Conseil d'État
N° 467719
ECLI:FR:CECHR:2023:467719.20230619
Inédit au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Christine Maugüé , président
Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur
M. Clément Malverti, rapporteur public
SIYAPDJE, avocats
Lecture du lundi 19 juin 2023
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, trois nouveaux mémoires, et un mémoire non communiqué, enregistrés les 21 septembre et 25 novembre 2022 et les 16 janvier, 14 février, 27 avril et 23 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association du lotissement du domaine d'Avoriaz (ALDA) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2022-1486-RDPI de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) du 19 juillet 2022 de la mettre en demeure de respecter, au plus tard le 19 juillet 2023, l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès au réseau FttH déployé sur le lotissement du domaine d'Avoriaz et de publier une offre d'accès conformément à l'article L. 34-8-3 du code des postes et communications électroniques et aux articles 6, 8 et 10 de la décision n° 2010-1312 du 14 décembre 2010 précisant les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, et d'en justifier auprès de la formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction de l'Autorité au plus tard le 19 septembre 2023 ;
2°) de mettre à la charge de l'ARCEP la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des postes et communications électroniques ;
- le code de justice administrative ;
Une séance orale d'instruction a été tenue par la 2ème chambre le 8 mars 2023.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poupet et Kacenelenbogen, avocat de l'association du lotissement du domaine d'Avoriaz, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du syndicat des énergies et de l'aménagement numérique de la Haute-Savoie ;
Considérant ce qui suit :
Sur l'intervention des sociétés Net and You et Real Project Partner :
1. Les sociétés Net and You et Real Project Partner justifient d'un intérêt suffisant au maintien de la décision attaquée. Par suite, leur intervention en défense est recevable.
Sur le cadre juridique du litige :
En ce qui concerne les objectifs de la régulation des communications électroniques :
2. Il résulte de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques qu'il appartient à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) de prendre, dans son domaine de compétence et dans des conditions objectives et transparentes, des mesures qui doivent être " raisonnables et proportionnées " en vue d'atteindre une série d'objectifs dont, aux 3° et 4° du II de cet article, " le développement de l'investissement, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques " et " l'aménagement et l'intérêt des territoires et la diversité de la concurrence dans les territoires ", et, aux 1° et 2° du III, " l'exercice, au bénéfice des utilisateurs, d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques " et " la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ". Sans préjudice de ces objectifs, l'ARCEP doit veiller, notamment, selon les 2°, 2°bis, 3° et 4° du IV du même article, " à la promotion des investissements et de l'innovation dans les infrastructures améliorées et de nouvelle génération, en tenant compte, lorsqu'elle fixe des obligations en matière d'accès, du risque assumé par les entreprises qui investissent, et à autoriser des modalités de coopération entre les investisseurs et les personnes recherchant un accès, afin de diversifier le risque d'investissement dans le respect de la concurrence sur le marché et du principe de non-discrimination ", " à la promotion de la connectivité et de l'accès à des réseaux à très haute capacité, y compris des réseaux fixes, mobiles et sans fil, et la pénétration de tels réseaux ", " à l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs " et " à la promotion, lorsque cela est approprié, d'une concurrence fondée sur les infrastructures ".
En ce qui concerne l'accès aux segments terminaux des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique :
3. Il résulte du I de l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques que l'établissement et l'exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques sont libres sous réserve du respect de règles portant, notamment, sur l'interconnexion et l'accès. Le I de l'article L. 34-8 du même code prévoit quant à lui que " l'accès ", défini au 8° de l'article L. 32 de ce code comme " toute mise à disposition de moyens, matériels ou logiciels, ou de services, en vue de permettre au bénéficiaire de fournir des services de communications électroniques ", fait l'objet d'une convention de droit privé entre les parties concernées, qui en détermine les conditions techniques et financières. L'ARCEP peut, pour réaliser les objectifs qui lui sont assignés par l'article L. 32-1 du même code, imposer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès à des conditions équitables, de sa propre initiative ou à la demande d'une des parties.
4. Aux termes du I de l'article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques, qui concerne l'accès aux réseaux de communications électroniques en fibre optique jusqu'à l'abonné : " Toute personne établissant ou ayant établi dans un immeuble bâti ou exploitant une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final fait droit aux demandes raisonnables d'accès à ladite ligne et aux moyens qui y sont associés émanant d'opérateurs, en vue de fournir des services de communications électroniques à cet utilisateur final. / L'accès est fourni dans des conditions transparentes et non discriminatoires en un point déterminé par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, situé, sauf dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, hors des limites de propriété privée et permettant le raccordement effectif d'opérateurs tiers, à des conditions économiques, techniques et d'accessibilité raisonnables. Dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, l'accès peut consister en la mise à disposition d'installations et d'éléments de réseau spécifiques demandés par un opérateur antérieurement à l'équipement de l'immeuble en lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, moyennant la prise en charge d'une part équitable des coûts par cet opérateur. Tout refus d'accès est motivé ".
5. L'article L. 36-6 du code des postes et des communications électroniques donne compétence à l'ARCEP pour préciser les règles concernant " 2° Les prescriptions applicables aux conditions techniques et financières : / a) D'interconnexion et d'accès, en application de l'article L. 34-8 ; / (...) / c) De l'accès, en application de l'article L. 34-8-3 ".
6. En application de ces dispositions et des décisions prises par l'ARCEP pour leur application, l'accès aux segments terminaux des réseaux à très haut débit en fibre optique est assuré dans un cadre de régulation dit " symétrique ", qui impose à tous les opérateurs ayant établi ou exploitant une ligne en fibre optique permettant de desservir l'utilisateur final, que l'ARCEP désigne comme " opérateurs d'immeuble ", de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à leur réseau à partir d'un point de mutualisation, dont la position varie selon le type de zone. En application des décisions n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 et n° 2010-1312 du 14 décembre 2010, dans les " zones très denses ", définies comme " les communes à forte concentration de population, pour lesquelles, sur une partie significative de leur territoire, il est économiquement viable pour plusieurs opérateurs de déployer leurs propres infrastructures, en l'occurrence leurs réseaux de fibre optique, au plus près des logements ", le point de mutualisation est en principe situé en pied d'immeuble lorsque celui-ci comporte plus de 12 logements ou locaux professionnels, et dans la rue pour desservir environ 100 locaux dans les autres cas. Dans les " zones moins denses ", le point de mutualisation dessert au moins 300 locaux, professionnels ou d'habitation, ou 1000 locaux, selon que l'opérateur d'immeuble propose ou non une offre de raccordement distant en amont du point de mutualisation. L'article 6 de la décision n° 2010-1312 du 14 décembre 2010 prévoit que l'opérateur d'immeuble offre aux autres opérateurs l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, définies comme des liaisons passives d'un réseau de boucle locale à très haut débit constituée d'un ou de plusieurs chemins continus en fibres optiques et permettant de desservir un utilisateur final, dans les formes précisées à l'article 8, au niveau du point de mutualisation, notamment un accès passif, en location, dans des conditions raisonnables, objectives, transparentes et non discriminatoires. Selon l'article 10 de la même décision, l'opérateur d'immeuble est tenu, antérieurement à l'installation du point de mutualisation, de publier des offres de cofinancement et de location permettant un accès passif à la ligne et aux ressources associées, ainsi que les conditions d'hébergement d'équipements passifs et actifs au niveau du point de mutualisation, les conditions d'accès au lien de raccordement distant ainsi que les conditions de construction des raccordements finaux pour l'ensemble des logements et locaux à usage professionnel de la zone arrière du point de mutualisation, et précisant les conditions de chacune de ces prestations.
En ce qui concerne le pouvoir de sanction de l'ARCEP :
7. Il résulte du I de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques que l'ARCEP peut, d'office ou à la demande d'une personne morale concernée, sanctionner les manquements, commis par des exploitants de réseau et des fournisseurs de services de communications électroniques, aux dispositions législatives et réglementaires au respect desquelles elle a pour mission de veiller et aux textes et décisions pris en application de celles-ci. La personne mise en cause doit préalablement être mise en demeure de se conformer à ses obligations dans un délai fixé par l'ARCEP. En vertu des II et III du même article, lorsque la personne ne se conforme pas à cette mise en demeure dans le délai prescrit, l'ARCEP peut engager, à son encontre, des poursuites susceptibles de donner lieu, à l'issue d'une procédure contradictoire, à une sanction prononcée par la formation restreinte de l'Autorité, incluant des sanctions pécuniaires, la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, du droit d'établir un réseau de communications électroniques ou de fournir un service de communications électroniques, ou le retrait de ce droit, dans la limite de trois ans.
Sur le litige :
8. L'association du lotissement du domaine d'Avoriaz (ALDA), association syndicale libre de propriétaires de ce lotissement, situé sur le territoire de la commune de Morzine, a pour objet statutaire d'assurer l'acquisition, la gestion et l'entretien des terrains et des réseaux divers, équipements communs et ouvrages d'intérêt collectif non classés dans le domaine communal. Il ressort des pièces du dossier que l'ALDA a déployé à la fin des années 1960, pour l'acheminement des signaux des services de radio et de télévision, un réseau de câbles coaxiaux qui a été utilisé par la suite pour permettre à ses membres d'accéder à internet. A partir de 2015, elle a entrepris de remplacer ce réseau par un réseau de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ayant vocation à desservir les 4 967 locaux d'habitation et professionnels du lotissement, au bénéfice de ses membres. Ce réseau est composé de trois segments interconnectés formant, ensemble, une boucle locale optique : une partie horizontale, dont l'ALDA est maître d'ouvrage, reliant la tête du réseau, qui héberge les équipements actifs, au point de raccordement technique (PRT) de chacun des immeubles du lotissement ; dans les immeubles collectifs, une partie verticale, également dénommée " colonne montante ", sous maîtrise d'ouvrage du syndicat des copropriétaires de l'immeuble, qui permet de relier le PRT à un point de branchement optique situé à chaque étage, par un câble comportant un brin de fibre par local à desservir ; enfin la partie desservant les prises terminales optiques à l'intérieur de chacun des locaux. L'ALDA fournit à ses membres, sur ce réseau, un service de communications électroniques, dont le coût de fonctionnement est couvert par une cotisation annuelle par mètre carré acquittée par les membres de l'association au titre des charges générales, qu'ils l'utilisent ou non.
9. Il ressort des pièces du dossier que la société Net and You, qui est intervenue comme prestataire pour la réalisation de travaux de fibrage d'immeubles en copropriété, et la société Real Project Partner, après s'être vu proposer par l'ALDA une convention de mise à disposition de brins de fibre jusqu'au pied de certains immeubles collectifs du lotissement du domaine d'Avoriaz, ont demandé en vain à celle-ci de leur transmettre une convention d'accès à ce réseau au titre des dispositions de l'article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques. Les deux sociétés ont saisi l'ARCEP, sur le fondement de l'article L. 36-11 du même code. La formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction (RDPI) de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), estimant que le réseau déployé par l'ALDA relevait du champ d'application des dispositions de l'article L. 34-8-3 et des décisions prises pour son application, et qu'elle avait méconnu l'obligation de faire droit aux demandes d'accès raisonnables et de publier une offre d'accès a, par une décision n° 2022-1486-RDPI du 19 juillet 2022, mis cette association en demeure de respecter cette obligation, conformément à ces dispositions et aux articles 6, 8 et 10 de sa décision n° 2010-1312 au plus tard le 19 juillet 2023. L'article 2 de la décision attaquée fait obligation à l'ALDA de justifier, au plus tard le 19 septembre 2023, du respect de cette échéance. L'ALDA demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir cette décision.
