Conseil d'État
N° 456719
ECLI:FR:CECHR:2023:456719.20230620
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Christophe Chantepy, président
M. Olivier Pau, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH, avocats
Lecture du mardi 20 juin 2023
Vu la procédure suivante :
La société QBE Insurance Europe Limited (QIEL) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 ainsi que la restitution de la somme de 2 713 783 euros, assortie des intérêts de retard. Par un jugement n° 1703913 du 10 juillet 2019 le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande à concurrence de la somme de 2 587 655 euros.
Par un arrêt n° 19PA03109 du 20 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance contre ce jugement.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique enregistrés le
15 septembre 2021 et le 22 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société QBE Europe SA/NV ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société QBE Insurance Europe Limited (QIEL), société d'assurance de droit britannique, a demandé, au titre de l'exercice clos en 2011, le bénéfice du régime fiscal des sociétés mères prévu par les articles 145 et 216 du code général des impôts à raison des dividendes reçus des sociétés QBE Insurance Australia Limited (QIAL) et Iron Trades Management Services Limited (ITMS), et comptabilisés dans les résultats imposables de sa succursale française. Par un jugement du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande et prononcé la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle la société QIEL a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 à concurrence de la somme de 2 587 655 euros ainsi que la restitution de cette somme à la société. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande l'annulation de l'arrêt du 20 juillet 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : / a. Les titres de participations doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l'administration ; / b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice ; / (...) c. Les titres de participation doivent avoir été conservés pendant un délai de deux ans (...) ". Aux termes de l'article 209 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57,237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ". Aux termes de l'article 216 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 53 A du code général des impôts : " (...) les contribuables (...) sont tenus de souscrire chaque année (...) une déclaration permettant de déterminer et de contrôler le résultat imposable de l'année ou de l'exercice précédent. (...) ". Aux termes de l'article 38 de l'annexe III à ce code : " I. - La déclaration dont la production est prévue aux articles 53 A (...) du code général des impôts et ses annexes bis et ter doivent mentionner : / a. La récapitulation des éléments concourant à la détermination du résultat, ainsi que le montant des recettes nettes soumises à la contribution mentionnée à l'article 234 nonies du code général des impôts ; / (...) d. Les renseignements nécessaires à l'établissement et au contrôle de l'impôt. / (...) II. - Les contribuables visés à l'article 53 A du code général des impôts sont tenus de joindre à la déclaration et aux annexes visées au I, le bilan, le compte de résultat, le tableau des immobilisations, le tableau des amortissements, le tableau des provisions et l'état des échéances des créances et des dettes / (...) ".
4. Il résulte des dispositions de l'article 145 du code général des impôts cité au point 2 que lorsqu'une société non-résidente alloue à une succursale établie en France des produits de participations, le respect des conditions relatives aux titres correspondants prévues aux a à c du 1 de cet article est apprécié au niveau de la société et non pas uniquement au niveau de la succursale. La seule circonstance que les titres ne soient pas inscrits à l'actif fiscal de la succursale française ne saurait faire obstacle à l'application du régime des sociétés mères.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la société d'assurance de droit britannique QIEL allouait les dividendes tirés de ses diverses participations à ses succursales en fonction de leur nature et de l'importance de leur activité respective, selon une clé de répartition déterminée sur la base de leur quote-part dans le montant total des provisions techniques. Elle a ainsi attribué à sa succursale française, au titre de l'exercice clos en 2011, les dividendes tirés de sa participation dans les sociétés QIAL et ITMS qu'elle a comptabilisés dans le résultat taxable déclaré à l'administration fiscale française.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'en jugeant, après avoir relevé que les titres de participation en cause respectaient les conditions posées au 1 de l'article 145 du code général des impôts au niveau de la société QIEL, que les dividendes alloués à la succursale française pouvaient bénéficier du régime des sociétés mères quand bien même les titres de participation correspondants n'avaient pas été inscrits au bilan fiscal de cette succursale ni mentionnés dans la rubrique prévue à cet effet de la déclaration de résultats déposée par la société QIEL auprès de l'administration fiscale française, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ou inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
7. Par suite, le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société QBE Europe SA/NV, venant aux droits de la société QIEL, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société QBE Europe SA/NV la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société QBE Europe SA/NV.
Délibéré à l'issue de la séance du 24 mai 2023 où siégeaient :
M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Vincent Daumas, M. Nicolas Polge, M. Alexandre Lallet, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Olivier Pau, auditeur-rapporteur.
Rendu le 20 juin 2023.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Pau
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :
N° 456719
ECLI:FR:CECHR:2023:456719.20230620
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Christophe Chantepy, président
M. Olivier Pau, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH, avocats
Lecture du mardi 20 juin 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société QBE Insurance Europe Limited (QIEL) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 ainsi que la restitution de la somme de 2 713 783 euros, assortie des intérêts de retard. Par un jugement n° 1703913 du 10 juillet 2019 le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande à concurrence de la somme de 2 587 655 euros.
Par un arrêt n° 19PA03109 du 20 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance contre ce jugement.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique enregistrés le
15 septembre 2021 et le 22 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société QBE Europe SA/NV ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société QBE Insurance Europe Limited (QIEL), société d'assurance de droit britannique, a demandé, au titre de l'exercice clos en 2011, le bénéfice du régime fiscal des sociétés mères prévu par les articles 145 et 216 du code général des impôts à raison des dividendes reçus des sociétés QBE Insurance Australia Limited (QIAL) et Iron Trades Management Services Limited (ITMS), et comptabilisés dans les résultats imposables de sa succursale française. Par un jugement du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande et prononcé la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle la société QIEL a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 à concurrence de la somme de 2 587 655 euros ainsi que la restitution de cette somme à la société. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande l'annulation de l'arrêt du 20 juillet 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : / a. Les titres de participations doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l'administration ; / b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice ; / (...) c. Les titres de participation doivent avoir été conservés pendant un délai de deux ans (...) ". Aux termes de l'article 209 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57,237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ". Aux termes de l'article 216 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 53 A du code général des impôts : " (...) les contribuables (...) sont tenus de souscrire chaque année (...) une déclaration permettant de déterminer et de contrôler le résultat imposable de l'année ou de l'exercice précédent. (...) ". Aux termes de l'article 38 de l'annexe III à ce code : " I. - La déclaration dont la production est prévue aux articles 53 A (...) du code général des impôts et ses annexes bis et ter doivent mentionner : / a. La récapitulation des éléments concourant à la détermination du résultat, ainsi que le montant des recettes nettes soumises à la contribution mentionnée à l'article 234 nonies du code général des impôts ; / (...) d. Les renseignements nécessaires à l'établissement et au contrôle de l'impôt. / (...) II. - Les contribuables visés à l'article 53 A du code général des impôts sont tenus de joindre à la déclaration et aux annexes visées au I, le bilan, le compte de résultat, le tableau des immobilisations, le tableau des amortissements, le tableau des provisions et l'état des échéances des créances et des dettes / (...) ".
4. Il résulte des dispositions de l'article 145 du code général des impôts cité au point 2 que lorsqu'une société non-résidente alloue à une succursale établie en France des produits de participations, le respect des conditions relatives aux titres correspondants prévues aux a à c du 1 de cet article est apprécié au niveau de la société et non pas uniquement au niveau de la succursale. La seule circonstance que les titres ne soient pas inscrits à l'actif fiscal de la succursale française ne saurait faire obstacle à l'application du régime des sociétés mères.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la société d'assurance de droit britannique QIEL allouait les dividendes tirés de ses diverses participations à ses succursales en fonction de leur nature et de l'importance de leur activité respective, selon une clé de répartition déterminée sur la base de leur quote-part dans le montant total des provisions techniques. Elle a ainsi attribué à sa succursale française, au titre de l'exercice clos en 2011, les dividendes tirés de sa participation dans les sociétés QIAL et ITMS qu'elle a comptabilisés dans le résultat taxable déclaré à l'administration fiscale française.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'en jugeant, après avoir relevé que les titres de participation en cause respectaient les conditions posées au 1 de l'article 145 du code général des impôts au niveau de la société QIEL, que les dividendes alloués à la succursale française pouvaient bénéficier du régime des sociétés mères quand bien même les titres de participation correspondants n'avaient pas été inscrits au bilan fiscal de cette succursale ni mentionnés dans la rubrique prévue à cet effet de la déclaration de résultats déposée par la société QIEL auprès de l'administration fiscale française, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ou inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
7. Par suite, le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société QBE Europe SA/NV, venant aux droits de la société QIEL, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société QBE Europe SA/NV la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société QBE Europe SA/NV.
Délibéré à l'issue de la séance du 24 mai 2023 où siégeaient :
M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Vincent Daumas, M. Nicolas Polge, M. Alexandre Lallet, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Olivier Pau, auditeur-rapporteur.
Rendu le 20 juin 2023.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Pau
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :