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Ariane Web: Conseil d'État 454125, lecture du 15 novembre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:454125.20211115

Décision n° 454125
15 novembre 2021
Conseil d'État

N° 454125
ECLI:FR:CECHR:2021:454125.20211115
Publié au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme Ophélie Champeaux, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE, avocats


Lecture du lundi 15 novembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE




Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 21NC00281 du 1er juillet 2021, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Nancy, avant de statuer sur l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance contre le jugement n° 2001015 du 23 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a fait droit à la demande de l'Union fédérale des consommateurs (UFC) Que Choisir Nancy et sa région tendant à ce que le droit de bénéficier, sur leur demande, de la décharge du montant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères mise à leur charge au titre de l'année 2018 soit reconnu aux contribuables de la métropole du Grand Nancy, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) La demande présentée dans le cadre d'une action en reconnaissance de droits, en l'occurrence tendant à faire reconnaître le droit pour les contribuables d'une métropole d'obtenir la décharge de leur cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères établie au titre d'une année, adressée à une autorité incompétente pour l'accorder, est-elle, en l'absence de transmission de la pétition à l'autorité administrative compétente et dans l'hypothèse où les dispositions de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration seraient applicables, susceptible de faire naître une décision implicite de rejet de nature à lier le contentieux conformément à l'article R. 421-1 du code de justice administrative et de rendre ainsi recevable cette action en reconnaissance de droits devant le tribunal administratif en application de l'article R. 77-12-4 du code de justice administrative '

2°) En cas de réponse positive à la première question, une telle demande présentée devant une autorité incompétente est-elle pour autant susceptible d'interrompre, en application de l'article L. 77-12-2 du code de justice administrative, les délais de prescription et de forclusion opposables aux personnes susceptibles de se prévaloir des droits dont la reconnaissance est demandée et, en particulier, d'interrompre les délais de réclamation et recours prévus par le livre des procédures fiscales '


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des relations entre le public et l'administration, notamment son article L. 114-2 ;
- la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de l'UFC Que Choisir Nancy et sa région ;


REND L'AVIS SUIVANT


1. Issu de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, qui a introduit la possibilité de présenter une action en reconnaissance de droits devant le juge administratif, l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative prévoit, à son premier alinéa, que : " L'action en reconnaissance de droits permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l'application de la loi ou du règlement en faveur d'un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, à la condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt. Elle peut tendre au bénéfice d'une somme d'argent légalement due ou à la décharge d'une somme d'argent illégalement réclamée. Elle ne peut tendre à la reconnaissance d'un préjudice ". Le troisième alinéa de ce même article précise que l'action en reconnaissance de droits " est présentée, instruite et jugée selon les dispositions du présent code, sous réserve du présent chapitre ".

Sur les conditions de la liaison du contentieux :

2. Aux termes, d'une part, de l'article R. 77-12-4 du code de justice administrative, relatif aux règles de présentation de l'action en reconnaissance de droits : " Pour l'application de l'article R. 421-1, la décision attaquée est la décision de rejet explicite ou implicite opposée par l'autorité compétente à la réclamation préalable formée par le demandeur à l'action. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois par l'autorité compétente sur la réclamation préalable vaut décision de rejet. / Dans le cas où les droits dont la reconnaissance est demandée relèvent de la compétence d'autorités différentes, il appartient au demandeur de former une réclamation préalable auprès de chacune des autorités intéressées ". L'article R. 421-1 du code de justice administrative énonce quant à lui que : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) ".

3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables ". L'article L. 110-1 du même code précise que " sont considérées comme des demandes au sens du présent code les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées à l'administration ". Aux termes de l'article L. 114-2 du même code : " lorsqu'une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l'administration compétente et en avise l'intéressé ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la réclamation préalable qu'il incombe à l'auteur d'une action en reconnaissance de droits, en vertu de l'article R. 77-12-4 du code de justice administrative, de former auprès de l'autorité compétente pour lier le contentieux a la nature d'une réclamation, au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 110-1 du code des relations entre le public et l'administration et, par suite, d'une demande, au sens de l'article L. 114-2 du même code. Ainsi, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires dérogatoires applicables à l'action en reconnaissance de droits, dans le cas où la réclamation préalable a été adressée par l'auteur d'une telle action à une autorité incompétente, il incombe à l'autorité saisie à tort de transmettre cette demande à l'autorité compétente, laquelle est réputée l'avoir rejetée au terme d'un silence de quatre mois gardé par elle à compter de la saisine de l'autorité incompétente, et ce y compris dans l'hypothèse où l'autorité incompétente a notifié au demandeur, avant le terme de ce délai, une décision de rejet motivée. Cette décision implicite de rejet est de nature à lier le contentieux et à rendre recevable la saisine du juge administratif par l'auteur de l'action en reconnaissance de droits.

Sur les effets de la réclamation préalable :

5. L'article L. 77-12-2 du code de justice administrative dispose que : " La présentation d'une action en reconnaissance de droits interrompt, à l'égard de chacune des personnes susceptibles de se prévaloir des droits dont la reconnaissance est demandée, les prescriptions et forclusions édictées par les lois et règlements en vigueur, sous réserve qu'à la date d'enregistrement de la requête, sa créance ne soit pas déjà prescrite ou son action forclose. / Un nouveau délai de prescription ou de forclusion court, dans les conditions prévues par les dispositions législatives et réglementaires applicables, à compter de la publication de la décision statuant sur l'action collective passée en force de chose jugée. Les modalités de cette publication sont définies par décret en Conseil d'Etat. / Postérieurement à cette publication, l'introduction d'une nouvelle action en reconnaissance de droits, quel qu'en soit l'auteur, n'interrompt pas, de nouveau, les délais de prescription et de forclusion ".

6. Il résulte de ces dispositions que les délais de prescription et de forclusion opposables, pour faire valoir les droits dont la reconnaissance est demandée, à chacun des membres du groupe indéterminé de personnes au bénéfice duquel l'action est introduite, sont interrompus à compter de la date à laquelle la réclamation préalable à laquelle l'article R. 77-12-4 du code de justice administrative subordonne la saisine du juge est formée par l'auteur de l'action collective et recommencent à courir à compter de la date de publication de la décision statuant sur cette action passée en force de chose jugée, ou, à défaut de saisine du juge, à compter de la date à laquelle la décision de rejet de la réclamation préalable est devenue définitive. Pour l'application de cette règle, la date à laquelle la réclamation préalable est formée s'entend de la date à laquelle le demandeur l'a adressée à l'administration, peu important que cette administration soit ou non compétente.

7. En conséquence, lorsqu'une demande en reconnaissance de droits est introduite par l'envoi d'une réclamation préalable à une autorité administrative incompétente, les délais de prescription et de forclusion opposables aux personnes susceptibles de se prévaloir des droits dont la reconnaissance est demandée, et ce y compris les délais de réclamation et recours prévus par le livre des procédures fiscales, sont interrompus à la date de cette réclamation.


8. Le présent avis sera notifié à la cour administrative d'appel de Nancy, à l'UFC Que Choisir Nancy et sa région et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.
Délibéré à l'issue de la séance du 22 octobre 2021 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Christian Fournier, M. Mathieu Herondart, M. Hervé Cassagnabère, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 15 novembre 2021
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La maître des requêtes-rapporteure :
Signé : Mme Ophélie Champeaux
La secrétaire :
Signé : Mmme Magali Méaulle





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