, de sorte qu'une décision implicite de confirmation de refus était née à l'expiration du délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la saisine de la commission et que les conclusions d'excès de pouvoir de la société devaient être regardées comme dirigées contre cette dernière. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le tribunal a, ce faisant, entaché son jugement d'erreur de droit.
10. En second lieu, le tribunal administratif a jugé qu'en tout état de cause, la notification de l'avis de la CADA le 10 décembre 2020 constituait une circonstance particulière justifiant de prolonger le délai raisonnable d'un an dans lequel le recours contentieux contre la confirmation du refus de communication devait être introduit en l'absence de mention des voies et délais de recours. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 qu'en statuant ainsi, le tribunal administratif a commis une autre erreur de droit.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que les articles 1er à 3 du jugement du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris doivent être annulés.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative dans la mesure de la cassation prononcée.
13. Le courrier électronique du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 9 novembre 2020, notifié postérieurement à l'enregistrement de la saisine de la CADA par la société CCM Benchmark, constitue une confirmation du refus de communication implicite né du silence gardé par l'administration, saisie de la demande initiale de communication, dans le délai d'un mois. Si le délai de recours contentieux de deux mois n'a pas commencé à courir faute d'information du demandeur sur les voies et délais de recours, la société a introduit son recours contentieux au-delà du délai raisonnable d'un an qui était en l'espèce applicable en l'absence de circonstances particulières. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse est donc fondé à soutenir que les conclusions de la société CCM Benchmark sont tardives et, par suite, irrecevables.
Sur la requête aux fins de sursis à exécution :
14. Par la présente décision, le Conseil d'Etat statue sur le pourvoi formé par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse contre le jugement du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande à ce titre la société CCM Benchmark Group.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société CCM Benchmark Group devant le tribunal administratif et le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 488228 du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à la société CCM Benchmark Group.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 février 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Isabelle Lemesle, conseillers d'Etat ; M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 11 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Bruno Delsol
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana