Conseil d'État
N° 446662
ECLI:FR:CECHR:2021:446662.20210621
Publié au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Carine Chevrier, rapporteur
Lecture du lundi 21 juin 2021
Vu la procédure suivante :
Par un jugement n° 1905192 du 19 novembre 2020, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Rennes, avant de statuer sur la demande de l'association La Nature en Ville et du collectif Les Citoyens Affranchis tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 3 avril 2019 par lequel le maire de Rennes a délivré à Rennes métropole un permis d'aménager la voirie de l'avenue Janvier ainsi que de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux dirigé contre ce permis et de l'arrêté du 17 septembre 2019 autorisant l'abattage de quatre arbres, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat en soumettant à son examen les questions suivantes :
1°) La légalité d'un permis d'aménager portant sur des travaux impliquant l'abattage d'arbres inclus dans une allée ou un alignement d'arbres bordant une voie de communication peut-elle être directement appréciée au regard des dispositions de l'article L. 350-3 du code de l'environnement '
2°) Dans l'affirmative, le permis d'aménager peut-il être regardé comme valant par lui-même dérogation accordée par l'autorité administrative compétente sur le fondement de l'article L. 350-3 du code de l'environnement, ou sa délivrance doit-elle être différée, dans l'attente de celle de la dérogation, en particulier lorsque l'autorité compétente à cet égard n'est pas celle qui délivre le permis '
Des observations, enregistrées les 7 décembre 2020 et 4 mai 2021, ont été présentées par l'association La Nature en Ville.
Des observations, enregistrées les 15 décembre 2020 et 3 mars 2021, ont été présentées par la commune de Rennes.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 ;
- le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme A... B..., conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;
REND L'AVIS SUIVANT
1. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. " Aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. Ces prescriptions spéciales tiennent compte, le cas échéant, des mesures mentionnées à l'article R. 181-43 du code de l'environnement. " Aux termes de l'article R. 111-27 du même code : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. "
2. L'article 172 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a inséré au code de l'environnement un article L. 350-3 aux termes duquel : " Les allées d'arbres et alignements d'arbres qui bordent les voies de communication constituent un patrimoine culturel et une source d'aménités, en plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité et, à ce titre, font l'objet d'une protection spécifique. Ils sont protégés, appelant ainsi une conservation, à savoir leur maintien et leur renouvellement, et une mise en valeur spécifiques. / Le fait d'abattre, de porter atteinte à l'arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l'aspect d'un ou de plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres est interdit, sauf lorsqu'il est démontré que l'état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou un danger sanitaire pour les autres arbres ou bien lorsque l'esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d'autres mesures. / Des dérogations peuvent être accordées par l'autorité administrative compétente pour les besoins de projets de construction. / Le fait d'abattre ou de porter atteinte à l'arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l'aspect d'un ou de plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres donne lieu, y compris en cas d'autorisation ou de dérogation, à des mesures compensatoires locales, comprenant un volet en nature (plantations) et un volet financier destiné à assurer l'entretien ultérieur ".
3. Il résulte des dispositions de cet article L. 350-3 du code de l'environnement que le fait d'abattre ou de porter atteinte à un ou à plusieurs des arbres qui composent une allée ou un alignement d'arbres le long des voies de communication est interdit, sauf si l'abattage ou l'atteinte est nécessaire pour des motifs sanitaires, mécaniques ou esthétiques ou s'il a été autorisé, à titre dérogatoire, pour la réalisation d'un projet de construction. L'abattage ou l'atteinte portée à un ou plusieurs arbres composant une allée ou un alignement doit donner lieu à des mesures compensatoires locales.
4. Lorsqu'un permis de construire ou d'aménager ou une décision de non-opposition à déclaration préalable porte sur un projet de construction impliquant l'atteinte ou l'abattage d'un ou plusieurs arbres composant une allée ou un alignement le long d'une voie de communication, il résulte des dispositions combinées des articles L. 421-6, R. 111-26 et R. 111-27 du code de l'urbanisme et de l'article L. 350-3 du code de l'environnement que l'autorisation d'urbanisme ou la décision de non-opposition à déclaration préalable vaut octroi de la dérogation prévue par le troisième alinéa de l'article L. 350-3 du code de l'environnement. Il appartient à l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme ou statuer sur la déclaration préalable de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la nécessité de l'abattage ou de l'atteinte portée aux arbres pour les besoins du projet de construction ainsi que de l'existence de mesures de compensation appropriées et suffisantes à la charge du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Rennes, à l'association Nature en Ville, au collectif Les Citoyens Affranchis, à la commune de Rennes, à Rennes métropole, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la ministre de la transition écologique.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.
N° 446662
ECLI:FR:CECHR:2021:446662.20210621
Publié au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Carine Chevrier, rapporteur
Lecture du lundi 21 juin 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
Vu la procédure suivante :
Par un jugement n° 1905192 du 19 novembre 2020, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Rennes, avant de statuer sur la demande de l'association La Nature en Ville et du collectif Les Citoyens Affranchis tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 3 avril 2019 par lequel le maire de Rennes a délivré à Rennes métropole un permis d'aménager la voirie de l'avenue Janvier ainsi que de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux dirigé contre ce permis et de l'arrêté du 17 septembre 2019 autorisant l'abattage de quatre arbres, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat en soumettant à son examen les questions suivantes :
1°) La légalité d'un permis d'aménager portant sur des travaux impliquant l'abattage d'arbres inclus dans une allée ou un alignement d'arbres bordant une voie de communication peut-elle être directement appréciée au regard des dispositions de l'article L. 350-3 du code de l'environnement '
2°) Dans l'affirmative, le permis d'aménager peut-il être regardé comme valant par lui-même dérogation accordée par l'autorité administrative compétente sur le fondement de l'article L. 350-3 du code de l'environnement, ou sa délivrance doit-elle être différée, dans l'attente de celle de la dérogation, en particulier lorsque l'autorité compétente à cet égard n'est pas celle qui délivre le permis '
Des observations, enregistrées les 7 décembre 2020 et 4 mai 2021, ont été présentées par l'association La Nature en Ville.
Des observations, enregistrées les 15 décembre 2020 et 3 mars 2021, ont été présentées par la commune de Rennes.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 ;
- le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme A... B..., conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;
REND L'AVIS SUIVANT
1. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. " Aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. Ces prescriptions spéciales tiennent compte, le cas échéant, des mesures mentionnées à l'article R. 181-43 du code de l'environnement. " Aux termes de l'article R. 111-27 du même code : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. "
2. L'article 172 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a inséré au code de l'environnement un article L. 350-3 aux termes duquel : " Les allées d'arbres et alignements d'arbres qui bordent les voies de communication constituent un patrimoine culturel et une source d'aménités, en plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité et, à ce titre, font l'objet d'une protection spécifique. Ils sont protégés, appelant ainsi une conservation, à savoir leur maintien et leur renouvellement, et une mise en valeur spécifiques. / Le fait d'abattre, de porter atteinte à l'arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l'aspect d'un ou de plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres est interdit, sauf lorsqu'il est démontré que l'état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou un danger sanitaire pour les autres arbres ou bien lorsque l'esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d'autres mesures. / Des dérogations peuvent être accordées par l'autorité administrative compétente pour les besoins de projets de construction. / Le fait d'abattre ou de porter atteinte à l'arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l'aspect d'un ou de plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres donne lieu, y compris en cas d'autorisation ou de dérogation, à des mesures compensatoires locales, comprenant un volet en nature (plantations) et un volet financier destiné à assurer l'entretien ultérieur ".
3. Il résulte des dispositions de cet article L. 350-3 du code de l'environnement que le fait d'abattre ou de porter atteinte à un ou à plusieurs des arbres qui composent une allée ou un alignement d'arbres le long des voies de communication est interdit, sauf si l'abattage ou l'atteinte est nécessaire pour des motifs sanitaires, mécaniques ou esthétiques ou s'il a été autorisé, à titre dérogatoire, pour la réalisation d'un projet de construction. L'abattage ou l'atteinte portée à un ou plusieurs arbres composant une allée ou un alignement doit donner lieu à des mesures compensatoires locales.
4. Lorsqu'un permis de construire ou d'aménager ou une décision de non-opposition à déclaration préalable porte sur un projet de construction impliquant l'atteinte ou l'abattage d'un ou plusieurs arbres composant une allée ou un alignement le long d'une voie de communication, il résulte des dispositions combinées des articles L. 421-6, R. 111-26 et R. 111-27 du code de l'urbanisme et de l'article L. 350-3 du code de l'environnement que l'autorisation d'urbanisme ou la décision de non-opposition à déclaration préalable vaut octroi de la dérogation prévue par le troisième alinéa de l'article L. 350-3 du code de l'environnement. Il appartient à l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme ou statuer sur la déclaration préalable de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la nécessité de l'abattage ou de l'atteinte portée aux arbres pour les besoins du projet de construction ainsi que de l'existence de mesures de compensation appropriées et suffisantes à la charge du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Rennes, à l'association Nature en Ville, au collectif Les Citoyens Affranchis, à la commune de Rennes, à Rennes métropole, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la ministre de la transition écologique.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.