Conseil d'État
N° 461478
ECLI:FR:CECHR:2023:461478.20230201
Inédit au recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Pierre Boussaroque, rapporteur
M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; OCCHIPINTI, avocats
Lecture du mercredi 1 février 2023
Vu la procédure suivante :
M. E... D... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 juillet 2015 par lequel le maire d'Anzin-Saint-Aubin a retiré l'arrêté du 6 août 2007 portant retrait du permis de construire une maison d'habitation délivré le 28 octobre 2003 à M. B... A.... Par un jugement n° 1702594 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 20DA01465 du 14 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Douai, saisie de l'appel de M. et Mme D..., a annulé le jugement du 15 juillet 2020 et l'arrêté du 10 juillet 2015.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 février et 16 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. G... H... et Mme C... H..., venus aux droits de M. A..., demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de M. et Mme D... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Occhipinti, avocat de M. et Mme H... et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la commune d'Anzin Saint-Aubin ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire d'Anzin-Saint-Aubin a, à la suite d'une demande de M. et Mme D..., voisins du projet, retiré pour fraude, par un arrêté du 6 août 2007, le permis de construire une maison d'habitation qu'il avait accordé le 28 octobre 2003 à M. A.... Il a ensuite retiré cette décision de retrait par un arrêté du 10 juillet 2015. Par un jugement du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. et Mme D... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ce dernier arrêté. Par un arrêt du 14 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Douai a annulé le jugement du 15 juillet 2020 du tribunal administratif de Lille et l'arrêté du 10 juillet 2015. M. et Mme H..., venus aux droits de M. A..., se pourvoient en cassation contre cet arrêt.
2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, applicable à la date de la décision attaquée, dont la substance est désormais reprise à l'article L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration : " Sauf disposition prévoyant une décision implicite de rejet ou un accord tacite, toute décision individuelle prise au nom de l'Etat, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou d'un organisme, fût-il de droit privé, chargé de la gestion d'un service public, n'est opposable à la personne qui en fait l'objet que si cette décision lui a été préalablement notifiée ".
3. En vertu de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". En vertu de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
4. Lorsqu'une autorité administrative décide de retirer une décision de retrait d'un permis de construire prise à la demande d'un tiers, à l'égard duquel elle crée des droits, ce tiers doit être regardé, de même que le bénéficiaire du permis ainsi rétabli, comme le destinataire de la décision retirant le retrait du permis de construire. Dès lors, en application des dispositions citées aux points précédents, cette décision ne peut être opposée à ce tiers que si elle lui a été régulièrement notifiée et le délai de recours contentieux prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative ne peut commencer à courir à son égard qu'à la même condition.
5. Il suit de ce qui vient d'être dit que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'en l'absence de notification de l'arrêté du 10 juillet 2015 par lequel le maire a retiré l'arrêté du 6 août 2007 qui avait retiré le permis de construire du 28 octobre 2003, le délai de recours contentieux prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'avait pas commencé à courir à l'encontre de l'arrêté du 10 juillet 2015 à l'égard de M. et Mme D....
6. En deuxième lieu, la cour administrative d'appel a suffisamment motivé son arrêt et n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la déclaration dans le formulaire de demande de permis de construire d'une surface hors oeuvre nette de 8 % inférieure à celle que M. A... projetait de construire devait être regardée non comme une simple erreur matérielle mais comme une manoeuvre frauduleuse destinée à tromper l'autorité administrative.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme H... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Les conclusions de leur pourvoi, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent donc être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme H... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. G... H... et Mme C... H..., ainsi qu'à la commune d'Anzin-Saint-Aubin.
Copie en sera adressée à M. E... D... et Mme F... D....
Délibéré à l'issue de la séance du 11 janvier 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes et Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier et M. Yves Doutriaux, conseillers d'Etat ; M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat-rapporteur ;
Rendu le 1er février 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Pierre Boussaroque
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber
N° 461478
ECLI:FR:CECHR:2023:461478.20230201
Inédit au recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Pierre Boussaroque, rapporteur
M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; OCCHIPINTI, avocats
Lecture du mercredi 1 février 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. E... D... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 juillet 2015 par lequel le maire d'Anzin-Saint-Aubin a retiré l'arrêté du 6 août 2007 portant retrait du permis de construire une maison d'habitation délivré le 28 octobre 2003 à M. B... A.... Par un jugement n° 1702594 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 20DA01465 du 14 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Douai, saisie de l'appel de M. et Mme D..., a annulé le jugement du 15 juillet 2020 et l'arrêté du 10 juillet 2015.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 février et 16 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. G... H... et Mme C... H..., venus aux droits de M. A..., demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de M. et Mme D... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Occhipinti, avocat de M. et Mme H... et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la commune d'Anzin Saint-Aubin ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire d'Anzin-Saint-Aubin a, à la suite d'une demande de M. et Mme D..., voisins du projet, retiré pour fraude, par un arrêté du 6 août 2007, le permis de construire une maison d'habitation qu'il avait accordé le 28 octobre 2003 à M. A.... Il a ensuite retiré cette décision de retrait par un arrêté du 10 juillet 2015. Par un jugement du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. et Mme D... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ce dernier arrêté. Par un arrêt du 14 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Douai a annulé le jugement du 15 juillet 2020 du tribunal administratif de Lille et l'arrêté du 10 juillet 2015. M. et Mme H..., venus aux droits de M. A..., se pourvoient en cassation contre cet arrêt.
2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, applicable à la date de la décision attaquée, dont la substance est désormais reprise à l'article L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration : " Sauf disposition prévoyant une décision implicite de rejet ou un accord tacite, toute décision individuelle prise au nom de l'Etat, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou d'un organisme, fût-il de droit privé, chargé de la gestion d'un service public, n'est opposable à la personne qui en fait l'objet que si cette décision lui a été préalablement notifiée ".
3. En vertu de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". En vertu de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
4. Lorsqu'une autorité administrative décide de retirer une décision de retrait d'un permis de construire prise à la demande d'un tiers, à l'égard duquel elle crée des droits, ce tiers doit être regardé, de même que le bénéficiaire du permis ainsi rétabli, comme le destinataire de la décision retirant le retrait du permis de construire. Dès lors, en application des dispositions citées aux points précédents, cette décision ne peut être opposée à ce tiers que si elle lui a été régulièrement notifiée et le délai de recours contentieux prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative ne peut commencer à courir à son égard qu'à la même condition.
5. Il suit de ce qui vient d'être dit que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'en l'absence de notification de l'arrêté du 10 juillet 2015 par lequel le maire a retiré l'arrêté du 6 août 2007 qui avait retiré le permis de construire du 28 octobre 2003, le délai de recours contentieux prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'avait pas commencé à courir à l'encontre de l'arrêté du 10 juillet 2015 à l'égard de M. et Mme D....
6. En deuxième lieu, la cour administrative d'appel a suffisamment motivé son arrêt et n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la déclaration dans le formulaire de demande de permis de construire d'une surface hors oeuvre nette de 8 % inférieure à celle que M. A... projetait de construire devait être regardée non comme une simple erreur matérielle mais comme une manoeuvre frauduleuse destinée à tromper l'autorité administrative.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme H... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Les conclusions de leur pourvoi, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent donc être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme H... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. G... H... et Mme C... H..., ainsi qu'à la commune d'Anzin-Saint-Aubin.
Copie en sera adressée à M. E... D... et Mme F... D....
Délibéré à l'issue de la séance du 11 janvier 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes et Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier et M. Yves Doutriaux, conseillers d'Etat ; M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat-rapporteur ;
Rendu le 1er février 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Pierre Boussaroque
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber