Conseil d'État
N° 475177
ECLI:FR:CEORD:2023:475177.20230712
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
M. Jean-Yves Ollier, président
M. J-Y Ollier, rapporteur
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats
Lecture du mercredi 12 juillet 2023
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 et 29 juin et le 4 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association française d'étude et de protection des poissons demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a refusé de faire droit à sa demande tendant à ce qu'il adopte, sur le fondement de l'article R. 436-8 du code de l'environnement, un arrêté interdisant la pêche récréative de l'anguille d'Europe au stade de l'anguille jaune, dans toutes les eaux douces du territoire métropolitain, et pour une durée de cinq ans ou, à tout le moins, pour une durée de deux ans ;
2°) d'enjoindre à titre provisoire au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires d'adopter un tel arrêté.
Elle soutient que :
- elle justifie d'un intérêt à agir ;
- la condition d'urgence est satisfaite eu égard, en premier lieu, à l'état de conservation de l'anguille d'Europe, espèce classée en danger critique d'extinction au niveau mondial et en France par l'Union internationale pour la conservation de la nature, en deuxième lieu, aux risques pour la santé que présente la consommation d'anguilles, et au fait que le Conseil d'Etat ne se prononcera probablement pas sur le recours au fond avant les prochaines périodes de pic de capture des anguilles jaunes ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure en ce qu'elle a été prise sans participation du public, en méconnaissance des dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 13, paragraphe 6, du règlement (UE) 2023/194 du Conseil du 30 janvier 2023 qui interdit la pêche récréative de l'anguille d'Europe à tous les stades de son développement ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 436-11 et R. 436-44 du code de l'environnement, qui imposent au pouvoir réglementaire de prendre des mesures uniformes de pêche des espèces vivant alternativement dans les eaux douces et dans les eaux salées, dès lors qu'elle autorise la pêche récréative de l'anguille en amont de la limite de salure des eaux, tout en l'ayant interdite en aval de cette limite par un arrêté du 7 avril 2023 ;
- le refus d'interdire la pêche récréative de l'anguille jaune en eau douce méconnaît les dispositions de l'article L. 430-1 du code de l'environnement, qui imposent une gestion équilibrée des ressources piscicoles dès lors, d'une part, que selon le dernier rapport de mise en oeuvre du plan de gestion de l'anguille, adressé par la France à la Commission européenne en 2018, en application de l'article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007, la pêche récréative en eau douce conduit au prélèvement de sept cents tonnes d'anguilles jaunes chaque année, soit trois fois plus que la pêche professionnelle en eau douce et en mer, et que cette activité porte ainsi atteinte à la conservation de l'espèce, d'autre part, que ces données sont sous-estimées, en l'absence de tout suivi du nombre de pêcheurs et des captures, de toute limitation de celles-ci, et compte tenu des caractéristiques des engins de pêche autorisés ;
- la poursuite de la pêche de loisir de l'anguille jaune en eau douce est dangereuse pour la santé, dès lors que l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail recommande de n'en consommer que de façon exceptionnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1100/2007, qui imposent aux Etats membres de procéder à intervalles réguliers à une estimation du nombre de pêcheurs pratiquant la pêche récréative de l'anguille et de leurs captures, en ce que la pêche récréative au stade de l'anguille jaune est autorisée dans les eaux douces du territoire métropolitain sans que la France ait jamais procédé à ces estimations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et qu'aucun des moyens invoqués n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
Par une intervention et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 27 et 30 juin 2023 et les 2 et 5 juillet 2023, l'association Défense des milieux aquatiques demande que le juge des référés du Conseil d'Etat lui communique l'entier dossier d'instruction et, à titre principal, fasse droit aux conclusions de la requête et, à titre subsidiaire, ordonne toute autre mesure de nature à faire cesser, dans les meilleurs délais, la situation manifestement illicite née de la décision contestée. Elle soutient que son intervention est recevable et s'associe aux moyens de la requête.
Par une intervention, enregistrée le 1er juillet 2023, la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie, et qu'aucun des moyens invoqués n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'Association française d'étude et de protection des poissons et l'association Défense des milieux aquatiques et, d'autre part, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ainsi que la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 3 juillet 2023, à 10 heures 30 :
- Me Farge, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique ;
- le représentant de l'association Défense des milieux aquatiques ;
- les représentants du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ;
- les représentants de la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 5 juillet 2023 à 17 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment la Charte de l'environnement ;
- le règlement (CE) n° 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007 ;
- le règlement (UE) n° 2023/194 du Conseil du 30 janvier 2023 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
Sur les interventions :
2. L'association Défense des milieux aquatiques justifie d'un intérêt suffisant à demander l'annulation de la décision contestée. La Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique justifie d'un intérêt suffisant à son maintien. Leurs interventions sont, par suite, recevables.
Sur le cadre juridique du litige :
En ce qui concerne le cadre réglementaire général des mesures pour la protection et l'exploitation durable du stock d'anguilles européennes :
3. Le règlement (CE) n° 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007 instituant des mesures de reconstitution du stock d'anguilles européennes établit un cadre pour la protection et l'exploitation durable du stock d'anguilles européennes de l'espèce Anguilla anguilla, espèce migratrice qui se reproduit dans la mer des Sargasses et grandit dans les eaux douces européennes, désormais classée dans la catégorie des espèces en situation de danger critique d'extinction. Aux termes de l'article 2 de ce règlement : " (...) 3. Les États membres élaborent un plan de gestion de l'anguille pour chaque bassin hydrographique tel que défini au paragraphe 1. / 4. L'objectif de chaque plan de gestion est de réduire la mortalité anthropique afin d'assurer avec une grande probabilité un taux d'échappement vers la mer d'au moins 40 % de la biomasse d'anguilles argentées correspondant à la meilleure estimation possible du taux d'échappement qui aurait été observé si le stock n'avait subi aucune influence anthropique. Le plan de gestion des anguilles est établi dans le but de réaliser cet objectif à long terme. / (...) 9. Chaque plan de gestion de l'anguille contient le calendrier prévu pour atteindre l'objectif en matière de taux d'échappement fixé au paragraphe 4, selon une approche progressive et en fonction du taux de recrutement envisagé, et comprend les mesures qui seront appliquées à partir de la première année de mise en oeuvre du plan de gestion (...). " Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Sur la base d'une évaluation technique et scientifique effectuée par le comité scientifique, technique et économique de la pêche ou par un autre organisme scientifique approprié, le plan de gestion de l'anguille est approuvé par la Commission conformément à la procédure visée à l'article 30, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2371/2002. / 2. Les États membres mettent en oeuvre les plans de gestion de l'anguille approuvés par la Commission, conformément au paragraphe 1, à partir du 1er juillet 2009, ou le plus tôt possible avant cette date. / (...) ". Sur le fondement de ces dispositions, la Commission européenne a approuvé le 15 février 2010 le plan de gestion de l'anguille présenté par la France, qui définit neuf unités de gestion de l'anguille (UGA), qui correspondent à l'habitat naturel de l'anguille dans les bassins hydrographiques, dans les aires estuariennes et dans les aires maritimes de répartition de cette espèce.
4. L'article 9 du règlement (CE) n° 1100/2007 dispose que : " Dans un premier temps, chaque État membre rend compte à la Commission tous les trois ans, le premier rapport devant être présenté avant le 30 juin 2012. La fréquence des rapports est ramenée à un tous les six ans, après les trois premiers rapports trisannuels. Les rapports rendent compte du suivi assuré, de son efficacité et des résultats obtenus, et présentent notamment les meilleures estimations disponibles concernant: (...) b) le niveau de l'effort de pêche déployé chaque année pour la capture des anguilles, et la réduction obtenue conformément à l'article 4, paragraphe 2, et à l'article 5, paragraphe 4 (...) ". Aux termes de l'article 11 du même règlement : " (...) 2. Les États membres procèdent à intervalles réguliers à une estimation du nombre de pêcheurs pratiquant la pêche récréative et de leurs captures d'anguilles. "
En ce qui concerne la pêche en eau douce et la gestion des ressources piscicoles :
5. Aux termes de l'article L. 430-1 du code de l'environnement : " La préservation des milieux aquatiques et la protection du patrimoine piscicole sont d'intérêt général. / La protection du patrimoine piscicole implique une gestion équilibrée des ressources piscicoles dont la pêche, activité à caractère social et économique, constitue le principal élément. ". L'article R. 436-8 du même code dispose que : " Lorsque les caractéristiques locales du milieu aquatique justifient des mesures particulières de protection du patrimoine piscicole, le préfet peut, par arrêté motivé, interdire la pêche d'une ou de plusieurs espèces de poissons dans certaines parties de cours d'eau ou de plans d'eau, pendant une durée qu'il détermine. / Lorsque l'état de conservation d'une espèce le justifie, le ministre chargé de la pêche en eau douce peut, par arrêté, en interdire la pêche pendant une durée qu'il détermine. "
En ce qui concerne la pêche en eau douce des espèces vivant alternativement dans les eaux douces et dans les eaux salées :
6. L'article L. 436-11 du code de l'environnement dispose que : " En ce qui concerne les cours d'eau et canaux affluant à la mer, des décrets en Conseil d'Etat règlent, pour la pêche en eau douce et pour la pêche maritime, d'une manière uniforme, les conditions dans lesquelles sont fixées pour les espèces vivant alternativement dans les eaux douces et dans les eaux salées : / 1° Les époques pendant lesquelles la pêche de ces espèces de poissons est interdite ; / 2° Les dimensions au-dessous desquelles la pêche de ces espèces de poissons est interdite ; / 3° Les mesures utiles à la reproduction, au développement, à la conservation et à la circulation de ces espèces ; / 4° La liste de celles dont le colportage et la vente sont interdits ; / 5° La liste de celles dont l'introduction est interdite ; / 6° Le nombre et la dimension des filets, engins et instruments de pêche dont l'usage est permis. "
En ce qui concerne la pêche de loisir de l'anguille jaune :
7. En amont des limites transversales de la mer, l'article R. 462-65-2 du code de l'environnement interdit la pêche de l'anguille en dehors des UGA. Le régime applicable à cette pêche dans la partie des UGA située en amont des limites transversales de la mer est défini par les articles suivants de ce code en fonction des stades de développement de l'anguille : anguille de moins de 12 centimètres (civelle), anguille jaune, et anguille argentée. Aux termes de l'article R. 436-65-4 du même code : " I. - La pêche de l'anguille jaune est autorisée pendant une période fixée par unité de gestion, et le cas échéant par secteur, par arrêté conjoint du ministre chargé de la pêche en eau douce et du ministre chargé de la pêche maritime. / II. - La pêche de l'anguille jaune par les pêcheurs professionnels, ainsi que, lorsqu'ils utilisent des engins ou des filets, par les membres des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les pêcheurs de loisir en zone maritime, est subordonnée à l'obtention d'une autorisation délivrée selon les modalités fixées, selon le cas, par arrêté du ministre chargé de la pêche en eau douce ou par arrêté du ministre chargé de la pêche maritime. "
8. En aval des limites transversales de la mer, l'article R. 922-47 du code rural et de la pêche maritime interdit la pêche de l'anguille en dehors des UGA. Le régime applicable à cette pêche dans la partie des UGA située en aval des limites transversales de la mer est défini par les articles suivants de ce code en fonction des stades de développement de l'anguille : anguille de moins de 12 centimètres (civelle), anguille jaune, et anguille argentée. Aux termes de l'article R. 922-49 du même code : " I. - La pêche professionnelle et de loisir de l'anguille jaune est autorisée en Manche et en mer du Nord, sur la façade atlantique et sur la façade méditerranéenne pendant une période fixée pour chaque unité de gestion par arrêté du ministre chargé des pêches maritimes et de l'aquaculture marine et du ministre chargé de la pêche en eau douce. / II. - La pêche de l'anguille jaune par les pêcheurs professionnels, ainsi que par les pêcheurs de loisir en zone maritime lorsqu'ils utilisent des engins ou des filets, est subordonnée à l'obtention d'une autorisation délivrée selon les modalités fixées par arrêté du ministre chargé des pêches maritimes et de l'aquaculture marine. / III. - La pêche de loisir de l'anguille jaune est interdite de nuit, une demi-heure après le coucher et une demi-heure avant le lever du soleil. Elle peut être interdite par ce ministre, partiellement ou totalement, si la conservation de l'espèce le rend nécessaire ".
Sur le litige :
9. Par un arrêté du 5 février 2016 modifié, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a fixé les périodes pendant lesquelles la pêche de l'anguille européenne aux stades d'anguille jaune et d'anguille argentée est autorisée en eau douce, y compris pour la pêche récréative de l'anguille jaune. Par un arrêté du 7 avril 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion du territoire et le secrétaire d'Etat auprès de la Première ministre, chargé de la mer, ont fixé de nouvelles dates de pêche aux stades d'anguille jaune et d'anguille argentée en domaine maritime et interdit la pêche récréative de l'anguille en domaine maritime en aval de la limite de salure des eaux à tous ses stades de développement. Par une lettre du 14 avril 2023, l'Association française d'étude et de protection des poissons a demandé au ministre de la transition écologique et de la cohésion du territoire d'adopter, en application de l'article R. 436-8 du code de l'environnement, un arrêté interdisant la pêche récréative de l'anguille d'Europe au stade de l'anguille jaune, dans toutes les eaux douces du territoire métropolitain, et pour une durée de cinq ans ou, à tout le moins, pour une durée de deux ans. L'association requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a refusé de faire droit à cette demande, et de lui enjoindre de prendre cet arrêté.
Sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :
10. En premier lieu, l'Association française d'étude et de protection des poissons ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement relatives à la participation du public à l'encontre du refus de prendre une mesure réglementaire.
11. En deuxième lieu, la requérante ne peut utilement se prévaloir à l'encontre du refus contesté de la méconnaissance du règlement (UE) n° 2023/194 du Conseil du 30 janvier 2023 établissant, pour 2023, les possibilités de pêche pour certains stocks halieutiques, applicables dans les eaux de l'Union et, pour les navires de pêche de l'Union, dans certaines eaux n'appartenant pas à l'Union, et établissant, pour 2023 et 2024 de telles possibilités de pêche pour certains stocks de poissons d'eau profonde, qui ne s'applique pas à la pêche en eau douce.
12. En troisième lieu, les dispositions de l'articles L. 436-11 du code de l'environnement n'imposent pas que les catégories de pêcheurs auquel il est interdit de pratiquer la pêche de l'anguille soient définies de manière uniforme pour la pêche en eau douce et pour la pêche maritime.
13. En quatrième lieu, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'a pas contesté ne pas disposer de données postérieures à celles déclarées en 2018 à la Commission européenne sur le nombre de pêcheurs pratiquant la pêche récréative des anguilles en eau douce, ni sur le volume d'anguilles jaunes pêchées, alors évalué à 700 tonnes par an, et ne procéder à aucune estimation de ces données entre les échéances des rapports à la Commission européenne que la France doit présenter en application de l'article 9 du règlement (CE) n° 1100/2007. Il ne résulte pas de l'instruction que l'association requérante aurait demandé aux autorités compétentes de se conformer à leurs obligations sur ce point, ou de lui fournir des informations fiables de l'évolution du volume d'anguilles jaunes pêchés en eau douce par les pêcheurs de loisir. Dans ces conditions, l'absence de suivi de cette pêche, pour regrettable qu'elle soit au regard des exigences résultant des dispositions citées au point 4 des article 9 et 11 de ce règlement, l'ampleur des volumes pêchés selon la dernière estimation disponible, l'absence de limitation des volumes et de la taille des anguilles capturées et les effets sur la santé de leur consommation invoqués par le requérant ne suffisent pas, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité du refus opposé à la demande d'interdire la pêche récréative en eau douce au regard de l'exigence de gestion équilibrée des ressources piscicoles énoncée par l'article L. 430-1 du code de l'environnement.
14. Il résulte de ce qui précède qu'en l'état de l'instruction, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la requête de l'Association française d'étude et de protection des poissons doit être rejetée.
O R D O N N E :
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Article 1er : Les interventions de l'association Défense des milieux aquatiques et de la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique sont admises.
Article 2 : La requête de l'Association française d'étude et de protection des poissons est rejetée.
Article 3: La présente ordonnance sera notifiée à l'Association française d'étude et de protection des poissons, à l'association Défense des milieux aquatique, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ainsi qu'à la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique.
Fait à Paris, le 12 juillet 2023
Signé : Jean-Yves Ollier
N° 475177
ECLI:FR:CEORD:2023:475177.20230712
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
M. Jean-Yves Ollier, président
M. J-Y Ollier, rapporteur
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats
Lecture du mercredi 12 juillet 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 et 29 juin et le 4 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association française d'étude et de protection des poissons demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a refusé de faire droit à sa demande tendant à ce qu'il adopte, sur le fondement de l'article R. 436-8 du code de l'environnement, un arrêté interdisant la pêche récréative de l'anguille d'Europe au stade de l'anguille jaune, dans toutes les eaux douces du territoire métropolitain, et pour une durée de cinq ans ou, à tout le moins, pour une durée de deux ans ;
2°) d'enjoindre à titre provisoire au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires d'adopter un tel arrêté.
Elle soutient que :
- elle justifie d'un intérêt à agir ;
- la condition d'urgence est satisfaite eu égard, en premier lieu, à l'état de conservation de l'anguille d'Europe, espèce classée en danger critique d'extinction au niveau mondial et en France par l'Union internationale pour la conservation de la nature, en deuxième lieu, aux risques pour la santé que présente la consommation d'anguilles, et au fait que le Conseil d'Etat ne se prononcera probablement pas sur le recours au fond avant les prochaines périodes de pic de capture des anguilles jaunes ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure en ce qu'elle a été prise sans participation du public, en méconnaissance des dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 13, paragraphe 6, du règlement (UE) 2023/194 du Conseil du 30 janvier 2023 qui interdit la pêche récréative de l'anguille d'Europe à tous les stades de son développement ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 436-11 et R. 436-44 du code de l'environnement, qui imposent au pouvoir réglementaire de prendre des mesures uniformes de pêche des espèces vivant alternativement dans les eaux douces et dans les eaux salées, dès lors qu'elle autorise la pêche récréative de l'anguille en amont de la limite de salure des eaux, tout en l'ayant interdite en aval de cette limite par un arrêté du 7 avril 2023 ;
- le refus d'interdire la pêche récréative de l'anguille jaune en eau douce méconnaît les dispositions de l'article L. 430-1 du code de l'environnement, qui imposent une gestion équilibrée des ressources piscicoles dès lors, d'une part, que selon le dernier rapport de mise en oeuvre du plan de gestion de l'anguille, adressé par la France à la Commission européenne en 2018, en application de l'article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007, la pêche récréative en eau douce conduit au prélèvement de sept cents tonnes d'anguilles jaunes chaque année, soit trois fois plus que la pêche professionnelle en eau douce et en mer, et que cette activité porte ainsi atteinte à la conservation de l'espèce, d'autre part, que ces données sont sous-estimées, en l'absence de tout suivi du nombre de pêcheurs et des captures, de toute limitation de celles-ci, et compte tenu des caractéristiques des engins de pêche autorisés ;
- la poursuite de la pêche de loisir de l'anguille jaune en eau douce est dangereuse pour la santé, dès lors que l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail recommande de n'en consommer que de façon exceptionnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1100/2007, qui imposent aux Etats membres de procéder à intervalles réguliers à une estimation du nombre de pêcheurs pratiquant la pêche récréative de l'anguille et de leurs captures, en ce que la pêche récréative au stade de l'anguille jaune est autorisée dans les eaux douces du territoire métropolitain sans que la France ait jamais procédé à ces estimations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et qu'aucun des moyens invoqués n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
Par une intervention et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 27 et 30 juin 2023 et les 2 et 5 juillet 2023, l'association Défense des milieux aquatiques demande que le juge des référés du Conseil d'Etat lui communique l'entier dossier d'instruction et, à titre principal, fasse droit aux conclusions de la requête et, à titre subsidiaire, ordonne toute autre mesure de nature à faire cesser, dans les meilleurs délais, la situation manifestement illicite née de la décision contestée. Elle soutient que son intervention est recevable et s'associe aux moyens de la requête.
Par une intervention, enregistrée le 1er juillet 2023, la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie, et qu'aucun des moyens invoqués n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'Association française d'étude et de protection des poissons et l'association Défense des milieux aquatiques et, d'autre part, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ainsi que la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 3 juillet 2023, à 10 heures 30 :
- Me Farge, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique ;
- le représentant de l'association Défense des milieux aquatiques ;
- les représentants du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ;
- les représentants de la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 5 juillet 2023 à 17 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment la Charte de l'environnement ;
- le règlement (CE) n° 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007 ;
- le règlement (UE) n° 2023/194 du Conseil du 30 janvier 2023 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
Sur les interventions :
2. L'association Défense des milieux aquatiques justifie d'un intérêt suffisant à demander l'annulation de la décision contestée. La Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique justifie d'un intérêt suffisant à son maintien. Leurs interventions sont, par suite, recevables.
Sur le cadre juridique du litige :
En ce qui concerne le cadre réglementaire général des mesures pour la protection et l'exploitation durable du stock d'anguilles européennes :
3. Le règlement (CE) n° 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007 instituant des mesures de reconstitution du stock d'anguilles européennes établit un cadre pour la protection et l'exploitation durable du stock d'anguilles européennes de l'espèce Anguilla anguilla, espèce migratrice qui se reproduit dans la mer des Sargasses et grandit dans les eaux douces européennes, désormais classée dans la catégorie des espèces en situation de danger critique d'extinction. Aux termes de l'article 2 de ce règlement : " (...) 3. Les États membres élaborent un plan de gestion de l'anguille pour chaque bassin hydrographique tel que défini au paragraphe 1. / 4. L'objectif de chaque plan de gestion est de réduire la mortalité anthropique afin d'assurer avec une grande probabilité un taux d'échappement vers la mer d'au moins 40 % de la biomasse d'anguilles argentées correspondant à la meilleure estimation possible du taux d'échappement qui aurait été observé si le stock n'avait subi aucune influence anthropique. Le plan de gestion des anguilles est établi dans le but de réaliser cet objectif à long terme. / (...) 9. Chaque plan de gestion de l'anguille contient le calendrier prévu pour atteindre l'objectif en matière de taux d'échappement fixé au paragraphe 4, selon une approche progressive et en fonction du taux de recrutement envisagé, et comprend les mesures qui seront appliquées à partir de la première année de mise en oeuvre du plan de gestion (...). " Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Sur la base d'une évaluation technique et scientifique effectuée par le comité scientifique, technique et économique de la pêche ou par un autre organisme scientifique approprié, le plan de gestion de l'anguille est approuvé par la Commission conformément à la procédure visée à l'article 30, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2371/2002. / 2. Les États membres mettent en oeuvre les plans de gestion de l'anguille approuvés par la Commission, conformément au paragraphe 1, à partir du 1er juillet 2009, ou le plus tôt possible avant cette date. / (...) ". Sur le fondement de ces dispositions, la Commission européenne a approuvé le 15 février 2010 le plan de gestion de l'anguille présenté par la France, qui définit neuf unités de gestion de l'anguille (UGA), qui correspondent à l'habitat naturel de l'anguille dans les bassins hydrographiques, dans les aires estuariennes et dans les aires maritimes de répartition de cette espèce.
4. L'article 9 du règlement (CE) n° 1100/2007 dispose que : " Dans un premier temps, chaque État membre rend compte à la Commission tous les trois ans, le premier rapport devant être présenté avant le 30 juin 2012. La fréquence des rapports est ramenée à un tous les six ans, après les trois premiers rapports trisannuels. Les rapports rendent compte du suivi assuré, de son efficacité et des résultats obtenus, et présentent notamment les meilleures estimations disponibles concernant: (...) b) le niveau de l'effort de pêche déployé chaque année pour la capture des anguilles, et la réduction obtenue conformément à l'article 4, paragraphe 2, et à l'article 5, paragraphe 4 (...) ". Aux termes de l'article 11 du même règlement : " (...) 2. Les États membres procèdent à intervalles réguliers à une estimation du nombre de pêcheurs pratiquant la pêche récréative et de leurs captures d'anguilles. "
En ce qui concerne la pêche en eau douce et la gestion des ressources piscicoles :
5. Aux termes de l'article L. 430-1 du code de l'environnement : " La préservation des milieux aquatiques et la protection du patrimoine piscicole sont d'intérêt général. / La protection du patrimoine piscicole implique une gestion équilibrée des ressources piscicoles dont la pêche, activité à caractère social et économique, constitue le principal élément. ". L'article R. 436-8 du même code dispose que : " Lorsque les caractéristiques locales du milieu aquatique justifient des mesures particulières de protection du patrimoine piscicole, le préfet peut, par arrêté motivé, interdire la pêche d'une ou de plusieurs espèces de poissons dans certaines parties de cours d'eau ou de plans d'eau, pendant une durée qu'il détermine. / Lorsque l'état de conservation d'une espèce le justifie, le ministre chargé de la pêche en eau douce peut, par arrêté, en interdire la pêche pendant une durée qu'il détermine. "
En ce qui concerne la pêche en eau douce des espèces vivant alternativement dans les eaux douces et dans les eaux salées :
6. L'article L. 436-11 du code de l'environnement dispose que : " En ce qui concerne les cours d'eau et canaux affluant à la mer, des décrets en Conseil d'Etat règlent, pour la pêche en eau douce et pour la pêche maritime, d'une manière uniforme, les conditions dans lesquelles sont fixées pour les espèces vivant alternativement dans les eaux douces et dans les eaux salées : / 1° Les époques pendant lesquelles la pêche de ces espèces de poissons est interdite ; / 2° Les dimensions au-dessous desquelles la pêche de ces espèces de poissons est interdite ; / 3° Les mesures utiles à la reproduction, au développement, à la conservation et à la circulation de ces espèces ; / 4° La liste de celles dont le colportage et la vente sont interdits ; / 5° La liste de celles dont l'introduction est interdite ; / 6° Le nombre et la dimension des filets, engins et instruments de pêche dont l'usage est permis. "
En ce qui concerne la pêche de loisir de l'anguille jaune :
7. En amont des limites transversales de la mer, l'article R. 462-65-2 du code de l'environnement interdit la pêche de l'anguille en dehors des UGA. Le régime applicable à cette pêche dans la partie des UGA située en amont des limites transversales de la mer est défini par les articles suivants de ce code en fonction des stades de développement de l'anguille : anguille de moins de 12 centimètres (civelle), anguille jaune, et anguille argentée. Aux termes de l'article R. 436-65-4 du même code : " I. - La pêche de l'anguille jaune est autorisée pendant une période fixée par unité de gestion, et le cas échéant par secteur, par arrêté conjoint du ministre chargé de la pêche en eau douce et du ministre chargé de la pêche maritime. / II. - La pêche de l'anguille jaune par les pêcheurs professionnels, ainsi que, lorsqu'ils utilisent des engins ou des filets, par les membres des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les pêcheurs de loisir en zone maritime, est subordonnée à l'obtention d'une autorisation délivrée selon les modalités fixées, selon le cas, par arrêté du ministre chargé de la pêche en eau douce ou par arrêté du ministre chargé de la pêche maritime. "
8. En aval des limites transversales de la mer, l'article R. 922-47 du code rural et de la pêche maritime interdit la pêche de l'anguille en dehors des UGA. Le régime applicable à cette pêche dans la partie des UGA située en aval des limites transversales de la mer est défini par les articles suivants de ce code en fonction des stades de développement de l'anguille : anguille de moins de 12 centimètres (civelle), anguille jaune, et anguille argentée. Aux termes de l'article R. 922-49 du même code : " I. - La pêche professionnelle et de loisir de l'anguille jaune est autorisée en Manche et en mer du Nord, sur la façade atlantique et sur la façade méditerranéenne pendant une période fixée pour chaque unité de gestion par arrêté du ministre chargé des pêches maritimes et de l'aquaculture marine et du ministre chargé de la pêche en eau douce. / II. - La pêche de l'anguille jaune par les pêcheurs professionnels, ainsi que par les pêcheurs de loisir en zone maritime lorsqu'ils utilisent des engins ou des filets, est subordonnée à l'obtention d'une autorisation délivrée selon les modalités fixées par arrêté du ministre chargé des pêches maritimes et de l'aquaculture marine. / III. - La pêche de loisir de l'anguille jaune est interdite de nuit, une demi-heure après le coucher et une demi-heure avant le lever du soleil. Elle peut être interdite par ce ministre, partiellement ou totalement, si la conservation de l'espèce le rend nécessaire ".
Sur le litige :
9. Par un arrêté du 5 février 2016 modifié, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a fixé les périodes pendant lesquelles la pêche de l'anguille européenne aux stades d'anguille jaune et d'anguille argentée est autorisée en eau douce, y compris pour la pêche récréative de l'anguille jaune. Par un arrêté du 7 avril 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion du territoire et le secrétaire d'Etat auprès de la Première ministre, chargé de la mer, ont fixé de nouvelles dates de pêche aux stades d'anguille jaune et d'anguille argentée en domaine maritime et interdit la pêche récréative de l'anguille en domaine maritime en aval de la limite de salure des eaux à tous ses stades de développement. Par une lettre du 14 avril 2023, l'Association française d'étude et de protection des poissons a demandé au ministre de la transition écologique et de la cohésion du territoire d'adopter, en application de l'article R. 436-8 du code de l'environnement, un arrêté interdisant la pêche récréative de l'anguille d'Europe au stade de l'anguille jaune, dans toutes les eaux douces du territoire métropolitain, et pour une durée de cinq ans ou, à tout le moins, pour une durée de deux ans. L'association requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a refusé de faire droit à cette demande, et de lui enjoindre de prendre cet arrêté.
Sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :
10. En premier lieu, l'Association française d'étude et de protection des poissons ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement relatives à la participation du public à l'encontre du refus de prendre une mesure réglementaire.
11. En deuxième lieu, la requérante ne peut utilement se prévaloir à l'encontre du refus contesté de la méconnaissance du règlement (UE) n° 2023/194 du Conseil du 30 janvier 2023 établissant, pour 2023, les possibilités de pêche pour certains stocks halieutiques, applicables dans les eaux de l'Union et, pour les navires de pêche de l'Union, dans certaines eaux n'appartenant pas à l'Union, et établissant, pour 2023 et 2024 de telles possibilités de pêche pour certains stocks de poissons d'eau profonde, qui ne s'applique pas à la pêche en eau douce.
12. En troisième lieu, les dispositions de l'articles L. 436-11 du code de l'environnement n'imposent pas que les catégories de pêcheurs auquel il est interdit de pratiquer la pêche de l'anguille soient définies de manière uniforme pour la pêche en eau douce et pour la pêche maritime.
13. En quatrième lieu, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'a pas contesté ne pas disposer de données postérieures à celles déclarées en 2018 à la Commission européenne sur le nombre de pêcheurs pratiquant la pêche récréative des anguilles en eau douce, ni sur le volume d'anguilles jaunes pêchées, alors évalué à 700 tonnes par an, et ne procéder à aucune estimation de ces données entre les échéances des rapports à la Commission européenne que la France doit présenter en application de l'article 9 du règlement (CE) n° 1100/2007. Il ne résulte pas de l'instruction que l'association requérante aurait demandé aux autorités compétentes de se conformer à leurs obligations sur ce point, ou de lui fournir des informations fiables de l'évolution du volume d'anguilles jaunes pêchés en eau douce par les pêcheurs de loisir. Dans ces conditions, l'absence de suivi de cette pêche, pour regrettable qu'elle soit au regard des exigences résultant des dispositions citées au point 4 des article 9 et 11 de ce règlement, l'ampleur des volumes pêchés selon la dernière estimation disponible, l'absence de limitation des volumes et de la taille des anguilles capturées et les effets sur la santé de leur consommation invoqués par le requérant ne suffisent pas, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité du refus opposé à la demande d'interdire la pêche récréative en eau douce au regard de l'exigence de gestion équilibrée des ressources piscicoles énoncée par l'article L. 430-1 du code de l'environnement.
14. Il résulte de ce qui précède qu'en l'état de l'instruction, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la requête de l'Association française d'étude et de protection des poissons doit être rejetée.
O R D O N N E :
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Article 1er : Les interventions de l'association Défense des milieux aquatiques et de la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique sont admises.
Article 2 : La requête de l'Association française d'étude et de protection des poissons est rejetée.
Article 3: La présente ordonnance sera notifiée à l'Association française d'étude et de protection des poissons, à l'association Défense des milieux aquatique, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ainsi qu'à la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique.
Fait à Paris, le 12 juillet 2023
Signé : Jean-Yves Ollier