Conseil d'État
N° 467796
ECLI:FR:CECHS:2023:467796.20230724
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre
M. Pierre Collin, président
M. Alexandre Lapierre , rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
Lecture du lundi 24 juillet 2023
Vu la procédure suivante :
Le préfet de la Guadeloupe a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion de la société La Vedette de la dépendance du domaine public maritime qu'elle occupe sur la plage dite " de la Datcha " à Le Gosier (Guadeloupe), sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de lui enjoindre de remettre les lieux dans leur état naturel, dans le délai de dix jours à compter de son ordonnance, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2200712 du 10 août 2022, le juge des référés de ce tribunal a enjoint à cette société et à tout autre occupant de libérer les lieux et de procéder à ses frais et risques à la démolition des ouvrages installés et à l'enlèvement de tout objet mobilier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard faute d'exécution dans un délai de deux semaines.
1° Sous le n° 467796, par un pourvoi enregistré le 26 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société La Vedette demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande du préfet de la Guadeloupe ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 467801, par une requête, enregistrée le 26 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société La Vedette demande au Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance jusqu'à ce qu'il soit statué sur le pourvoi en cassation qu'elle a formé.
....................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de la société La Vedette ;
Considérant ce qui suit :
1. Le pourvoi de la société La Vedette et sa requête aux fins de sursis à exécution sont relatifs à l'ordonnance du 10 août 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à la demande du préfet de la Guadeloupe tendant à son expulsion du domaine public et à la remise en état de celui-ci, à ses frais et risques. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société La Vedette exploite un restaurant du même nom en bordure de la plage dite " de la Datcha ", à Le Gosier (Guadeloupe). A la suite de deux constats d'occupation sans titre du domaine public dressés le 14 juin 2021 et le 11 février 2022, le préfet de la Guadeloupe a estimé qu'empiétaient sur le domaine public maritime des installations de tables et chaises, ainsi qu'un container posé sur une dalle en béton. La société La Vedette se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 10 août 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, saisi par le préfet de la Guadeloupe sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, lui a enjoint de libérer les lieux, de procéder à ses frais et risques à la démolition des ouvrages installés sur le domaine public et d'enlever tout objet mobilier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard faute d'exécution dans un délai de deux semaines.
3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ". Aux termes de l'article L. 521-3 du même code : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Saisi sur ce fondement d'une demande qui n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l'urgence justifie, dont l'expulsion d'occupants sans titre du domaine public, à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse.
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (...) 3° Les lais et relais de la mer (...) ".
5. En se fondant, pour juger que la demande d'expulsion devait être regardée comme présentant un caractère d'utilité et d'urgence, sur la nécessité, d'une part, de rétablir le libre accès des piétons à la plage et l'égalité de traitement entre ses occupants pour mettre fin à des troubles, d'autre part, de préserver l'intégrité du domaine public, le juge des référés, qui a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative.
6. Toutefois, les mesures que le juge des référés peut ordonner sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative ont nécessairement un caractère provisoire ou conservatoire. Si tel peut être le cas d'une mesure ordonnant le déplacement ou le démontage d'un ouvrage immobilier, le juge des référés ne saurait ordonner la destruction d'un tel ouvrage.
7. Dès lors, en enjoignant à la société La Vedette de procéder à ses frais et risques à la démolition des ouvrages implantés sur le domaine public maritime, dont elle avait elle-même relevé qu'ils étaient constitués d'un container ainsi que de la dalle de béton sur laquelle il était placé, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a méconnu son office.
8. Par suite, la société La Vedette est seulement fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque en tant qu'elle lui a enjoint de procéder à ses frais et risques à la démolition des ouvrages installés sur le domaine public.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative pour régler, dans cette mesure, l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.
10. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que les conclusions du préfet de la Guadeloupe tendant à ce que le juge des référés ordonne, en vue de la remise en état du domaine public maritime, la destruction des ouvrages litigieux ne peuvent qu'être rejetées.
11. La présente décision statuant sur le pourvoi tendant à l'annulation du jugement attaqué, la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement est devenue sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 10 août 2022 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulée en tant qu'elle enjoint à la société La Vedette de procéder à la démolition des ouvrages implantés sur le domaine public maritime.
Article 2 : La demande du préfet de la Guadeloupe tendant à ce qu'il soit enjoint à la société La Vedette de démolir les ouvrages implantés sur le domaine public maritime est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à la société La Vedette la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société La Vedette est rejeté.
Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 467801.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société La Vedette et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 juillet 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 24 juillet 2023.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Lapierre
La secrétaire :
Signé : Mme Sandrine Mendy
N° 467796
ECLI:FR:CECHS:2023:467796.20230724
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre
M. Pierre Collin, président
M. Alexandre Lapierre , rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
Lecture du lundi 24 juillet 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Le préfet de la Guadeloupe a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion de la société La Vedette de la dépendance du domaine public maritime qu'elle occupe sur la plage dite " de la Datcha " à Le Gosier (Guadeloupe), sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de lui enjoindre de remettre les lieux dans leur état naturel, dans le délai de dix jours à compter de son ordonnance, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2200712 du 10 août 2022, le juge des référés de ce tribunal a enjoint à cette société et à tout autre occupant de libérer les lieux et de procéder à ses frais et risques à la démolition des ouvrages installés et à l'enlèvement de tout objet mobilier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard faute d'exécution dans un délai de deux semaines.
1° Sous le n° 467796, par un pourvoi enregistré le 26 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société La Vedette demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande du préfet de la Guadeloupe ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 467801, par une requête, enregistrée le 26 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société La Vedette demande au Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance jusqu'à ce qu'il soit statué sur le pourvoi en cassation qu'elle a formé.
....................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de la société La Vedette ;
Considérant ce qui suit :
1. Le pourvoi de la société La Vedette et sa requête aux fins de sursis à exécution sont relatifs à l'ordonnance du 10 août 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à la demande du préfet de la Guadeloupe tendant à son expulsion du domaine public et à la remise en état de celui-ci, à ses frais et risques. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société La Vedette exploite un restaurant du même nom en bordure de la plage dite " de la Datcha ", à Le Gosier (Guadeloupe). A la suite de deux constats d'occupation sans titre du domaine public dressés le 14 juin 2021 et le 11 février 2022, le préfet de la Guadeloupe a estimé qu'empiétaient sur le domaine public maritime des installations de tables et chaises, ainsi qu'un container posé sur une dalle en béton. La société La Vedette se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 10 août 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, saisi par le préfet de la Guadeloupe sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, lui a enjoint de libérer les lieux, de procéder à ses frais et risques à la démolition des ouvrages installés sur le domaine public et d'enlever tout objet mobilier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard faute d'exécution dans un délai de deux semaines.
3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ". Aux termes de l'article L. 521-3 du même code : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Saisi sur ce fondement d'une demande qui n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l'urgence justifie, dont l'expulsion d'occupants sans titre du domaine public, à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse.
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (...) 3° Les lais et relais de la mer (...) ".
5. En se fondant, pour juger que la demande d'expulsion devait être regardée comme présentant un caractère d'utilité et d'urgence, sur la nécessité, d'une part, de rétablir le libre accès des piétons à la plage et l'égalité de traitement entre ses occupants pour mettre fin à des troubles, d'autre part, de préserver l'intégrité du domaine public, le juge des référés, qui a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative.
6. Toutefois, les mesures que le juge des référés peut ordonner sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative ont nécessairement un caractère provisoire ou conservatoire. Si tel peut être le cas d'une mesure ordonnant le déplacement ou le démontage d'un ouvrage immobilier, le juge des référés ne saurait ordonner la destruction d'un tel ouvrage.
7. Dès lors, en enjoignant à la société La Vedette de procéder à ses frais et risques à la démolition des ouvrages implantés sur le domaine public maritime, dont elle avait elle-même relevé qu'ils étaient constitués d'un container ainsi que de la dalle de béton sur laquelle il était placé, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a méconnu son office.
8. Par suite, la société La Vedette est seulement fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque en tant qu'elle lui a enjoint de procéder à ses frais et risques à la démolition des ouvrages installés sur le domaine public.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative pour régler, dans cette mesure, l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.
10. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que les conclusions du préfet de la Guadeloupe tendant à ce que le juge des référés ordonne, en vue de la remise en état du domaine public maritime, la destruction des ouvrages litigieux ne peuvent qu'être rejetées.
11. La présente décision statuant sur le pourvoi tendant à l'annulation du jugement attaqué, la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement est devenue sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 10 août 2022 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulée en tant qu'elle enjoint à la société La Vedette de procéder à la démolition des ouvrages implantés sur le domaine public maritime.
Article 2 : La demande du préfet de la Guadeloupe tendant à ce qu'il soit enjoint à la société La Vedette de démolir les ouvrages implantés sur le domaine public maritime est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à la société La Vedette la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société La Vedette est rejeté.
Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 467801.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société La Vedette et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 juillet 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 24 juillet 2023.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Lapierre
La secrétaire :
Signé : Mme Sandrine Mendy