Conseil d'État
N° 456391
ECLI:FR:CEORD:2021:456391.20210913
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés, formation collégiale
Mme Christine Maugüé, rapporteur
SCP ZRIBI, TEXIER, avocats
Lecture du lundi 13 septembre 2021
Vu la procédure suivante :
Mme A... B... et les autres requérants mentionnés dans la requête ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté n° 2021-862 du 31 août 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a décidé de subordonner " dans le département des Alpes-Maritimes, l'accès aux centres-commerciaux d'une surface commerciale utile de plus de 20 000 m² (...) à la présentation du passe sanitaire ", du 1er septembre 2021 jusqu'au 15 septembre 2021 inclus. Par une ordonnance n° 2104574 du 3 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté leur requête.
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 et 13 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... et les autres requérants mentionnés dans la requête demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à leurs conclusions de première instance.
Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, l'arrêté attaqué est entré en vigueur le 1er septembre 2021 et s'appliquera jusqu'au 15 septembre 2021 inclus, en deuxième lieu, cet arrêté empêche une partie des citoyens, notamment les plus fragiles, d'accéder à des produits de première nécessité, en troisième lieu, il empêche de nombreux travailleurs exerçant au sein des établissements concernés de s'y rendre, et, en dernier lieu, il porte atteinte à l'équilibre financier de ces établissements ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- l'arrêté attaqué méconnaît la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 et le principe d'interdiction des mesures générales et absolues dès lors que, en premier lieu, le préfet ne justifie pas de la gravité des risques de contamination pour limiter l'accès aux centres commerciaux des Alpes-Maritimes, en deuxième lieu, il considère la condition d'accès aux biens et services de première nécessité comme remplie lorsqu'il existe une offre alternative dans le bassin de vie concerné, alors même que le législateur a décidé d'exclure cette mesure de compensation, et, en dernier lieu, en tout état de cause, il n'existe pas d'offre alternative de produits de première nécessité dans les bassins de vie concernés par cet arrêté ;
- cet arrêté porte atteinte à la liberté du travail des salariés exerçant leur activité au sein des établissements soumis à la présentation du " passe sanitaire " dès lors qu'il leur fait perdre de fait leur emploi et les prive de toute rémunération ;
- par voie d'exception, la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 méconnaît le règlement (UE) 2021/953 du 14 juin 2021 dès lors que ce dernier prévoit l'interdiction des discriminations fondées sur la possession d'une catégorie spécifique de certificat relatif à la lutte contre la Covid-19.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu le mémoire enregistré le 13 septembre 2021, présenté par le ministre des solidarités et de la santé ;
Vu le mémoire enregistré le 13 septembre 2021, présenté par Mme B... et autres ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021;
- la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021;
- le décret n°2021-1059 du 7 août 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme B... et autres, et d'autre part, le Premier ministre, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, ainsi que le ministre des solidarités et de la santé ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 13 septembre 2021, à 10 heures :
- Me Texier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B... et autres ;
- les représentants du ministre des solidarités et de la santé ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 13 septembre 2021 à 12 heures ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
2. Par un arrêté du 13 août 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a fixé la liste des centres commerciaux dont l'accès est subordonné à la présentation du passe sanitaire dans le département, pour la période du 16 au 31 août 2021. Par un arrêté du 31 août 2021, il a prolongé ces mesures jusqu'au 15 septembre 2021. Mme B... et les autres requérants font appel de l'ordonnance du 3 septembre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, à la suspension de l'arrêté du 31 août 2021 du préfet des Alpes-Maritimes.
Sur le cadre juridique applicable :
3. Aux termes du point II-A de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " A compter du 2 juin 2021 et jusqu'au 15 novembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 : (...) 2° Subordonner à la présentation soit du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 l'accès à certains lieux, établissements, services ou évènements où sont exercées les activités suivantes : / (...) f) Sur décision motivée du représentant de l'Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient, les grands magasins et centres commerciaux, au-delà d'un seuil défini par décret, et dans des conditions garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu'aux moyens de transport. / (...). " Aux termes du point IV du même article : " Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. Les mesures individuelles font l'objet d'une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent. "
4. Aux termes de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, tel que modifié par le décret du 7 août 2021 : " I. - Les personnes majeures doivent, pour être accueillies dans les établissements, lieux, services et évènements mentionnés aux II et III, présenter l'un des documents suivants : / 1° Le résultat d'un examen de dépistage, d'un test ou d'un autotest mentionné au 1° de l'article 2-2 réalisé moins de 72 heures avant l'accès à l'établissement, au lieu, au service ou à l'évènement. Les seuls tests antigéniques pouvant être valablement présentés pour l'application du présent 1° sont ceux permettant la détection de la protéine N du SARS-CoV-2 ; / 2° Un justificatif du statut vaccinal délivré dans les conditions mentionnées au 2° de l'article 2-2 ; / 3° Un certificat de rétablissement délivré dans les conditions mentionnées au 3° de l'article 2-2. / (...) II. - Les documents mentionnés au I doivent être présentés pour l'accès des participants, visiteurs, spectateurs, clients ou passagers aux établissements, lieux, services et évènements suivants : / (...) 7° Les magasins de vente et centres commerciaux, relevant du type M mentionné par le règlement pris en application de l'article R. 143-12 du code de la construction et de l'habitation, comportant un ou plusieurs bâtiments dont la surface commerciale utile cumulée calculée est supérieure ou égale à vingt mille mètres carrés, sur décision motivée du représentant de l'Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient et dans des conditions garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu'aux moyens de transport. / La surface mentionnée au précédent alinéa est calculée dans les conditions suivantes : / (...) b) Il faut entendre par magasin de vente ou centre commercial tout établissement comprenant un ou plusieurs ensembles de magasins de vente, y compris lorsqu'ils ont un accès direct indépendant, notamment par la voie publique, et éventuellement d'autres établissements recevant du public pouvant communiquer entre eux, qui sont, pour leurs accès et leur évacuation, tributaires de mails clos. (...). "
5. Les dispositions précitées du point II A 2° f) de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 modifiée, reprises au point II 7° de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021 modifié, relatives à la garantie de l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi que, le cas échéant, aux moyens de transport, n'imposent pas d'assurer cette garantie au regard de ceux se trouvant dans l'enceinte des grands magasins et centres commerciaux dans lesquels est exigé le passe sanitaire.
6. Il appartient en revanche aux préfets, d'une part, de s'assurer, sous le contrôle du juge, que les usagers des centres commerciaux concernés ont la possibilité d'accéder à des biens et services de première nécessité, en particulier alimentaires et de santé, dans des magasins ou établissements situés à une distance raisonnable de ces centres, appréciée au regard de la densité urbaine et des moyens de transport disponibles. Il appartient également aux préfets, ainsi au demeurant que le ministre des solidarités et de la santé les y a invités, de permettre à toutes les personnes, y compris celles non détentrices d'un passe sanitaire, l'accès aux lieux de soins situés dans l'enceinte de ces centres commerciaux, le cas échéant, lorsqu'un accès différencié à ces lieux ne peut être aménagé, sur présentation d'un justificatif de rendez-vous.
7. Il appartient, d'autre part, aux préfets, lorsqu'il existe un accès direct à des moyens de transport depuis un centre commercial dans lequel est exigé le passe sanitaire, de s'assurer, sous le contrôle du juge, que les personnes non détentrices de ce passe peuvent accéder à ces mêmes moyens de transport par des accès pour lesquels le passe n'est pas requis, situés à proximité immédiate de ce centre.
Sur les moyens de de la requête :
8. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu et ainsi qu'il a été dit au point 6, l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes fixant la liste des centres commerciaux du département, au nombre de six, dont l'accès est subordonné à la présentation d'un passe sanitaire, n'avait pas à garantir un accès des personnes aux biens et services de première et services de première nécessité proposés dans l'enceinte de ces centres dès lors qu'il est possible d'accéder à ces biens ou services dans des magasins ou établissements situés à une distance raisonnable de ces centres.
9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que contrairement à ce qui est soutenu, il existe de nombreux commerces susceptibles de permettre l'accès des personnes démunies de passe sanitaire aux biens et services de première nécessité à une distance raisonnable de chacun des six centres commerciaux concernés par l'arrêté contesté, alors même que les établissements visés se trouvent excentrés par rapport aux villes de Nice, Antibes et Mandelieu la Napoule intra muros.
10. En troisième lieu, le préfet des Alpes-Maritimes a par un premier arrêté, en date du 13 août 2021, compte tenu de la situation épidémiologique dans ce département, fixé la liste des grands magasins et centres commerciaux de ce département dont l'accès est subordonné à la présentation du passe sanitaire pour la période du 16 au 31 août 2021. Après réexamen et compte tenu de l'évolution de la situation sanitaire dans ce département, il a, par l'arrêté contesté du 31 août 2021, prolongé ces mesures jusqu'au 15 septembre. S'il ressort des éléments publiés sur le site du Gouvernement que le taux d'incidence est en diminution dans les Alpes-Maritimes (321,6 cas infectés pour 100 000 habitants le 29 août 2021 contre 757,8 cas au 30 juillet 2021, soit une diminution de plus de 57,5 %) tout comme le nombre moyen de nouvelles hospitalisations quotidiennes (18 cas au 1er septembre 2021 contre 27 le 9 août 2021) et le taux de positivité (2,9 % au 29 août 2021 contre 8,2 % au 28 juillet 2021) et s'il est constant que cette amélioration de la situation sanitaire, enregistrée également au niveau national, a permis que le passe sanitaire ne soit plus exigé, à compter du 8 septembre 2021, que dans 64 centres commerciaux contre 178 actuellement, le département des Alpes-Maritimes a continué à avoir un taux d'incidence supérieur à 200 cas pour 100 000 habitants et n'a franchi ce seuil à la baisse que le 10 septembre. Par suite en maintenant l'exigence de présentation d'un passe sanitaire pour pouvoir accéder aux centres commerciaux d'une superficie de plus de 20 000 m² situés dans le département des Alpes-Maritimes, pour une période allant jusqu'au 15 septembre 2021, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas, compte tenu de la situation sanitaire dans ce département, pris une mesure qui, en l'état de l'instruction, ne serait manifestement pas nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi de sauvegarde de la santé publique.
11. En quatrième lieu, l'exigence du passe sanitaire pour les salariés et l'éventuelle suspension de leur contrat de travail en cas de refus de présenter leur passe ne trouvent pas leur source dans l'arrêté contesté, mais dans l'application des dispositions de la loi du 5 août 2021 aux salariés travaillant dans une entreprise accueillant du public. Par suite, le moyen tiré de ce que les salariés des centres commerciaux ne pourraient plus exercer leur activité professionnelle ne peut pas être utilement invoqué à l'encontre de l'arrêté préfectoral litigieux.
12. En dernier lieu, la méconnaissance du principe d'égalité ne révèle pas par elle-même la méconnaissance d'une liberté fondamentale. En tout état de cause, l'obligation de présentation d'un passe sanitaire pour accéder à certains lieux, dès lors que ce dernier n'est pas limité au seul certificat de vaccination, ne crée aucune discrimination entre les personnes vaccinées et non vaccinées qui serait contraire au principe d'égalité et au règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 relatif à un cadre pour la délivrance et l'acceptation de certificats covid-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de Covid-19.
13. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté contesté n'a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées. La requête de Mme B... et autres doit par suite être rejetée.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de Mme B... et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B..., première requérante dénommée, et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
N° 456391
ECLI:FR:CEORD:2021:456391.20210913
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés, formation collégiale
Mme Christine Maugüé, rapporteur
SCP ZRIBI, TEXIER, avocats
Lecture du lundi 13 septembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme A... B... et les autres requérants mentionnés dans la requête ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté n° 2021-862 du 31 août 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a décidé de subordonner " dans le département des Alpes-Maritimes, l'accès aux centres-commerciaux d'une surface commerciale utile de plus de 20 000 m² (...) à la présentation du passe sanitaire ", du 1er septembre 2021 jusqu'au 15 septembre 2021 inclus. Par une ordonnance n° 2104574 du 3 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté leur requête.
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 et 13 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... et les autres requérants mentionnés dans la requête demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à leurs conclusions de première instance.
Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, l'arrêté attaqué est entré en vigueur le 1er septembre 2021 et s'appliquera jusqu'au 15 septembre 2021 inclus, en deuxième lieu, cet arrêté empêche une partie des citoyens, notamment les plus fragiles, d'accéder à des produits de première nécessité, en troisième lieu, il empêche de nombreux travailleurs exerçant au sein des établissements concernés de s'y rendre, et, en dernier lieu, il porte atteinte à l'équilibre financier de ces établissements ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- l'arrêté attaqué méconnaît la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 et le principe d'interdiction des mesures générales et absolues dès lors que, en premier lieu, le préfet ne justifie pas de la gravité des risques de contamination pour limiter l'accès aux centres commerciaux des Alpes-Maritimes, en deuxième lieu, il considère la condition d'accès aux biens et services de première nécessité comme remplie lorsqu'il existe une offre alternative dans le bassin de vie concerné, alors même que le législateur a décidé d'exclure cette mesure de compensation, et, en dernier lieu, en tout état de cause, il n'existe pas d'offre alternative de produits de première nécessité dans les bassins de vie concernés par cet arrêté ;
- cet arrêté porte atteinte à la liberté du travail des salariés exerçant leur activité au sein des établissements soumis à la présentation du " passe sanitaire " dès lors qu'il leur fait perdre de fait leur emploi et les prive de toute rémunération ;
- par voie d'exception, la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 méconnaît le règlement (UE) 2021/953 du 14 juin 2021 dès lors que ce dernier prévoit l'interdiction des discriminations fondées sur la possession d'une catégorie spécifique de certificat relatif à la lutte contre la Covid-19.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu le mémoire enregistré le 13 septembre 2021, présenté par le ministre des solidarités et de la santé ;
Vu le mémoire enregistré le 13 septembre 2021, présenté par Mme B... et autres ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021;
- la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021;
- le décret n°2021-1059 du 7 août 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme B... et autres, et d'autre part, le Premier ministre, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, ainsi que le ministre des solidarités et de la santé ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 13 septembre 2021, à 10 heures :
- Me Texier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B... et autres ;
- les représentants du ministre des solidarités et de la santé ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 13 septembre 2021 à 12 heures ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
2. Par un arrêté du 13 août 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a fixé la liste des centres commerciaux dont l'accès est subordonné à la présentation du passe sanitaire dans le département, pour la période du 16 au 31 août 2021. Par un arrêté du 31 août 2021, il a prolongé ces mesures jusqu'au 15 septembre 2021. Mme B... et les autres requérants font appel de l'ordonnance du 3 septembre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, à la suspension de l'arrêté du 31 août 2021 du préfet des Alpes-Maritimes.
Sur le cadre juridique applicable :
3. Aux termes du point II-A de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " A compter du 2 juin 2021 et jusqu'au 15 novembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 : (...) 2° Subordonner à la présentation soit du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 l'accès à certains lieux, établissements, services ou évènements où sont exercées les activités suivantes : / (...) f) Sur décision motivée du représentant de l'Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient, les grands magasins et centres commerciaux, au-delà d'un seuil défini par décret, et dans des conditions garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu'aux moyens de transport. / (...). " Aux termes du point IV du même article : " Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. Les mesures individuelles font l'objet d'une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent. "
4. Aux termes de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, tel que modifié par le décret du 7 août 2021 : " I. - Les personnes majeures doivent, pour être accueillies dans les établissements, lieux, services et évènements mentionnés aux II et III, présenter l'un des documents suivants : / 1° Le résultat d'un examen de dépistage, d'un test ou d'un autotest mentionné au 1° de l'article 2-2 réalisé moins de 72 heures avant l'accès à l'établissement, au lieu, au service ou à l'évènement. Les seuls tests antigéniques pouvant être valablement présentés pour l'application du présent 1° sont ceux permettant la détection de la protéine N du SARS-CoV-2 ; / 2° Un justificatif du statut vaccinal délivré dans les conditions mentionnées au 2° de l'article 2-2 ; / 3° Un certificat de rétablissement délivré dans les conditions mentionnées au 3° de l'article 2-2. / (...) II. - Les documents mentionnés au I doivent être présentés pour l'accès des participants, visiteurs, spectateurs, clients ou passagers aux établissements, lieux, services et évènements suivants : / (...) 7° Les magasins de vente et centres commerciaux, relevant du type M mentionné par le règlement pris en application de l'article R. 143-12 du code de la construction et de l'habitation, comportant un ou plusieurs bâtiments dont la surface commerciale utile cumulée calculée est supérieure ou égale à vingt mille mètres carrés, sur décision motivée du représentant de l'Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient et dans des conditions garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu'aux moyens de transport. / La surface mentionnée au précédent alinéa est calculée dans les conditions suivantes : / (...) b) Il faut entendre par magasin de vente ou centre commercial tout établissement comprenant un ou plusieurs ensembles de magasins de vente, y compris lorsqu'ils ont un accès direct indépendant, notamment par la voie publique, et éventuellement d'autres établissements recevant du public pouvant communiquer entre eux, qui sont, pour leurs accès et leur évacuation, tributaires de mails clos. (...). "
5. Les dispositions précitées du point II A 2° f) de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 modifiée, reprises au point II 7° de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021 modifié, relatives à la garantie de l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi que, le cas échéant, aux moyens de transport, n'imposent pas d'assurer cette garantie au regard de ceux se trouvant dans l'enceinte des grands magasins et centres commerciaux dans lesquels est exigé le passe sanitaire.
6. Il appartient en revanche aux préfets, d'une part, de s'assurer, sous le contrôle du juge, que les usagers des centres commerciaux concernés ont la possibilité d'accéder à des biens et services de première nécessité, en particulier alimentaires et de santé, dans des magasins ou établissements situés à une distance raisonnable de ces centres, appréciée au regard de la densité urbaine et des moyens de transport disponibles. Il appartient également aux préfets, ainsi au demeurant que le ministre des solidarités et de la santé les y a invités, de permettre à toutes les personnes, y compris celles non détentrices d'un passe sanitaire, l'accès aux lieux de soins situés dans l'enceinte de ces centres commerciaux, le cas échéant, lorsqu'un accès différencié à ces lieux ne peut être aménagé, sur présentation d'un justificatif de rendez-vous.
7. Il appartient, d'autre part, aux préfets, lorsqu'il existe un accès direct à des moyens de transport depuis un centre commercial dans lequel est exigé le passe sanitaire, de s'assurer, sous le contrôle du juge, que les personnes non détentrices de ce passe peuvent accéder à ces mêmes moyens de transport par des accès pour lesquels le passe n'est pas requis, situés à proximité immédiate de ce centre.
Sur les moyens de de la requête :
8. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu et ainsi qu'il a été dit au point 6, l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes fixant la liste des centres commerciaux du département, au nombre de six, dont l'accès est subordonné à la présentation d'un passe sanitaire, n'avait pas à garantir un accès des personnes aux biens et services de première et services de première nécessité proposés dans l'enceinte de ces centres dès lors qu'il est possible d'accéder à ces biens ou services dans des magasins ou établissements situés à une distance raisonnable de ces centres.
9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que contrairement à ce qui est soutenu, il existe de nombreux commerces susceptibles de permettre l'accès des personnes démunies de passe sanitaire aux biens et services de première nécessité à une distance raisonnable de chacun des six centres commerciaux concernés par l'arrêté contesté, alors même que les établissements visés se trouvent excentrés par rapport aux villes de Nice, Antibes et Mandelieu la Napoule intra muros.
10. En troisième lieu, le préfet des Alpes-Maritimes a par un premier arrêté, en date du 13 août 2021, compte tenu de la situation épidémiologique dans ce département, fixé la liste des grands magasins et centres commerciaux de ce département dont l'accès est subordonné à la présentation du passe sanitaire pour la période du 16 au 31 août 2021. Après réexamen et compte tenu de l'évolution de la situation sanitaire dans ce département, il a, par l'arrêté contesté du 31 août 2021, prolongé ces mesures jusqu'au 15 septembre. S'il ressort des éléments publiés sur le site du Gouvernement que le taux d'incidence est en diminution dans les Alpes-Maritimes (321,6 cas infectés pour 100 000 habitants le 29 août 2021 contre 757,8 cas au 30 juillet 2021, soit une diminution de plus de 57,5 %) tout comme le nombre moyen de nouvelles hospitalisations quotidiennes (18 cas au 1er septembre 2021 contre 27 le 9 août 2021) et le taux de positivité (2,9 % au 29 août 2021 contre 8,2 % au 28 juillet 2021) et s'il est constant que cette amélioration de la situation sanitaire, enregistrée également au niveau national, a permis que le passe sanitaire ne soit plus exigé, à compter du 8 septembre 2021, que dans 64 centres commerciaux contre 178 actuellement, le département des Alpes-Maritimes a continué à avoir un taux d'incidence supérieur à 200 cas pour 100 000 habitants et n'a franchi ce seuil à la baisse que le 10 septembre. Par suite en maintenant l'exigence de présentation d'un passe sanitaire pour pouvoir accéder aux centres commerciaux d'une superficie de plus de 20 000 m² situés dans le département des Alpes-Maritimes, pour une période allant jusqu'au 15 septembre 2021, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas, compte tenu de la situation sanitaire dans ce département, pris une mesure qui, en l'état de l'instruction, ne serait manifestement pas nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi de sauvegarde de la santé publique.
11. En quatrième lieu, l'exigence du passe sanitaire pour les salariés et l'éventuelle suspension de leur contrat de travail en cas de refus de présenter leur passe ne trouvent pas leur source dans l'arrêté contesté, mais dans l'application des dispositions de la loi du 5 août 2021 aux salariés travaillant dans une entreprise accueillant du public. Par suite, le moyen tiré de ce que les salariés des centres commerciaux ne pourraient plus exercer leur activité professionnelle ne peut pas être utilement invoqué à l'encontre de l'arrêté préfectoral litigieux.
12. En dernier lieu, la méconnaissance du principe d'égalité ne révèle pas par elle-même la méconnaissance d'une liberté fondamentale. En tout état de cause, l'obligation de présentation d'un passe sanitaire pour accéder à certains lieux, dès lors que ce dernier n'est pas limité au seul certificat de vaccination, ne crée aucune discrimination entre les personnes vaccinées et non vaccinées qui serait contraire au principe d'égalité et au règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 relatif à un cadre pour la délivrance et l'acceptation de certificats covid-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de Covid-19.
13. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté contesté n'a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées. La requête de Mme B... et autres doit par suite être rejetée.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme B... et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B..., première requérante dénommée, et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.