Conseil d'État
N° 437076
ECLI:FR:CECHS:2021:437076.20210505
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre
M. Charles-Emmanuel Airy, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
Lecture du mercredi 5 mai 2021
Vu la procédure suivante :
La société à responsabilité limitée (SARL) Divali a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre du mois d'avril 2015 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1603715 du 5 octobre 2018, ce tribunal a prononcé la décharge sollicitée.
Par un arrêt n° 18MA04481 du 7 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 24 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Divali, qui exerce une activité de marchand de biens, a procédé à la cession de deux parcelles situées sur le territoire de la commune de Villeneuve-lès-Avignon (Gard) issues de la division d'une parcelle unique sur laquelle était édifiée, à la date de l'acquisition, un immeuble d'habitation qu'elle a vendu séparément. Elle a, dans les déclarations qu'elle a souscrites au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, estimé pouvoir faire application à ces opérations du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. La société a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge au titre du mois d'avril 2015, à raison de la remise en cause du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge dont elle avait fait application. Par un jugement du 5 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités correspondantes. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 novembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.
2. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.
3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain(...); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués. ".
4. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment.
5. Il suit de là que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en jugeant qu'il résultait des dispositions des articles 268 du code général des impôts et 392 de la directive du 28 novembre 2006 que le bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge était subordonné à la seule condition que l'acquisition du bien cédé n'ait pas ouvert droit à déduction de la taxe et en jugeant sans incidence sur sa mise en oeuvre la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification du bien en cause aient été modifiées entre son acquisition et sa vente.
6. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 7 novembre 2019 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société à responsabilité limitée Divali.
N° 437076
ECLI:FR:CECHS:2021:437076.20210505
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre
M. Charles-Emmanuel Airy, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
Lecture du mercredi 5 mai 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société à responsabilité limitée (SARL) Divali a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre du mois d'avril 2015 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1603715 du 5 octobre 2018, ce tribunal a prononcé la décharge sollicitée.
Par un arrêt n° 18MA04481 du 7 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 24 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Divali, qui exerce une activité de marchand de biens, a procédé à la cession de deux parcelles situées sur le territoire de la commune de Villeneuve-lès-Avignon (Gard) issues de la division d'une parcelle unique sur laquelle était édifiée, à la date de l'acquisition, un immeuble d'habitation qu'elle a vendu séparément. Elle a, dans les déclarations qu'elle a souscrites au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, estimé pouvoir faire application à ces opérations du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. La société a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge au titre du mois d'avril 2015, à raison de la remise en cause du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge dont elle avait fait application. Par un jugement du 5 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités correspondantes. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 novembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.
2. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.
3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain(...); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués. ".
4. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment.
5. Il suit de là que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en jugeant qu'il résultait des dispositions des articles 268 du code général des impôts et 392 de la directive du 28 novembre 2006 que le bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge était subordonné à la seule condition que l'acquisition du bien cédé n'ait pas ouvert droit à déduction de la taxe et en jugeant sans incidence sur sa mise en oeuvre la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification du bien en cause aient été modifiées entre son acquisition et sa vente.
6. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 7 novembre 2019 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société à responsabilité limitée Divali.