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Ariane Web: Conseil d'État 462037, lecture du 22 juillet 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:462037.20220722

Décision n° 462037
22 juillet 2022
Conseil d'État

N° 462037
ECLI:FR:CECHR:2022:462037.20220722
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Isabelle Lemesle, rapporteur
Mme Esther de Moustier, rapporteur public


Lecture du vendredi 22 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a, le 3 mars 2022, saisi le Conseil d'Etat en application de l'article L. 52-15 du code électoral de sa décision du 7 février 2022 constatant l'absence de dépôt de son compte de campagne par M. D..., candidat tête de liste " Combat ouvrier " à l'élection des conseillers à l'assemblée de Martinique qui s'est déroulée le 20 et le 27 juin 2021.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code électoral ;
- la loi n°2021-191 du 22 février 2021 ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme A... de Moustier, rapporteure publique ;



Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " I.- Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 et selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts (...)/ II.- Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes, notamment d'une copie des contrats de prêts conclus en application de l'article L. 52-7-1 du présent code, ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte (...) ". Selon l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. / (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection (...) ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique : " I. - Compte tenu des risques sanitaires liés à l'épidémie de covid-19, les premier et second tours du prochain renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux, de l'Assemblée de Corse et des assemblées de Guyane et de Martinique ont lieu en juin 2021 (...) ". Selon son article 11 : " Pour les élections mentionnées au I de l'article 1er de la présente loi, la date limite mentionnée au II de l'article L. 52-12 du code électoral est fixée au 17 septembre 2021 à 18 heures (...) ".

2. D'autre part, l'article L. 558-1 A du code électoral dispose que les conseillers à l'assemblée de Guyane et les conseillers à l'assemblée de Martinique sont élus dans les conditions fixées au titre Ier du livre Ier du code électoral et au livre VI bis propre à l'élection de ces conseillers. L'article L. 52-15 de ce code prescrit à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) de saisir le juge de l'élection lorsqu'elle constate que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit ou qu'elle rejette le compte d'un candidat. En vertu de l'article L. 558-14 du même code, créé par l'article 8 de la loi du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, lequel fixe spécialement les conditions dans lesquelles le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible un candidat à l'élection à l'assemblée de Guyane ou de Martinique, dérogeant ainsi aux règles de droit commun prévues à l'article L. 118-3 du même code : " Peut être déclaré inéligible pendant un an celui qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l'article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit ".

3. Il appartient au juge de l'élection, pour apprécier s'il y a lieu de faire usage à l'égard d'un candidat à l'élection aux assemblées de Guyane et de Martinique de la faculté ouverte par les dispositions de l'article L. 558-14 du code électoral en présence d'un manquement à une règle relative au financement des campagnes électorales, d'examiner si la règle méconnue présente ou non un caractère substantiel - ce qui est le cas, notamment, de l'absence de dépôt du compte de campagne dans le délai prescrit par l'article L. 52-12 - et, le cas échéant, de tenir compte du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte, du montant des sommes en cause et de l'ensemble des circonstances pertinentes de l'espèce. Si le juge de l'élection estime qu'il y a lieu de prononcer l'inéligibilité d'un candidat à l'élection des conseillers de l'assemblée de Guyane ou à celle des conseillers de l'assemblée de Martinique, une telle inéligibilité est d'une durée d'un an et ne vaut que pour l'élection considérée.

4. Il résulte de l'instruction que M. C..., dont la liste a recueilli 0,59 % des suffrages exprimés à l'issue du premier tour de scrutin de l'élection des conseillers à l'assemblée de Martinique le 20 juin 2021, n'a pas déposé son compte de campagne avant le 17 septembre 2021 à 18 heures et n'a pas produit d'attestation d'absence de recette et de dépense établie par son mandataire financier.

5. L'absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer la perception de dons de personnes physiques visées à l'article L. 52-8 du code électoral et, par suite, de l'obligation de dépôt d'un compte de campagne. Si cette présomption peut être combattue par tous moyens, M. C... n'a pas répondu à la demande de régularisation qui lui a été adressée par la CNCCFP le 26 octobre 2021, par lettre recommandée avec avis de réception, laquelle lui rappelait que les candidats qui ont recueilli moins de 1% des suffrages exprimés doivent déposer un compte de campagne lorsqu'ils ont bénéficié de dons de personnes physiques et qu'à défaut que lui soient restitués les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire financier, la commission ne pouvait s'assurer de ce qu'il remplissait ou non cette condition. Devant le juge de l'élection, l'intéressé se borne à affirmer, sans étayer ses allégations, que son compte de campagne aurait été adressé à la CNCCFP et qu'une enveloppe contenant trois carnets de reçus-dons, dont un non utilisé, aurait été remise à La Poste, sans qu'un récépissé de dépôt lui ait été délivré. Dans ces conditions, M. C... doit être regardé comme ayant méconnu, de manière délibérée, une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales. Il y a lieu de le déclarer inéligible en qualité de conseiller à l'assemblée de Martinique pour une durée d'un an à compter de la date de la présente décision.



D E C I D E :
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Article 1er : M. C... est déclaré inéligible en qualité de conseiller à l'assemblée de Martinique pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
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