10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'ALDA a été à l'initiative du déploiement du réseau de télécommunication à haut débit par fibre optique décrit au point 8, qui dessert chacun des locaux de ses membres, et qu'elle a supervisé ce déploiement. Si la réalisation de la partie verticale du réseau, située dans les copropriétés membres de l'association, relève de leur compétence, il ressort des pièces du dossier que l'ALDA assure la réception des travaux de fibrage réalisés par le maître d'oeuvre choisi par la copropriété et la connexion à la partie horizontale du réseau, au niveau des points de raccordement technique situés en pied d'immeuble, qui sont sa propriété. En outre, ce réseau est constitué de plusieurs chemins continus en fibre optique permettant de desservir des utilisateurs finals afin de leur fournir des services de communications électroniques. En retenant ces caractéristiques pour estimer que ce réseau entrait dans le champ d'application de l'article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques et en considérant l'ALDA comme opérateur d'infrastructure de ce réseau, l'ARCEP ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts et n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions, la circonstance que l'ALDA ne soit pas une entreprise commerciale étant sans incidence sur ces qualifications.
11. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la commune de Morzine est située en zone moins dense au sens des décisions mentionnées au point 6. Le réseau de communications électroniques par fibres optiques déployé par l'ALDA, tel que décrit au point 8, n'a pas été conçu selon l'architecture propre aux boucles locales optiques en zones moins denses, telle que précisée par la décision n° 2010-1312, s'agissant notamment, de la localisation des points de mutualisation potentiels et du nombre de locaux qu'ils desservent. Si l'ALDA soutient que la mise en conformité de son réseau avec cette architecture représenterait un coût avoisinant son budget annuel total, il ressort des pièces du dossier, notamment des écritures de l'ARCEP, que l'exécution de la mise en demeure litigieuse implique seulement que l'ALDA fournisse aux opérateurs tiers qui le demandent un accès aux lignes déployées jusqu'à l'utilisateur final à partir de points de mutualisation, et de publier une offre précisant les modalités de cet accès sans imposer à l'ALDA aucune architecture de réseau déterminée. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse, en ce qu'elle obligerait l'ALDA à respecter les prescriptions de la décision n° 2010-1312 du 14 décembre 2010 relatives à l'architecture des boucles locales mutualisées sans tenir compte des particularités de son réseau et des conditions de son intervention, et mettrait, dès lors, à sa charge des obligations qui ne sont ni raisonnables, ni proportionnées au regard des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques et des exigences des dispositions de l'article L. 34-8-3 de ce code, doit être écarté. Il en va de même du moyen tiré de ce que l'ARCEP, en la mettant en demeure de se conformer aux obligations mentionnées au point 9, sans tenir compte des circonstances particulières de l'espèce, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'ALDA doit être rejetée.
Sur les conséquences du rejet des conclusions aux fins d'annulation :
13. Le rejet d'une requête tendant à l'annulation d'un acte dont l'exécution a été suspendue par le juge administratif statuant en référé a en principe pour effet que cet acte trouve ou retrouve application dès le prononcé de cette décision juridictionnelle. Toutefois, s'il apparaît que cet effet est de nature à faire naître des difficultés de tous ordres, il appartient au juge administratif, le cas échéant d'office, de préciser les conditions dans lesquelles sa décision prendra effet.
14. En l'espèce, alors que l'exécution de la décision attaquée avait été suspendue par une ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 24 octobre 2022, les délais de 12 et 14 mois impartis à l'ALDA par la décision du 19 juillet 2022 pour, d'une part, faire droit aux demandes raisonnables d'accès à son réseau FttH et publier une offre d'accès conformément à l'article L. 34-8-1 du code des postes et des communications électroniques et, d'autre part, en justifier auprès de l'ARCEP, courront à nouveau à compter de la notification de la présente décision.
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'ALDA demande en application de cet article.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention des sociétés Net and You et Real Project Partner est admise.
Article 2 : La requête de l'ALDA est rejetée. Ce rejet emporte les conséquences énoncées au point 14 de la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association du lotissement du domaine d'Avoriaz, à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et aux sociétés Net and You et Real Project Partner. Copie en sera adressée au syndicat des énergies et de l'aménagement numérique de la Haute-Savoie.
Délibéré à l'issue de la séance du 24 mai 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Olivier Rousselle, M. Benoît Bohnert, Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 19 juin 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Amélie Fort-Besnard
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard
N° 467719
ECLI:FR:CECHR:2023:467719.20230619
Inédit au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Christine Maugüé , président
Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur
M. Clément Malverti, rapporteur public
SIYAPDJE, avocats
Lecture du lundi 19 juin 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, trois nouveaux mémoires, et un mémoire non communiqué, enregistrés les 21 septembre et 25 novembre 2022 et les 16 janvier, 14 février, 27 avril et 23 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association du lotissement du domaine d'Avoriaz (ALDA) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2022-1486-RDPI de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) du 19 juillet 2022 de la mettre en demeure de respecter, au plus tard le 19 juillet 2023, l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès au réseau FttH déployé sur le lotissement du domaine d'Avoriaz et de publier une offre d'accès conformément à l'article L. 34-8-3 du code des postes et communications électroniques et aux articles 6, 8 et 10 de la décision n° 2010-1312 du 14 décembre 2010 précisant les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, et d'en justifier auprès de la formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction de l'Autorité au plus tard le 19 septembre 2023 ;
2°) de mettre à la charge de l'ARCEP la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des postes et communications électroniques ;
- le code de justice administrative ;
Une séance orale d'instruction a été tenue par la 2ème chambre le 8 mars 2023.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poupet et Kacenelenbogen, avocat de l'association du lotissement du domaine d'Avoriaz, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du syndicat des énergies et de l'aménagement numérique de la Haute-Savoie ;
Considérant ce qui suit :
Sur l'intervention des sociétés Net and You et Real Project Partner :
1. Les sociétés Net and You et Real Project Partner justifient d'un intérêt suffisant au maintien de la décision attaquée. Par suite, leur intervention en défense est recevable.
Sur le cadre juridique du litige :
En ce qui concerne les objectifs de la régulation des communications électroniques :
2. Il résulte de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques qu'il appartient à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) de prendre, dans son domaine de compétence et dans des conditions objectives et transparentes, des mesures qui doivent être " raisonnables et proportionnées " en vue d'atteindre une série d'objectifs dont, aux 3° et 4° du II de cet article, " le développement de l'investissement, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques " et " l'aménagement et l'intérêt des territoires et la diversité de la concurrence dans les territoires ", et, aux 1° et 2° du III, " l'exercice, au bénéfice des utilisateurs, d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques " et " la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ". Sans préjudice de ces objectifs, l'ARCEP doit veiller, notamment, selon les 2°, 2°bis, 3° et 4° du IV du même article, " à la promotion des investissements et de l'innovation dans les infrastructures améliorées et de nouvelle génération, en tenant compte, lorsqu'elle fixe des obligations en matière d'accès, du risque assumé par les entreprises qui investissent, et à autoriser des modalités de coopération entre les investisseurs et les personnes recherchant un accès, afin de diversifier le risque d'investissement dans le respect de la concurrence sur le marché et du principe de non-discrimination ", " à la promotion de la connectivité et de l'accès à des réseaux à très haute capacité, y compris des réseaux fixes, mobiles et sans fil, et la pénétration de tels réseaux ", " à l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs " et " à la promotion, lorsque cela est approprié, d'une concurrence fondée sur les infrastructures ".
En ce qui concerne l'accès aux segments terminaux des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique :
3. Il résulte du I de l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques que l'établissement et l'exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques sont libres sous réserve du respect de règles portant, notamment, sur l'interconnexion et l'accès. Le I de l'article L. 34-8 du même code prévoit quant à lui que " l'accès ", défini au 8° de l'article L. 32 de ce code comme " toute mise à disposition de moyens, matériels ou logiciels, ou de services, en vue de permettre au bénéficiaire de fournir des services de communications électroniques ", fait l'objet d'une convention de droit privé entre les parties concernées, qui en détermine les conditions techniques et financières. L'ARCEP peut, pour réaliser les objectifs qui lui sont assignés par l'article L. 32-1 du même code, imposer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès à des conditions équitables, de sa propre initiative ou à la demande d'une des parties.
4. Aux termes du I de l'article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques, qui concerne l'accès aux réseaux de communications électroniques en fibre optique jusqu'à l'abonné : " Toute personne établissant ou ayant établi dans un immeuble bâti ou exploitant une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final fait droit aux demandes raisonnables d'accès à ladite ligne et aux moyens qui y sont associés émanant d'opérateurs, en vue de fournir des services de communications électroniques à cet utilisateur final. / L'accès est fourni dans des conditions transparentes et non discriminatoires en un point déterminé par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, situé, sauf dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, hors des limites de propriété privée et permettant le raccordement effectif d'opérateurs tiers, à des conditions économiques, techniques et d'accessibilité raisonnables. Dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, l'accès peut consister en la mise à disposition d'installations et d'éléments de réseau spécifiques demandés par un opérateur antérieurement à l'équipement de l'immeuble en lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, moyennant la prise en charge d'une part équitable des coûts par cet opérateur. Tout refus d'accès est motivé ".
5. L'article L. 36-6 du code des postes et des communications électroniques donne compétence à l'ARCEP pour préciser les règles concernant " 2° Les prescriptions applicables aux conditions techniques et financières : / a) D'interconnexion et d'accès, en application de l'article L. 34-8 ; / (...) / c) De l'accès, en application de l'article L. 34-8-3 ".
6. En application de ces dispositions et des décisions prises par l'ARCEP pour leur application, l'accès aux segments terminaux des réseaux à très haut débit en fibre optique est assuré dans un cadre de régulation dit " symétrique ", qui impose à tous les opérateurs ayant établi ou exploitant une ligne en fibre optique permettant de desservir l'utilisateur final, que l'ARCEP désigne comme " opérateurs d'immeuble ", de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à leur réseau à partir d'un point de mutualisation, dont la position varie selon le type de zone. En application des décisions n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 et n° 2010-1312 du 14 décembre 2010, dans les " zones très denses ", définies comme " les communes à forte concentration de population, pour lesquelles, sur une partie significative de leur territoire, il est économiquement viable pour plusieurs opérateurs de déployer leurs propres infrastructures, en l'occurrence leurs réseaux de fibre optique, au plus près des logements ", le point de mutualisation est en principe situé en pied d'immeuble lorsque celui-ci comporte plus de 12 logements ou locaux professionnels, et dans la rue pour desservir environ 100 locaux dans les autres cas. Dans les " zones moins denses ", le point de mutualisation dessert au moins 300 locaux, professionnels ou d'habitation, ou 1000 locaux, selon que l'opérateur d'immeuble propose ou non une offre de raccordement distant en amont du point de mutualisation. L'article 6 de la décision n° 2010-1312 du 14 décembre 2010 prévoit que l'opérateur d'immeuble offre aux autres opérateurs l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, définies comme des liaisons passives d'un réseau de boucle locale à très haut débit constituée d'un ou de plusieurs chemins continus en fibres optiques et permettant de desservir un utilisateur final, dans les formes précisées à l'article 8, au niveau du point de mutualisation, notamment un accès passif, en location, dans des conditions raisonnables, objectives, transparentes et non discriminatoires. Selon l'article 10 de la même décision, l'opérateur d'immeuble est tenu, antérieurement à l'installation du point de mutualisation, de publier des offres de cofinancement et de location permettant un accès passif à la ligne et aux ressources associées, ainsi que les conditions d'hébergement d'équipements passifs et actifs au niveau du point de mutualisation, les conditions d'accès au lien de raccordement distant ainsi que les conditions de construction des raccordements finaux pour l'ensemble des logements et locaux à usage professionnel de la zone arrière du point de mutualisation, et précisant les conditions de chacune de ces prestations.
En ce qui concerne le pouvoir de sanction de l'ARCEP :
7. Il résulte du I de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques que l'ARCEP peut, d'office ou à la demande d'une personne morale concernée, sanctionner les manquements, commis par des exploitants de réseau et des fournisseurs de services de communications électroniques, aux dispositions législatives et réglementaires au respect desquelles elle a pour mission de veiller et aux textes et décisions pris en application de celles-ci. La personne mise en cause doit préalablement être mise en demeure de se conformer à ses obligations dans un délai fixé par l'ARCEP. En vertu des II et III du même article, lorsque la personne ne se conforme pas à cette mise en demeure dans le délai prescrit, l'ARCEP peut engager, à son encontre, des poursuites susceptibles de donner lieu, à l'issue d'une procédure contradictoire, à une sanction prononcée par la formation restreinte de l'Autorité, incluant des sanctions pécuniaires, la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, du droit d'établir un réseau de communications électroniques ou de fournir un service de communications électroniques, ou le retrait de ce droit, dans la limite de trois ans.
Sur le litige :
8. L'association du lotissement du domaine d'Avoriaz (ALDA), association syndicale libre de propriétaires de ce lotissement, situé sur le territoire de la commune de Morzine, a pour objet statutaire d'assurer l'acquisition, la gestion et l'entretien des terrains et des réseaux divers, équipements communs et ouvrages d'intérêt collectif non classés dans le domaine communal. Il ressort des pièces du dossier que l'ALDA a déployé à la fin des années 1960, pour l'acheminement des signaux des services de radio et de télévision, un réseau de câbles coaxiaux qui a été utilisé par la suite pour permettre à ses membres d'accéder à internet. A partir de 2015, elle a entrepris de remplacer ce réseau par un réseau de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ayant vocation à desservir les 4 967 locaux d'habitation et professionnels du lotissement, au bénéfice de ses membres. Ce réseau est composé de trois segments interconnectés formant, ensemble, une boucle locale optique : une partie horizontale, dont l'ALDA est maître d'ouvrage, reliant la tête du réseau, qui héberge les équipements actifs, au point de raccordement technique (PRT) de chacun des immeubles du lotissement ; dans les immeubles collectifs, une partie verticale, également dénommée " colonne montante ", sous maîtrise d'ouvrage du syndicat des copropriétaires de l'immeuble, qui permet de relier le PRT à un point de branchement optique situé à chaque étage, par un câble comportant un brin de fibre par local à desservir ; enfin la partie desservant les prises terminales optiques à l'intérieur de chacun des locaux. L'ALDA fournit à ses membres, sur ce réseau, un service de communications électroniques, dont le coût de fonctionnement est couvert par une cotisation annuelle par mètre carré acquittée par les membres de l'association au titre des charges générales, qu'ils l'utilisent ou non.
9. Il ressort des pièces du dossier que la société Net and You, qui est intervenue comme prestataire pour la réalisation de travaux de fibrage d'immeubles en copropriété, et la société Real Project Partner, après s'être vu proposer par l'ALDA une convention de mise à disposition de brins de fibre jusqu'au pied de certains immeubles collectifs du lotissement du domaine d'Avoriaz, ont demandé en vain à celle-ci de leur transmettre une convention d'accès à ce réseau au titre des dispositions de l'article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques. Les deux sociétés ont saisi l'ARCEP, sur le fondement de l'article L. 36-11 du même code. La formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction (RDPI) de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), estimant que le réseau déployé par l'ALDA relevait du champ d'application des dispositions de l'article L. 34-8-3 et des décisions prises pour son application, et qu'elle avait méconnu l'obligation de faire droit aux demandes d'accès raisonnables et de publier une offre d'accès a, par une décision n° 2022-1486-RDPI du 19 juillet 2022, mis cette association en demeure de respecter cette obligation, conformément à ces dispositions et aux articles 6, 8 et 10 de sa décision n° 2010-1312 au plus tard le 19 juillet 2023. L'article 2 de la décision attaquée fait obligation à l'ALDA de justifier, au plus tard le 19 septembre 2023, du respect de cette échéance. L'ALDA demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir cette décision.
10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'ALDA a été à l'initiative du déploiement du réseau de télécommunication à haut débit par fibre optique décrit au point 8, qui dessert chacun des locaux de ses membres, et qu'elle a supervisé ce déploiement. Si la réalisation de la partie verticale du réseau, située dans les copropriétés membres de l'association, relève de leur compétence, il ressort des pièces du dossier que l'ALDA assure la réception des travaux de fibrage réalisés par le maître d'oeuvre choisi par la copropriété et la connexion à la partie horizontale du réseau, au niveau des points de raccordement technique situés en pied d'immeuble, qui sont sa propriété. En outre, ce réseau est constitué de plusieurs chemins continus en fibre optique permettant de desservir des utilisateurs finals afin de leur fournir des services de communications électroniques. En retenant ces caractéristiques pour estimer que ce réseau entrait dans le champ d'application de l'article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques et en considérant l'ALDA comme opérateur d'infrastructure de ce réseau, l'ARCEP ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts et n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions, la circonstance que l'ALDA ne soit pas une entreprise commerciale étant sans incidence sur ces qualifications.
11. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la commune de Morzine est située en zone moins dense au sens des décisions mentionnées au point 6. Le réseau de communications électroniques par fibres optiques déployé par l'ALDA, tel que décrit au point 8, n'a pas été conçu selon l'architecture propre aux boucles locales optiques en zones moins denses, telle que précisée par la décision n° 2010-1312, s'agissant notamment, de la localisation des points de mutualisation potentiels et du nombre de locaux qu'ils desservent. Si l'ALDA soutient que la mise en conformité de son réseau avec cette architecture représenterait un coût avoisinant son budget annuel total, il ressort des pièces du dossier, notamment des écritures de l'ARCEP, que l'exécution de la mise en demeure litigieuse implique seulement que l'ALDA fournisse aux opérateurs tiers qui le demandent un accès aux lignes déployées jusqu'à l'utilisateur final à partir de points de mutualisation, et de publier une offre précisant les modalités de cet accès sans imposer à l'ALDA aucune architecture de réseau déterminée. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse, en ce qu'elle obligerait l'ALDA à respecter les prescriptions de la décision n° 2010-1312 du 14 décembre 2010 relatives à l'architecture des boucles locales mutualisées sans tenir compte des particularités de son réseau et des conditions de son intervention, et mettrait, dès lors, à sa charge des obligations qui ne sont ni raisonnables, ni proportionnées au regard des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques et des exigences des dispositions de l'article L. 34-8-3 de ce code, doit être écarté. Il en va de même du moyen tiré de ce que l'ARCEP, en la mettant en demeure de se conformer aux obligations mentionnées au point 9, sans tenir compte des circonstances particulières de l'espèce, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'ALDA doit être rejetée.
Sur les conséquences du rejet des conclusions aux fins d'annulation :
13. Le rejet d'une requête tendant à l'annulation d'un acte dont l'exécution a été suspendue par le juge administratif statuant en référé a en principe pour effet que cet acte trouve ou retrouve application dès le prononcé de cette décision juridictionnelle. Toutefois, s'il apparaît que cet effet est de nature à faire naître des difficultés de tous ordres, il appartient au juge administratif, le cas échéant d'office, de préciser les conditions dans lesquelles sa décision prendra effet.
14. En l'espèce, alors que l'exécution de la décision attaquée avait été suspendue par une ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 24 octobre 2022, les délais de 12 et 14 mois impartis à l'ALDA par la décision du 19 juillet 2022 pour, d'une part, faire droit aux demandes raisonnables d'accès à son réseau FttH et publier une offre d'accès conformément à l'article L. 34-8-1 du code des postes et des communications électroniques et, d'autre part, en justifier auprès de l'ARCEP, courront à nouveau à compter de la notification de la présente décision.
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'ALDA demande en application de cet article.
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention des sociétés Net and You et Real Project Partner est admise.
Article 2 : La requête de l'ALDA est rejetée. Ce rejet emporte les conséquences énoncées au point 14 de la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association du lotissement du domaine d'Avoriaz, à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et aux sociétés Net and You et Real Project Partner. Copie en sera adressée au syndicat des énergies et de l'aménagement numérique de la Haute-Savoie.
Délibéré à l'issue de la séance du 24 mai 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Olivier Rousselle, M. Benoît Bohnert, Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 19 juin 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Amélie Fort-Besnard
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard