Conseil d'État
N° 447003
ECLI:FR:CECHR:2022:447003.20220622
Inédit au recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
Mme Pearl Nguyên Duy, rapporteur
M. Florian Roussel, rapporteur public
CABINET ROUSSEAU, TAPIE, avocats
Lecture du mercredi 22 juin 2022
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 novembre 2020 et 2 juin 2022, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Action praticiens hôpital demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le refus du Premier ministre d'abroger le 1er alinéa de l'article R. 6152-27, les 1er et 5ème alinéas de l'article R. 6152-223 et les 1er, 2ème et 3ème alinéas de l'article R. 6152-407 du code de la santé publique ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 mai 2019, Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO) contre Deutsche Bank SAE (C-55/18) ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pearl Nguyên Duy, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de l'association Action praticiens hôpital.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Action praticiens hôpital a demandé au Premier ministre d'abroger le 1er alinéa de l'article R. 6152-27, les 1er et 5ème alinéas de l'article R. 6152-223 et les 1er, 2ème et 3ème alinéas de l'article R. 6152-407 du code de la santé publique et de prendre une nouvelle réglementation du temps de travail des praticiens hospitaliers qui permette d'en assurer un suivi et un contrôle effectif. Elle demande l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande.
Sur l'intervention du syndicat des jeunes médecins :
2. Eu égard à son objet, le syndicat des jeunes médecins a intérêt à contester la décision litigieuse. Par suite, son intervention est recevable.
Sur le cadre juridique applicable au litige :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité. 2. Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu'à une période annuelle de congés payés. " Aux termes de l'article 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs : / a) la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux ; / b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires. " Aux termes de l'article 16 de cette directive : " Les États membres peuvent prévoir : (...) / b) pour l'application de l'article 6 (durée maximale hebdomadaire de travail), une période de référence ne dépassant pas quatre mois. / (...) ". Il résulte, enfin, de l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO) contre Deutsche Bank SAE (C-55/18) que les dispositions citées ci-dessus doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une réglementation d'un État membre qui, selon l'interprétation qui en est donnée par la jurisprudence nationale, n'impose pas aux employeurs l'obligation d'établir un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.
4. En deuxième lieu, il résulte de l'article R. 6152-27, du premier alinéa de l'article R. 6152-223, désormais repris au deuxième alinéa de l'article R. 6152-26, et des trois premiers alinéas de l'article R. 6152-407 du code de la santé publique que les obligations de service hebdomadaires des praticiens hospitaliers, qu'ils soient ou non titulaires, sont fixées à dix demi-journées lorsqu'ils exercent à temps plein, que celles des praticiens à temps partiel sont fixées entre cinq et neuf demi-journées et que celle des praticiens contractuels à temps partiel correspond à une quotité comprise entre quatre et neuf demi-journées hebdomadaires, sans que leur durée de travail ne puisse excéder quarante-huit heures par semaine, cette durée étant calculée en moyenne sur une période de quatre mois. Pour s'acquitter de leurs obligations, les praticiens hospitaliers doivent participer au service de jour et assurer la permanence des soins, qui comprend le service de nuit, le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés. Aucune disposition du code de la santé publique ne précise à combien d'heures de travail correspond, au sens de ces dispositions, une demi-journée, l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes se bornant pour sa part à prévoir que le service de jour et le service de nuit sont chacun divisés en deux demi-journées et qu'ils " ne peuvent en aucun cas avoir une amplitude supérieure à 14 heures ". Enfin, en application du code de la santé publique, pour l'activité médicale des structures organisées en temps continu, l'obligation de service hebdomadaire du praticien ne peut excéder une durée horaire définie, sur la base de quarante-huit heures, au prorata des obligations de service hebdomadaires du praticien et calculée en moyenne sur une période de quatre mois.
5. En troisième lieu, l'article R. 6152-26 du code de la santé publique dispose également que : " (...) Les modalités selon lesquelles les praticiens régis par la présente section accomplissent leurs obligations de service sont précisées par le règlement intérieur de l'établissement dans lequel ils sont affectés. / Afin d'assurer la continuité des soins, l'organisation du temps de présence médicale, pharmaceutique et odontologique établie en fonction des caractéristiques propres aux différentes structures est arrêtée annuellement par le directeur d'établissement après avis de la commission médicale d'établissement. Un tableau de service nominatif, établi sur cette base, est arrêté mensuellement par le directeur après avis du chef de pôle, sur proposition du chef de service, ou, à défaut, du responsable de l'unité fonctionnelle ou d'une autre structure interne ". L'article 11 de l'arrêté du 30 avril 2003 précise que ce tableau de service mensuel, qui " comporte de façon détaillée ", pour chaque praticien, ses périodes de temps de travail de jour comme de nuit ainsi que ses sujétions résultant de la participation à la permanence de soins, est affiché dans l'établissement et communiqué à chaque praticien pour la partie le concernant. Pour assurer le suivi des obligations de service de ces agents en vue notamment du versement des émoluments et des indemnités composant leur rémunération en application de l'article R. 6152-12 du code de la santé publique, le même article 11 prévoit que chaque praticien est destinataire d'un " récapitulatif sur quatre mois faisant apparaître les périodes de temps de travail, les astreintes et les déplacements ainsi que, le cas échéant, la durée des absences et leur motif ".
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision attaquée :
6. En premier lieu, dès lors que les articles R. 6152-26, R. 6152-27 et R. 6152-407 du code de la santé publique disposent que les obligations hebdomadaires de service des praticiens hospitaliers sont fixées en demi-journées, dans la limite de quarante-huit heures par semaine, cette durée étant calculée sur une période de quatre mois, ces dispositions impliquent nécessairement que le nombre d'heures effectuées par les praticiens hospitaliers au cours des demi-journées de travail correspondant à leurs obligations de service, en période de jour comme en période de nuit, soient telles qu'elles ne puissent dépasser la durée maximale hebdomadaire de travail. Contrairement à ce que soutient l'association requérante, la circonstance que les dispositions attaquées ne détermineraient pas les modalités de conversion en heures d'une demi-journée n'est donc pas, par elle-même, de nature à méconnaître l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme.
7. En deuxième lieu, les dispositions mentionnées aux points 4 et 5 ci-dessus prévoient, pour organiser et suivre l'accomplissement des obligations de service des praticiens hospitaliers, que l'établissement qui les emploie, d'une part, établit à titre prévisionnel un tableau de service nominatif mensuel comportant leurs périodes de travail et, d'autre part, leur transmet un récapitulatif tous les quatre mois. Ces dispositions impliquent également nécessairement que les établissements publics de santé se dotent, en complément des tableaux de services prévisionnels et récapitulatifs qu'ils établissent, d'un dispositif fiable, objectif et accessible permettant de décompter, selon des modalités qu'il leur appartient de définir dans leur règlement intérieur, outre le nombre de demi-journées, le nombre journalier d'heures de travail effectuées par chaque agent, afin de s'assurer que la durée de son temps de travail effectif ne dépasse pas le plafond réglementaire de quarante-huit heures hebdomadaires, calculées en moyenne sur une période de quatre mois. L'association requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la réglementation décrite aux points 4 et 5 ci-dessus ne serait pas conforme aux exigences décrites au point 3 et qu'en refusant d'abroger les dispositions du 1er alinéa de l'article R. 6152-27, des 1er et 5ème alinéas de l'article R. 6152-223, désormais repris au 2ème alinéa de l'article R. 6152-26 et au 1er alinéa de l'article R. 6152-27, et des trois premiers alinéas de l'article R. 6152-407 du code de la santé publique en ce qu'elles ne prévoiraient qu'un décompte en demi-journées du temps de travail, le Premier ministre aurait méconnu l'article 6 de la directive du 4 novembre 2003 et l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé.
8. En troisième lieu, l'association requérante invoque l'atteinte au principe d'égalité qui résulterait de l'organisation, par dérogation, en heures, et non en demi-journées, des activités médicales dans les seules structures à temps médical continu. Il résulte toutefois de ce qui a été dit ci-dessus qu'il appartient aux établissements de santé de se doter d'un dispositif permettant de garantir que le temps de travail des praticiens hospitaliers, décompté en heures, ne dépasse pas la limite maximale de quarante-huit heures hebdomadaires, calculée sur quatre mois. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions qu'elle conteste exposeraient les praticiens hospitaliers qui ne sont pas affectés dans des structures à temps médical continu à une différence de traitement qui porterait atteinte au principe d'égalité.
9. Il résulte de ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision qu'elle attaque. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention du syndicat des jeunes médecins est admise.
Article 2 : La requête de l'association Action praticiens hôpital est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Action praticiens hôpital, à la ministre de la santé et de la prévention et à la Première ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 juin 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Pearl Nguyên Duy, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 22 juin 2022.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Pearl Nguyên Duy
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras
N° 447003
ECLI:FR:CECHR:2022:447003.20220622
Inédit au recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
Mme Pearl Nguyên Duy, rapporteur
M. Florian Roussel, rapporteur public
CABINET ROUSSEAU, TAPIE, avocats
Lecture du mercredi 22 juin 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 novembre 2020 et 2 juin 2022, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Action praticiens hôpital demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le refus du Premier ministre d'abroger le 1er alinéa de l'article R. 6152-27, les 1er et 5ème alinéas de l'article R. 6152-223 et les 1er, 2ème et 3ème alinéas de l'article R. 6152-407 du code de la santé publique ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 mai 2019, Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO) contre Deutsche Bank SAE (C-55/18) ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pearl Nguyên Duy, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de l'association Action praticiens hôpital.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Action praticiens hôpital a demandé au Premier ministre d'abroger le 1er alinéa de l'article R. 6152-27, les 1er et 5ème alinéas de l'article R. 6152-223 et les 1er, 2ème et 3ème alinéas de l'article R. 6152-407 du code de la santé publique et de prendre une nouvelle réglementation du temps de travail des praticiens hospitaliers qui permette d'en assurer un suivi et un contrôle effectif. Elle demande l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande.
Sur l'intervention du syndicat des jeunes médecins :
2. Eu égard à son objet, le syndicat des jeunes médecins a intérêt à contester la décision litigieuse. Par suite, son intervention est recevable.
Sur le cadre juridique applicable au litige :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité. 2. Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu'à une période annuelle de congés payés. " Aux termes de l'article 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs : / a) la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux ; / b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires. " Aux termes de l'article 16 de cette directive : " Les États membres peuvent prévoir : (...) / b) pour l'application de l'article 6 (durée maximale hebdomadaire de travail), une période de référence ne dépassant pas quatre mois. / (...) ". Il résulte, enfin, de l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO) contre Deutsche Bank SAE (C-55/18) que les dispositions citées ci-dessus doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une réglementation d'un État membre qui, selon l'interprétation qui en est donnée par la jurisprudence nationale, n'impose pas aux employeurs l'obligation d'établir un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.
4. En deuxième lieu, il résulte de l'article R. 6152-27, du premier alinéa de l'article R. 6152-223, désormais repris au deuxième alinéa de l'article R. 6152-26, et des trois premiers alinéas de l'article R. 6152-407 du code de la santé publique que les obligations de service hebdomadaires des praticiens hospitaliers, qu'ils soient ou non titulaires, sont fixées à dix demi-journées lorsqu'ils exercent à temps plein, que celles des praticiens à temps partiel sont fixées entre cinq et neuf demi-journées et que celle des praticiens contractuels à temps partiel correspond à une quotité comprise entre quatre et neuf demi-journées hebdomadaires, sans que leur durée de travail ne puisse excéder quarante-huit heures par semaine, cette durée étant calculée en moyenne sur une période de quatre mois. Pour s'acquitter de leurs obligations, les praticiens hospitaliers doivent participer au service de jour et assurer la permanence des soins, qui comprend le service de nuit, le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés. Aucune disposition du code de la santé publique ne précise à combien d'heures de travail correspond, au sens de ces dispositions, une demi-journée, l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes se bornant pour sa part à prévoir que le service de jour et le service de nuit sont chacun divisés en deux demi-journées et qu'ils " ne peuvent en aucun cas avoir une amplitude supérieure à 14 heures ". Enfin, en application du code de la santé publique, pour l'activité médicale des structures organisées en temps continu, l'obligation de service hebdomadaire du praticien ne peut excéder une durée horaire définie, sur la base de quarante-huit heures, au prorata des obligations de service hebdomadaires du praticien et calculée en moyenne sur une période de quatre mois.
5. En troisième lieu, l'article R. 6152-26 du code de la santé publique dispose également que : " (...) Les modalités selon lesquelles les praticiens régis par la présente section accomplissent leurs obligations de service sont précisées par le règlement intérieur de l'établissement dans lequel ils sont affectés. / Afin d'assurer la continuité des soins, l'organisation du temps de présence médicale, pharmaceutique et odontologique établie en fonction des caractéristiques propres aux différentes structures est arrêtée annuellement par le directeur d'établissement après avis de la commission médicale d'établissement. Un tableau de service nominatif, établi sur cette base, est arrêté mensuellement par le directeur après avis du chef de pôle, sur proposition du chef de service, ou, à défaut, du responsable de l'unité fonctionnelle ou d'une autre structure interne ". L'article 11 de l'arrêté du 30 avril 2003 précise que ce tableau de service mensuel, qui " comporte de façon détaillée ", pour chaque praticien, ses périodes de temps de travail de jour comme de nuit ainsi que ses sujétions résultant de la participation à la permanence de soins, est affiché dans l'établissement et communiqué à chaque praticien pour la partie le concernant. Pour assurer le suivi des obligations de service de ces agents en vue notamment du versement des émoluments et des indemnités composant leur rémunération en application de l'article R. 6152-12 du code de la santé publique, le même article 11 prévoit que chaque praticien est destinataire d'un " récapitulatif sur quatre mois faisant apparaître les périodes de temps de travail, les astreintes et les déplacements ainsi que, le cas échéant, la durée des absences et leur motif ".
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision attaquée :
6. En premier lieu, dès lors que les articles R. 6152-26, R. 6152-27 et R. 6152-407 du code de la santé publique disposent que les obligations hebdomadaires de service des praticiens hospitaliers sont fixées en demi-journées, dans la limite de quarante-huit heures par semaine, cette durée étant calculée sur une période de quatre mois, ces dispositions impliquent nécessairement que le nombre d'heures effectuées par les praticiens hospitaliers au cours des demi-journées de travail correspondant à leurs obligations de service, en période de jour comme en période de nuit, soient telles qu'elles ne puissent dépasser la durée maximale hebdomadaire de travail. Contrairement à ce que soutient l'association requérante, la circonstance que les dispositions attaquées ne détermineraient pas les modalités de conversion en heures d'une demi-journée n'est donc pas, par elle-même, de nature à méconnaître l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme.
7. En deuxième lieu, les dispositions mentionnées aux points 4 et 5 ci-dessus prévoient, pour organiser et suivre l'accomplissement des obligations de service des praticiens hospitaliers, que l'établissement qui les emploie, d'une part, établit à titre prévisionnel un tableau de service nominatif mensuel comportant leurs périodes de travail et, d'autre part, leur transmet un récapitulatif tous les quatre mois. Ces dispositions impliquent également nécessairement que les établissements publics de santé se dotent, en complément des tableaux de services prévisionnels et récapitulatifs qu'ils établissent, d'un dispositif fiable, objectif et accessible permettant de décompter, selon des modalités qu'il leur appartient de définir dans leur règlement intérieur, outre le nombre de demi-journées, le nombre journalier d'heures de travail effectuées par chaque agent, afin de s'assurer que la durée de son temps de travail effectif ne dépasse pas le plafond réglementaire de quarante-huit heures hebdomadaires, calculées en moyenne sur une période de quatre mois. L'association requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la réglementation décrite aux points 4 et 5 ci-dessus ne serait pas conforme aux exigences décrites au point 3 et qu'en refusant d'abroger les dispositions du 1er alinéa de l'article R. 6152-27, des 1er et 5ème alinéas de l'article R. 6152-223, désormais repris au 2ème alinéa de l'article R. 6152-26 et au 1er alinéa de l'article R. 6152-27, et des trois premiers alinéas de l'article R. 6152-407 du code de la santé publique en ce qu'elles ne prévoiraient qu'un décompte en demi-journées du temps de travail, le Premier ministre aurait méconnu l'article 6 de la directive du 4 novembre 2003 et l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé.
8. En troisième lieu, l'association requérante invoque l'atteinte au principe d'égalité qui résulterait de l'organisation, par dérogation, en heures, et non en demi-journées, des activités médicales dans les seules structures à temps médical continu. Il résulte toutefois de ce qui a été dit ci-dessus qu'il appartient aux établissements de santé de se doter d'un dispositif permettant de garantir que le temps de travail des praticiens hospitaliers, décompté en heures, ne dépasse pas la limite maximale de quarante-huit heures hebdomadaires, calculée sur quatre mois. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions qu'elle conteste exposeraient les praticiens hospitaliers qui ne sont pas affectés dans des structures à temps médical continu à une différence de traitement qui porterait atteinte au principe d'égalité.
9. Il résulte de ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision qu'elle attaque. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention du syndicat des jeunes médecins est admise.
Article 2 : La requête de l'association Action praticiens hôpital est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Action praticiens hôpital, à la ministre de la santé et de la prévention et à la Première ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 juin 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Pearl Nguyên Duy, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 22 juin 2022.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Pearl Nguyên Duy
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras