Conseil d'État
N° 451835
ECLI:FR:CECHR:2023:451835.20231218
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
Mme Rozen Noguellou, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
SCP OHL, VEXLIARD, avocats
Lecture du lundi 18 décembre 2023
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 19 avril, 19 juillet 2021, 16 février 2022 et 20 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Mazars et M. A... M... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° FR 2019-09 S du 19 février 2021 de la formation restreinte du Haut Conseil du commissariat aux comptes en tant qu'elle a prononcé, d'une part, à l'encontre de la société Mazars l'interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pendant 12 mois, assortie du sursis pour la totalité de sa durée, et une sanction pécuniaire d'un montant de 400 000 euros, d'autre part, à l'encontre de M. M..., une interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pendant 18 mois, assortie du sursis pour la totalité de sa durée, et une sanction pécuniaire d'un montant de 50 000 euros.
2°) de mettre à la charge du Haut Conseil du commissariat aux comptes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de commerce ;
- la décision du 15 octobre 2021 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Mazars et M. M... ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la société Mazars et autre, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat du Haut conseil du commissariat aux comptes et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société PricewaterhouseCoopers Audit et autres ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 novembre 2023, présentée par la société Mazars et M. M....
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que le 27 mars 2017, le président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes a saisi le rapporteur général du Haut conseil du commissariat aux comptes afin qu'il soit procédé à une enquête sur la certification des comptes du groupe Agripole, groupe agroalimentaire détenu à 100 % par Mme K... L..., décédée en 2016, et qui regroupait une filiale, Financière Turenne Lafayette, et plusieurs sous-filiales, Paul Prédault, Madrange, William Saurin, Montagne noire, Tradition traiteur, Germanaud, Géo, Conserverie du Languedoc, Les salaisons de l'Arrée. Le 28 mars 2017, le rapporteur général a ouvert une enquête portant sur les missions de certification des comptes annuels et consolidés de la société Agripole, pour les exercices clos de 2012 à 2015. Sur cette période, plusieurs sociétés sont intervenues pour procéder à l'audit des comptes de la société Agripole et de ses filiales. La société Mazars a été le commissaire aux comptes de la société Agripole et de sa filiale Financière Turenne Lafayette ainsi que des sous-filiales Conserverie du Languedoc, William Saurin, Paul Prédault, Germanaud, Montagne Noire, Tradition Traiteur, Madrange et Géo. M. F... G... était l'associé signataire des comptes pour la société Mazars, rejoint, à compter de 2012, par M. A... M.... Deux sociétés appartenant au réseau de PricewaterhouseCoopers (PWC) sont intervenues dans l'audit des comptes de ces sociétés, à savoir la société PWC Entreprises pour les sociétés Financière Turenne Lafayette, Madrange, Géo, puis PWC Audit pour les comptes annuels 2015 de la société Agripole et de sa filiale la société Financière Turenne Lafayette ainsi que les comptes annuels 2014 et 2015 des sociétés Madrange et Géo. M. J... I... était l'associé signataire des comptes pour les sociétés PWC Entreprises et PWC Audit. La société E... D... et associés est intervenue en qualité de co-commissaire aux comptes de la société Agripole, les comptes étant certifiés par M. E... D.... Enfin, M. H... B... a été commissaire aux comptes de la société Les Salaisons de l'Arrée. Le 7 février 2019, les griefs ont été notifiés à MM. I..., B..., G..., Schwaler et D... ainsi qu'aux sociétés Mazars, PWC Audit, PWC Entreprises et E... D... et associés. Par une décision du 19 février 2021, la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes a prononcé à l'encontre de M. M... une interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pendant 18 mois assortie du sursis pour la totalité de sa durée et une sanction pécuniaire d'un montant de 50 000 euros et, à l'encontre de la société Mazars, une interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pendant 12 mois, assortie du sursis pour la totalité de sa durée et une sanction pécuniaire de 400 000 euros. Des sanctions ont également été prononcées à l'encontre des autres mis en cause.
Sur la régularité de la procédure de sanction :
En ce qui concerne le respect du principe d'impartialité :
2. L'article L. 821-1 du code de commerce prévoit que le Haut conseil du commissariat aux comptes, qui est une autorité publique indépendante, exerce les missions qu'il énumère parmi lesquelles figurent notamment l'adoption, dans les conditions prévues à l'article L. 821-14, des normes relatives à la déontologie des commissaires aux comptes, au contrôle interne de qualité et à l'exercice professionnel ainsi que le prononcé de sanctions. L'article L. 821-2 du code de commerce précise l'organisation du Haut conseil, qui comporte un collège de quatorze membres, présidé par un membre de la Cour de cassation, et une formation restreinte, chargée du prononcé des sanctions, présidée par l'un des deux autres magistrats de l'ordre judiciaire qui siègent au collège et comprenant quatre autres membres élus par le collège en son sein, à l'exception des membres du bureau et du directeur général du Trésor ou de son représentant. Cet article prévoit également qu'une commission placée auprès du Haut conseil, composée à parité de quatre membres du collège et de quatre commissaires aux comptes désignés par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, est compétente pour élaborer, dans un délai fixé par décret, les projets des normes prévues à l'article L. 821-1 du code de commerce, lesquels doivent être adoptés par le Haut conseil ou, à défaut d'élaboration dans ce délai, élaborés par lui.
3. Aux termes de l'alinéa 1 de l'article L. 821-3-1 du code de commerce : " Le Haut conseil dispose d'un service chargé de procéder aux enquêtes préalables à l'ouverture des procédures prévues au chapitre IV du présent titre. Ce service est dirigé par un rapporteur général et composé d'enquêteurs habilités par ce dernier ". Aux termes de l'article L. 824-5 : " Le rapporteur général procède à une enquête. Il peut désigner des enquêteurs pour l'assister. Le rapporteur général et les enquêteurs peuvent à cet effet : / 1° Obtenir du commissaire aux comptes, sans que celui-ci puisse opposer le secret professionnel, tout document ou information, sous quelque forme que ce soit ; ils peuvent en exiger une copie ; / 2° Obtenir de toute personne tout document ou information utile à l'enquête ; ils peuvent en exiger une copie ; / 3° Convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations ; / 4° Accéder aux locaux à usage professionnel ; / 5° Demander à des commissaires aux comptes inscrits sur une liste établie par le Haut conseil après avis de la compagnie nationale des commissaires aux comptes, de procéder à des vérifications ou d'effectuer des actes d'enquête sous leur contrôle ; / 6° Faire appel à des experts. / Toute personne entendue pour les besoins de l'enquête peut se faire assister par un conseil de son choix ". Les alinéas 1 et 3 de l'article L. 824-8 disposent que : " A l'issue de l'enquête et après avoir entendu la personne intéressée, le rapporteur général établit un rapport d'enquête qu'il adresse au Haut conseil. Lorsque les faits justifient l'engagement d'une procédure de sanction, le Haut conseil délibérant hors la présence des membres de la formation restreinte arrête les griefs qui sont notifiés par le rapporteur général à la personne intéressée. La notification expose les faits passibles de sanction. Elle est accompagnée des principaux éléments susceptibles de fonder les griefs. (...) Le rapporteur général établit un rapport final qu'il adresse à la formation restreinte avec les observations de la personne intéressée ". Enfin, les alinéas 7 et 8 de l'article L. 824-11 prévoient que : " Le rapporteur général ou la personne qu'il désigne pour le représenter assiste à l'audience. Il expose ses conclusions oralement. Il peut proposer une ou plusieurs des sanctions prévues aux articles L. 824-2 et L. 824-3 ".
4. Aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) publiquement (...) par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ".
5. En premier lieu, l'attribution par la loi à une autorité administrative du pouvoir de fixer les règles dans un domaine déterminé et d'en assurer elle-même le respect, par l'exercice d'un pouvoir de contrôle des activités exercées et de sanction des manquements constatés, ne contrevient pas aux exigences rappelées par l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ce pouvoir de sanction est aménagé de telle façon que soient assurés le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure et l'impartialité de la décision.
6. Les articles L. 821-1 et suivants du code de commerce prévoient notamment, ainsi qu'il a été dit au point 2, que le collège du Haut conseil du commissariat aux comptes adopte des normes relatives à la déontologie des commissaires aux comptes, au contrôle interne de qualité et à l'exercice professionnel et que sa formation restreinte exerce le pouvoir disciplinaire à l'égard des commissaires aux comptes. Les articles L. 824-1 et suivants du même code précisent notamment la nature des manquements susceptibles d'être réprimés et les sanctions dont sont passibles les commissaires aux comptes ainsi que la procédure disciplinaire applicable, qui prévoit l'engagement de la procédure par la saisine du rapporteur général, puis une phase d'enquête, conduite par le rapporteur général qui entend notamment la personne intéressée, et qui se conclut par un rapport adressé au collège du Haut conseil. Celui-ci délibère, hors la présence des membres de la formation restreinte, pour arrêter les griefs reprochés à la personne en cause, qui sont alors notifiés à la personne intéressée par le rapporteur général. Enfin, sur la base d'un rapport final du rapporteur général qui lui est adressé avec les observations de la personne intéressée, la formation restreinte est saisie et entend notamment, lors d'une audience publique, la personne poursuivie, laquelle peut être assistée ou représentée par la personne de son choix et peut, lorsqu'il existe une raison sérieuse de mettre en doute l'impartialité d'un membre de la formation, en obtenir la récusation, ainsi que les conclusions du rapporteur général ou de son représentant, avant de délibérer hors la présence des parties et du rapporteur général.
7. Eu égard à ce qui précède, d'une part, le principe du cumul au sein du Haut conseil d'un pouvoir d'élaboration de normes et de sanction de leur méconnaissance n'est pas, par lui-même, de nature à méconnaître les exigences découlant du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le pouvoir de sanction confié à cette autorité étant organisé dans des conditions qui assurent le respect des droits de la défense, du caractère contradictoire de la procédure et des principes d'indépendance et d'impartialité. D'autre part, le fait qu'aucune disposition du code de commerce ne fasse obstacle à ce que des membres de la formation restreinte du collège du Haut conseil aient par ailleurs siégé dans les instances de ce Haut conseil chargées d'élaborer ou d'adopter les normes dont la formation restreinte est amenée à faire application lorsqu'elle se prononce sur les procédures individuelles dont elle est saisie, n'est pas non plus par lui-même de nature à méconnaître les exigences découlant du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En deuxième lieu, les dispositions citées au point 3 font du rapporteur général, qui est nommé par le président du Haut conseil et dirige un service spécifique du Haut conseil, l'organe en charge de l'instruction. A ce titre, il lui revient d'établir le rapport d'enquête transmis au Haut conseil, sur le fondement duquel ce dernier, statuant hors la présence des membres de la formation restreinte, arrête les griefs. Il lui revient également d'établir le rapport final, transmis à la formation restreinte avec les observations de la personne intéressée, laquelle peut consulter le dossier, présenter ses observations et se faire assister par un conseil à toutes les étapes de la procédure. Il peut assister à l'audience où il expose ses conclusions mais ne participe pas au délibéré. Dans ces conditions, l'organisation de la procédure de sanction devant le Haut conseil du commissariat aux comptes n'opère pas de confusion entre, d'une part, les fonctions de poursuite et d'instruction et, d'autre part, les pouvoirs de sanction et ne méconnaît ni le premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.
En ce qui concerne le principe d'égalité des armes :
9. En premier lieu, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises a supprimé les commissions régionales de discipline et prévoit, dans la nouvelle rédaction de l'article L. 824-8 du code de commerce, la saisine directe de la formation restreinte du Haut conseil, qui est désormais la seule entité compétente pour connaître des actions disciplinaires, par le rapporteur général ayant établi un rapport final. Si, s'agissant d'une règle de procédure, celle-ci a vocation à s'appliquer dès l'entrée en vigueur de la loi, y compris à des procédures en cours, cette évolution est sans incidence, d'une part sur la possibilité, pour le rapporteur général, d'abandonner tout ou partie des griefs et, d'autre part, sur les droits, reconnus par l'article L. 824-8 du code de commerce aux personnes poursuivies, d'avoir accès au dossier, de présenter leurs observations et de se faire assister par un conseil de leur choix à toutes les étapes de la procédure. Par suite, l'application de la loi du 22 mai 2019 aux instances en cours ne méconnaît pas le principe de l'égalité des armes, tel que garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 824-11 du code de commerce dans sa version alors applicable : " (...) La lettre de notification mentionne le délai dont dispose la personne poursuivie pour transmettre au rapporteur général ses observations écrites sur ces griefs. Ce délai ne peut être inférieur à un mois à compter de la réception de la lettre de notification des grief (...) ". Il résulte de l'instruction qu'un délai de quatre mois, à compter de la réception de la lettre notifiant les griefs, a été laissé à la société Mazars et à M. M... pour réagir à cette notification. Un tel délai étant suffisant pour leur permettre de faire utilement valoir leurs observations, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure suivie aurait, à cet égard, méconnu les dispositions de l'article R. 824-11 du code de commerce, ni le principe de l'égalité des armes.
En ce qui concerne le principe du contradictoire :
11. L'article L. 824-8 du code de commerce, cité au point 3, prévoit que le Haut conseil délibérant hors la présence des membres de la formation restreinte arrête les griefs qui sont notifiés par le rapporteur général à la personne intéressée, que cette notification expose les faits passibles de sanction et qu'elle est accompagnée des principaux éléments susceptibles de fonder les griefs. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 824-11 du code de commerce dans sa version alors applicable : " Lorsque le collège, dans la formation mentionnée à l'article précédent, considère que les faits sont susceptibles de justifier l'engagement d'une procédure de sanction, la lettre de notification des griefs mentionnée à l'article L. 824-8 informe la personne poursuivie qu'elle peut prendre connaissance du dossier et obtenir copie des pièces, le cas échéant par voie électronique, et qu'elle peut se faire assister par le conseil de son choix ". Il résulte de ces dispositions que la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes ne peut infliger une sanction que sur le fondement de griefs ayant été préalablement notifiés.
12. Il résulte de l'instruction que la lettre de notification des griefs adressée à la société Mazars et à M. M... faisait état, s'agissant des griefs relatifs à l'audit des achats et dettes fournisseurs hors groupe pour les comptes consolidés d'Agripole pour les années 2012, 2014, 2015, les comptes annuels de William Saurin pour les années 2012 et 2015, les comptes annuels de Madrange pour les années 2012 à 2015, ceux de Paul Prédault pour les années 2012, 2014 et 2015, ceux de Montagne Noire pour les années 2012, 2014-2015, ceux de Tradition Traiteur pour les années 2012 à 2015, ceux de Germanaud pour les années 2012 à 2015, ceux de Géo pour les années 2012 à 2015 et ceux de compagnie du Languedoc pour 2015, d'une série de manquements graves, notamment dans la documentation utilisée pour l'audit, qui n'auraient pas dû leur permettre de certifier que les comptes en cause étaient réguliers et sincères et donnaient une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice ainsi que de la situation financière et du patrimoine à la fin de l'exercice. Elle indiquait qu'outre une méconnaissance de plusieurs normes d'exercice professionnel, une violation du premier alinéa de l'article L. 823-10 du code de commerce, aux termes duquel : " Les commissaires aux comptes ont pour mission permanente, à l'exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la personne ou de l'entité dont ils sont chargés de certifier les comptes et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur ", étaient constituée. En retenant, par la décision attaquée, que l'absence de documentation des dossiers de travail laissait craindre un manquement important par le commissaire aux comptes à ses obligations procédurales et que d'autres défauts de documentation pouvaient être relevés pour certains contrats, la formation restreinte du Haut Conseil du commissariat aux comptes n'a pas retenu des manquements qui ne figuraient pas dans la notification des griefs. S'agissant des griefs relatifs aux titres de participation pour un certain nombre de sociétés, la notification des griefs identifiait de manière précise les manquements reprochés, tenant principalement à ce que les comptes avaient été certifiés comme étant réguliers et sincères et donnant une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice ainsi que de la situation financière du patrimoine des entités contrôlées, alors que l'audit réalisé n'avait pas permis d'obtenir l'assurance raisonnable que les comptes, pris dans leur ensemble, ne comportaient pas d'anomalies significatives. Les différentes normes d'exercice professionnel méconnues étaient identifiées, de même qu'était visée la méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 823-9 du code de commerce, aux termes duquel : " Les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l'entité à la fin de cet exercice (...) ". Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la formation restreinte du Haut Conseil du commissariat aux comptes aurait retenu des manquements qui ne figuraient pas dans la notification des griefs.
Sur le bien-fondé de la sanction prononcée :
En ce qui concerne le grief tiré de la procédure de contrôle interne :
13. Aux termes de l'article 15 du code de déontologie de la profession de commissaires aux comptes, applicable jusqu'au 1er juin 2017 et aujourd'hui repris aux articles R. 822-32 et R. 822-33 du code de commerce : " Les modalités d'organisation et de fonctionnement des structures d'exercice du commissariat aux comptes, qu'elles soient en nom propre ou sous forme de société, doivent permettre au commissaire aux comptes d'être en conformité avec les exigences légales et réglementaires et celles du présent code, d'assurer au mieux la prévention des risques et la bonne exécution de sa mission. / En particulier, chaque structure doit satisfaire aux exigences suivantes : / a) Disposer des moyens permettant au commissaire aux comptes d'assumer ses responsabilités en matière : / (...) de contrôle du respect des règles applicables à la profession et d'appréciation régulière des risques (...) / b) Mettre en oeuvre des procédures : / assurant une évaluation périodique des conditions d'exercice de chaque mission de contrôle, en vue de vérifier que celle-ci peut être poursuivie dans le respect des exigences déontologiques, notamment en matière d'indépendance vis-à-vis de la personne ou de l'entité contrôlée (...) ".
14. D'une part, il résulte de cette disposition que les structures d'exercice du commissariat aux comptes sont tenues de mettre en oeuvre des procédures de contrôle interne qui garantissent notamment que les procédures d'audit se déroulent dans le respect des obligations déontologiques et, particulièrement, de manière indépendante par rapport aux entités contrôlées. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette disposition était suffisamment précise pour que les structures concernées ne puissent nourrir aucun doute sur les obligations qui s'imposaient à elles, et la formation restreinte du H3C a pu, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, l'appliquer en l'espèce.
15. D'autre part, il résulte de l'instruction que, jusqu'en 2016, la société Mazars n'avait mis en place aucune procédure permettant de signaler comme étant à risque un dossier qui, comme ceux de la société Agripole, était un dossier d'entité ne relevant pas de la catégorie d'entités d'intérêt public (dossier " non EIP "), autre qu'un signalement par l'associé en charge de l'audit même. Cette carence de la société Mazars dans la mise en place d'une procédure de contrôle interne indépendante avait été relevée par le Haut Conseil du commissariat aux comptes dans ses rapports de contrôle périodique relatif aux années 2010, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, c'est à bon droit que la formation restreinte a pu retenir, en se fondant en particulier sur l'audition de la personne co-responsable de la cellule risques du cabinet Mazars, que la société Mazars avait admis que les dossiers de la société Agripole devaient être considérés comme des dossiers à risque. En outre, les améliorations apportées, postérieurement aux faits reprochés, par la société Mazars à la procédure de contrôle interne ne sauraient remettre en cause les constats opérés par la décision attaquée. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à reprocher à la formation restreinte d'avoir retenu le grief tiré du manquement à des obligations professionnelles au titre de la procédure de contrôle interne.
En ce qui concerne les autres griefs :
16. Aux termes de l'article L. 823-9 du code de commerce : " Les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l'entité à la fin de cet exercice. / Lorsqu'une personne ou une entité établit des comptes consolidés, les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes consolidés sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que du résultat de l'ensemble constitué par les personnes et entités comprises dans la consolidation (...) ".
17. En premier lieu, il résulte de la décision attaquée qu'après un examen des différents postes sur lesquels le contrôle porté s'est révélé défaillant, la formation restreinte a retenu la méconnaissance par la société Mazars et M. M... de leurs obligations, notamment celles s'imposant au titre de l'article L. 823-9 du code de commerce précité. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la formation restreinte a, ce faisant, fait une exacte application de cette disposition.
18. En deuxième lieu, en ce qui concerne les griefs relatifs à l'audit du chiffre d'affaires, les requérants contestent les appréciations portées par la décision de sanction en relevant, de première part, que contrairement à ce qui leur est reproché, aucune disposition, et notamment aucune norme d'exercice professionnel, ne leur imposait de procéder au contrôle d'un nombre donné de factures. Toutefois, la certification des comptes suppose un contrôle diligent, reposant sur des éléments suffisants et fiables. Or, il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté par les requérants, que les contrôles opérés par la société Mazars ne portaient que sur un nombre très réduit de factures, y compris dans les hypothèses où les créances clients représentaient une part importante du chiffre d'affaires, et que ces contrôles n'étaient pas davantage poussés lorsque des anomalies étaient identifiées. De deuxième part, le caractère suffisant des procédures d'audit conduites ne dépend pas, contrairement à ce que font valoir les requérants, du nombre de pages des analyses annuelles, mais de la pertinence des éléments contrôlés et des méthodes employées pour exercer ce contrôle. De troisième part, l'existence de créances dont le montant n'avait pas donné lieu à un accord des clients concernés, et donc d'anomalies dans les comptes, en 2012, pour les sociétés Germanaud, Paul Prédault, Tradition Traiteur et Agripole ne sont pas contestées par les requérants, à qui il revenait, comme l'a relevé la formation restreinte, de documenter l'origine de ces créances ainsi que l'éventuel encaissement des créances en 2013. Enfin, et de quatrième part, il résulte de l'instruction que, pour un certain nombre de factures, représentant un total de 20 millions d'euros, les commissaires aux comptes se sont contentés de déclarations orales de Mme L..., ce qui, comme l'a relevé à bon droit la formation restreinte, ne pouvait, dans les circonstances de l'espèce, constituer un contrôle suffisant. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à reprocher à la formation restreinte d'avoir retenu les griefs relatifs à l'audit du chiffre d'affaires.
19. En troisième lieu, s'agissant des griefs relatifs à l'audit des achats et des dettes fournisseurs hors groupe, ainsi qu'il a été dit au point 18, la certification des comptes suppose un contrôle diligent, reposant sur des éléments suffisants. Or, il résulte de l'instruction que, sur ce point aussi, le contrôle opéré par la société Mazars ne portait que sur un faible pourcentage de factures. Par ailleurs, le fait que les audits annuels aient comporté un nombre important de pages ne suffit pas, comme il a été indiqué précédemment, à caractériser le sérieux et la diligence du travail d'audit. Enfin, si les requérants avancent que la formation restreinte aurait, s'agissant plus précisément de l'audit des comptes de l'exercice 2013 de la société Paul Prédault, reproché aux commissaires aux comptes de ne pas avoir procédé à une circularisation, c'est-à-dire à une confirmation par des tiers, alors qu'une telle technique de confirmation n'était pas imposée par les textes, la formation restreinte a seulement relevé l'absence de renforcement des contrôles opérés, alors que des difficultés étaient déjà apparues en 2012, ne permettant pas de conduire un audit suffisamment fiable. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que la formation restreinte a retenu les griefs relatifs à l'audit des achats et des dettes fournisseurs hors groupes.
20. En quatrième lieu, en ce qui concerne les griefs relatifs à l'audit des avances financières sur stocks de viande porcine, il résulte de l'instruction que les commissaires aux comptes ont admis n'avoir pas pu obtenir, pour les exercices 2012, 2013, 2014 et 2015, les contrats et les factures relatifs à des avances accordées à des producteurs espagnols de viande de porc, mais s'être contentés des seules déclarations orales de Mme L.... Par suite, les requérants ne sont pas fondés à reprocher à la formation restreinte d'avoir retenu les griefs relatifs à l'audit des avances financières sur stocks de viande porcine.
21. En cinquième lieu, s'agissant des griefs relatifs à l'audit des titres de participation, des marques, des fonds de commerce et des mali techniques, il résulte de l'instruction que les commissaires aux comptes ont fait valoir qu'ils se sont fondés, pour apprécier la valorisation des titres de participation détenus par les société Agripole, Financière Turenne Lafayette, Madrange et William Saurin, sur des rapports établis par le cabinet Ricol et Lasteyrie, la banque Neuflize ou encore sur l'évaluation faite par le cabinet William C..., alors que ces documents ne se trouvaient pas dans les dossiers d'audit et n'ont été transmis que postérieurement au rapporteur général voire, s'agissant du rapport de M. C..., n'ont jamais pu être transmis. Dès lors, c'est à bon droit que la formation restreinte a jugé que les opinions exprimées sur ce point reposaient sur une documentation absente ou insuffisante.
En ce qui concerne la recevabilité du recours incident :
22. Aux termes de l'article L. 824-14 du code de commerce : " La personne sanctionnée ou le président du Haut conseil après accord du collège peut former un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 824-23 du code de commerce : " Le recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat est formé dans les conditions prévues par le code de justice administrative. / Le président du Haut conseil ou la personne sanctionnée peut former un recours incident dans un délai de deux mois à compter de la notification qui lui est faite du recours initial ".
23. Les dispositions relatives à la procédure à suivre devant les juridictions ne relèvent du législateur que si elles mettent en cause la procédure pénale ou les principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi. Le pouvoir réglementaire était donc compétent pour prévoir la possibilité pour le président du Haut conseil ou la personne sanctionnée de former un recours incident et pour préciser les modalités d'exercice d'un tel recours. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article R. 824-23 du code de commerce seraient entachées d'incompétence et que le recours incident, formé par la présidente du Haut conseil dans le délai de deux mois imparti par ces dispositions, serait pour ce motif irrecevable.
En ce qui concerne la proportionnalité de la sanction prononcée :
24. Aux termes de l'article L. 822-8 du code de commerce dans sa version en vigueur avant le 17 juin 2016 : " Les sanctions disciplinaires sont : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'interdiction temporaire pour une durée n'excédant pas cinq ans ; / 4° La radiation de la liste. / Il peut être aussi procédé au retrait de l'honorariat (...) " Aux termes de l'article L. 824-2 du code de commerce, issu de l'ordonnance du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes et entré en vigueur le 17 juin 2016 : " I. - Les commissaires aux comptes sont passibles des sanctions suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pour une durée n'excédant pas cinq ans ; / 4° La radiation de la liste ; / 5° Le retrait de l'honorariat. / II. - Les commissaires aux comptes peuvent également faire l'objet des sanctions suivantes : (...) 3° Le paiement, à titre de sanction pécuniaire, d'une somme ne pouvant excéder : / a) Pour une personne physique, la somme de 250 000 euros ; / b) Pour une personne morale, la plus élevée des sommes suivantes : / - un million d'euros ; / - lorsque la faute intervient dans le cadre d'une mission de certification, la moyenne annuelle des honoraires facturés au titre de l'exercice durant lequel la faute a été commise et des deux exercices précédant celui-ci, par le commissaire aux comptes, à la personne ou à l'entité dont il est chargé de certifier les comptes ou, à défaut, le montant des honoraires facturés par le commissaire aux comptes à cette personne ou entité au titre de l'exercice au cours duquel la faute a été commise (...) ". Aux termes de l'article L. 824-12 du code de commerce : " Les sanctions sont déterminées en tenant compte : / 1° De la gravité et de la durée de la faute ou du manquement reprochés ; / 2° De la qualité et du degré d'implication de la personne intéressée ; / 3° De la situation et de la capacité financière de la personne intéressée, au vu notamment de son patrimoine et, s'agissant d'une personne physique de ses revenus annuels, s'agissant d'une personne morale de son chiffre d'affaires total ; / 4° De l'importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne intéressée, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; / 5° Du degré de coopération dont a fait preuve la personne intéressée dans le cadre de l'enquête ; / 6° Des manquements commis précédemment par la personne intéressée ; / 7° Lorsque la sanction est prononcée en raison de manquement aux dispositions des sections 3 à 6 du chapitre Ier du titre VI du livre V du code monétaire et financier, elle est en outre déterminée en tenant compte, le cas échéant, de l'importance du préjudice subi par les tiers ".
25. Il résulte de l'instruction que la société Mazars était le commissaire aux comptes historique des sociétés du groupe Agripole, détenant certains mandats depuis 1997. A ce titre, M. M..., devenu associé signataire à compter de 2012, a commis de très graves manquements aux obligations s'imposant à lui au titre de la certification des comptes, se contentant souvent, pour formuler son avis, de données incomplètes, voire d'explications orales de Mme L.... Il résulte également de l'instruction et de ce qui a été dit aux points 13 à 15 que la société Mazars est responsable d'un manquement particulier, tenant à l'insuffisance des procédures de contrôle interne, qui ne lui ont pas permis de rectifier les carences de l'audit des comptes des sociétés du groupe Agripole.
26. L'interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pendant 12 mois assortie du sursis prononcée contre la société Mazars et la sanction de 50 000 euros assortie d'une interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pendant 18 mois, avec sursis pour toute la durée, prononcée à l'encontre de M. M..., qui sont suffisamment motivées, apparaissent proportionnées à la gravité des faits qui leur sont reprochés. En revanche, au regard de la gravité des manquements caractérisés par la décision de sanction, qui portent atteinte à ce qui constitue la mission même du contrôle des comptes, de la durée de ces manquements, de l'implication directe de la société Mazars et de M. M... et de la capacité financière de la société Mazars, la Présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes est fondée à demander que la sanction pécuniaire prononcée par la formation restreinte soit aggravée et soit portée, pour la société Mazars, à 800 000 euros.
27. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Mazars et de M. M... doit être rejetée et que la décision de sanction pécuniaire prononcée contre la société Mazars doit être portée à 800 000 euros. Dans la mesure où, en application de l'article L. 824-13 du code de commerce, les décisions du Haut conseil sont publiées sur son site internet, la Présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes est fondée à demander que la présente décision du Conseil d'Etat soit publiée sur le site internet du Haut conseil du commissariat aux comptes dans les mêmes conditions que la décision de sanction réformée.
28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Mazars et de M. M... la somme de 3 000 euros à verser au Haut conseil du commissariat aux comptes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du Haut conseil du commissariat aux comptes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Mazars et de M. M... est rejetée.
Article 2 : La sanction pécuniaire prononcée à l'encontre de la société Mazars est portée à 800 000 euros et la décision de la commission des sanctions du 19 février 2021 est réformée en ce sens.
Article 3 : La présente décision du Conseil d'Etat sera publiée sur le site internet du Haut conseil du commissariat aux comptes dans les mêmes conditions que la décision de sanction ainsi réformée.
Article 4 : La société Mazars et M. M... verseront la somme de 3 000 euros au Haut conseil du commissariat aux comptes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions du recours incident de la Présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Mazars, à M. A... M... et au Haut conseil du commissariat aux comptes.
Copie en sera adressée au Garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la société PricewaterhouseCoopers Audit, à la société PricewaterhouseCoopers Entreprises, à M. I..., à M. G..., à M. D..., à la société E... D... et associés et à M. B....
Délibéré à l'issue de la séance du 22 novembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 18 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Rozen Noguellou
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain
N° 451835
ECLI:FR:CECHR:2023:451835.20231218
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
Mme Rozen Noguellou, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
SCP OHL, VEXLIARD, avocats
Lecture du lundi 18 décembre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 19 avril, 19 juillet 2021, 16 février 2022 et 20 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Mazars et M. A... M... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° FR 2019-09 S du 19 février 2021 de la formation restreinte du Haut Conseil du commissariat aux comptes en tant qu'elle a prononcé, d'une part, à l'encontre de la société Mazars l'interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pendant 12 mois, assortie du sursis pour la totalité de sa durée, et une sanction pécuniaire d'un montant de 400 000 euros, d'autre part, à l'encontre de M. M..., une interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pendant 18 mois, assortie du sursis pour la totalité de sa durée, et une sanction pécuniaire d'un montant de 50 000 euros.
2°) de mettre à la charge du Haut Conseil du commissariat aux comptes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de commerce ;
- la décision du 15 octobre 2021 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Mazars et M. M... ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la société Mazars et autre, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat du Haut conseil du commissariat aux comptes et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société PricewaterhouseCoopers Audit et autres ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 novembre 2023, présentée par la société Mazars et M. M....
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que le 27 mars 2017, le président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes a saisi le rapporteur général du Haut conseil du commissariat aux comptes afin qu'il soit procédé à une enquête sur la certification des comptes du groupe Agripole, groupe agroalimentaire détenu à 100 % par Mme K... L..., décédée en 2016, et qui regroupait une filiale, Financière Turenne Lafayette, et plusieurs sous-filiales, Paul Prédault, Madrange, William Saurin, Montagne noire, Tradition traiteur, Germanaud, Géo, Conserverie du Languedoc, Les salaisons de l'Arrée. Le 28 mars 2017, le rapporteur général a ouvert une enquête portant sur les missions de certification des comptes annuels et consolidés de la société Agripole, pour les exercices clos de 2012 à 2015. Sur cette période, plusieurs sociétés sont intervenues pour procéder à l'audit des comptes de la société Agripole et de ses filiales. La société Mazars a été le commissaire aux comptes de la société Agripole et de sa filiale Financière Turenne Lafayette ainsi que des sous-filiales Conserverie du Languedoc, William Saurin, Paul Prédault, Germanaud, Montagne Noire, Tradition Traiteur, Madrange et Géo. M. F... G... était l'associé signataire des comptes pour la société Mazars, rejoint, à compter de 2012, par M. A... M.... Deux sociétés appartenant au réseau de PricewaterhouseCoopers (PWC) sont intervenues dans l'audit des comptes de ces sociétés, à savoir la société PWC Entreprises pour les sociétés Financière Turenne Lafayette, Madrange, Géo, puis PWC Audit pour les comptes annuels 2015 de la société Agripole et de sa filiale la société Financière Turenne Lafayette ainsi que les comptes annuels 2014 et 2015 des sociétés Madrange et Géo. M. J... I... était l'associé signataire des comptes pour les sociétés PWC Entreprises et PWC Audit. La société E... D... et associés est intervenue en qualité de co-commissaire aux comptes de la société Agripole, les comptes étant certifiés par M. E... D.... Enfin, M. H... B... a été commissaire aux comptes de la société Les Salaisons de l'Arrée. Le 7 février 2019, les griefs ont été notifiés à MM. I..., B..., G..., Schwaler et D... ainsi qu'aux sociétés Mazars, PWC Audit, PWC Entreprises et E... D... et associés. Par une décision du 19 février 2021, la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes a prononcé à l'encontre de M. M... une interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pendant 18 mois assortie du sursis pour la totalité de sa durée et une sanction pécuniaire d'un montant de 50 000 euros et, à l'encontre de la société Mazars, une interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pendant 12 mois, assortie du sursis pour la totalité de sa durée et une sanction pécuniaire de 400 000 euros. Des sanctions ont également été prononcées à l'encontre des autres mis en cause.
Sur la régularité de la procédure de sanction :
En ce qui concerne le respect du principe d'impartialité :
2. L'article L. 821-1 du code de commerce prévoit que le Haut conseil du commissariat aux comptes, qui est une autorité publique indépendante, exerce les missions qu'il énumère parmi lesquelles figurent notamment l'adoption, dans les conditions prévues à l'article L. 821-14, des normes relatives à la déontologie des commissaires aux comptes, au contrôle interne de qualité et à l'exercice professionnel ainsi que le prononcé de sanctions. L'article L. 821-2 du code de commerce précise l'organisation du Haut conseil, qui comporte un collège de quatorze membres, présidé par un membre de la Cour de cassation, et une formation restreinte, chargée du prononcé des sanctions, présidée par l'un des deux autres magistrats de l'ordre judiciaire qui siègent au collège et comprenant quatre autres membres élus par le collège en son sein, à l'exception des membres du bureau et du directeur général du Trésor ou de son représentant. Cet article prévoit également qu'une commission placée auprès du Haut conseil, composée à parité de quatre membres du collège et de quatre commissaires aux comptes désignés par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, est compétente pour élaborer, dans un délai fixé par décret, les projets des normes prévues à l'article L. 821-1 du code de commerce, lesquels doivent être adoptés par le Haut conseil ou, à défaut d'élaboration dans ce délai, élaborés par lui.
3. Aux termes de l'alinéa 1 de l'article L. 821-3-1 du code de commerce : " Le Haut conseil dispose d'un service chargé de procéder aux enquêtes préalables à l'ouverture des procédures prévues au chapitre IV du présent titre. Ce service est dirigé par un rapporteur général et composé d'enquêteurs habilités par ce dernier ". Aux termes de l'article L. 824-5 : " Le rapporteur général procède à une enquête. Il peut désigner des enquêteurs pour l'assister. Le rapporteur général et les enquêteurs peuvent à cet effet : / 1° Obtenir du commissaire aux comptes, sans que celui-ci puisse opposer le secret professionnel, tout document ou information, sous quelque forme que ce soit ; ils peuvent en exiger une copie ; / 2° Obtenir de toute personne tout document ou information utile à l'enquête ; ils peuvent en exiger une copie ; / 3° Convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations ; / 4° Accéder aux locaux à usage professionnel ; / 5° Demander à des commissaires aux comptes inscrits sur une liste établie par le Haut conseil après avis de la compagnie nationale des commissaires aux comptes, de procéder à des vérifications ou d'effectuer des actes d'enquête sous leur contrôle ; / 6° Faire appel à des experts. / Toute personne entendue pour les besoins de l'enquête peut se faire assister par un conseil de son choix ". Les alinéas 1 et 3 de l'article L. 824-8 disposent que : " A l'issue de l'enquête et après avoir entendu la personne intéressée, le rapporteur général établit un rapport d'enquête qu'il adresse au Haut conseil. Lorsque les faits justifient l'engagement d'une procédure de sanction, le Haut conseil délibérant hors la présence des membres de la formation restreinte arrête les griefs qui sont notifiés par le rapporteur général à la personne intéressée. La notification expose les faits passibles de sanction. Elle est accompagnée des principaux éléments susceptibles de fonder les griefs. (...) Le rapporteur général établit un rapport final qu'il adresse à la formation restreinte avec les observations de la personne intéressée ". Enfin, les alinéas 7 et 8 de l'article L. 824-11 prévoient que : " Le rapporteur général ou la personne qu'il désigne pour le représenter assiste à l'audience. Il expose ses conclusions oralement. Il peut proposer une ou plusieurs des sanctions prévues aux articles L. 824-2 et L. 824-3 ".
4. Aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) publiquement (...) par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ".
5. En premier lieu, l'attribution par la loi à une autorité administrative du pouvoir de fixer les règles dans un domaine déterminé et d'en assurer elle-même le respect, par l'exercice d'un pouvoir de contrôle des activités exercées et de sanction des manquements constatés, ne contrevient pas aux exigences rappelées par l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ce pouvoir de sanction est aménagé de telle façon que soient assurés le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure et l'impartialité de la décision.
6. Les articles L. 821-1 et suivants du code de commerce prévoient notamment, ainsi qu'il a été dit au point 2, que le collège du Haut conseil du commissariat aux comptes adopte des normes relatives à la déontologie des commissaires aux comptes, au contrôle interne de qualité et à l'exercice professionnel et que sa formation restreinte exerce le pouvoir disciplinaire à l'égard des commissaires aux comptes. Les articles L. 824-1 et suivants du même code précisent notamment la nature des manquements susceptibles d'être réprimés et les sanctions dont sont passibles les commissaires aux comptes ainsi que la procédure disciplinaire applicable, qui prévoit l'engagement de la procédure par la saisine du rapporteur général, puis une phase d'enquête, conduite par le rapporteur général qui entend notamment la personne intéressée, et qui se conclut par un rapport adressé au collège du Haut conseil. Celui-ci délibère, hors la présence des membres de la formation restreinte, pour arrêter les griefs reprochés à la personne en cause, qui sont alors notifiés à la personne intéressée par le rapporteur général. Enfin, sur la base d'un rapport final du rapporteur général qui lui est adressé avec les observations de la personne intéressée, la formation restreinte est saisie et entend notamment, lors d'une audience publique, la personne poursuivie, laquelle peut être assistée ou représentée par la personne de son choix et peut, lorsqu'il existe une raison sérieuse de mettre en doute l'impartialité d'un membre de la formation, en obtenir la récusation, ainsi que les conclusions du rapporteur général ou de son représentant, avant de délibérer hors la présence des parties et du rapporteur général.
7. Eu égard à ce qui précède, d'une part, le principe du cumul au sein du Haut conseil d'un pouvoir d'élaboration de normes et de sanction de leur méconnaissance n'est pas, par lui-même, de nature à méconnaître les exigences découlant du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le pouvoir de sanction confié à cette autorité étant organisé dans des conditions qui assurent le respect des droits de la défense, du caractère contradictoire de la procédure et des principes d'indépendance et d'impartialité. D'autre part, le fait qu'aucune disposition du code de commerce ne fasse obstacle à ce que des membres de la formation restreinte du collège du Haut conseil aient par ailleurs siégé dans les instances de ce Haut conseil chargées d'élaborer ou d'adopter les normes dont la formation restreinte est amenée à faire application lorsqu'elle se prononce sur les procédures individuelles dont elle est saisie, n'est pas non plus par lui-même de nature à méconnaître les exigences découlant du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En deuxième lieu, les dispositions citées au point 3 font du rapporteur général, qui est nommé par le président du Haut conseil et dirige un service spécifique du Haut conseil, l'organe en charge de l'instruction. A ce titre, il lui revient d'établir le rapport d'enquête transmis au Haut conseil, sur le fondement duquel ce dernier, statuant hors la présence des membres de la formation restreinte, arrête les griefs. Il lui revient également d'établir le rapport final, transmis à la formation restreinte avec les observations de la personne intéressée, laquelle peut consulter le dossier, présenter ses observations et se faire assister par un conseil à toutes les étapes de la procédure. Il peut assister à l'audience où il expose ses conclusions mais ne participe pas au délibéré. Dans ces conditions, l'organisation de la procédure de sanction devant le Haut conseil du commissariat aux comptes n'opère pas de confusion entre, d'une part, les fonctions de poursuite et d'instruction et, d'autre part, les pouvoirs de sanction et ne méconnaît ni le premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.
En ce qui concerne le principe d'égalité des armes :
9. En premier lieu, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises a supprimé les commissions régionales de discipline et prévoit, dans la nouvelle rédaction de l'article L. 824-8 du code de commerce, la saisine directe de la formation restreinte du Haut conseil, qui est désormais la seule entité compétente pour connaître des actions disciplinaires, par le rapporteur général ayant établi un rapport final. Si, s'agissant d'une règle de procédure, celle-ci a vocation à s'appliquer dès l'entrée en vigueur de la loi, y compris à des procédures en cours, cette évolution est sans incidence, d'une part sur la possibilité, pour le rapporteur général, d'abandonner tout ou partie des griefs et, d'autre part, sur les droits, reconnus par l'article L. 824-8 du code de commerce aux personnes poursuivies, d'avoir accès au dossier, de présenter leurs observations et de se faire assister par un conseil de leur choix à toutes les étapes de la procédure. Par suite, l'application de la loi du 22 mai 2019 aux instances en cours ne méconnaît pas le principe de l'égalité des armes, tel que garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 824-11 du code de commerce dans sa version alors applicable : " (...) La lettre de notification mentionne le délai dont dispose la personne poursuivie pour transmettre au rapporteur général ses observations écrites sur ces griefs. Ce délai ne peut être inférieur à un mois à compter de la réception de la lettre de notification des grief (...) ". Il résulte de l'instruction qu'un délai de quatre mois, à compter de la réception de la lettre notifiant les griefs, a été laissé à la société Mazars et à M. M... pour réagir à cette notification. Un tel délai étant suffisant pour leur permettre de faire utilement valoir leurs observations, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure suivie aurait, à cet égard, méconnu les dispositions de l'article R. 824-11 du code de commerce, ni le principe de l'égalité des armes.
En ce qui concerne le principe du contradictoire :
11. L'article L. 824-8 du code de commerce, cité au point 3, prévoit que le Haut conseil délibérant hors la présence des membres de la formation restreinte arrête les griefs qui sont notifiés par le rapporteur général à la personne intéressée, que cette notification expose les faits passibles de sanction et qu'elle est accompagnée des principaux éléments susceptibles de fonder les griefs. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 824-11 du code de commerce dans sa version alors applicable : " Lorsque le collège, dans la formation mentionnée à l'article précédent, considère que les faits sont susceptibles de justifier l'engagement d'une procédure de sanction, la lettre de notification des griefs mentionnée à l'article L. 824-8 informe la personne poursuivie qu'elle peut prendre connaissance du dossier et obtenir copie des pièces, le cas échéant par voie électronique, et qu'elle peut se faire assister par le conseil de son choix ". Il résulte de ces dispositions que la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes ne peut infliger une sanction que sur le fondement de griefs ayant été préalablement notifiés.
12. Il résulte de l'instruction que la lettre de notification des griefs adressée à la société Mazars et à M. M... faisait état, s'agissant des griefs relatifs à l'audit des achats et dettes fournisseurs hors groupe pour les comptes consolidés d'Agripole pour les années 2012, 2014, 2015, les comptes annuels de William Saurin pour les années 2012 et 2015, les comptes annuels de Madrange pour les années 2012 à 2015, ceux de Paul Prédault pour les années 2012, 2014 et 2015, ceux de Montagne Noire pour les années 2012, 2014-2015, ceux de Tradition Traiteur pour les années 2012 à 2015, ceux de Germanaud pour les années 2012 à 2015, ceux de Géo pour les années 2012 à 2015 et ceux de compagnie du Languedoc pour 2015, d'une série de manquements graves, notamment dans la documentation utilisée pour l'audit, qui n'auraient pas dû leur permettre de certifier que les comptes en cause étaient réguliers et sincères et donnaient une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice ainsi que de la situation financière et du patrimoine à la fin de l'exercice. Elle indiquait qu'outre une méconnaissance de plusieurs normes d'exercice professionnel, une violation du premier alinéa de l'article L. 823-10 du code de commerce, aux termes duquel : " Les commissaires aux comptes ont pour mission permanente, à l'exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la personne ou de l'entité dont ils sont chargés de certifier les comptes et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur ", étaient constituée. En retenant, par la décision attaquée, que l'absence de documentation des dossiers de travail laissait craindre un manquement important par le commissaire aux comptes à ses obligations procédurales et que d'autres défauts de documentation pouvaient être relevés pour certains contrats, la formation restreinte du Haut Conseil du commissariat aux comptes n'a pas retenu des manquements qui ne figuraient pas dans la notification des griefs. S'agissant des griefs relatifs aux titres de participation pour un certain nombre de sociétés, la notification des griefs identifiait de manière précise les manquements reprochés, tenant principalement à ce que les comptes avaient été certifiés comme étant réguliers et sincères et donnant une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice ainsi que de la situation financière du patrimoine des entités contrôlées, alors que l'audit réalisé n'avait pas permis d'obtenir l'assurance raisonnable que les comptes, pris dans leur ensemble, ne comportaient pas d'anomalies significatives. Les différentes normes d'exercice professionnel méconnues étaient identifiées, de même qu'était visée la méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 823-9 du code de commerce, aux termes duquel : " Les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l'entité à la fin de cet exercice (...) ". Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la formation restreinte du Haut Conseil du commissariat aux comptes aurait retenu des manquements qui ne figuraient pas dans la notification des griefs.
Sur le bien-fondé de la sanction prononcée :
En ce qui concerne le grief tiré de la procédure de contrôle interne :
13. Aux termes de l'article 15 du code de déontologie de la profession de commissaires aux comptes, applicable jusqu'au 1er juin 2017 et aujourd'hui repris aux articles R. 822-32 et R. 822-33 du code de commerce : " Les modalités d'organisation et de fonctionnement des structures d'exercice du commissariat aux comptes, qu'elles soient en nom propre ou sous forme de société, doivent permettre au commissaire aux comptes d'être en conformité avec les exigences légales et réglementaires et celles du présent code, d'assurer au mieux la prévention des risques et la bonne exécution de sa mission. / En particulier, chaque structure doit satisfaire aux exigences suivantes : / a) Disposer des moyens permettant au commissaire aux comptes d'assumer ses responsabilités en matière : / (...) de contrôle du respect des règles applicables à la profession et d'appréciation régulière des risques (...) / b) Mettre en oeuvre des procédures : / assurant une évaluation périodique des conditions d'exercice de chaque mission de contrôle, en vue de vérifier que celle-ci peut être poursuivie dans le respect des exigences déontologiques, notamment en matière d'indépendance vis-à-vis de la personne ou de l'entité contrôlée (...) ".
14. D'une part, il résulte de cette disposition que les structures d'exercice du commissariat aux comptes sont tenues de mettre en oeuvre des procédures de contrôle interne qui garantissent notamment que les procédures d'audit se déroulent dans le respect des obligations déontologiques et, particulièrement, de manière indépendante par rapport aux entités contrôlées. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette disposition était suffisamment précise pour que les structures concernées ne puissent nourrir aucun doute sur les obligations qui s'imposaient à elles, et la formation restreinte du H3C a pu, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, l'appliquer en l'espèce.
15. D'autre part, il résulte de l'instruction que, jusqu'en 2016, la société Mazars n'avait mis en place aucune procédure permettant de signaler comme étant à risque un dossier qui, comme ceux de la société Agripole, était un dossier d'entité ne relevant pas de la catégorie d'entités d'intérêt public (dossier " non EIP "), autre qu'un signalement par l'associé en charge de l'audit même. Cette carence de la société Mazars dans la mise en place d'une procédure de contrôle interne indépendante avait été relevée par le Haut Conseil du commissariat aux comptes dans ses rapports de contrôle périodique relatif aux années 2010, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, c'est à bon droit que la formation restreinte a pu retenir, en se fondant en particulier sur l'audition de la personne co-responsable de la cellule risques du cabinet Mazars, que la société Mazars avait admis que les dossiers de la société Agripole devaient être considérés comme des dossiers à risque. En outre, les améliorations apportées, postérieurement aux faits reprochés, par la société Mazars à la procédure de contrôle interne ne sauraient remettre en cause les constats opérés par la décision attaquée. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à reprocher à la formation restreinte d'avoir retenu le grief tiré du manquement à des obligations professionnelles au titre de la procédure de contrôle interne.
En ce qui concerne les autres griefs :
16. Aux termes de l'article L. 823-9 du code de commerce : " Les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l'entité à la fin de cet exercice. / Lorsqu'une personne ou une entité établit des comptes consolidés, les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes consolidés sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que du résultat de l'ensemble constitué par les personnes et entités comprises dans la consolidation (...) ".
17. En premier lieu, il résulte de la décision attaquée qu'après un examen des différents postes sur lesquels le contrôle porté s'est révélé défaillant, la formation restreinte a retenu la méconnaissance par la société Mazars et M. M... de leurs obligations, notamment celles s'imposant au titre de l'article L. 823-9 du code de commerce précité. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la formation restreinte a, ce faisant, fait une exacte application de cette disposition.
18. En deuxième lieu, en ce qui concerne les griefs relatifs à l'audit du chiffre d'affaires, les requérants contestent les appréciations portées par la décision de sanction en relevant, de première part, que contrairement à ce qui leur est reproché, aucune disposition, et notamment aucune norme d'exercice professionnel, ne leur imposait de procéder au contrôle d'un nombre donné de factures. Toutefois, la certification des comptes suppose un contrôle diligent, reposant sur des éléments suffisants et fiables. Or, il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté par les requérants, que les contrôles opérés par la société Mazars ne portaient que sur un nombre très réduit de factures, y compris dans les hypothèses où les créances clients représentaient une part importante du chiffre d'affaires, et que ces contrôles n'étaient pas davantage poussés lorsque des anomalies étaient identifiées. De deuxième part, le caractère suffisant des procédures d'audit conduites ne dépend pas, contrairement à ce que font valoir les requérants, du nombre de pages des analyses annuelles, mais de la pertinence des éléments contrôlés et des méthodes employées pour exercer ce contrôle. De troisième part, l'existence de créances dont le montant n'avait pas donné lieu à un accord des clients concernés, et donc d'anomalies dans les comptes, en 2012, pour les sociétés Germanaud, Paul Prédault, Tradition Traiteur et Agripole ne sont pas contestées par les requérants, à qui il revenait, comme l'a relevé la formation restreinte, de documenter l'origine de ces créances ainsi que l'éventuel encaissement des créances en 2013. Enfin, et de quatrième part, il résulte de l'instruction que, pour un certain nombre de factures, représentant un total de 20 millions d'euros, les commissaires aux comptes se sont contentés de déclarations orales de Mme L..., ce qui, comme l'a relevé à bon droit la formation restreinte, ne pouvait, dans les circonstances de l'espèce, constituer un contrôle suffisant. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à reprocher à la formation restreinte d'avoir retenu les griefs relatifs à l'audit du chiffre d'affaires.
19. En troisième lieu, s'agissant des griefs relatifs à l'audit des achats et des dettes fournisseurs hors groupe, ainsi qu'il a été dit au point 18, la certification des comptes suppose un contrôle diligent, reposant sur des éléments suffisants. Or, il résulte de l'instruction que, sur ce point aussi, le contrôle opéré par la société Mazars ne portait que sur un faible pourcentage de factures. Par ailleurs, le fait que les audits annuels aient comporté un nombre important de pages ne suffit pas, comme il a été indiqué précédemment, à caractériser le sérieux et la diligence du travail d'audit. Enfin, si les requérants avancent que la formation restreinte aurait, s'agissant plus précisément de l'audit des comptes de l'exercice 2013 de la société Paul Prédault, reproché aux commissaires aux comptes de ne pas avoir procédé à une circularisation, c'est-à-dire à une confirmation par des tiers, alors qu'une telle technique de confirmation n'était pas imposée par les textes, la formation restreinte a seulement relevé l'absence de renforcement des contrôles opérés, alors que des difficultés étaient déjà apparues en 2012, ne permettant pas de conduire un audit suffisamment fiable. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que la formation restreinte a retenu les griefs relatifs à l'audit des achats et des dettes fournisseurs hors groupes.
20. En quatrième lieu, en ce qui concerne les griefs relatifs à l'audit des avances financières sur stocks de viande porcine, il résulte de l'instruction que les commissaires aux comptes ont admis n'avoir pas pu obtenir, pour les exercices 2012, 2013, 2014 et 2015, les contrats et les factures relatifs à des avances accordées à des producteurs espagnols de viande de porc, mais s'être contentés des seules déclarations orales de Mme L.... Par suite, les requérants ne sont pas fondés à reprocher à la formation restreinte d'avoir retenu les griefs relatifs à l'audit des avances financières sur stocks de viande porcine.
21. En cinquième lieu, s'agissant des griefs relatifs à l'audit des titres de participation, des marques, des fonds de commerce et des mali techniques, il résulte de l'instruction que les commissaires aux comptes ont fait valoir qu'ils se sont fondés, pour apprécier la valorisation des titres de participation détenus par les société Agripole, Financière Turenne Lafayette, Madrange et William Saurin, sur des rapports établis par le cabinet Ricol et Lasteyrie, la banque Neuflize ou encore sur l'évaluation faite par le cabinet William C..., alors que ces documents ne se trouvaient pas dans les dossiers d'audit et n'ont été transmis que postérieurement au rapporteur général voire, s'agissant du rapport de M. C..., n'ont jamais pu être transmis. Dès lors, c'est à bon droit que la formation restreinte a jugé que les opinions exprimées sur ce point reposaient sur une documentation absente ou insuffisante.
En ce qui concerne la recevabilité du recours incident :
22. Aux termes de l'article L. 824-14 du code de commerce : " La personne sanctionnée ou le président du Haut conseil après accord du collège peut former un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 824-23 du code de commerce : " Le recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat est formé dans les conditions prévues par le code de justice administrative. / Le président du Haut conseil ou la personne sanctionnée peut former un recours incident dans un délai de deux mois à compter de la notification qui lui est faite du recours initial ".
23. Les dispositions relatives à la procédure à suivre devant les juridictions ne relèvent du législateur que si elles mettent en cause la procédure pénale ou les principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi. Le pouvoir réglementaire était donc compétent pour prévoir la possibilité pour le président du Haut conseil ou la personne sanctionnée de former un recours incident et pour préciser les modalités d'exercice d'un tel recours. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article R. 824-23 du code de commerce seraient entachées d'incompétence et que le recours incident, formé par la présidente du Haut conseil dans le délai de deux mois imparti par ces dispositions, serait pour ce motif irrecevable.
En ce qui concerne la proportionnalité de la sanction prononcée :
24. Aux termes de l'article L. 822-8 du code de commerce dans sa version en vigueur avant le 17 juin 2016 : " Les sanctions disciplinaires sont : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'interdiction temporaire pour une durée n'excédant pas cinq ans ; / 4° La radiation de la liste. / Il peut être aussi procédé au retrait de l'honorariat (...) " Aux termes de l'article L. 824-2 du code de commerce, issu de l'ordonnance du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes et entré en vigueur le 17 juin 2016 : " I. - Les commissaires aux comptes sont passibles des sanctions suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pour une durée n'excédant pas cinq ans ; / 4° La radiation de la liste ; / 5° Le retrait de l'honorariat. / II. - Les commissaires aux comptes peuvent également faire l'objet des sanctions suivantes : (...) 3° Le paiement, à titre de sanction pécuniaire, d'une somme ne pouvant excéder : / a) Pour une personne physique, la somme de 250 000 euros ; / b) Pour une personne morale, la plus élevée des sommes suivantes : / - un million d'euros ; / - lorsque la faute intervient dans le cadre d'une mission de certification, la moyenne annuelle des honoraires facturés au titre de l'exercice durant lequel la faute a été commise et des deux exercices précédant celui-ci, par le commissaire aux comptes, à la personne ou à l'entité dont il est chargé de certifier les comptes ou, à défaut, le montant des honoraires facturés par le commissaire aux comptes à cette personne ou entité au titre de l'exercice au cours duquel la faute a été commise (...) ". Aux termes de l'article L. 824-12 du code de commerce : " Les sanctions sont déterminées en tenant compte : / 1° De la gravité et de la durée de la faute ou du manquement reprochés ; / 2° De la qualité et du degré d'implication de la personne intéressée ; / 3° De la situation et de la capacité financière de la personne intéressée, au vu notamment de son patrimoine et, s'agissant d'une personne physique de ses revenus annuels, s'agissant d'une personne morale de son chiffre d'affaires total ; / 4° De l'importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne intéressée, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; / 5° Du degré de coopération dont a fait preuve la personne intéressée dans le cadre de l'enquête ; / 6° Des manquements commis précédemment par la personne intéressée ; / 7° Lorsque la sanction est prononcée en raison de manquement aux dispositions des sections 3 à 6 du chapitre Ier du titre VI du livre V du code monétaire et financier, elle est en outre déterminée en tenant compte, le cas échéant, de l'importance du préjudice subi par les tiers ".
25. Il résulte de l'instruction que la société Mazars était le commissaire aux comptes historique des sociétés du groupe Agripole, détenant certains mandats depuis 1997. A ce titre, M. M..., devenu associé signataire à compter de 2012, a commis de très graves manquements aux obligations s'imposant à lui au titre de la certification des comptes, se contentant souvent, pour formuler son avis, de données incomplètes, voire d'explications orales de Mme L.... Il résulte également de l'instruction et de ce qui a été dit aux points 13 à 15 que la société Mazars est responsable d'un manquement particulier, tenant à l'insuffisance des procédures de contrôle interne, qui ne lui ont pas permis de rectifier les carences de l'audit des comptes des sociétés du groupe Agripole.
26. L'interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pendant 12 mois assortie du sursis prononcée contre la société Mazars et la sanction de 50 000 euros assortie d'une interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pendant 18 mois, avec sursis pour toute la durée, prononcée à l'encontre de M. M..., qui sont suffisamment motivées, apparaissent proportionnées à la gravité des faits qui leur sont reprochés. En revanche, au regard de la gravité des manquements caractérisés par la décision de sanction, qui portent atteinte à ce qui constitue la mission même du contrôle des comptes, de la durée de ces manquements, de l'implication directe de la société Mazars et de M. M... et de la capacité financière de la société Mazars, la Présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes est fondée à demander que la sanction pécuniaire prononcée par la formation restreinte soit aggravée et soit portée, pour la société Mazars, à 800 000 euros.
27. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Mazars et de M. M... doit être rejetée et que la décision de sanction pécuniaire prononcée contre la société Mazars doit être portée à 800 000 euros. Dans la mesure où, en application de l'article L. 824-13 du code de commerce, les décisions du Haut conseil sont publiées sur son site internet, la Présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes est fondée à demander que la présente décision du Conseil d'Etat soit publiée sur le site internet du Haut conseil du commissariat aux comptes dans les mêmes conditions que la décision de sanction réformée.
28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Mazars et de M. M... la somme de 3 000 euros à verser au Haut conseil du commissariat aux comptes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du Haut conseil du commissariat aux comptes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Mazars et de M. M... est rejetée.
Article 2 : La sanction pécuniaire prononcée à l'encontre de la société Mazars est portée à 800 000 euros et la décision de la commission des sanctions du 19 février 2021 est réformée en ce sens.
Article 3 : La présente décision du Conseil d'Etat sera publiée sur le site internet du Haut conseil du commissariat aux comptes dans les mêmes conditions que la décision de sanction ainsi réformée.
Article 4 : La société Mazars et M. M... verseront la somme de 3 000 euros au Haut conseil du commissariat aux comptes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions du recours incident de la Présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Mazars, à M. A... M... et au Haut conseil du commissariat aux comptes.
Copie en sera adressée au Garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la société PricewaterhouseCoopers Audit, à la société PricewaterhouseCoopers Entreprises, à M. I..., à M. G..., à M. D..., à la société E... D... et associés et à M. B....
Délibéré à l'issue de la séance du 22 novembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 18 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Rozen Noguellou
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain