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Ariane Web: Conseil d'État 465257, lecture du 1 juillet 2022, ECLI:FR:CEORD:2022:465257.20220701

Décision n° 465257
1 juillet 2022
Conseil d'État

N° 465257
ECLI:FR:CEORD:2022:465257.20220701
Inédit au recueil Lebon



Lecture du vendredi 1 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères de mettre fin à la procédure disciplinaire engagée contre lui à raison des mêmes faits que ceux ayant abouti à l'arrêté du 4 octobre 2019 dont le jugement d'annulation par le tribunal administratif de Paris est frappé d'appel et d'interdire pour l'avenir l'engagement d'une nouvelle procédure ayant le même objet.

Par une ordonnance n° 2212775 du 20 juin 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'enjoindre à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères de mettre un terme, sans délai, à la nouvelle procédure disciplinaire engagée à son encontre ;

3°) d'enjoindre à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sous astreinte de 1 000 euros, de s'engager à ne plus mettre en oeuvre de nouvelle procédure disciplinaire à son encontre pour les mêmes faits ayant abouti à l'arrêté du 4 octobre 2019 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la tenue d'une audience devant la commission administrative paritaire siégeant en matière disciplinaire est prévue à brefs délais ;
- la nouvelle procédure disciplinaire engagée à son encontre porte une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- elle méconnaît la prescription triennale prévue à l'article L. 532-2 du code général de la fonction publique, qui se rattache à la présomption d'innocence ;
- elle porte atteinte au principe non bis in idem en ce qu'il a déjà fait l'objet d'une sanction disciplinaire prononcée par arrêté de mise à la retraite d'office du 4 octobre 2019 pour les mêmes faits ;
- elle méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la nouvelle procédure est engagée alors qu'une instance est pendante devant la cour administrative d'appel de Paris


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général de la fonction publique ;
- le code de justice administrative ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. M. Mazzoni, secrétaire adjoint des affaires étrangères, a fait l'objet, par un arrêté du 4 octobre 2019 du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, d'une mise à la retraite d'office. Cette sanction a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Paris du 11 mars 2022. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a, d'une part, fait appel de ce jugement, et, d'autre part, engagé une nouvelle procédure disciplinaire contre M. B.... Ce dernier a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères de mettre un terme, sans délai, à cette procédure et de ne plus en engager d'autre. M. B... relève appel de l'ordonnance du 20 juin 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction devant le tribunal administratif de Paris que l'arrêté du ministre de l'Europe et des affaires étrangères du 4 octobre 2019 infligeant à M. B... la sanction disciplinaire de mise à la retraite d'office a été annulé par le tribunal administratif de Paris pour un vice de procédure. Cette illégalité étant régularisable et l'appel contre ce jugement n'étant pas suspensif, il était loisible au ministre de l'Europe et des affaires étrangères à la fois d'exercer son droit de recours contre le jugement du tribunal administratif et d'engager une nouvelle procédure disciplinaire à l'encontre du requérant. Il s'ensuit que le juge des référés du tribunal administratif de Paris a pu juger que l'engagement d'une nouvelle procédure disciplinaire ne méconnaissait ni le droit au recours de M. B..., ni le principe non bis in idem dès lors qu'en l'état de l'instruction, la sanction initiale est annulée et que l'engagement d'une nouvelle procédure disciplinaire n'empêche pas, contrairement à ce que soutient le requérant, que la cour administrative d'appel se prononce sur l'appel formé par le ministre contre le jugement prononçant l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2019.

4. En second lieu, si le requérant soutient que la nouvelle procédure disciplinaire aurait été engagée en méconnaissance de la règle de prescription désormais posée par l'article L. 532-2 du code général de la fonction publique qui prévoit que " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction ", la sanction disciplinaire qui lui a été infligée le 4 octobre 2019 a interrompu le délai de prescription et un nouveau délai a été ouvert par la notification du jugement annulant cette sanction pour vice de forme. C'est dès lors à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté son moyen tiré de la méconnaissance de cette règle sans se prononcer sur son caractère de liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.
5. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'état de l'instruction et, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, M. B... n'est manifestement pas fondé à soutenir que l'engagement d'une nouvelle procédure disciplinaire à son encontre serait entaché d'une illégalité de nature à justifier que le juge des référés fasse usage des pouvoirs que lui confèrent les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Il y a lieu dès lors de rejeter son appel selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du même code, y compris, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 de ce code.



O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....
Copie en sera adressée à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Fait à Paris, le 1er juillet 2022
Signé : Nathalie Escaut