Conseil d'État
N° 463249
ECLI:FR:CECHR:2024:463249.20240308
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Bruno Bachini, rapporteur
Mme Maïlys Lange, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats
Lecture du vendredi 8 mars 2024
Vu la procédure suivante :
M. B... A... et autres ont demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne du 8 janvier 2019 délivrant à la société Engie Green Doussay l'autorisation d'exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune de Doussay.
Par un arrêt n° 19BX01839 du 22 mars 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, annulé cet arrêté en tant qu'il ne comporte pas la dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement et suspendu son exécution jusqu'à l'octroi éventuel de cette dérogation, d'autre part, prononcé un sursis à statuer sur le surplus des conclusions de la requête jusqu'à expiration d'un délai de quatre ou six mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre à la société Engie Green Doussay de lui notifier, le cas échéant, une mesure de régularisation du vice tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 avril et 30 juin 2022, le 26 septembre 2023 et le 9 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Engie Green Doussay demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de M. A... et autres la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Engie Green Doussay et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. A... et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société MSE la Couturelle, à laquelle s'est substituée la société Engie Green Doussay, a déposé, en 2010 et 2011, plusieurs demandes de permis de construire ainsi qu'une demande d'autorisation d'exploitation d'un parc éolien en vue de l'implantation et de l'exploitation de six éoliennes sur le territoire de la commune de Doussay (Vienne). Après avoir refusé de délivrer les permis de construire demandés, la préfète de la Vienne a rejeté la demande d'autorisation d'exploiter le parc éolien par un arrêté du 14 octobre 2014. Par deux jugements du 12 avril 2017 devenus définitifs, le tribunal administratif de Poitiers a annulé ces décisions et enjoint à la préfète de la Vienne de réexaminer les demandes de la société pétitionnaire. Par un arrêté du 8 janvier 2019, la préfète a accordé l'autorisation d'exploiter le parc éolien. Par un arrêt du 22 mars 2022 contre lequel la société Engie Green Doussay se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie d'une requête présentée par M. A... et autres, a, d'une part, annulé cet arrêté en tant qu'il ne comporte pas la dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement et suspendu son exécution jusqu'à l'octroi éventuel de cette dérogation, d'autre part, sursis à statuer sur le surplus des conclusions de la requête jusqu'à expiration d'un délai de quatre ou six mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre à la société de lui notifier, le cas échéant, une mesure de régularisation du vice tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat (...) ". Et aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : / a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / d) A des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ; / e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié de certains spécimens ".
3. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
4. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".
5. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que seules les mesures d'évitement projetées devaient être prises en compte pour apprécier la nécessité de la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement et que les mesures de bridage prévues, qui constituaient des mesures de réduction, étaient, par suite, sans incidence sur cette appréciation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit.
6. En second lieu, l'article L. 181-18 du code de l'environnement, dans sa version alors applicable, dispose que : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement que le juge de l'autorisation environnementale peut, alternativement, après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, soit surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l'autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d'être régularisés par une décision modificative, soit limiter la portée ou les effets de l'annulation qu'il prononce si le ou les vices qu'il retient n'affectent qu'une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d'instruction.
8. Il s'ensuit qu'en décidant simultanément, d'une part, d'annuler partiellement l'arrêté attaqué en tant qu'il ne comportait pas la dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées et de suspendre son exécution jusqu'à l'octroi éventuel de cette dérogation, et, d'autre part, de surseoir à statuer sur le " surplus des conclusions de la requête " pour permettre à la société pétitionnaire de lui notifier, le cas échéant, une mesure de régularisation du vice tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Engie Green Doussay est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... et autres la somme de 3 000 euros à verser à la société Engie Green Doussay au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société requérante ou de l'Etat.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 22 mars 2022 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : M. A... et autres verseront à la société Engie Green Doussay une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de M. A... et autres présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Engie Green Doussay, à M. B... A..., premier dénommé pour l'ensemble des autres défendeurs, et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 29 janvier 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et. M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur
Rendu le 8 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Bruno Bachini
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain
N° 463249
ECLI:FR:CECHR:2024:463249.20240308
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Bruno Bachini, rapporteur
Mme Maïlys Lange, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats
Lecture du vendredi 8 mars 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B... A... et autres ont demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne du 8 janvier 2019 délivrant à la société Engie Green Doussay l'autorisation d'exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune de Doussay.
Par un arrêt n° 19BX01839 du 22 mars 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, annulé cet arrêté en tant qu'il ne comporte pas la dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement et suspendu son exécution jusqu'à l'octroi éventuel de cette dérogation, d'autre part, prononcé un sursis à statuer sur le surplus des conclusions de la requête jusqu'à expiration d'un délai de quatre ou six mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre à la société Engie Green Doussay de lui notifier, le cas échéant, une mesure de régularisation du vice tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 avril et 30 juin 2022, le 26 septembre 2023 et le 9 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Engie Green Doussay demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de M. A... et autres la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Engie Green Doussay et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. A... et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société MSE la Couturelle, à laquelle s'est substituée la société Engie Green Doussay, a déposé, en 2010 et 2011, plusieurs demandes de permis de construire ainsi qu'une demande d'autorisation d'exploitation d'un parc éolien en vue de l'implantation et de l'exploitation de six éoliennes sur le territoire de la commune de Doussay (Vienne). Après avoir refusé de délivrer les permis de construire demandés, la préfète de la Vienne a rejeté la demande d'autorisation d'exploiter le parc éolien par un arrêté du 14 octobre 2014. Par deux jugements du 12 avril 2017 devenus définitifs, le tribunal administratif de Poitiers a annulé ces décisions et enjoint à la préfète de la Vienne de réexaminer les demandes de la société pétitionnaire. Par un arrêté du 8 janvier 2019, la préfète a accordé l'autorisation d'exploiter le parc éolien. Par un arrêt du 22 mars 2022 contre lequel la société Engie Green Doussay se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie d'une requête présentée par M. A... et autres, a, d'une part, annulé cet arrêté en tant qu'il ne comporte pas la dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement et suspendu son exécution jusqu'à l'octroi éventuel de cette dérogation, d'autre part, sursis à statuer sur le surplus des conclusions de la requête jusqu'à expiration d'un délai de quatre ou six mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre à la société de lui notifier, le cas échéant, une mesure de régularisation du vice tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat (...) ". Et aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : / a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / d) A des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ; / e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié de certains spécimens ".
3. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
4. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".
5. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que seules les mesures d'évitement projetées devaient être prises en compte pour apprécier la nécessité de la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement et que les mesures de bridage prévues, qui constituaient des mesures de réduction, étaient, par suite, sans incidence sur cette appréciation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit.
6. En second lieu, l'article L. 181-18 du code de l'environnement, dans sa version alors applicable, dispose que : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement que le juge de l'autorisation environnementale peut, alternativement, après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, soit surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l'autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d'être régularisés par une décision modificative, soit limiter la portée ou les effets de l'annulation qu'il prononce si le ou les vices qu'il retient n'affectent qu'une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d'instruction.
8. Il s'ensuit qu'en décidant simultanément, d'une part, d'annuler partiellement l'arrêté attaqué en tant qu'il ne comportait pas la dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées et de suspendre son exécution jusqu'à l'octroi éventuel de cette dérogation, et, d'autre part, de surseoir à statuer sur le " surplus des conclusions de la requête " pour permettre à la société pétitionnaire de lui notifier, le cas échéant, une mesure de régularisation du vice tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Engie Green Doussay est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... et autres la somme de 3 000 euros à verser à la société Engie Green Doussay au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société requérante ou de l'Etat.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 22 mars 2022 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : M. A... et autres verseront à la société Engie Green Doussay une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de M. A... et autres présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Engie Green Doussay, à M. B... A..., premier dénommé pour l'ensemble des autres défendeurs, et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 29 janvier 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et. M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur
Rendu le 8 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Bruno Bachini
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain