Conseil d'État
N° 451947
ECLI:FR:CECHR:2023:451947.20231218
Inédit au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
Mme Rozen Noguellou, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
SCP OHL, VEXLIARD, avocats
Lecture du lundi 18 décembre 2023
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 avril 2021, le 22 juillet 2021 et le 18 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. G... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° FR 2019-09 S du 19 février 2021 de la formation restreinte du Haut Conseil du Commissariat aux Comptes en tant qu'elle a prononcé à son encontre un avertissement ;
2°) de mettre à la charge du Haut conseil du commissariat aux comptes la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. B..., à la SCP Ohl, Vexliard, avocat du Haut conseil du commissariat aux comptes et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société PricewaterhouseCoopers Audit et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que le 27 mars 2017, le président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, a saisi le rapporteur général du Haut conseil du commissariat aux comptes afin qu'il soit procédé à une enquête sur la certification des comptes du groupe Agripole, groupe agroalimentaire détenu à 100 % par Mme J... K..., décédée en 2016, et qui regroupait une filiale, Financière Turenne Lafayette, et plusieurs sous-filiales, Paul Prédault, Madrange, William Saurin, Montagne noire, Tradition traiteur, Germanaud, Géo, Conserverie du Languedoc, Les salaisons de l'Arrée. Le 28 mars 2017, le rapporteur général a ouvert une enquête portant sur les missions de certification des comptes annuels et consolidés de la société Agripole, pour les exercices clos de 2012 à 2015. Sur cette période, plusieurs sociétés sont intervenues pour procéder à l'audit des comptes de la société Agripole et de ses filiales. La société Mazars a été le commissaire aux comptes de la société Agripole et de sa filiale Financière Turenne Lafayette ainsi que des sous-filiales Conserverie du Languedoc, William Saurin, Paul Prédault, Germanaud, Montagne Noire, Tradition Traiteur, Madrange et Géo. M. E... F... était l'associé signataire des comptes pour la société Mazars, rejoint, à compter de 2012, par M. A... L.... Deux sociétés appartenant au réseau de PricewaterhouseCoopers (PWC) sont intervenues dans l'audit des comptes de ces sociétés, à savoir la société PWC Entreprises pour les sociétés Financière Turenne Lafayette, Madrange, Géo, puis PWC Audit pour les comptes annuels 2015 de la société Agripole et de sa filiale la société Financière Turenne Lafayette ainsi que les comptes annuels 2014 et 2015 des sociétés Madrange et Géo. M. I... H... était l'associé signataire des comptes pour les sociétés PWC Entreprises et PWC Audit. La société D... C... et associés est intervenue en qualité de co-commissaire aux comptes de la société Agripole, les comptes étant certifiés par M. D... C.... Enfin, M. G... B... a été commissaire aux comptes de la société Les Salaisons de l'Arrée. Le 7 février 2019, les griefs ont été notifiés à MM. H..., B..., F..., Schwaler et C... ainsi qu'aux sociétés Mazars, PWC Audit, PWC Entreprises et D... C... et associés. Par une décision du 19 février 2021, la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes a prononcé à l'encontre de M. B... un avertissement. Des sanctions ont également été prononcées à l'encontre des autres mis en cause.
Sur la régularité de la procédure de sanction :
2. En premier lieu, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises a supprimé les commissions régionales de discipline et prévoit, dans la nouvelle rédaction de l'article L. 824-8 du code de commerce, la saisine directe de la formation restreinte du Haut conseil, qui est désormais la seule entité compétente pour connaître des actions disciplinaires, par le rapporteur général ayant établi un rapport final. D'une part, cette disposition est suffisamment précise pour s'appliquer sans l'intervention d'une disposition réglementaire. D'autre part, si, s'agissant d'une règle de procédure, celle-ci a vocation à s'appliquer dès l'entrée en vigueur de la loi, y compris à des procédures en cours, cette évolution est sans incidence sur la possibilité, pour le rapporteur général, d'abandonner tout ou partie des griefs et sur les droits, reconnus par l'article L. 824-8 du code de commerce aux personnes poursuivies, d'avoir accès au dossier, de présenter leurs observations et de se faire assister par un conseil de leur choix à toutes les étapes de la procédure. Par suite, l'application de la loi du 22 mai 2019 aux instances en cours ne porte pas atteinte aux garanties dont bénéficient les personnes poursuivies.
3. En deuxième lieu, si, en matière d'édiction de sanctions administratives, sont seuls punissables les faits constitutifs d'un manquement à des obligations définies par des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur à la date où ces faits ont été commis, en revanche, et réserve faite du cas où il en serait disposé autrement, s'appliquent immédiatement les textes fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure à suivre, alors même qu'ils conduisent à réprimer des manquements commis avant leur entrée en vigueur. Toutefois, les actes de procédure régulièrement intervenus n'ont pas à être réitérés. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions procédurales introduites par la loi du 22 mai 2019 pouvaient s'appliquer aux instances en cours sans qu'il soit besoin de reprendre l'intégralité des actes de procédure déjà intervenus.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 824-10 du code de commerce : " Lorsque le Haut conseil est saisi par le rapporteur général du rapport d'enquête mentionné à l'article L. 824-8, son président convoque les membres du collège, hors les membres de la formation restreinte, afin de délibérer sur les suites à donner au rapport. / Le rapporteur général ou l'enquêteur en charge du dossier est entendu si le collège l'estime nécessaire. / Le collège délibère à la majorité des voix des membres présents ". Aux termes de l'article R. 824-11 dans sa version alors applicable : " Lorsque le collège, dans la formation mentionnée à l'article précédent, considère que les faits sont susceptibles de justifier l'engagement d'une procédure de sanction, la lettre de notification des griefs mentionnée à l'article L. 824-8 informe la personne poursuivie qu'elle peut prendre connaissance du dossier et obtenir copie des pièces, le cas échéant par voie électronique, et qu'elle peut se faire assister par le conseil de son choix. / La lettre de notification mentionne le délai dont dispose la personne poursuivie pour transmettre au rapporteur général ses observations écrites sur ces griefs. Ce délai ne peut être inférieur à un mois à compter de la réception de la lettre de notification des griefs (...) ".
5. D'une part, il résulte des termes mêmes de l'article R. 824-10 du code de commerce que le collège du Haut conseil peut, lorsqu'il l'estime nécessaire, entendre tant le rapporteur général que l'enquêteur en charge du dossier. D'autre part, si M. B... soutient que cette phase de la procédure, antérieure à la notification des griefs, aurait méconnu le principe des droits de la défense, ce principe, rappelé par l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'homme et précisé par son article 6 paragraphe 3, s'applique seulement à la procédure de sanction ouverte par la notification de griefs par le collège du Haut conseil et par la saisine de la formation restreinte, et non à la phase préalable des enquêtes réalisées par les agents du Haut conseil. Si les enquêtes réalisées par ces agents doivent se dérouler dans des conditions garantissant qu'il ne soit pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense des personnes auxquelles des griefs sont ensuite notifiés, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette règle aurait été méconnue en l'espèce dès lors que la personne contrôlée peut, dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte par la notification des griefs, consulter l'entier dossier de la procédure et faire valoir ses observations en réponse, comme le prévoit l'article R. 824-11 du code de commerce.
Sur le bien-fondé de la sanction :
En ce qui concerne les griefs retenus :
6. Par la décision attaquée, la formation restreinte du Haut conseil a retenu à l'encontre de M. B... quatre griefs relatifs à l'audit des comptes de la société Les Salaisons de l'Arrée pour les années 2012 et 2013 : l'émission d'opinions non étayées en raison de l'absence de documentation s'agissant de l'audit sur chiffre d'affaires et des créances clients hors groupe, l'émission d'opinions non étayées s'agissant de l'audit des achats et des dettes fournisseurs hors groupe, l'émission d'opinions non étayées s'agissant de l'audit des avances financières sur stocks de viande porcine espagnole et l'émission d'opinions erronées pour ne pas avoir tiré les conséquences d'une anomalie significative relative à la comptabilisation d'une créance sur la société CFS France.
7. Aux termes de l'article L. 823-9 du code de commerce : " Les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l'entité à la fin de cet exercice. / Lorsqu'une personne ou une entité établit des comptes consolidés, les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes consolidés sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que du résultat de l'ensemble constitué par les personnes et entités comprises dans la consolidation (...) ". Aux termes de l'article L. 821-13 du code de commerce dans sa version alors applicable : " Les commissaires aux comptes exercent leur mission conformément aux normes internationales d'audit adoptées par la Commission européenne dans les conditions définies par la directive 2006/43/CE du 17 mai 2006. En l'absence de norme internationale d'audit adoptée par la Commission, ils se conforment aux normes d'exercice professionnel élaborées par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et homologuées par le garde des sceaux, ministre de la justice, après avis du Haut Conseil du commissariat aux comptes (...) ".
8. En premier lieu, la décision attaquée retient, pour certains des griefs imputés à M. B..., une méconnaissance de la norme d'exercice professionnel (NEP) 315, relative à la " connaissance de l'entité et de son environnement et évaluation du risque d'anomalies significatives ", dont le paragraphe 16 prévoit que : " Le commissaire aux comptes évalue la conception et la mise en oeuvre des contrôles de l'entité lorsqu'il estime : / qu'ils contribuent à prévenir le risque d'anomalies significatives dans les comptes, pris dans leur ensemble ou au niveau des assertions ; / qu'ils se rapportent à un risque inhérent élevé identifié qui requiert une démarche d'audit particulière. Un tel risque est généralement lié à des opérations non courantes en raison de leur importance ou de leur nature ou à des éléments sujets à interprétation, tels que les estimations comptables ; / que les seuls éléments collectés à partir des contrôles de substance ne lui permettront pas de réduire le risque d'audit à un niveau suffisamment faible pour obtenir l'assurance recherchée ". Contrairement à ce que soutient le requérant, la décision de sanction attaquée, qui ne vise que le paragraphe 16 précité, ne retient pas à son endroit une absence de connaissance de l'entité contrôlée, mais une mauvaise évaluation par ses soins du risque d'anomalies significatives. Par suite, le moyen tiré de ce que M. B... aurait suffisamment pris connaissance de l'entité qu'il était chargé de contrôler ne peut qu'être écarté.
9. En deuxième lieu, en ce qui concerne l'audit du chiffre d'affaires et des créances clients hors groupe, la décision attaquée reproche à M. B... de ne pas avoir opéré de tests suffisants sur le chiffre d'affaires et les créances clients, qui seuls auraient permis de garantir la fiabilité des comptes. Le requérant se contente d'indiquer que des contrôles portant sur quelques factures, constituant selon lui un contrôle par sondage " cut-off ", avaient été opérés, ce qui ne constitue pas, comme l'a estimé à bon droit la formation restreinte, un contrôle suffisant pour satisfaire aux obligations s'imposant aux commissaires aux comptes. Par suite, le moyen tiré de ce que la formation restreinte aurait à tort retenu, pour ce poste, le grief relatif à l'émission d'opinions non étayées en raison de l'absence de documentation de travaux d'audit suffisants et appropriés, doit être écarté.
10. En troisième lieu, s'agissant du grief relatif aux avances financières sur stocks de viande porcine, il résulte des termes de la décision que, contrairement à ce que soutient M. B..., toutes les pièces produites, y compris celles communiquées à l'appui du mémoire de son conseil, ont été prises en compte par la formation restreinte pour déterminer si le contrôle avait été suffisant. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la formation restreinte a à bon droit estimé que les pièces ainsi produites, en ce qu'elles ne permettaient pas de justifier qu'une somme de 3 millions d'euros figurât dans les comptes pour 2012 et 2013 au titre de cette avance, ne documentaient pas un contrôle d'audit suffisant et approprié pour obtenir une assurance élevée sur l'existence et l'évaluation des avances financières en question. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne pouvait pas retenir les griefs relatifs aux avances financières sur stocks de viande porcine espagnole doit être écarté.
11. En quatrième lieu, la décision attaquée retient que M. B... a validé à tort l'inscription dans les comptes de 2012 et 2013 d'une créance dont la société Les Salaisons de l'Arrée s'estimait titulaire à l'encontre de la société CFS France en raison d'un litige entre ces deux sociétés, alors que cette créance ne présentait pas un degré de certitude suffisant pour pouvoir être comptabilisée. Si le requérant invoque le fait que cette créance figurait dans les comptes de la société depuis 2008, que son bien-fondé était conforté par un rapport d'expertise et que les autres sociétés du groupe avaient également inscrit cette créance dans leurs comptes, aucun de ces éléments ne permettait, comme l'a à bon droit apprécié la formation restreinte, de considérer que la créance en cause présentait, compte tenu des autres éléments du dossier, un degré de certitude permettant de la comptabiliser. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne pouvait retenir ce grief doit être écarté.
En ce qui concerne la recevabilité du recours incident :
12. L'article L. 824-14 du code de commerce : " La personne sanctionnée ou le président du Haut conseil après accord du collège peut former un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 824-23 du code de commerce : " Le recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat est formé dans les conditions prévues par le code de justice administrative. / Le président du Haut conseil ou la personne sanctionnée peut former un recours incident dans un délai de deux mois à compter de la notification qui lui est faite du recours initial ".
13. Les dispositions relatives à la procédure à suivre devant les juridictions ne relèvent du législateur que si elles mettent en cause la procédure pénale ou les principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi. Le pouvoir réglementaire était donc compétent pour prévoir la possibilité pour le président du Haut conseil ou la personne sanctionnée de former un recours incident et pour préciser les modalités d'exercice d'un tel recours. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article R. 824-23 du code de commerce seraient entachées d'incompétence et que le recours incident, formé par la présidente du Haut conseil dans le délai de deux mois imparti par ces dispositions, serait pour ce motif irrecevable.
En ce qui concerne la proportionnalité de la sanction prononcée :
14. Aux termes de l'article L. 824-2 du code de commerce : " I. - Les commissaires aux comptes sont passibles des sanctions suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pour une durée n'excédant pas cinq ans ; / 4° La radiation de la liste ; / 5° Le retrait de l'honorariat. / II. - Les commissaires aux comptes peuvent également faire l'objet des sanctions suivantes : (...) 3° Le paiement, à titre de sanction pécuniaire, d'une somme ne pouvant excéder : / a) Pour une personne physique, la somme de 250 000 ? ; / b) Pour une personne morale, la plus élevée des sommes suivantes : / - un million d'euros ; / - lorsque la faute intervient dans le cadre d'une mission de certification, la moyenne annuelle des honoraires facturés au titre de l'exercice durant lequel la faute a été commise et des deux exercices précédant celui-ci, par le commissaire aux comptes, à la personne ou à l'entité dont il est chargé de certifier les comptes ou, à défaut, le montant des honoraires facturés par le commissaire aux comptes à cette personne ou entité au titre de l'exercice au cours duquel la faute a été commise (...) ". Aux termes de l'article L. 824-12 du code de commerce : " Les sanctions sont déterminées en tenant compte :/ 1° De la gravité et de la durée de la faute ou du manquement reprochés ; / 2° De la qualité et du degré d'implication de la personne intéressée ; / 3° De la situation et de la capacité financière de la personne intéressée, au vu notamment de son patrimoine et, s'agissant d'une personne physique de ses revenus annuels, s'agissant d'une personne morale de son chiffre d'affaires total ; / 4° De l'importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne intéressée, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; / 5° Du degré de coopération dont a fait preuve la personne intéressée dans le cadre de l'enquête ; / 6° Des manquements commis précédemment par la personne intéressée ; / 7° Lorsque la sanction est prononcée en raison de manquement aux dispositions des sections 3 à 6 du chapitre Ier du titre VI du livre V du code monétaire et financier, elle est en outre déterminée en tenant compte, le cas échéant, de l'importance du préjudice subi par les tiers ".
15. Il résulte de l'instruction que M. B..., en charge de l'audit d'une seule société, la société Les Salaisons de l'Arrée, a, pour les années 2012 et 2013, émis des opinions sur ces comptes sans justifier, à partir de la documentation adéquate, les avis émis. Il n'a pas soumis les anomalies qu'il relevait à une analyse plus poussée et s'est contenté de contrôles parcellaires.
16. Au regard de la nature des manquements ainsi caractérisés par la décision de sanction et du rôle de M. B... dans le contrôle des comptes de cette société, filiale du groupe Agripole, la sanction de l'avertissement prononcée à son encontre apparaît comme étant proportionnée. La Présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes n'est pas fondée à demander que cette sanction soit aggravée.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le recours incident de la Présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes doit également être rejeté.
18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros à verser au Haut conseil du commissariat aux comptes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le recours incident de la Présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes est rejeté.
Article 3 : M. B... versera au Haut conseil du commissariat aux comptes une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. G... B... et au Haut conseil du commissariat aux comptes.
Copie en sera adressée au Garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la société PricewaterhouseCoopers Audit, à la société PricewaterhouseCoopers Entreprises, à la société Mazars, à M. L..., à M. F..., à M.H..., à M. C... et à la société D... C... et associés.
Délibéré à l'issue de la séance du 22 novembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 18 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Rozen Noguellou
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain
N° 451947
ECLI:FR:CECHR:2023:451947.20231218
Inédit au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
Mme Rozen Noguellou, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
SCP OHL, VEXLIARD, avocats
Lecture du lundi 18 décembre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 avril 2021, le 22 juillet 2021 et le 18 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. G... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° FR 2019-09 S du 19 février 2021 de la formation restreinte du Haut Conseil du Commissariat aux Comptes en tant qu'elle a prononcé à son encontre un avertissement ;
2°) de mettre à la charge du Haut conseil du commissariat aux comptes la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. B..., à la SCP Ohl, Vexliard, avocat du Haut conseil du commissariat aux comptes et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société PricewaterhouseCoopers Audit et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que le 27 mars 2017, le président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, a saisi le rapporteur général du Haut conseil du commissariat aux comptes afin qu'il soit procédé à une enquête sur la certification des comptes du groupe Agripole, groupe agroalimentaire détenu à 100 % par Mme J... K..., décédée en 2016, et qui regroupait une filiale, Financière Turenne Lafayette, et plusieurs sous-filiales, Paul Prédault, Madrange, William Saurin, Montagne noire, Tradition traiteur, Germanaud, Géo, Conserverie du Languedoc, Les salaisons de l'Arrée. Le 28 mars 2017, le rapporteur général a ouvert une enquête portant sur les missions de certification des comptes annuels et consolidés de la société Agripole, pour les exercices clos de 2012 à 2015. Sur cette période, plusieurs sociétés sont intervenues pour procéder à l'audit des comptes de la société Agripole et de ses filiales. La société Mazars a été le commissaire aux comptes de la société Agripole et de sa filiale Financière Turenne Lafayette ainsi que des sous-filiales Conserverie du Languedoc, William Saurin, Paul Prédault, Germanaud, Montagne Noire, Tradition Traiteur, Madrange et Géo. M. E... F... était l'associé signataire des comptes pour la société Mazars, rejoint, à compter de 2012, par M. A... L.... Deux sociétés appartenant au réseau de PricewaterhouseCoopers (PWC) sont intervenues dans l'audit des comptes de ces sociétés, à savoir la société PWC Entreprises pour les sociétés Financière Turenne Lafayette, Madrange, Géo, puis PWC Audit pour les comptes annuels 2015 de la société Agripole et de sa filiale la société Financière Turenne Lafayette ainsi que les comptes annuels 2014 et 2015 des sociétés Madrange et Géo. M. I... H... était l'associé signataire des comptes pour les sociétés PWC Entreprises et PWC Audit. La société D... C... et associés est intervenue en qualité de co-commissaire aux comptes de la société Agripole, les comptes étant certifiés par M. D... C.... Enfin, M. G... B... a été commissaire aux comptes de la société Les Salaisons de l'Arrée. Le 7 février 2019, les griefs ont été notifiés à MM. H..., B..., F..., Schwaler et C... ainsi qu'aux sociétés Mazars, PWC Audit, PWC Entreprises et D... C... et associés. Par une décision du 19 février 2021, la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes a prononcé à l'encontre de M. B... un avertissement. Des sanctions ont également été prononcées à l'encontre des autres mis en cause.
Sur la régularité de la procédure de sanction :
2. En premier lieu, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises a supprimé les commissions régionales de discipline et prévoit, dans la nouvelle rédaction de l'article L. 824-8 du code de commerce, la saisine directe de la formation restreinte du Haut conseil, qui est désormais la seule entité compétente pour connaître des actions disciplinaires, par le rapporteur général ayant établi un rapport final. D'une part, cette disposition est suffisamment précise pour s'appliquer sans l'intervention d'une disposition réglementaire. D'autre part, si, s'agissant d'une règle de procédure, celle-ci a vocation à s'appliquer dès l'entrée en vigueur de la loi, y compris à des procédures en cours, cette évolution est sans incidence sur la possibilité, pour le rapporteur général, d'abandonner tout ou partie des griefs et sur les droits, reconnus par l'article L. 824-8 du code de commerce aux personnes poursuivies, d'avoir accès au dossier, de présenter leurs observations et de se faire assister par un conseil de leur choix à toutes les étapes de la procédure. Par suite, l'application de la loi du 22 mai 2019 aux instances en cours ne porte pas atteinte aux garanties dont bénéficient les personnes poursuivies.
3. En deuxième lieu, si, en matière d'édiction de sanctions administratives, sont seuls punissables les faits constitutifs d'un manquement à des obligations définies par des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur à la date où ces faits ont été commis, en revanche, et réserve faite du cas où il en serait disposé autrement, s'appliquent immédiatement les textes fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure à suivre, alors même qu'ils conduisent à réprimer des manquements commis avant leur entrée en vigueur. Toutefois, les actes de procédure régulièrement intervenus n'ont pas à être réitérés. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions procédurales introduites par la loi du 22 mai 2019 pouvaient s'appliquer aux instances en cours sans qu'il soit besoin de reprendre l'intégralité des actes de procédure déjà intervenus.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 824-10 du code de commerce : " Lorsque le Haut conseil est saisi par le rapporteur général du rapport d'enquête mentionné à l'article L. 824-8, son président convoque les membres du collège, hors les membres de la formation restreinte, afin de délibérer sur les suites à donner au rapport. / Le rapporteur général ou l'enquêteur en charge du dossier est entendu si le collège l'estime nécessaire. / Le collège délibère à la majorité des voix des membres présents ". Aux termes de l'article R. 824-11 dans sa version alors applicable : " Lorsque le collège, dans la formation mentionnée à l'article précédent, considère que les faits sont susceptibles de justifier l'engagement d'une procédure de sanction, la lettre de notification des griefs mentionnée à l'article L. 824-8 informe la personne poursuivie qu'elle peut prendre connaissance du dossier et obtenir copie des pièces, le cas échéant par voie électronique, et qu'elle peut se faire assister par le conseil de son choix. / La lettre de notification mentionne le délai dont dispose la personne poursuivie pour transmettre au rapporteur général ses observations écrites sur ces griefs. Ce délai ne peut être inférieur à un mois à compter de la réception de la lettre de notification des griefs (...) ".
5. D'une part, il résulte des termes mêmes de l'article R. 824-10 du code de commerce que le collège du Haut conseil peut, lorsqu'il l'estime nécessaire, entendre tant le rapporteur général que l'enquêteur en charge du dossier. D'autre part, si M. B... soutient que cette phase de la procédure, antérieure à la notification des griefs, aurait méconnu le principe des droits de la défense, ce principe, rappelé par l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'homme et précisé par son article 6 paragraphe 3, s'applique seulement à la procédure de sanction ouverte par la notification de griefs par le collège du Haut conseil et par la saisine de la formation restreinte, et non à la phase préalable des enquêtes réalisées par les agents du Haut conseil. Si les enquêtes réalisées par ces agents doivent se dérouler dans des conditions garantissant qu'il ne soit pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense des personnes auxquelles des griefs sont ensuite notifiés, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette règle aurait été méconnue en l'espèce dès lors que la personne contrôlée peut, dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte par la notification des griefs, consulter l'entier dossier de la procédure et faire valoir ses observations en réponse, comme le prévoit l'article R. 824-11 du code de commerce.
Sur le bien-fondé de la sanction :
En ce qui concerne les griefs retenus :
6. Par la décision attaquée, la formation restreinte du Haut conseil a retenu à l'encontre de M. B... quatre griefs relatifs à l'audit des comptes de la société Les Salaisons de l'Arrée pour les années 2012 et 2013 : l'émission d'opinions non étayées en raison de l'absence de documentation s'agissant de l'audit sur chiffre d'affaires et des créances clients hors groupe, l'émission d'opinions non étayées s'agissant de l'audit des achats et des dettes fournisseurs hors groupe, l'émission d'opinions non étayées s'agissant de l'audit des avances financières sur stocks de viande porcine espagnole et l'émission d'opinions erronées pour ne pas avoir tiré les conséquences d'une anomalie significative relative à la comptabilisation d'une créance sur la société CFS France.
7. Aux termes de l'article L. 823-9 du code de commerce : " Les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l'entité à la fin de cet exercice. / Lorsqu'une personne ou une entité établit des comptes consolidés, les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes consolidés sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que du résultat de l'ensemble constitué par les personnes et entités comprises dans la consolidation (...) ". Aux termes de l'article L. 821-13 du code de commerce dans sa version alors applicable : " Les commissaires aux comptes exercent leur mission conformément aux normes internationales d'audit adoptées par la Commission européenne dans les conditions définies par la directive 2006/43/CE du 17 mai 2006. En l'absence de norme internationale d'audit adoptée par la Commission, ils se conforment aux normes d'exercice professionnel élaborées par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et homologuées par le garde des sceaux, ministre de la justice, après avis du Haut Conseil du commissariat aux comptes (...) ".
8. En premier lieu, la décision attaquée retient, pour certains des griefs imputés à M. B..., une méconnaissance de la norme d'exercice professionnel (NEP) 315, relative à la " connaissance de l'entité et de son environnement et évaluation du risque d'anomalies significatives ", dont le paragraphe 16 prévoit que : " Le commissaire aux comptes évalue la conception et la mise en oeuvre des contrôles de l'entité lorsqu'il estime : / qu'ils contribuent à prévenir le risque d'anomalies significatives dans les comptes, pris dans leur ensemble ou au niveau des assertions ; / qu'ils se rapportent à un risque inhérent élevé identifié qui requiert une démarche d'audit particulière. Un tel risque est généralement lié à des opérations non courantes en raison de leur importance ou de leur nature ou à des éléments sujets à interprétation, tels que les estimations comptables ; / que les seuls éléments collectés à partir des contrôles de substance ne lui permettront pas de réduire le risque d'audit à un niveau suffisamment faible pour obtenir l'assurance recherchée ". Contrairement à ce que soutient le requérant, la décision de sanction attaquée, qui ne vise que le paragraphe 16 précité, ne retient pas à son endroit une absence de connaissance de l'entité contrôlée, mais une mauvaise évaluation par ses soins du risque d'anomalies significatives. Par suite, le moyen tiré de ce que M. B... aurait suffisamment pris connaissance de l'entité qu'il était chargé de contrôler ne peut qu'être écarté.
9. En deuxième lieu, en ce qui concerne l'audit du chiffre d'affaires et des créances clients hors groupe, la décision attaquée reproche à M. B... de ne pas avoir opéré de tests suffisants sur le chiffre d'affaires et les créances clients, qui seuls auraient permis de garantir la fiabilité des comptes. Le requérant se contente d'indiquer que des contrôles portant sur quelques factures, constituant selon lui un contrôle par sondage " cut-off ", avaient été opérés, ce qui ne constitue pas, comme l'a estimé à bon droit la formation restreinte, un contrôle suffisant pour satisfaire aux obligations s'imposant aux commissaires aux comptes. Par suite, le moyen tiré de ce que la formation restreinte aurait à tort retenu, pour ce poste, le grief relatif à l'émission d'opinions non étayées en raison de l'absence de documentation de travaux d'audit suffisants et appropriés, doit être écarté.
10. En troisième lieu, s'agissant du grief relatif aux avances financières sur stocks de viande porcine, il résulte des termes de la décision que, contrairement à ce que soutient M. B..., toutes les pièces produites, y compris celles communiquées à l'appui du mémoire de son conseil, ont été prises en compte par la formation restreinte pour déterminer si le contrôle avait été suffisant. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la formation restreinte a à bon droit estimé que les pièces ainsi produites, en ce qu'elles ne permettaient pas de justifier qu'une somme de 3 millions d'euros figurât dans les comptes pour 2012 et 2013 au titre de cette avance, ne documentaient pas un contrôle d'audit suffisant et approprié pour obtenir une assurance élevée sur l'existence et l'évaluation des avances financières en question. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne pouvait pas retenir les griefs relatifs aux avances financières sur stocks de viande porcine espagnole doit être écarté.
11. En quatrième lieu, la décision attaquée retient que M. B... a validé à tort l'inscription dans les comptes de 2012 et 2013 d'une créance dont la société Les Salaisons de l'Arrée s'estimait titulaire à l'encontre de la société CFS France en raison d'un litige entre ces deux sociétés, alors que cette créance ne présentait pas un degré de certitude suffisant pour pouvoir être comptabilisée. Si le requérant invoque le fait que cette créance figurait dans les comptes de la société depuis 2008, que son bien-fondé était conforté par un rapport d'expertise et que les autres sociétés du groupe avaient également inscrit cette créance dans leurs comptes, aucun de ces éléments ne permettait, comme l'a à bon droit apprécié la formation restreinte, de considérer que la créance en cause présentait, compte tenu des autres éléments du dossier, un degré de certitude permettant de la comptabiliser. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne pouvait retenir ce grief doit être écarté.
En ce qui concerne la recevabilité du recours incident :
12. L'article L. 824-14 du code de commerce : " La personne sanctionnée ou le président du Haut conseil après accord du collège peut former un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 824-23 du code de commerce : " Le recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat est formé dans les conditions prévues par le code de justice administrative. / Le président du Haut conseil ou la personne sanctionnée peut former un recours incident dans un délai de deux mois à compter de la notification qui lui est faite du recours initial ".
13. Les dispositions relatives à la procédure à suivre devant les juridictions ne relèvent du législateur que si elles mettent en cause la procédure pénale ou les principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi. Le pouvoir réglementaire était donc compétent pour prévoir la possibilité pour le président du Haut conseil ou la personne sanctionnée de former un recours incident et pour préciser les modalités d'exercice d'un tel recours. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article R. 824-23 du code de commerce seraient entachées d'incompétence et que le recours incident, formé par la présidente du Haut conseil dans le délai de deux mois imparti par ces dispositions, serait pour ce motif irrecevable.
En ce qui concerne la proportionnalité de la sanction prononcée :
14. Aux termes de l'article L. 824-2 du code de commerce : " I. - Les commissaires aux comptes sont passibles des sanctions suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pour une durée n'excédant pas cinq ans ; / 4° La radiation de la liste ; / 5° Le retrait de l'honorariat. / II. - Les commissaires aux comptes peuvent également faire l'objet des sanctions suivantes : (...) 3° Le paiement, à titre de sanction pécuniaire, d'une somme ne pouvant excéder : / a) Pour une personne physique, la somme de 250 000 ? ; / b) Pour une personne morale, la plus élevée des sommes suivantes : / - un million d'euros ; / - lorsque la faute intervient dans le cadre d'une mission de certification, la moyenne annuelle des honoraires facturés au titre de l'exercice durant lequel la faute a été commise et des deux exercices précédant celui-ci, par le commissaire aux comptes, à la personne ou à l'entité dont il est chargé de certifier les comptes ou, à défaut, le montant des honoraires facturés par le commissaire aux comptes à cette personne ou entité au titre de l'exercice au cours duquel la faute a été commise (...) ". Aux termes de l'article L. 824-12 du code de commerce : " Les sanctions sont déterminées en tenant compte :/ 1° De la gravité et de la durée de la faute ou du manquement reprochés ; / 2° De la qualité et du degré d'implication de la personne intéressée ; / 3° De la situation et de la capacité financière de la personne intéressée, au vu notamment de son patrimoine et, s'agissant d'une personne physique de ses revenus annuels, s'agissant d'une personne morale de son chiffre d'affaires total ; / 4° De l'importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne intéressée, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; / 5° Du degré de coopération dont a fait preuve la personne intéressée dans le cadre de l'enquête ; / 6° Des manquements commis précédemment par la personne intéressée ; / 7° Lorsque la sanction est prononcée en raison de manquement aux dispositions des sections 3 à 6 du chapitre Ier du titre VI du livre V du code monétaire et financier, elle est en outre déterminée en tenant compte, le cas échéant, de l'importance du préjudice subi par les tiers ".
15. Il résulte de l'instruction que M. B..., en charge de l'audit d'une seule société, la société Les Salaisons de l'Arrée, a, pour les années 2012 et 2013, émis des opinions sur ces comptes sans justifier, à partir de la documentation adéquate, les avis émis. Il n'a pas soumis les anomalies qu'il relevait à une analyse plus poussée et s'est contenté de contrôles parcellaires.
16. Au regard de la nature des manquements ainsi caractérisés par la décision de sanction et du rôle de M. B... dans le contrôle des comptes de cette société, filiale du groupe Agripole, la sanction de l'avertissement prononcée à son encontre apparaît comme étant proportionnée. La Présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes n'est pas fondée à demander que cette sanction soit aggravée.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le recours incident de la Présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes doit également être rejeté.
18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros à verser au Haut conseil du commissariat aux comptes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le recours incident de la Présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes est rejeté.
Article 3 : M. B... versera au Haut conseil du commissariat aux comptes une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. G... B... et au Haut conseil du commissariat aux comptes.
Copie en sera adressée au Garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la société PricewaterhouseCoopers Audit, à la société PricewaterhouseCoopers Entreprises, à la société Mazars, à M. L..., à M. F..., à M.H..., à M. C... et à la société D... C... et associés.
Délibéré à l'issue de la séance du 22 novembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 18 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Rozen Noguellou
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain