Conseil d'État
N° 461073
ECLI:FR:CECHR:2022:461073.20221017
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Vincent Mazauric, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du lundi 17 octobre 2022
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 février, 24 juin et 23 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société E-Pango demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération n° 2022-25 de la Commission de régulation de l'énergie du 20 janvier 2022 portant décision relative aux règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre ;
2°) de mettre à la charge de la Commission de régulation de l'énergie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) 2017/2195 de la Commission du 23 novembre 2017 concernant une ligne directrice sur l'équilibrage du système électrique ;
- le code de l'énergie ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Réseau de transport d'électricité ;
Considérant ce qui suit :
Sur le cadre juridique :
1. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement du règlement (UE) 2017/2195 de la Commission du 27 novembre 2017 concernant une ligne directrice sur l'équilibrage du système électrique : " 1. Les GRT [gestionnaires du réseau de transport] définissent les modalités et conditions ou les méthodologies requises par le présent règlement et les soumettent pour approbation aux autorités de régulation compétentes conformément à l'article 37 de la directive 2009/72/CE dans les délais respectifs fixés par le présent règlement ". Aux termes de l'article 5 de ce règlement : " 1. Chaque autorité de régulation (...) approuve les modalités et conditions ou les méthodologies élaborées par les GRT, en application des paragraphes 2, 3 et 4. Avant d'approuver les modalités et conditions ou les méthodologies, (...) les autorités de régulation compétentes révisent les propositions si nécessaire, après avoir consulté les GRT respectifs, afin de s'assurer qu'elles sont conformes à la finalité du présent règlement et qu'elles contribuent à l'intégration du marché, à l'absence de discrimination, à une concurrence effective et au fonctionnement efficace du marché./ (...)/ 4. Les propositions de modalités et conditions ou de méthodologies suivantes et chacune de leurs modifications sont soumises à l'approbation de chaque autorité de régulation de chaque Etat membre concerné, au cas par cas: /(...) / c) les modalités et conditions relatives à l'équilibrage, en application de l'article 18; / (...)/ g) le cas échéant, le mécanisme supplémentaire de règlement distinct du règlement des déséquilibres, afin de régler les coûts d'acquisition de capacités d'équilibrage, les coûts administratifs et les autres coûts liés à l'équilibrage, avec les responsables d'équilibre, en application de l'article 44, paragraphe 3; / (...) ". Aux termes de l'article 6 de ce même règlement : " 1. Lorsque, conformément à l'article 37 de la directive 2009/72/CE, une ou plusieurs autorités de régulation demandent une modification avant d'approuver les modalités et conditions ou les méthodologies soumises en application de l'article 5, paragraphes 2, 3 et 4, les GRT concernés soumettent une proposition de version modifiée des modalités et conditions ou des méthodologies, pour approbation, dans un délai de deux mois à compter de la demande des autorités de régulation compétentes. Les autorités de régulation compétentes statuent sur la version modifiée dans un délai de deux mois à compter de sa soumission. / (...) / 3. Les GRT responsables de l'élaboration d'une proposition de modalités et conditions ou de méthodologies, ou les autorités de régulation responsables de leur adoption conformément à l'article 5, paragraphes 2, 3 et 4, peuvent demander des modifications de ces modalités et conditions ou méthodologies. Les propositions de modification des modalités et conditions ou des méthodologies font l'objet d'une consultation conformément à la procédure énoncée à l'article 10 et sont approuvées conformément à la procédure énoncée aux articles 4 et 5. / ( ...)". Aux termes de l'article 10 de ce règlement : " 1. Les GRT chargés de soumettre des propositions de modalités et conditions ou de méthodologies ou leurs modifications conformément au présent règlement consultent les parties intéressées, y compris les autorités compétentes de chaque Etat membre, sur les projets de propositions de modalités et conditions ou de méthodologies et sur d'autres mesures d'exécution pendant une période non inférieure à un mois. / (...) ". Aux termes de l'article 18 de ce règlement: " 1. Au plus tard six mois après l'entrée en vigueur du présent règlement et pour toutes les zones de programmation d'un Etat membre, les GRT [gestionnaires du réseau de transport] de cet Etat membre élaborent une proposition concernant : / (...) / a) les modalités et conditions applicables aux fournisseurs de service d'équilibrage ; /b) les modalités et les conditions applicables aux responsables d'équilibre ". Aux termes de l'article 44 de ce règlement : " (...) / 3. Chaque GRT peut élaborer une proposition concernant un mécanisme de règlement supplémentaire distinct du règlement des déséquilibres, en vue de régler les coûts d'acquisition des capacités d'équilibrage en application du chapitre 5 du présent titre, les coûts administratifs et les autres coûts liés à l'équilibrage. Le mécanisme de règlement supplémentaire s'applique aux responsables d'équilibre. Il est préférable pour ce faire d'instaurer une fonction de détermination du prix de la pénurie. Si les GRT optent pour un autre mécanisme, ils doivent motiver leur choix dans la proposition. Cette proposition est soumise à l'approbation de l'autorité de régulation compétente. / (...)"
2. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 321-10 du code de l'énergie : " Le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité assure à tout instant l'équilibre des flux d'électricité sur le réseau ainsi que la sécurité, la sûreté et l'efficacité de ce réseau, en tenant compte des contraintes techniques pesant sur celui-ci ". En vertu de l'article L. 321-15 de ce code, chaque producteur d'électricité raccordé aux réseaux publics de transport ou de distribution et chaque consommateur d'électricité, pour les sites pour lesquels il a exercé son droit prévu à l'article L. 331-1, " est responsable des écarts entre les injections et les soutirages d'électricité auxquels il procède ". Dans ce cadre, il doit conclure un contrat avec le gestionnaire du réseau public de transport, afin de définir les modalités selon lesquelles lui sont financièrement imputés les écarts entre les injections et les soutirages d'électricité auxquels il procède sur le réseau. Il peut toutefois contracter à cette fin avec un " responsable d'équilibre ", qui prend alors en charge les écarts ou demander à l'un de ses fournisseurs de le faire. Ainsi, le responsable d'équilibre s'engage auprès du gestionnaire du réseau de transport à supporter le coût financier de tout écart négatif et, en cas d'écart positif, peut bénéficier d'une rémunération accordée par ce gestionnaire, conformément à l'article L. 321-14 de ce code, pour l'ensemble des sites de consommation qui, en vertu d'un contrat conclu avec lui, sont rattachés à son " périmètre d'équilibre ". L'article L. 321-10 du code de l'énergie dispose, en outre, que " les règles de présentation des programmes et des propositions d'ajustement et les critères de choix entre les propositions d'ajustement (...) sont approuvés par la Commission de régulation de l'énergie ". L'article L. 321-14 du même code prévoit, enfin, que les méthodes de calcul des écarts et des compensations financières sont approuvées par la Commission de régulation de l'énergie.
3. En troisième lieu, en application des dispositions précitées, par une délibération du 1er juillet 2021, la Commission de régulation de l'énergie a approuvé la dernière version des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre, dites " règles MA-RE ", qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2021. Cette délibération prévoit, au point B. 5 de sa section 2, des " modalités de révision " selon une procédure en neuf étapes: " 1. RTE [Réseau de transport d'électricité] établit sur son initiative ou suite à la demande d'un ou de plusieurs membres de la Commission Accès au Marché, un projet de révision de la Section 2 des Règles. / 2. Aux fins de l'élaboration du projet de révision de la Section 2 des Règles, RTE se coordonne avec les GRD [gestionnaires des réseaux de distribution] sur les sujets qui les concernent et associe l'ensemble des parties prenantes tout au long de l'élaboration de la proposition en tenant compte de leurs avis ; / 3. RTE notifie aux membres de la Commission Accès au Marché le projet de révision de la Section 2 des Règles ; / 4. Dans un délai indiqué dans cette notification, qui ne peut être inférieur à un (1) mois calendaire, les membres de la Commission Accès au Marché peuvent notifier à RTE leurs observations ou contre-propositions : c'est la phase de consultation; / 5. Après la date limite pour la Notification des observations ou contre-propositions précitée, RTE élabore un nouveau projet de révision de la Section 2 des Règles et le notifie aux membres de la Commission Accès au Marché. Lors de l'élaboration de ce nouveau projet, RTE tient compte des observations des parties intéressées, exprimées lors de la phase de consultation. RTE peut refuser de prendre en compte les observations ou contre-propositions faites qui lui ont été adressées sous réserve de le justifier ; / 6. RTE transmet à la CRE le nouveau projet, accompagné des résultats de la consultation, et justifie les observations ou contre-propositions non retenues ; / 7. La CRE, en application de l'article L.321-14 du Code de l'énergie approuve " les méthodes de calcul des écarts et des compensations financières. 8. La décision par laquelle la CRE approuve la Section 2 des Règles est publiée au Journal officiel de la République française ; 9. dans un délai de quinze (15) Jours Ouvrés à compter de la date de publication de la décision d'approbation de la CRE, RTE : / établit la version révisée définitive de la Section 2 des Règles ; / publie, sur le Site Internet de RTE, la version révisée définitive de la Section 2 des Règles ainsi que sa date d'entrée en vigueur. Les Règles SI stipulent des modalités de révision spécifiques qui dérogent à la procédure exposée ci-dessous ".
Sur la demande de la société requérante :
4. Par une délibération du 20 janvier 2022 de la Commission de régulation de l'énergie visant à " réviser temporairement les règles MA-RE afin de mieux encadrer le cas où un responsable d'équilibre est défaillant ", de nouvelles règles ont été fixées pour permettre à la société RTE d'agir plus rapidement lorsque l'encours d'un responsable d'équilibre augmente : réduction de dix à cinq jours du délai entre le constat de la défaillance d'un responsable d'équilibre - c'est-à-dire le dépassement de son encours autorisé - et la résiliation du contrat de participation conclu avec celui-ci, réduction de quatre-vingt-dix à quarante-cinq jours du délai de validité du dépôt de liquidité avant réception d'une garantie bancaire, réduction de trente à cinq jours du délai de paiement des factures pour les responsables d'équilibre ayant dépassé leur encours autorisé et, enfin, faculté d'augmenter de 5 millions d'euros sous dix jours la garantie financière demandée à un responsable d'équilibre défaillant, le plafond de la garantie étant porté à 30 millions d'euros. La société E-Pango, fournisseur indépendant d'énergie et responsable d'équilibre, demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette délibération en soutenant qu'elle a été prise en méconnaissance des obligations en matière de consultation préalable mentionnées au point 3.
5. En premier lieu, si la Commission de régulation de l'énergie soutient que la délibération attaquée a été prise sur le fondement des dispositions de l'article 5 du règlement 2017/2195, citées au point 1, qui autorisent les autorités de régulation à réviser, si nécessaire avant de les approuver, les propositions élaborées par les gestionnaires de réseau de transport, sans obligation de consultation préalable des opérateurs concernés, il ressort des pièces du dossier que la proposition de modification des règles dites " MA-RE " que la société RTE lui avait transmise le 23 décembre 2021, se bornait, s'agissant des dispositions des paragraphes C.4, C. 7 et C. 21 auxquelles la délibération contestée se rattache, à renuméroter certains renvois d'articles. Par suite, eu égard à la teneur de la délibération attaquée qui institue, en réponse à la demande de la société RTE en date du 17 janvier 2022, des mesures d'urgence de sécurisation financière du dispositif de responsable d'équilibre aux fins de maîtriser l'impact financier de la crise observée sur le marché de l'électricité, cette délibération doit être regardée comme une modification au sens du point 3 de l'article 6 du règlement précité, qui aurait dû être précédée de la consultation des opérateurs intéressés.
6. En deuxième lieu, si la délibération attaquée invite la société RTE à saisir la Commission de régulation de l'énergie, avant le 1er juin 2022, d'évolutions visant à renforcer la sécurisation financière du dispositif de responsable d'équilibre, après avoir mené la consultation de la Commission d 'Accès au Marché exigée par les dispositions mentionnées au point 3 , il est constant qu'une telle consultation n'a pas eu lieu avant l'adoption de cette délibération alors même qu'elle constitue une garantie pour les opérateurs économiques représentés au sein de cette commission et aurait été, au surplus, susceptible d'exercer une influence sur son sens.
7. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que les prix de l'électricité sur le marché de gros ont enregistré une hausse importante, à l'automne 2021, liée notamment à la hausse des prix du gaz en Europe et à la dégradation de la disponibilité du parc nucléaire français, laquelle hausse a conduit à une très forte augmentation du prix de règlement des écarts et à une nette aggravation du risque de dépassement des encours autorisés des responsables d'équilibre dont une quinzaine ont fait l'objet de mises en demeure à compter de novembre 2021 et dont trois ont été placés en redressement judiciaire ou en liquidation en décembre 2021 et janvier 2022. En revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier que le délai dans lequel ces évolutions se sont produites et que l'ampleur des conséquences financières qu'elles étaient susceptibles d'entraîner notamment pour l'ensemble des utilisateurs des réseaux de distribution d'électricité appelés à financer les pertes occasionnées en la matière, ont été constitutives de circonstances exceptionnelles ou ont été revêtues d'un caractère d'urgence de nature à justifier qu'aucune consultation n'ait lieu avant que ne soit prise la délibération attaquée.
8. Il résulte de ce qui précède que la délibération attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et que la société E-Pango est fondée à en demander, pour ce motif, l'annulation.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Commission de régulation de l'énergie la somme de 3 000 euros à verser à la société E-Pango, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La délibération n° 2022-25 de la Commission de régulation de l'énergie du 20 janvier 2022 est annulée.
Article 2 : La Commission de régulation de l'énergie versera à la société E-Pango la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société E-Pango, à la Commission de régulation de l'énergie, à la société Réseau de transport d'électricité et à la ministre de la transition énergétique.
Délibéré à l'issue de la séance du 3 octobre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Thomas Andrieu, M. Nicolas Polge, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, conseillers d'Etat ; M. Olivier Saby, maître des requêtes et M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 17 octobre 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Vincent Mazauric
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
N° 461073
ECLI:FR:CECHR:2022:461073.20221017
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Vincent Mazauric, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du lundi 17 octobre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 février, 24 juin et 23 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société E-Pango demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération n° 2022-25 de la Commission de régulation de l'énergie du 20 janvier 2022 portant décision relative aux règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre ;
2°) de mettre à la charge de la Commission de régulation de l'énergie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) 2017/2195 de la Commission du 23 novembre 2017 concernant une ligne directrice sur l'équilibrage du système électrique ;
- le code de l'énergie ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Réseau de transport d'électricité ;
Considérant ce qui suit :
Sur le cadre juridique :
1. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement du règlement (UE) 2017/2195 de la Commission du 27 novembre 2017 concernant une ligne directrice sur l'équilibrage du système électrique : " 1. Les GRT [gestionnaires du réseau de transport] définissent les modalités et conditions ou les méthodologies requises par le présent règlement et les soumettent pour approbation aux autorités de régulation compétentes conformément à l'article 37 de la directive 2009/72/CE dans les délais respectifs fixés par le présent règlement ". Aux termes de l'article 5 de ce règlement : " 1. Chaque autorité de régulation (...) approuve les modalités et conditions ou les méthodologies élaborées par les GRT, en application des paragraphes 2, 3 et 4. Avant d'approuver les modalités et conditions ou les méthodologies, (...) les autorités de régulation compétentes révisent les propositions si nécessaire, après avoir consulté les GRT respectifs, afin de s'assurer qu'elles sont conformes à la finalité du présent règlement et qu'elles contribuent à l'intégration du marché, à l'absence de discrimination, à une concurrence effective et au fonctionnement efficace du marché./ (...)/ 4. Les propositions de modalités et conditions ou de méthodologies suivantes et chacune de leurs modifications sont soumises à l'approbation de chaque autorité de régulation de chaque Etat membre concerné, au cas par cas: /(...) / c) les modalités et conditions relatives à l'équilibrage, en application de l'article 18; / (...)/ g) le cas échéant, le mécanisme supplémentaire de règlement distinct du règlement des déséquilibres, afin de régler les coûts d'acquisition de capacités d'équilibrage, les coûts administratifs et les autres coûts liés à l'équilibrage, avec les responsables d'équilibre, en application de l'article 44, paragraphe 3; / (...) ". Aux termes de l'article 6 de ce même règlement : " 1. Lorsque, conformément à l'article 37 de la directive 2009/72/CE, une ou plusieurs autorités de régulation demandent une modification avant d'approuver les modalités et conditions ou les méthodologies soumises en application de l'article 5, paragraphes 2, 3 et 4, les GRT concernés soumettent une proposition de version modifiée des modalités et conditions ou des méthodologies, pour approbation, dans un délai de deux mois à compter de la demande des autorités de régulation compétentes. Les autorités de régulation compétentes statuent sur la version modifiée dans un délai de deux mois à compter de sa soumission. / (...) / 3. Les GRT responsables de l'élaboration d'une proposition de modalités et conditions ou de méthodologies, ou les autorités de régulation responsables de leur adoption conformément à l'article 5, paragraphes 2, 3 et 4, peuvent demander des modifications de ces modalités et conditions ou méthodologies. Les propositions de modification des modalités et conditions ou des méthodologies font l'objet d'une consultation conformément à la procédure énoncée à l'article 10 et sont approuvées conformément à la procédure énoncée aux articles 4 et 5. / ( ...)". Aux termes de l'article 10 de ce règlement : " 1. Les GRT chargés de soumettre des propositions de modalités et conditions ou de méthodologies ou leurs modifications conformément au présent règlement consultent les parties intéressées, y compris les autorités compétentes de chaque Etat membre, sur les projets de propositions de modalités et conditions ou de méthodologies et sur d'autres mesures d'exécution pendant une période non inférieure à un mois. / (...) ". Aux termes de l'article 18 de ce règlement: " 1. Au plus tard six mois après l'entrée en vigueur du présent règlement et pour toutes les zones de programmation d'un Etat membre, les GRT [gestionnaires du réseau de transport] de cet Etat membre élaborent une proposition concernant : / (...) / a) les modalités et conditions applicables aux fournisseurs de service d'équilibrage ; /b) les modalités et les conditions applicables aux responsables d'équilibre ". Aux termes de l'article 44 de ce règlement : " (...) / 3. Chaque GRT peut élaborer une proposition concernant un mécanisme de règlement supplémentaire distinct du règlement des déséquilibres, en vue de régler les coûts d'acquisition des capacités d'équilibrage en application du chapitre 5 du présent titre, les coûts administratifs et les autres coûts liés à l'équilibrage. Le mécanisme de règlement supplémentaire s'applique aux responsables d'équilibre. Il est préférable pour ce faire d'instaurer une fonction de détermination du prix de la pénurie. Si les GRT optent pour un autre mécanisme, ils doivent motiver leur choix dans la proposition. Cette proposition est soumise à l'approbation de l'autorité de régulation compétente. / (...)"
2. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 321-10 du code de l'énergie : " Le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité assure à tout instant l'équilibre des flux d'électricité sur le réseau ainsi que la sécurité, la sûreté et l'efficacité de ce réseau, en tenant compte des contraintes techniques pesant sur celui-ci ". En vertu de l'article L. 321-15 de ce code, chaque producteur d'électricité raccordé aux réseaux publics de transport ou de distribution et chaque consommateur d'électricité, pour les sites pour lesquels il a exercé son droit prévu à l'article L. 331-1, " est responsable des écarts entre les injections et les soutirages d'électricité auxquels il procède ". Dans ce cadre, il doit conclure un contrat avec le gestionnaire du réseau public de transport, afin de définir les modalités selon lesquelles lui sont financièrement imputés les écarts entre les injections et les soutirages d'électricité auxquels il procède sur le réseau. Il peut toutefois contracter à cette fin avec un " responsable d'équilibre ", qui prend alors en charge les écarts ou demander à l'un de ses fournisseurs de le faire. Ainsi, le responsable d'équilibre s'engage auprès du gestionnaire du réseau de transport à supporter le coût financier de tout écart négatif et, en cas d'écart positif, peut bénéficier d'une rémunération accordée par ce gestionnaire, conformément à l'article L. 321-14 de ce code, pour l'ensemble des sites de consommation qui, en vertu d'un contrat conclu avec lui, sont rattachés à son " périmètre d'équilibre ". L'article L. 321-10 du code de l'énergie dispose, en outre, que " les règles de présentation des programmes et des propositions d'ajustement et les critères de choix entre les propositions d'ajustement (...) sont approuvés par la Commission de régulation de l'énergie ". L'article L. 321-14 du même code prévoit, enfin, que les méthodes de calcul des écarts et des compensations financières sont approuvées par la Commission de régulation de l'énergie.
3. En troisième lieu, en application des dispositions précitées, par une délibération du 1er juillet 2021, la Commission de régulation de l'énergie a approuvé la dernière version des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre, dites " règles MA-RE ", qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2021. Cette délibération prévoit, au point B. 5 de sa section 2, des " modalités de révision " selon une procédure en neuf étapes: " 1. RTE [Réseau de transport d'électricité] établit sur son initiative ou suite à la demande d'un ou de plusieurs membres de la Commission Accès au Marché, un projet de révision de la Section 2 des Règles. / 2. Aux fins de l'élaboration du projet de révision de la Section 2 des Règles, RTE se coordonne avec les GRD [gestionnaires des réseaux de distribution] sur les sujets qui les concernent et associe l'ensemble des parties prenantes tout au long de l'élaboration de la proposition en tenant compte de leurs avis ; / 3. RTE notifie aux membres de la Commission Accès au Marché le projet de révision de la Section 2 des Règles ; / 4. Dans un délai indiqué dans cette notification, qui ne peut être inférieur à un (1) mois calendaire, les membres de la Commission Accès au Marché peuvent notifier à RTE leurs observations ou contre-propositions : c'est la phase de consultation; / 5. Après la date limite pour la Notification des observations ou contre-propositions précitée, RTE élabore un nouveau projet de révision de la Section 2 des Règles et le notifie aux membres de la Commission Accès au Marché. Lors de l'élaboration de ce nouveau projet, RTE tient compte des observations des parties intéressées, exprimées lors de la phase de consultation. RTE peut refuser de prendre en compte les observations ou contre-propositions faites qui lui ont été adressées sous réserve de le justifier ; / 6. RTE transmet à la CRE le nouveau projet, accompagné des résultats de la consultation, et justifie les observations ou contre-propositions non retenues ; / 7. La CRE, en application de l'article L.321-14 du Code de l'énergie approuve " les méthodes de calcul des écarts et des compensations financières. 8. La décision par laquelle la CRE approuve la Section 2 des Règles est publiée au Journal officiel de la République française ; 9. dans un délai de quinze (15) Jours Ouvrés à compter de la date de publication de la décision d'approbation de la CRE, RTE : / établit la version révisée définitive de la Section 2 des Règles ; / publie, sur le Site Internet de RTE, la version révisée définitive de la Section 2 des Règles ainsi que sa date d'entrée en vigueur. Les Règles SI stipulent des modalités de révision spécifiques qui dérogent à la procédure exposée ci-dessous ".
Sur la demande de la société requérante :
4. Par une délibération du 20 janvier 2022 de la Commission de régulation de l'énergie visant à " réviser temporairement les règles MA-RE afin de mieux encadrer le cas où un responsable d'équilibre est défaillant ", de nouvelles règles ont été fixées pour permettre à la société RTE d'agir plus rapidement lorsque l'encours d'un responsable d'équilibre augmente : réduction de dix à cinq jours du délai entre le constat de la défaillance d'un responsable d'équilibre - c'est-à-dire le dépassement de son encours autorisé - et la résiliation du contrat de participation conclu avec celui-ci, réduction de quatre-vingt-dix à quarante-cinq jours du délai de validité du dépôt de liquidité avant réception d'une garantie bancaire, réduction de trente à cinq jours du délai de paiement des factures pour les responsables d'équilibre ayant dépassé leur encours autorisé et, enfin, faculté d'augmenter de 5 millions d'euros sous dix jours la garantie financière demandée à un responsable d'équilibre défaillant, le plafond de la garantie étant porté à 30 millions d'euros. La société E-Pango, fournisseur indépendant d'énergie et responsable d'équilibre, demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette délibération en soutenant qu'elle a été prise en méconnaissance des obligations en matière de consultation préalable mentionnées au point 3.
5. En premier lieu, si la Commission de régulation de l'énergie soutient que la délibération attaquée a été prise sur le fondement des dispositions de l'article 5 du règlement 2017/2195, citées au point 1, qui autorisent les autorités de régulation à réviser, si nécessaire avant de les approuver, les propositions élaborées par les gestionnaires de réseau de transport, sans obligation de consultation préalable des opérateurs concernés, il ressort des pièces du dossier que la proposition de modification des règles dites " MA-RE " que la société RTE lui avait transmise le 23 décembre 2021, se bornait, s'agissant des dispositions des paragraphes C.4, C. 7 et C. 21 auxquelles la délibération contestée se rattache, à renuméroter certains renvois d'articles. Par suite, eu égard à la teneur de la délibération attaquée qui institue, en réponse à la demande de la société RTE en date du 17 janvier 2022, des mesures d'urgence de sécurisation financière du dispositif de responsable d'équilibre aux fins de maîtriser l'impact financier de la crise observée sur le marché de l'électricité, cette délibération doit être regardée comme une modification au sens du point 3 de l'article 6 du règlement précité, qui aurait dû être précédée de la consultation des opérateurs intéressés.
6. En deuxième lieu, si la délibération attaquée invite la société RTE à saisir la Commission de régulation de l'énergie, avant le 1er juin 2022, d'évolutions visant à renforcer la sécurisation financière du dispositif de responsable d'équilibre, après avoir mené la consultation de la Commission d 'Accès au Marché exigée par les dispositions mentionnées au point 3 , il est constant qu'une telle consultation n'a pas eu lieu avant l'adoption de cette délibération alors même qu'elle constitue une garantie pour les opérateurs économiques représentés au sein de cette commission et aurait été, au surplus, susceptible d'exercer une influence sur son sens.
7. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que les prix de l'électricité sur le marché de gros ont enregistré une hausse importante, à l'automne 2021, liée notamment à la hausse des prix du gaz en Europe et à la dégradation de la disponibilité du parc nucléaire français, laquelle hausse a conduit à une très forte augmentation du prix de règlement des écarts et à une nette aggravation du risque de dépassement des encours autorisés des responsables d'équilibre dont une quinzaine ont fait l'objet de mises en demeure à compter de novembre 2021 et dont trois ont été placés en redressement judiciaire ou en liquidation en décembre 2021 et janvier 2022. En revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier que le délai dans lequel ces évolutions se sont produites et que l'ampleur des conséquences financières qu'elles étaient susceptibles d'entraîner notamment pour l'ensemble des utilisateurs des réseaux de distribution d'électricité appelés à financer les pertes occasionnées en la matière, ont été constitutives de circonstances exceptionnelles ou ont été revêtues d'un caractère d'urgence de nature à justifier qu'aucune consultation n'ait lieu avant que ne soit prise la délibération attaquée.
8. Il résulte de ce qui précède que la délibération attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et que la société E-Pango est fondée à en demander, pour ce motif, l'annulation.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Commission de régulation de l'énergie la somme de 3 000 euros à verser à la société E-Pango, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La délibération n° 2022-25 de la Commission de régulation de l'énergie du 20 janvier 2022 est annulée.
Article 2 : La Commission de régulation de l'énergie versera à la société E-Pango la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société E-Pango, à la Commission de régulation de l'énergie, à la société Réseau de transport d'électricité et à la ministre de la transition énergétique.
Délibéré à l'issue de la séance du 3 octobre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Thomas Andrieu, M. Nicolas Polge, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, conseillers d'Etat ; M. Olivier Saby, maître des requêtes et M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 17 octobre 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Vincent Mazauric
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam