Conseil d'État
N° 464464
ECLI:FR:CECHS:2023:464464.20231013
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. Olivier Yeznikian, président
M. Alain Seban, rapporteur
M. Florian Roussel, rapporteur public
SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL, avocats
Lecture du vendredi 13 octobre 2023
Vu la procédure suivante :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner avant dire droit une expertise médicale et de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme globale de 393 680,10 euros en réparation des préjudices subis du fait de sa prise en charge fautive au sein du service d'urologie de l'hôpital Tenon. La société CPSP Sourcing est intervenue volontairement à l'instance et a demandé au tribunal administratif de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 42 105,96 euros. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne est également intervenue à l'instance, a demandé au tribunal administratif de condamner l'AP-HP à lui verser la somme totale de 55 087,29 euros au titre de ses débours et de réserver ses droits quant aux prestations qui pourraient être versées ultérieurement. Par un jugement n° 1711919 du 9 janvier 2020, le tribunal administratif a admis l'intervention de la société CPSP Sourcing, condamné l'AH-HP à verser à Mme B... la somme de 15 000 euros en réparation de ses préjudices et rejeté le surplus des demandes de Mme B... ainsi que celles de la société CPSP Sourcing et de la CPAM du Val-deMarne.
Sur appel de Mme B... et de la société CPSP Sourcing, et appel incident de l'AP-HP, la cour administrative d'appel de Paris a, par un arrêt n° 20PA00869 du 29 mars 2022, d'une part, porté à 74 619,38 euros la somme que l'AP-HP a été condamnée à verser à Mme B... par le jugement et l'a en outre condamnée à lui verser une rente mensuelle de 549,33 euros à revaloriser par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, d'autre part, condamné l'AP-HP à verser à la CPAM du Val-de-Marne au titre de ses débours la somme de 40 321,08 euros portant intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2019, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale pour un montant de 1 114 euros et, enfin, après avoir réformé le jugement, rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 30 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'AP-HP demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de Mme B..., de la société CPSP Sourcing et de la CPAM du Val-de-Marne la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet François Pinet, avocat de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à Me Bouthors, avocat de Mme B... et à la SCP Gatineau, Fattacini, Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., qui souffrait de calculs rénaux depuis plusieurs années, a subi, le 31 mai 2016, une néphrolithotomie percutanée et lithotritie laser (NPLC) selon la technique dite " mini-perc " au sein de l'unité d'urologie de l'hôpital Tenon à Paris. Cette intervention a occasionné une perforation du colon et la création d'une fistule entre cet organe et le rein, dont ont résulté de multiples complications. La patiente a recherché l'indemnisation des préjudices en résultant. Par un jugement du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser, à ce titre, la somme de 15 000 euros. Sur appel de Mme B... et de son employeur, la société CPSP Sourcing, et appel incident de l'AP-HP, la cour administrative d'appel de Paris a porté cette somme à 74 619,38 euros, condamné l'AP-HP à verser à la requérante une rente mensuelle de 549,33 euros à revaloriser par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, a condamné l'AP-HP à verser à la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) du Val-de-Marne, au titre de ses débours, la somme de 40 321,08 euros portant intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2019, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale pour un montant de 1 114 euros et a rejeté le surplus des conclusions des parties. L'AP-HP se pourvoit en cassation contre cet arrêt, tandis que Mme B..., par la voie du pourvoi incident, en demande l'annulation en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur le pourvoi de l'AP-HP :
2. Il résulte des termes de son arrêt que, pour se prononcer sur les fautes invoquées, la cour, après avoir écarté que le dommage qui s'est réalisé, à savoir la perforation du côlon, organe non concerné par l'intervention, puisse résulter d'un aléa thérapeutique, a retenu, tout d'abord, l'existence d'un défaut d'information préalable de la patiente sur les risques inhérents à l'intervention. Elle a ensuite retenu que ce dommage résultait des fautes consistant, dans les circonstances de l'espèce, d'une part, compte tenu du terrain particulier présenté par la patiente, dans le fait de n'avoir pas réalisé l'intervention chirurgicale sous un double contrôle échographique et radioscopique et, d'autre part, dans le fait, pour les chirurgiens ayant participé à cette intervention, de ne pas avoir pris connaissance de la coloscopie virtuelle, réalisée en médecine de ville, le 26 avril 2016, à la clinique de Bercy à Charenton-le-Pont. La cour, enfin, après avoir énoncé qu'" il ne résulte pas de l'instruction qu'un raisonnement de dimension aléatoire d'une chaîne causale, d'aléa du processus de guérison ou encore de lien de causalité distendu, doive être appliqué en l'espèce ", a considéré que le préjudice résultant directement de ces fautes devait être intégralement réparé. Toutefois, la cour avait également relevé que le double contrôle échographique et radioscopique n'aurait permis que de réduire le risque de perforation du côlon et n'a pas retenu que le dommage subi résultait exclusivement et intégralement du défaut de consultation de la coloscopie virtuelle. Dans ces conditions, il ressort des termes même de son arrêt que les fautes qu'elle a retenues lors de la prise en charge de Mme B... ont seulement compromis ses chances d'éviter le dommage qu'elle a subi. Dès lors, le préjudice résultant directement des fautes commises par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. Par suite, en admettant le droit de la requérante à être indemnisée de l'intégralité du préjudice subi, les juges du fond ont commis une erreur de droit. L'AP-HP est, dès lors, fondée à demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi sur ce point, l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il la condamne à réparer les préjudices, résultant d'un défaut d'information préalable et de fautes médicales qu'il a retenues, subis par Mme B... à l'occasion de sa prise en charge.
Sur le pourvoi incident de Mme B... :
3. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B... a été informée par le Dr A... le 30 mai 2016, veille de l'intervention chirurgicale, que celle-ci serait réalisée avec le concours d'experts français et internationaux et qu'elle serait retransmise en direct en vidéo en préservant l'anonymat de la patiente, et qu'elle a consenti à ces conditions. Dès lors, c'est sans dénaturer les pièces du dossier ni commettre d'erreur de droit ou d'erreur de qualification juridique des faits que la cour administrative d'appel a jugé que la requérante, qui n'avait d'ailleurs pas demandé à être informée de l'identité de l'ensemble des personnes appelées à intervenir lors de l'opération ni n'avait à consentir à la présence de chacune d'entre elles, ne pouvait se prévaloir d'un défaut d'information quant à la participation du praticien qui a réalisé une partie de l'intervention depuis l'Italie à l'aide de moyens de téléchirurgie, ni, en tout état de cause, soutenir utilement que son droit au respect de sa vie privée a été méconnu, alors qu'elle avait donné son accord à la diffusion d'images de l'opération dont les juges du fond ont estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu'elle avait préservé son anonymat. Il suit de là que les conclusions du pourvoi incident de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué sur ce point doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur les frais d'instance :
4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'AP-HP qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... ou de la société CPSP Sourcing et de la CPAM du Val-de-Marne la somme que demande l'AP-HP au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 29 mars 2022 est annulé en tant qu'il condamne l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à réparer les préjudices résultant du défaut d'information préalable et des fautes médicales qu'il a retenues, subis par Mme B... à l'occasion de sa prise en charge.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris dans la mesure de l'annulation prononcée à l'article 1er.
Article 3 : Le pourvoi incident de Mme B..., ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, à Mme C... B..., à la société CPSP Sourcing et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 septembre 2023 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, assesseur, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Alain Seban, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 13 octobre 2023.
Le président :
Signé : M. Olivier Yeznikian
Le rapporteur :
Signé : M. Alain Seban
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras
N° 464464
ECLI:FR:CECHS:2023:464464.20231013
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. Olivier Yeznikian, président
M. Alain Seban, rapporteur
M. Florian Roussel, rapporteur public
SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL, avocats
Lecture du vendredi 13 octobre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner avant dire droit une expertise médicale et de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme globale de 393 680,10 euros en réparation des préjudices subis du fait de sa prise en charge fautive au sein du service d'urologie de l'hôpital Tenon. La société CPSP Sourcing est intervenue volontairement à l'instance et a demandé au tribunal administratif de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 42 105,96 euros. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne est également intervenue à l'instance, a demandé au tribunal administratif de condamner l'AP-HP à lui verser la somme totale de 55 087,29 euros au titre de ses débours et de réserver ses droits quant aux prestations qui pourraient être versées ultérieurement. Par un jugement n° 1711919 du 9 janvier 2020, le tribunal administratif a admis l'intervention de la société CPSP Sourcing, condamné l'AH-HP à verser à Mme B... la somme de 15 000 euros en réparation de ses préjudices et rejeté le surplus des demandes de Mme B... ainsi que celles de la société CPSP Sourcing et de la CPAM du Val-deMarne.
Sur appel de Mme B... et de la société CPSP Sourcing, et appel incident de l'AP-HP, la cour administrative d'appel de Paris a, par un arrêt n° 20PA00869 du 29 mars 2022, d'une part, porté à 74 619,38 euros la somme que l'AP-HP a été condamnée à verser à Mme B... par le jugement et l'a en outre condamnée à lui verser une rente mensuelle de 549,33 euros à revaloriser par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, d'autre part, condamné l'AP-HP à verser à la CPAM du Val-de-Marne au titre de ses débours la somme de 40 321,08 euros portant intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2019, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale pour un montant de 1 114 euros et, enfin, après avoir réformé le jugement, rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 30 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'AP-HP demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de Mme B..., de la société CPSP Sourcing et de la CPAM du Val-de-Marne la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet François Pinet, avocat de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à Me Bouthors, avocat de Mme B... et à la SCP Gatineau, Fattacini, Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., qui souffrait de calculs rénaux depuis plusieurs années, a subi, le 31 mai 2016, une néphrolithotomie percutanée et lithotritie laser (NPLC) selon la technique dite " mini-perc " au sein de l'unité d'urologie de l'hôpital Tenon à Paris. Cette intervention a occasionné une perforation du colon et la création d'une fistule entre cet organe et le rein, dont ont résulté de multiples complications. La patiente a recherché l'indemnisation des préjudices en résultant. Par un jugement du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser, à ce titre, la somme de 15 000 euros. Sur appel de Mme B... et de son employeur, la société CPSP Sourcing, et appel incident de l'AP-HP, la cour administrative d'appel de Paris a porté cette somme à 74 619,38 euros, condamné l'AP-HP à verser à la requérante une rente mensuelle de 549,33 euros à revaloriser par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, a condamné l'AP-HP à verser à la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) du Val-de-Marne, au titre de ses débours, la somme de 40 321,08 euros portant intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2019, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale pour un montant de 1 114 euros et a rejeté le surplus des conclusions des parties. L'AP-HP se pourvoit en cassation contre cet arrêt, tandis que Mme B..., par la voie du pourvoi incident, en demande l'annulation en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur le pourvoi de l'AP-HP :
2. Il résulte des termes de son arrêt que, pour se prononcer sur les fautes invoquées, la cour, après avoir écarté que le dommage qui s'est réalisé, à savoir la perforation du côlon, organe non concerné par l'intervention, puisse résulter d'un aléa thérapeutique, a retenu, tout d'abord, l'existence d'un défaut d'information préalable de la patiente sur les risques inhérents à l'intervention. Elle a ensuite retenu que ce dommage résultait des fautes consistant, dans les circonstances de l'espèce, d'une part, compte tenu du terrain particulier présenté par la patiente, dans le fait de n'avoir pas réalisé l'intervention chirurgicale sous un double contrôle échographique et radioscopique et, d'autre part, dans le fait, pour les chirurgiens ayant participé à cette intervention, de ne pas avoir pris connaissance de la coloscopie virtuelle, réalisée en médecine de ville, le 26 avril 2016, à la clinique de Bercy à Charenton-le-Pont. La cour, enfin, après avoir énoncé qu'" il ne résulte pas de l'instruction qu'un raisonnement de dimension aléatoire d'une chaîne causale, d'aléa du processus de guérison ou encore de lien de causalité distendu, doive être appliqué en l'espèce ", a considéré que le préjudice résultant directement de ces fautes devait être intégralement réparé. Toutefois, la cour avait également relevé que le double contrôle échographique et radioscopique n'aurait permis que de réduire le risque de perforation du côlon et n'a pas retenu que le dommage subi résultait exclusivement et intégralement du défaut de consultation de la coloscopie virtuelle. Dans ces conditions, il ressort des termes même de son arrêt que les fautes qu'elle a retenues lors de la prise en charge de Mme B... ont seulement compromis ses chances d'éviter le dommage qu'elle a subi. Dès lors, le préjudice résultant directement des fautes commises par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. Par suite, en admettant le droit de la requérante à être indemnisée de l'intégralité du préjudice subi, les juges du fond ont commis une erreur de droit. L'AP-HP est, dès lors, fondée à demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi sur ce point, l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il la condamne à réparer les préjudices, résultant d'un défaut d'information préalable et de fautes médicales qu'il a retenues, subis par Mme B... à l'occasion de sa prise en charge.
Sur le pourvoi incident de Mme B... :
3. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B... a été informée par le Dr A... le 30 mai 2016, veille de l'intervention chirurgicale, que celle-ci serait réalisée avec le concours d'experts français et internationaux et qu'elle serait retransmise en direct en vidéo en préservant l'anonymat de la patiente, et qu'elle a consenti à ces conditions. Dès lors, c'est sans dénaturer les pièces du dossier ni commettre d'erreur de droit ou d'erreur de qualification juridique des faits que la cour administrative d'appel a jugé que la requérante, qui n'avait d'ailleurs pas demandé à être informée de l'identité de l'ensemble des personnes appelées à intervenir lors de l'opération ni n'avait à consentir à la présence de chacune d'entre elles, ne pouvait se prévaloir d'un défaut d'information quant à la participation du praticien qui a réalisé une partie de l'intervention depuis l'Italie à l'aide de moyens de téléchirurgie, ni, en tout état de cause, soutenir utilement que son droit au respect de sa vie privée a été méconnu, alors qu'elle avait donné son accord à la diffusion d'images de l'opération dont les juges du fond ont estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu'elle avait préservé son anonymat. Il suit de là que les conclusions du pourvoi incident de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué sur ce point doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur les frais d'instance :
4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'AP-HP qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... ou de la société CPSP Sourcing et de la CPAM du Val-de-Marne la somme que demande l'AP-HP au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 29 mars 2022 est annulé en tant qu'il condamne l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à réparer les préjudices résultant du défaut d'information préalable et des fautes médicales qu'il a retenues, subis par Mme B... à l'occasion de sa prise en charge.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris dans la mesure de l'annulation prononcée à l'article 1er.
Article 3 : Le pourvoi incident de Mme B..., ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, à Mme C... B..., à la société CPSP Sourcing et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 septembre 2023 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, assesseur, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Alain Seban, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 13 octobre 2023.
Le président :
Signé : M. Olivier Yeznikian
Le rapporteur :
Signé : M. Alain Seban
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras