Conseil d'État
N° 472988
ECLI:FR:CEORD:2023:472988.20230511
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
M. Thomas Andrieu, président
M. T Andrieu, rapporteur
SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS, avocats
Lecture du jeudi 11 mai 2023
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 avril et 1er mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des médecins remplaçants dans les hôpitaux (SNMRH) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de l'instruction ministérielle n° DGOS/RH5/PF1/DGFIP/2023/33 du 17 mars 2023 relative au contrôle des dépenses d'intérim médical dans les établissements publics de santé ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'exécution de l'instruction ministérielle contestée, en ce qu'elle a eu pour conséquence la fermeture de services hospitaliers, empêchant la prise en charge de patients, porte une atteinte suffisamment grave à un intérêt public et aux intérêts qu'il entend défendre ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'instruction ministérielle contestée ;
- ni le ministre de la santé, ni le ministre de l'économie et des finances n'étaient compétents pour définir de nouvelles règles de procédure administrative contentieuse ;
- l'instruction ministérielle contestée méconnaît l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration en ce qu'elle prévoit la possibilité d'annuler le contrat d'exercice des médecins remplaçants et l'écrêtement de leur rémunération sans procédure contradictoire préalable ;
- elle méconnaît le principe de respect des contrats en ce qu'elle prévoit l'annulation unilatérale des contrats entre les établissements hospitaliers et les sociétés de travail temporaire comme des contrats de vacation ;
- la mesure contestée porte une atteinte qui n'est pas adaptée, ni nécessaire, ni proportionnée au droit du médecin à sa rémunération, dès lors qu'elle ne tient pas compte des autres coûts facturés par l'entreprise de travail temporaire ;
- elle méconnaît le principe d'égalité des rémunérations entre les différents modes de recrutement contractuel ;
- elle méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme dès lors que, d'une part, les dispositions de l'instruction ne sont pas opératoires faute des précisions nécessaires et, d'autre part, les calculs de rémunération pour les contrats de gré à gré ne sont pas expliqués.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2023, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'instruction ministérielle contestée.
Le pourvoi a été communiqué au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 ;
- la loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le décret n° 2022-132 du 5 février 2022 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le SNMRH et, d'autre part, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre de la santé et de la prévention ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 2 mai 2023, à 15 heures :
- Me Stoclet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du SNMRH ;
- les représentants du SNMRH ;
- les représentants du ministre de la santé et de la prévention ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
Sur le plafonnement de la rémunération de certains médecins, odontologistes et pharmaciens exerçant à titre contractuel dans les établissements publics de santé :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 6146-3 du code de la santé publique, " Les établissements publics de santé peuvent avoir recours à des personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques pour des missions de travail temporaire, dans les conditions prévues à l'article 9-3 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. (...) / Le montant journalier des dépenses susceptibles d'être engagées par praticien par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire prévue au premier alinéa du présent article ne peut excéder un plafond dont les conditions de détermination sont fixées par voie réglementaire. " Aux termes de l'article R. 6146-26 du même code : " Le montant plafond journalier mentionné à l'article L. 6146-3 des dépenses susceptibles d'être engagées par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire d'un médecin, odontologiste ou pharmacien est constitué par le salaire brut versé au praticien par l'entreprise de travail temporaire pour une journée de vingt-quatre heures de travail effectif. Il est calculé au prorata de la durée de travail effectif accomplie dans le cadre de la mission. / (...) Ce montant plafond journalier des dépenses est fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et ministre chargé du budget. " Enfin, dans sa version issue d'un arrêté du 30 mars dernier, l'arrêté du 24 novembre 2017 fixant le montant du plafond des dépenses engagées par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire a établi le montant du plafond journalier du salaire brut à 1 389,83 euros pour une journée de vingt-quatre heures de travail effectif, ce montant passant à 1 210,99 euros au 1er septembre prochain.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 6152-du code de la santé publique : " Le personnel des établissements publics de santé comprend (...) : / (...) 2° Des médecins, des odontologistes et des pharmaciens recrutés par contrat dans des conditions déterminées par voie réglementaire. (...) " Aux termes de l'article R. 6152-355 du même code : " La rémunération du praticien contractuel comprend : / 1° Des émoluments mensuels fixés conformément à un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du budget, proportionnellement à la durée de travail définie au contrat. Ils prennent en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par le praticien ainsi que son expérience. / Les émoluments des praticiens recrutés au titre du 2° de l'article R. 6152-338 peuvent comprendre une part variable subordonnée à la réalisation des engagements particuliers et des objectifs prévus au contrat. Le montant et les modalités de versement de cette part variable sont fixés par arrêté des ministres chargés du budget et de la santé ; / 2° Le cas échéant, des primes et indemnités. " Un arrêté du 5 février 2022 a fixé un plafond de 119 130 euros aux émoluments bruts annuels mentionnés au 1° de l'article R. 6152-355 et déterminé les modalités de fixation, au sein de ce plafond, de la part variable versée aux seuls praticiens contractuels recrutés en application du 2° de l'article R. 6152-338 du code de la santé publique. Un arrêté du 8 juillet 2022 a fixé le plancher et le plafond de la partie fixe de la rémunération brute annuelle.
Sur le dispositif permettant à l'autorité administrative de contrôler le respect de ces plafonds de rémunération :
4. Aux termes de l'article L. 6146-4 du code de la santé publique : " Le directeur général de l'agence régionale de santé, lorsqu'il est informé par le comptable public de l'irrégularité d'actes juridiques conclus par un établissement public de santé avec une entreprise de travail temporaire, en application de l'article L. 6146-3, ou avec un praticien pour la réalisation de vacations, en application du 2° de l'article L. 6152-1, défère ces actes au tribunal administratif compétent. Il en avise alors sans délai le directeur de l'établissement concerné ainsi que le comptable public. / Lorsque le comptable public constate, lors du contrôle qu'il exerce sur la rémunération du praticien ou sur la rémunération facturée par l'entreprise de travail temporaire, que leur montant excède les plafonds réglementaires, il procède au rejet du paiement des rémunérations irrégulières. Dans ce cas, il en informe le directeur de l'établissement public de santé, qui procède à la régularisation de ces dernières dans les conditions fixées par la réglementation ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 33 de la loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 dont elles sont issues, que le comptable public est tenu de rejeter le paiement de l'intégralité des rémunérations qui dépasseraient les plafonds réglementaires instaurés dans les établissements publics de santé pour les médecins, odontologistes et pharmaciens recrutés sur le fondement des dispositions citées aux points 2 et 3. Nulle autorité administrative ne dispose alors du pouvoir de modifier unilatéralement le contrat conclu avec l'établissement. Toutefois, en cas de refus du cocontractant de l'établissement de mettre en conformité ce contrat avec les plafonds réglementaires, le comptable public est tenu d'en saisir l'agence régionale de santé compétente, qui défère alors ce même contrat au tribunal administratif.
Sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision :
5. Rien dans les termes de l'instruction ministérielle du 17 mars 2023 n'est contraire à ce qui a été dit au point 4 de la présente ordonnance. Par suite, le moyen tiré de ce que les ministres auraient outrepassé leur compétence n'est pas propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette instruction ministérielle.
6. Il résulte en outre de ce qui a été dit au point 4 que les moyens tirés, d'une part, de ce que l'instruction ministérielle contestée prévoirait la possibilité d'annuler le contrat d'exercice des médecins remplaçants et l'écrêtement de leur rémunération sans procédure contradictoire préalable et, d'autre part, méconnaîtrait le principe de respect des contrats en prévoyant leur l'annulation unilatérale, manquent en fait.
7. Ensuite, si le syndicat requérant soutient que l'instruction ministérielle du 17 mars 2023 méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme, dès lors que, d'une part, les dispositions de l'instruction ne sont pas opératoires faute des précisions nécessaires et, d'autre part, les calculs de rémunération pour les contrats de gré à gré ne sont pas expliqués, l'autorité administrative n'est jamais tenue de prendre une circulaire explicitant les lois ou règlements.
8. Enfin, les moyens tenant au caractère adapté, nécessaire et proportionné du dispositif comme au respect du principe d'égalité sont directement dirigés contre les dispositions législatives citées aux points 2 à 4. Il n'appartient pas au Conseil d'Etat d'en connaître autrement que dans le cadre de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner si la condition relative à l'urgence est remplie, que le SNMRH n'est pas fondé à soutenir qu'il existe, dans l'état de l'instruction, des moyens de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'instruction ministérielle contestée. Sa requête doit donc être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête du SNMRH est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au Syndicat national des médecins remplaçants dans les hôpitaux, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de la santé et de la prévention.
Fait à Paris, le 11 mai 2023
Signé : Thomas Andrieu
N° 472988
ECLI:FR:CEORD:2023:472988.20230511
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
M. Thomas Andrieu, président
M. T Andrieu, rapporteur
SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS, avocats
Lecture du jeudi 11 mai 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 avril et 1er mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des médecins remplaçants dans les hôpitaux (SNMRH) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de l'instruction ministérielle n° DGOS/RH5/PF1/DGFIP/2023/33 du 17 mars 2023 relative au contrôle des dépenses d'intérim médical dans les établissements publics de santé ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'exécution de l'instruction ministérielle contestée, en ce qu'elle a eu pour conséquence la fermeture de services hospitaliers, empêchant la prise en charge de patients, porte une atteinte suffisamment grave à un intérêt public et aux intérêts qu'il entend défendre ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'instruction ministérielle contestée ;
- ni le ministre de la santé, ni le ministre de l'économie et des finances n'étaient compétents pour définir de nouvelles règles de procédure administrative contentieuse ;
- l'instruction ministérielle contestée méconnaît l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration en ce qu'elle prévoit la possibilité d'annuler le contrat d'exercice des médecins remplaçants et l'écrêtement de leur rémunération sans procédure contradictoire préalable ;
- elle méconnaît le principe de respect des contrats en ce qu'elle prévoit l'annulation unilatérale des contrats entre les établissements hospitaliers et les sociétés de travail temporaire comme des contrats de vacation ;
- la mesure contestée porte une atteinte qui n'est pas adaptée, ni nécessaire, ni proportionnée au droit du médecin à sa rémunération, dès lors qu'elle ne tient pas compte des autres coûts facturés par l'entreprise de travail temporaire ;
- elle méconnaît le principe d'égalité des rémunérations entre les différents modes de recrutement contractuel ;
- elle méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme dès lors que, d'une part, les dispositions de l'instruction ne sont pas opératoires faute des précisions nécessaires et, d'autre part, les calculs de rémunération pour les contrats de gré à gré ne sont pas expliqués.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2023, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'instruction ministérielle contestée.
Le pourvoi a été communiqué au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 ;
- la loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le décret n° 2022-132 du 5 février 2022 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le SNMRH et, d'autre part, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre de la santé et de la prévention ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 2 mai 2023, à 15 heures :
- Me Stoclet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du SNMRH ;
- les représentants du SNMRH ;
- les représentants du ministre de la santé et de la prévention ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
Sur le plafonnement de la rémunération de certains médecins, odontologistes et pharmaciens exerçant à titre contractuel dans les établissements publics de santé :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 6146-3 du code de la santé publique, " Les établissements publics de santé peuvent avoir recours à des personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques pour des missions de travail temporaire, dans les conditions prévues à l'article 9-3 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. (...) / Le montant journalier des dépenses susceptibles d'être engagées par praticien par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire prévue au premier alinéa du présent article ne peut excéder un plafond dont les conditions de détermination sont fixées par voie réglementaire. " Aux termes de l'article R. 6146-26 du même code : " Le montant plafond journalier mentionné à l'article L. 6146-3 des dépenses susceptibles d'être engagées par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire d'un médecin, odontologiste ou pharmacien est constitué par le salaire brut versé au praticien par l'entreprise de travail temporaire pour une journée de vingt-quatre heures de travail effectif. Il est calculé au prorata de la durée de travail effectif accomplie dans le cadre de la mission. / (...) Ce montant plafond journalier des dépenses est fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et ministre chargé du budget. " Enfin, dans sa version issue d'un arrêté du 30 mars dernier, l'arrêté du 24 novembre 2017 fixant le montant du plafond des dépenses engagées par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire a établi le montant du plafond journalier du salaire brut à 1 389,83 euros pour une journée de vingt-quatre heures de travail effectif, ce montant passant à 1 210,99 euros au 1er septembre prochain.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 6152-du code de la santé publique : " Le personnel des établissements publics de santé comprend (...) : / (...) 2° Des médecins, des odontologistes et des pharmaciens recrutés par contrat dans des conditions déterminées par voie réglementaire. (...) " Aux termes de l'article R. 6152-355 du même code : " La rémunération du praticien contractuel comprend : / 1° Des émoluments mensuels fixés conformément à un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du budget, proportionnellement à la durée de travail définie au contrat. Ils prennent en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par le praticien ainsi que son expérience. / Les émoluments des praticiens recrutés au titre du 2° de l'article R. 6152-338 peuvent comprendre une part variable subordonnée à la réalisation des engagements particuliers et des objectifs prévus au contrat. Le montant et les modalités de versement de cette part variable sont fixés par arrêté des ministres chargés du budget et de la santé ; / 2° Le cas échéant, des primes et indemnités. " Un arrêté du 5 février 2022 a fixé un plafond de 119 130 euros aux émoluments bruts annuels mentionnés au 1° de l'article R. 6152-355 et déterminé les modalités de fixation, au sein de ce plafond, de la part variable versée aux seuls praticiens contractuels recrutés en application du 2° de l'article R. 6152-338 du code de la santé publique. Un arrêté du 8 juillet 2022 a fixé le plancher et le plafond de la partie fixe de la rémunération brute annuelle.
Sur le dispositif permettant à l'autorité administrative de contrôler le respect de ces plafonds de rémunération :
4. Aux termes de l'article L. 6146-4 du code de la santé publique : " Le directeur général de l'agence régionale de santé, lorsqu'il est informé par le comptable public de l'irrégularité d'actes juridiques conclus par un établissement public de santé avec une entreprise de travail temporaire, en application de l'article L. 6146-3, ou avec un praticien pour la réalisation de vacations, en application du 2° de l'article L. 6152-1, défère ces actes au tribunal administratif compétent. Il en avise alors sans délai le directeur de l'établissement concerné ainsi que le comptable public. / Lorsque le comptable public constate, lors du contrôle qu'il exerce sur la rémunération du praticien ou sur la rémunération facturée par l'entreprise de travail temporaire, que leur montant excède les plafonds réglementaires, il procède au rejet du paiement des rémunérations irrégulières. Dans ce cas, il en informe le directeur de l'établissement public de santé, qui procède à la régularisation de ces dernières dans les conditions fixées par la réglementation ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 33 de la loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 dont elles sont issues, que le comptable public est tenu de rejeter le paiement de l'intégralité des rémunérations qui dépasseraient les plafonds réglementaires instaurés dans les établissements publics de santé pour les médecins, odontologistes et pharmaciens recrutés sur le fondement des dispositions citées aux points 2 et 3. Nulle autorité administrative ne dispose alors du pouvoir de modifier unilatéralement le contrat conclu avec l'établissement. Toutefois, en cas de refus du cocontractant de l'établissement de mettre en conformité ce contrat avec les plafonds réglementaires, le comptable public est tenu d'en saisir l'agence régionale de santé compétente, qui défère alors ce même contrat au tribunal administratif.
Sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision :
5. Rien dans les termes de l'instruction ministérielle du 17 mars 2023 n'est contraire à ce qui a été dit au point 4 de la présente ordonnance. Par suite, le moyen tiré de ce que les ministres auraient outrepassé leur compétence n'est pas propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette instruction ministérielle.
6. Il résulte en outre de ce qui a été dit au point 4 que les moyens tirés, d'une part, de ce que l'instruction ministérielle contestée prévoirait la possibilité d'annuler le contrat d'exercice des médecins remplaçants et l'écrêtement de leur rémunération sans procédure contradictoire préalable et, d'autre part, méconnaîtrait le principe de respect des contrats en prévoyant leur l'annulation unilatérale, manquent en fait.
7. Ensuite, si le syndicat requérant soutient que l'instruction ministérielle du 17 mars 2023 méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme, dès lors que, d'une part, les dispositions de l'instruction ne sont pas opératoires faute des précisions nécessaires et, d'autre part, les calculs de rémunération pour les contrats de gré à gré ne sont pas expliqués, l'autorité administrative n'est jamais tenue de prendre une circulaire explicitant les lois ou règlements.
8. Enfin, les moyens tenant au caractère adapté, nécessaire et proportionné du dispositif comme au respect du principe d'égalité sont directement dirigés contre les dispositions législatives citées aux points 2 à 4. Il n'appartient pas au Conseil d'Etat d'en connaître autrement que dans le cadre de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner si la condition relative à l'urgence est remplie, que le SNMRH n'est pas fondé à soutenir qu'il existe, dans l'état de l'instruction, des moyens de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'instruction ministérielle contestée. Sa requête doit donc être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête du SNMRH est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au Syndicat national des médecins remplaçants dans les hôpitaux, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de la santé et de la prévention.
Fait à Paris, le 11 mai 2023
Signé : Thomas Andrieu