Conseil d'État
N° 449658
ECLI:FR:CECHR:2022:449658.20221228
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Antoine Berger, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SCP ZRIBI, TEXIER ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats
Lecture du mercredi 28 décembre 2022
Vu la procédure suivante :
La Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66) et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 3 février 2015 accordant à la société La Provençale une dérogation aux interdictions de destruction d'espèces de flore et de faune sauvages protégées, dans le cadre de la réouverture de la carrière de Nau Bouques sur le territoire des communes de Vingrau et Tautavel. Par un jugement n° 1502035 du 3 mai 2016, le tribunal administratif a annulé l'arrêté.
Par un arrêt n° 16MA02625 du 14 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer contre ce jugement. Par un arrêt n° 16MA02626 du même jour, la cour a rejeté l'appel formé par la société La Provençale contre ce même jugement.
Par une décision n° 425395, 425399, 425425 du 3 juin 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, sur les pourvois de la société La Provençale et du ministre de la transition écologique et solidaire, annulé les arrêts du 14 septembre 2018 de la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé les affaires devant la cour.
Par un arrêt n° 20MA01978 du 17 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société La Provençale contre le jugement du 3 mai 2016 du tribunal administratif de Montpellier.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 février et 12 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société La Provençale demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et de M. B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Antoine Berger, auditeur,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de la société La Provençale, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-orientales et autre, et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de l'association syndicale professionnelle Minéraux Industriels France ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 3 février 2015, le préfet des Pyrénées-Orientales a accordé à la société La Provençale une dérogation aux interdictions de destruction d'espèces de flore et de faune sauvages protégées pour la réalisation de son projet de réouverture de la carrière de Nau Bouques sur le territoire des communes de Vingrau et Tautavel. A la demande de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et de M. B..., le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté, par un jugement du 3 mai 2016. Par deux arrêts du 14 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté les appels du ministre chargé de la transition écologique et solidaire et de la société La Provençale contre ce jugement. Par une décision du 3 juin 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, jugeant que la cour avait commis une erreur de qualification juridique en estimant que le projet de réouverture de la carrière de Nau Bouques ne répondait pas à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens du c) du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, a annulé ces arrêts et renvoyé les affaires à la cour administrative d'appel de Marseille. Par un arrêt du 17 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur la requête de la société La Provençale, a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Montpellier. La société La Provençale se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. L'association syndicale professionnelle Minéraux Industriels France justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêt attaqué. Ainsi, son intervention au soutien du pourvoi de la société La Provençale est recevable.
3. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
5. Pour déterminer si une dérogation peut être accordée sur le fondement du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de porter une appréciation qui prenne en compte l'ensemble des aspects mentionnés au point 4, parmi lesquels figurent les atteintes que le projet est susceptible de porter aux espèces protégées, compte tenu, notamment, des mesures d'évitement, réduction et compensation proposées par le pétitionnaire et de l'état de conservation des espèces concernées.
6. Pour apprécier si le projet ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de déterminer, dans un premier temps, l'état de conservation des populations des espèces concernées et, dans un deuxième temps, les impacts géographiques et démographiques que les dérogations envisagées sont susceptibles de produire sur celui-ci.
7. En premier lieu, dès lors qu'il n'était pas soutenu que l'état de conservation de l'ensemble des espèces concernées par le projet était favorable, il ne saurait être reproché à la cour administrative d'appel de ne pas s'être prononcée explicitement sur ce point. Par suite, la cour a pu directement s'interroger sur les impacts de la dérogation. En relevant à cet égard que les lacunes du dossier de demande de dérogation ne lui permettaient pas d'apprécier les impacts du projet sur l'état de conservation des espèces concernées pour en déduire que la condition tenant à ce que le projet ne nuise pas au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées ne pouvait être regardée comme remplie, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
8. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger qu'il ne pouvait être établi que le projet ne nuirait pas au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, la cour administrative d'appel a relevé que les données figurant au dossier de demande de dérogation étaient insuffisamment documentées et évaluées, faisant notamment état de l'absence d'évaluation, par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Languedoc-Roussillon et le Conseil national de la protection de la nature, de la modification des mesures de compensation proposées. Contrairement à ce qui est soutenu, la cour n'a pas, en relevant cet élément de fait, jugé que la modification apportée par la société aux mesures compensatoires imposait à peine d'irrégularité une nouvelle consultation de ces instances. Par suite le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en s'abstenant de rechercher si cette modification posait une question nouvelle justifiant que ces services soient saisis une seconde fois pour avis ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel ne s'est pas prononcée sur la portée des mesures compensatoires, mais qu'elle s'est bornée à constater, comme mentionné aux points 7 et 8, que les lacunes du dossier ne lui permettaient pas d'apprécier l'impact du projet sur le maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées. Par suite, les moyens tirés de ce qu'elle aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en jugeant ces mesures insuffisantes ne peuvent qu'être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société La Provençale n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Par suite, son pourvoi doit être rejeté, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société La Provençale la somme de 3 000 euros à verser à La Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et M. B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de l'association syndicale professionnelle Minéraux Industriels France est admise.
Article 2 : Le pourvoi de la société La Provençale est rejeté.
Article 3: La société La Provençale versera solidairement à la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et à M. B... une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4: La présente décision sera notifiée à la société La Provençale, à la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales, première dénommée pour les défendeurs, et à l'association syndicale professionnelle Minéraux Industriels France.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 7 décembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. Antoine Berger, auditeur-rapporteur.
Rendu le 28 décembre 2022.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Antoine Berger
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain
N° 449658
ECLI:FR:CECHR:2022:449658.20221228
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Antoine Berger, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SCP ZRIBI, TEXIER ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats
Lecture du mercredi 28 décembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66) et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 3 février 2015 accordant à la société La Provençale une dérogation aux interdictions de destruction d'espèces de flore et de faune sauvages protégées, dans le cadre de la réouverture de la carrière de Nau Bouques sur le territoire des communes de Vingrau et Tautavel. Par un jugement n° 1502035 du 3 mai 2016, le tribunal administratif a annulé l'arrêté.
Par un arrêt n° 16MA02625 du 14 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer contre ce jugement. Par un arrêt n° 16MA02626 du même jour, la cour a rejeté l'appel formé par la société La Provençale contre ce même jugement.
Par une décision n° 425395, 425399, 425425 du 3 juin 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, sur les pourvois de la société La Provençale et du ministre de la transition écologique et solidaire, annulé les arrêts du 14 septembre 2018 de la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé les affaires devant la cour.
Par un arrêt n° 20MA01978 du 17 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société La Provençale contre le jugement du 3 mai 2016 du tribunal administratif de Montpellier.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 février et 12 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société La Provençale demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et de M. B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Antoine Berger, auditeur,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de la société La Provençale, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-orientales et autre, et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de l'association syndicale professionnelle Minéraux Industriels France ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 3 février 2015, le préfet des Pyrénées-Orientales a accordé à la société La Provençale une dérogation aux interdictions de destruction d'espèces de flore et de faune sauvages protégées pour la réalisation de son projet de réouverture de la carrière de Nau Bouques sur le territoire des communes de Vingrau et Tautavel. A la demande de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et de M. B..., le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté, par un jugement du 3 mai 2016. Par deux arrêts du 14 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté les appels du ministre chargé de la transition écologique et solidaire et de la société La Provençale contre ce jugement. Par une décision du 3 juin 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, jugeant que la cour avait commis une erreur de qualification juridique en estimant que le projet de réouverture de la carrière de Nau Bouques ne répondait pas à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens du c) du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, a annulé ces arrêts et renvoyé les affaires à la cour administrative d'appel de Marseille. Par un arrêt du 17 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur la requête de la société La Provençale, a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Montpellier. La société La Provençale se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. L'association syndicale professionnelle Minéraux Industriels France justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêt attaqué. Ainsi, son intervention au soutien du pourvoi de la société La Provençale est recevable.
3. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
5. Pour déterminer si une dérogation peut être accordée sur le fondement du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de porter une appréciation qui prenne en compte l'ensemble des aspects mentionnés au point 4, parmi lesquels figurent les atteintes que le projet est susceptible de porter aux espèces protégées, compte tenu, notamment, des mesures d'évitement, réduction et compensation proposées par le pétitionnaire et de l'état de conservation des espèces concernées.
6. Pour apprécier si le projet ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de déterminer, dans un premier temps, l'état de conservation des populations des espèces concernées et, dans un deuxième temps, les impacts géographiques et démographiques que les dérogations envisagées sont susceptibles de produire sur celui-ci.
7. En premier lieu, dès lors qu'il n'était pas soutenu que l'état de conservation de l'ensemble des espèces concernées par le projet était favorable, il ne saurait être reproché à la cour administrative d'appel de ne pas s'être prononcée explicitement sur ce point. Par suite, la cour a pu directement s'interroger sur les impacts de la dérogation. En relevant à cet égard que les lacunes du dossier de demande de dérogation ne lui permettaient pas d'apprécier les impacts du projet sur l'état de conservation des espèces concernées pour en déduire que la condition tenant à ce que le projet ne nuise pas au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées ne pouvait être regardée comme remplie, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
8. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger qu'il ne pouvait être établi que le projet ne nuirait pas au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, la cour administrative d'appel a relevé que les données figurant au dossier de demande de dérogation étaient insuffisamment documentées et évaluées, faisant notamment état de l'absence d'évaluation, par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Languedoc-Roussillon et le Conseil national de la protection de la nature, de la modification des mesures de compensation proposées. Contrairement à ce qui est soutenu, la cour n'a pas, en relevant cet élément de fait, jugé que la modification apportée par la société aux mesures compensatoires imposait à peine d'irrégularité une nouvelle consultation de ces instances. Par suite le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en s'abstenant de rechercher si cette modification posait une question nouvelle justifiant que ces services soient saisis une seconde fois pour avis ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel ne s'est pas prononcée sur la portée des mesures compensatoires, mais qu'elle s'est bornée à constater, comme mentionné aux points 7 et 8, que les lacunes du dossier ne lui permettaient pas d'apprécier l'impact du projet sur le maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées. Par suite, les moyens tirés de ce qu'elle aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en jugeant ces mesures insuffisantes ne peuvent qu'être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société La Provençale n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Par suite, son pourvoi doit être rejeté, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société La Provençale la somme de 3 000 euros à verser à La Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et M. B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de l'association syndicale professionnelle Minéraux Industriels France est admise.
Article 2 : Le pourvoi de la société La Provençale est rejeté.
Article 3: La société La Provençale versera solidairement à la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et à M. B... une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4: La présente décision sera notifiée à la société La Provençale, à la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales, première dénommée pour les défendeurs, et à l'association syndicale professionnelle Minéraux Industriels France.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 7 décembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. Antoine Berger, auditeur-rapporteur.
Rendu le 28 décembre 2022.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Antoine Berger
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain