Conseil d'État
N° 441184
ECLI:FR:CECHR:2022:441184.20221123
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Alexandra Bratos, rapporteur
Mme Esther de Moustier, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET ; SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SCP GASCHIGNARD, avocats
Lecture du mercredi 23 novembre 2022
Vu la procédure suivante :
M. et Mme D... et M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2018 par lequel le maire de Neuilly-sur-Seine a délivré à la société OCDL un permis de construire modificatif valant permis de démolir pour la construction d'un immeuble de 12 logements.
Par un jugement n° 1802533 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juin et 4 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... et M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Neuilly-sur-Seine la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Alexandra Bratos, auditrice,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme D... et de M. et Mme A..., à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la commune de Neuilly-sur-Seine et à la SCP Gaschignard, avocat de la société OCDL ;
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de Neuilly-sur-Seine a délivré, le 16 janvier 2018, à la société OCDL un permis de construire pour un projet de construction de 12 logements comprenant un tiers de logements sociaux. Mme D... et M. et Mme A..., propriétaires mitoyens du terrain d'assiette du projet, se pourvoient en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 4 février 2020 rejetant leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ce permis de construire.
2. L'article L. 127-1 du code de l'urbanisme, aujourd'hui repris à son article L. 151-28, autorise le règlement des plans locaux d'urbanisme à " délimiter des secteurs à l'intérieur desquels la réalisation de programmes de logements comportant des logements locatifs sociaux au sens de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation bénéficie d'une majoration du volume constructible tel qu'il résulte des règles relatives au gabarit, à la hauteur et à l'emprise au sol. Cette majoration, fixée pour chaque secteur, ne peut excéder 50 % (...) ".
3. Sur le fondement de ces dispositions, l'article 8 du titre I du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Neuilly-sur-Seine prévoit que " (...) dans les secteurs définis au plan annexé au règlement, une majoration du volume constructible tel qu'il résulte des règles relatives au gabarit, à la hauteur et à l'emprise au sol, est autorisée dans une limite de 30 % pour la réalisation de programmes de logements comprenant des logements locatifs sociaux (...) ". Le point 2 de cet article précise que " le dépassement ne peut excéder (...) 30 % pour chacune des règles concernées (de gabarit, de hauteur ou d'emprise) ". Par ailleurs, le règlement du plan local d'urbanisme définit le gabarit comme correspondant, pour l'application des majorations du volume constructible, " aux règles de distance des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété (...) ainsi que par rapport aux limites séparatives (...) et aux voies et emprises publiques (...) ". Aux termes de l'article UD7 du règlement du plan local d'urbanisme : " Implantation des constructions par rapport aux limites séparatives : Il est fait application des dispositions des articles 8.1 et 8.2 des dispositions générales pour la diversité de l'habitat. (...) / Dans les secteurs UDb et UDc : 7.2.1- Par rapport aux limites séparatives aboutissant aux voies : 7.2.1.1- cas d'implantation des façades ou parties de bâtiment en retrait des limites séparatives aboutissant aux voies : 7.2.1.1.1- Implantation des façades ou des parties de bâtiment comportant des baies principales : La distance d'une façade comportant des baies principales mesurée horizontalement à la limite séparative doit être au moins égale à la hauteur de cette façade, avec un minimum de 12 mètres et de 1/6ème de la largeur de l'unité foncière. (...) 7.2.1.1.2- Implantation des façades ou parties de bâtiments ne comportant pas de baies principales (baies secondaires ou absence de baies) : La distance mesurée horizontalement d'une façade ne comportant pas de baies principales à la limite séparative doit être au moins égale au 1/6ème de la largeur de l'unité foncière, sans pouvoir être inférieure à 3 mètres. (...) ".
4. Il ressort des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Neuilly-sur-Seine, citées au point précédent, que la majoration du volume constructible, qui est autorisée pour la construction de logements sociaux dans certains secteurs dans une limite de 30 %, est applicable à chacune des règles concernées de hauteur, d'emprise et de gabarit. Lorsqu'est en cause la règle de gabarit, définie par le règlement du plan local d'urbanisme comme la règle de distance des constructions par rapport, notamment, aux limites séparatives, cette majoration permet notamment, pour une distance à la limite séparative donnée, d'augmenter d'un coefficient de 1,3 la hauteur du bâtiment autorisée par la règle de distance aux limites séparatives ou, pour une hauteur donnée, de réduire la distance aux limites séparatives exigée par l'article UD 7 d'un coefficient de 1,3. Cette hauteur ou cette distance ainsi calculée ne saurait, toutefois, être augmentée ou réduite au-delà ou en-deçà de la limite fixée en valeur absolue par le règlement du plan local d'urbanisme.
5. Il s'ensuit qu'en retenant, pour définir la distance d'implantation minimale de la construction projetée par rapport aux limites séparatives, non pas sa hauteur effective mais la hauteur maximale théorique autorisée par le règlement du plan local d'urbanisme, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Les requérants sont dès lors fondés, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Neuilly-sur-Seine la somme totale de 3 000 euros à verser à Mme D... et M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme D... et M. et Mme A... n'étant pas les parties perdantes dans la présente instance, les conclusions présentées, au même titre, par la commune de Neuilly-sur-Seine et la société OCDL ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 4 février 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Article 3 : La commune de Neuilly-sur-Seine versera à Mme D... et à M. et Mme A... la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Neuilly-sur-Seine et par la société OCDL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme C... D..., première dénommée, pour l'ensemble des requérants, à la commune de Neuilly-sur-Seine et à la société OCDL.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 9 novembre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Nicolas Polge, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat et Mme Alexandra Bratos, auditrice-rapporteure.
Rendu le 23 novembre 2022.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Alexandra Bratos
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana
N° 441184
ECLI:FR:CECHR:2022:441184.20221123
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Alexandra Bratos, rapporteur
Mme Esther de Moustier, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET ; SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SCP GASCHIGNARD, avocats
Lecture du mercredi 23 novembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. et Mme D... et M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2018 par lequel le maire de Neuilly-sur-Seine a délivré à la société OCDL un permis de construire modificatif valant permis de démolir pour la construction d'un immeuble de 12 logements.
Par un jugement n° 1802533 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juin et 4 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... et M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Neuilly-sur-Seine la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Alexandra Bratos, auditrice,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme D... et de M. et Mme A..., à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la commune de Neuilly-sur-Seine et à la SCP Gaschignard, avocat de la société OCDL ;
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de Neuilly-sur-Seine a délivré, le 16 janvier 2018, à la société OCDL un permis de construire pour un projet de construction de 12 logements comprenant un tiers de logements sociaux. Mme D... et M. et Mme A..., propriétaires mitoyens du terrain d'assiette du projet, se pourvoient en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 4 février 2020 rejetant leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ce permis de construire.
2. L'article L. 127-1 du code de l'urbanisme, aujourd'hui repris à son article L. 151-28, autorise le règlement des plans locaux d'urbanisme à " délimiter des secteurs à l'intérieur desquels la réalisation de programmes de logements comportant des logements locatifs sociaux au sens de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation bénéficie d'une majoration du volume constructible tel qu'il résulte des règles relatives au gabarit, à la hauteur et à l'emprise au sol. Cette majoration, fixée pour chaque secteur, ne peut excéder 50 % (...) ".
3. Sur le fondement de ces dispositions, l'article 8 du titre I du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Neuilly-sur-Seine prévoit que " (...) dans les secteurs définis au plan annexé au règlement, une majoration du volume constructible tel qu'il résulte des règles relatives au gabarit, à la hauteur et à l'emprise au sol, est autorisée dans une limite de 30 % pour la réalisation de programmes de logements comprenant des logements locatifs sociaux (...) ". Le point 2 de cet article précise que " le dépassement ne peut excéder (...) 30 % pour chacune des règles concernées (de gabarit, de hauteur ou d'emprise) ". Par ailleurs, le règlement du plan local d'urbanisme définit le gabarit comme correspondant, pour l'application des majorations du volume constructible, " aux règles de distance des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété (...) ainsi que par rapport aux limites séparatives (...) et aux voies et emprises publiques (...) ". Aux termes de l'article UD7 du règlement du plan local d'urbanisme : " Implantation des constructions par rapport aux limites séparatives : Il est fait application des dispositions des articles 8.1 et 8.2 des dispositions générales pour la diversité de l'habitat. (...) / Dans les secteurs UDb et UDc : 7.2.1- Par rapport aux limites séparatives aboutissant aux voies : 7.2.1.1- cas d'implantation des façades ou parties de bâtiment en retrait des limites séparatives aboutissant aux voies : 7.2.1.1.1- Implantation des façades ou des parties de bâtiment comportant des baies principales : La distance d'une façade comportant des baies principales mesurée horizontalement à la limite séparative doit être au moins égale à la hauteur de cette façade, avec un minimum de 12 mètres et de 1/6ème de la largeur de l'unité foncière. (...) 7.2.1.1.2- Implantation des façades ou parties de bâtiments ne comportant pas de baies principales (baies secondaires ou absence de baies) : La distance mesurée horizontalement d'une façade ne comportant pas de baies principales à la limite séparative doit être au moins égale au 1/6ème de la largeur de l'unité foncière, sans pouvoir être inférieure à 3 mètres. (...) ".
4. Il ressort des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Neuilly-sur-Seine, citées au point précédent, que la majoration du volume constructible, qui est autorisée pour la construction de logements sociaux dans certains secteurs dans une limite de 30 %, est applicable à chacune des règles concernées de hauteur, d'emprise et de gabarit. Lorsqu'est en cause la règle de gabarit, définie par le règlement du plan local d'urbanisme comme la règle de distance des constructions par rapport, notamment, aux limites séparatives, cette majoration permet notamment, pour une distance à la limite séparative donnée, d'augmenter d'un coefficient de 1,3 la hauteur du bâtiment autorisée par la règle de distance aux limites séparatives ou, pour une hauteur donnée, de réduire la distance aux limites séparatives exigée par l'article UD 7 d'un coefficient de 1,3. Cette hauteur ou cette distance ainsi calculée ne saurait, toutefois, être augmentée ou réduite au-delà ou en-deçà de la limite fixée en valeur absolue par le règlement du plan local d'urbanisme.
5. Il s'ensuit qu'en retenant, pour définir la distance d'implantation minimale de la construction projetée par rapport aux limites séparatives, non pas sa hauteur effective mais la hauteur maximale théorique autorisée par le règlement du plan local d'urbanisme, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Les requérants sont dès lors fondés, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Neuilly-sur-Seine la somme totale de 3 000 euros à verser à Mme D... et M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme D... et M. et Mme A... n'étant pas les parties perdantes dans la présente instance, les conclusions présentées, au même titre, par la commune de Neuilly-sur-Seine et la société OCDL ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 4 février 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Article 3 : La commune de Neuilly-sur-Seine versera à Mme D... et à M. et Mme A... la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Neuilly-sur-Seine et par la société OCDL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme C... D..., première dénommée, pour l'ensemble des requérants, à la commune de Neuilly-sur-Seine et à la société OCDL.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 9 novembre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Nicolas Polge, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat et Mme Alexandra Bratos, auditrice-rapporteure.
Rendu le 23 novembre 2022.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Alexandra Bratos
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana