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Ariane Web: Conseil d'État 457733, lecture du 24 mars 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:457733.20220324

Décision n° 457733
24 mars 2022
Conseil d'État

N° 457733
ECLI:FR:CECHR:2022:457733.20220324
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Alexis Goin, rapporteur
Mme Mireille Le Corre, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE ; SARL DIDIER-PINET ; SCP FOUSSARD, FROGER, avocats


Lecture du jeudi 24 mars 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

La société EPI plage de Pampelonne a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure d'attribution du lot n° 23 de la sous-concession de la plage de Pampelonne.

Par une ordonnance n° 2102433 du 6 octobre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé cette procédure.

1° Sous le n° 457733, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 octobre et 8 novembre 2021 et les 19 janvier et 2 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société EPI et MM. Frédéric F... et Paul C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société EPI plage de Pampelonne ;

3°) de mettre à la charge de la société EPI plage de Pampelonne la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




2° Sous le n° 457735, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 octobre et 8 novembre 2021 et le 19 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Ramatuelle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge des sociétés EPI plage de Pampelonne et EPI la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société EPI, de M. F... et de M. C..., à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société EPI plage de Pampelonne et à la société Didier-Pinet, avocat de la commune de Ramatuelle ;


Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois de la société EPI et de MM. F... et C... et de la commune de Ramatuelle sont dirigés contre la même décision. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 2 mars 2021, la commune de Ramatuelle, concessionnaire de la plage de Pampelonne, a lancé une consultation en vue de l'attribution d'une sous-concession de travaux et de service public balnéaire pour l'exploitation du lot n° 23 de type " Etablissement de plage " de cette plage entre 2022 et 2030. La société EPI plage de Pampelonne a remis une candidature et une offre le 8 mai 2021. Par courrier du 27 août 2021, la commune a informé cette candidate que son offre était arrivée en deuxième position et que la sous-concession du lot n° 23 avait été attribuée à la société EPI. Par l'ordonnance attaquée du 6 octobre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, saisi sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative par la société EPI plage de Pampelonne, a annulé la procédure d'attribution de la sous-concession en litige.

3. Aux termes de l'article L. 3123-8 du code de la commande publique : " L'autorité concédante peut exclure de la procédure de passation d'un contrat de concession les personnes qui ont entrepris d'influer indûment le processus décisionnel de l'autorité concédante ou d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation du contrat de concession, ou ont fourni des informations trompeuses susceptibles d'avoir une influence déterminante sur les décisions d'exclusion, de sélection ou d'attribution ". Selon son article L. 3123-11 : " L'autorité concédante qui envisage d'exclure un opérateur économique en application de la présente sous-section doit le mettre à même de présenter ses observations, d'établir dans un délai raisonnable et par tout moyen qu'il a pris les mesures nécessaires pour corriger les manquements précédemment énoncés et, le cas échéant, que sa participation à la procédure de passation du contrat de concession n'est pas susceptible de porter atteinte à l'égalité de traitement ".

4. Les dispositions citées au point précédent permettent à l'autorité concédante d'exclure de la procédure de passation d'un contrat de concession une personne qui peut être regardée, au vu d'éléments précis et circonstanciés, comme ayant, dans le cadre de la procédure de passation en cause ou dans le cadre d'autres procédures récentes de commande publique, entrepris d'influencer la prise de décision de l'acheteur et qui n'a pas établi, en réponse à la demande que l'acheteur lui a adressée à cette fin, que son professionnalisme et sa fiabilité ne peuvent plus être mis en cause et que sa participation à la procédure n'est pas de nature à porter atteinte à l'égalité de traitement entre les candidats.

5. Le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a estimé, par l'ordonnance attaquée, que la dénomination sociale de la société EPI, attributaire pressentie du contrat de sous-concession en litige, créait un " grave risque de confusion " avec la société détenant l'hôtel du même nom, actionnaire unique de la société EPI plage de Pampelonne, également candidate, eu égard à la forte notoriété de cet établissement, d'ailleurs titulaire de la marque " EPI Plage ". Il en a déduit que l'autorité concédante aurait dû exclure la société EPI de la procédure de passation ou, à tout le moins, solliciter ses observations sur le fondement de l'article L. 3123-11 du code de la commande publique. En statuant ainsi, alors que le choix par un opérateur économique d'une dénomination sociale ne saurait, au seul motif que celle-ci est susceptible d'induire un risque de confusion avec une autre société également candidate à l'attribution de la sous-concession en litige, justifier son exclusion sur le fondement des dispositions de l'article L. 3123-8 du code de la commande publique, le juge des référés a commis une erreur de droit.

6. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, l'ordonnance attaquée doit être annulée.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Aux termes de l'article L. 3124-2 du code de la commande publique : " L'autorité concédante écarte les offres irrégulières ou inappropriées ". Selon l'article L. 3124-3 du même code : " Une offre est irrégulière lorsqu'elle ne respecte pas les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation. ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité concédante doit éliminer les offres qui ne respectent pas les exigences formulées dans les documents de la consultation.

9. Selon l'article 1.3.2.1 du cahier des charges techniques de la procédure litigieuse, qui s'imposait aux soumissionnaires en application de l'article 5.1 du règlement de la consultation, la " location de bains de soleil " doit représenter " un minimum de 60 % de la surface de chaque Etablissement de plage. / On entend par bain de soleil les équipements et produits en lien direct avec les bains de mer : transat, matelas, parasol, serviette... (...) ".

10. Il résulte de l'instruction, et notamment du plan de masse soumis par la société EPI dans le cadre de son offre, que l'organisation du lot de plage proposée comprend un espace comprenant cent cinquante matelas, situé face à la mer. La société EPI plage de Pampelonne soutient, sans être sérieusement contredite sur ce point, que cet espace représente environ 41 % de la surface du lot. En revanche, aucun des autres espaces du lot ne peut être regardé comme consacré à la location de bains de soleil, au sens que le cahier des charges techniques donne à cette expression. En particulier, il ne résulte pas des stipulations du cahier des charges techniques que l'ensemble des espaces qui ne sont pas consacrés à la restauration devraient nécessairement être regardés comme consacrés aux bains de soleil. Ni l'espace comprenant un " bac à sable ", ni les autres cheminements, y compris entre les cabanons consacrés à la restauration, ou les sanitaires, alors même qu'ils contribueraient à l'accomplissement des obligations du titulaire dans le cadre du service qui lui est concédé, ne sauraient non plus être regardés comme relevant de la location de bains de soleil au sens du cahier des charges. L'offre de la société EPI était donc irrégulière, faute pour elle de respecter les stipulations de l'article 1.3.2.1 du cahier des charges techniques sur la surface minimum de 60 % allouée à la location de bains de soleil. La commune de Ramatuelle était, dès lors, tenue de l'écarter. Par suite, en sélectionnant cette offre, la commune a commis un manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence qui est susceptible d'avoir lésé la société EPI plage de Pampelonne, dont l'offre finale a été classée en deuxième position. Cette société est donc fondée à demander l'annulation de la procédure de passation du lot n° 23 de sous-concession de plage, au stade de l'examen des offres.

11. Il y a lieu, par suite, de se prononcer sur les seuls autres manquements invoqués susceptibles d'entraîner une annulation à un stade antérieur de la procédure de passation.

12. En premier lieu, si, dans son courrier informant la société EPI plage de Pampelonne du rejet de son offre du 27 août 2021, la commune de Ramatuelle a analysé, au titre du critère n° 2, intitulé " Qualité et cohérence de l'offre au plan technique ", les mérites comparés des offres de l'attributaire pressenti et de cette société s'agissant du montage et du démontage des installations, il ne résulte pas de l'instruction que ce point aurait fait l'objet d'un sous-critère qui aurait dû être porté à la connaissance des entreprises candidates.

13. En deuxième lieu, si la société EPI plage de Pampelonne soutient que la commune de Ramatuelle aurait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en prévoyant, dans le règlement de consultation, que le critère " Qualité et cohérence de l'offre au plan financier " prendra en compte le " compte prévisionnel d'exploitation ", ce qui inclut le chiffre d'affaires prévisionnel, alors que celui-ci repose seulement sur les déclarations des candidats, sans être assorti d'engagements contractuels, un tel élément d'appréciation ne saurait être regardé comme entachant d'irrégularité la méthode d'évaluation de ce critère, dès lors qu'il n'est pas dépourvu de tout lien avec celui-ci et qu'il vise à apprécier non la valeur financière de l'offre mais la cohérence et la crédibilité de celle-ci au plan financier. Ce moyen doit donc être écarté.

14. En troisième lieu, la société EPI plage de Pampelonne, dont l'offre a été classée en deuxième position derrière la société EPI à la suite de l'examen des offres finales, n'est pas susceptible d'avoir été lésée par d'éventuels manquements relatifs à la candidature de la société EPI, dès lors que l'offre de cette société doit être écartée en raison de son irrégularité, ainsi qu'il a été dit au point 10.

15. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'elle a présentés à l'appui de sa demande devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, qui ne permettraient pas une annulation à un stade antérieur de la procédure de passation litigieuse, la société EPI plage de Pampelonne est seulement fondée à demander l'annulation de la procédure de passation du lot n° 23 de la sous-concession en litige au stade de l'examen des offres.

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société EPI, de MM. F... et C... et de la commune de Ramatuelle la somme de 1 500 euros chacun à verser à la société EPI plage de Pampelonne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour l'ensemble de la procédure. Les dispositions du même article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société EPI plage de Pampelonne qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 6 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon est annulée.
Article 2 : La procédure de passation du lot n° 23 de la sous-concession de la plage de Pampelonne est annulée au stade de l'examen des offres.
Article 3 : La société EPI, MM. F... et C... et la commune de Ramatuelle verseront chacun la somme de 1 500 euros à la société EPI plage de Pampelonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des demandes présentées par la société EPI plage de Pampelonne devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulon est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la société EPI, MM. F... et C... et la commune de Ramatuelle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société EPI, à la société EPI plage de Pampelonne, à la commune de Ramatuelle, à M. M... F... et à M. B... C....
Délibéré à l'issue de la séance du 9 mars 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. K... L..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. G... P..., Mme A... N..., M. E... J..., M. H... O..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Alexis Goin, auditeur-rapporteur.

Rendu le 24 mars 2022.

Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :
Signé : M. Alexis Goin

La secrétaire :
Signé : Mme I... D...


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